Épisode 220 – TDAH : Briser les stéréotypes avec Nader Perroud

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Il y a bientôt un an, j’ai été diagnostiquée avec un TDAH qui est un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité et impulsivité.

C’est une découverte qui a littéralement changé ma vie. Ça a été le début d’une longue recherche d’informations pour comprendre ce trouble, et c’est à ce moment-là que je suis tombée sur un professeur suisse spécialisé sur le TDAH et les femmes.

Révélation.

Nader Perou est psychiatre, chercheur spécialisé dans ce trouble.

Pourquoi est-ce que cet épisode est important? 

Parce que 5% de la population mondiale est touchée par cette atypie, ce qui représente en France pas moins de 3 400 000 personnes. Vous connaissez donc forcément quelqu’un qui souffre de ce problème. Et nous les femmes sommes la catégorie la moins diagnostiquée.
Dans cet épisode vous comprendrez comment se manifeste le TDAH, le lien avec nos hormones, la difficulté extrêmement présente d’être parent avec ce trouble, l’hérédité et bien plus encore.

Si vous découvrez ce trouble ou si vous avez déjà des symptômes de ce trouble, le TDH, alors cet épisode est fait pour vous.
Si jamais ce n’est pas le cas mais vous posez plein de questions, alors cet épisode est fait pour vous.
Si vous pensez avoir un ou une proche qui est atteint de ce trouble, alors cet épisode est fait pour vous. 
Si vous inquiétez simplement pour peut-être vous ou votre enfant, alors cet épisode est fait pour vous.

Vraiment, vous allez découvrir pendant un peu plus d’une heure vingt ce monde incroyable du TDAH, de ses super pouvoirs, mais aussi des difficultés qui l’engendrent dans la sphère familiale et la sphère professionnelle.

🗣️ Au programme :

🧠 Introduction au TDAH (00:00 – 10:01)
🔬 Diagnostic et manifestations du TDAH (10:01 – 19:39)
👩‍👧 TDAH chez les femmes et la maternité (19:41 – 31:23)
🧪 Traitement et gestion du TDAH (31:23 – 41:53)
💑 Impact du TDAH sur la vie sociale et familiale (41:53 – 53:16)
🎭 Aspects positifs et défis du TDAH (53:16 – 01:02:01)
🗒️ Gestion du TDAH au quotidien (01:02:02 – 01:13:29)
🌍 TDAH dans la société moderne (01:13:30 – 01:23:22)

TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Il y a bientôt un an, j’ai été diagnostiquée avec un TDAH qui est un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité et impulsivité. C’est une découverte qui a littéralement changé ma vie. Ça a été le début d’une longue recherche d’informations pour comprendre ce trouble, et c’est à ce moment-là que je suis tombée sur un professeur suisse spécialisé sur le TDAH et les femmes. Révélation. Nader Perroud est psychiatre, chercheur spécialisé dans ce trouble. Il est professeur à l’université de Genève, et depuis 15 ans, il s’efforce de faire passer ce savoir aux professionnels de santé. Il est co-auteur du livre « Manuel de l’hyperactivité et du déficit de l’attention ». Notre cycle féminin impacte le TDAH, nos grossesses, nos postpartums impactent également le TDAH. Être une femme et avoir un trouble neuro-développemental est un sujet en soi. Pourquoi est-ce que cet épisode est important ? 

Parce que 5% de la population mondiale est touchée par cette atypie, ce qui représente en France pas moins de 3 400 000 personnes. Vous connaissez donc forcément quelqu’un qui souffre de ce problème. Et nous les femmes sommes la catégorie la moins diagnostiquée. Dans cet épisode vous comprendrez comment se manifeste le TDAH, le lien avec nos hormones, la difficulté extrêmement présente d’être parent avec ce trouble, l’hérédité et bien plus encore. Si vous découvrez ce trouble ou si vous avez déjà des symptômes de ce trouble, le TDAH, alors cet épisode est fait pour vous. Si jamais ce n’est pas le cas mais vous posez plein de questions, alors cet épisode est fait pour vous. Si vous pensez avoir un ou une proche qui est atteint de ce trouble, alors cet épisode est fait pour vous. 

Si vous inquiétez simplement pour peut-être vous ou votre enfant, alors cet épisode est fait pour vous. Vraiment, vous allez découvrir pendant un peu plus d’une heure vingt ce monde incroyable du TDAH, de ses super pouvoirs, mais aussi des difficultés qui l’engendrent dans la sphère familiale et la sphère professionnelle. J’ai passé une heure et demie incroyable avec Nader Perroud. Je le remercie infiniment d’avoir accepté mon invitation. J’ai appris beaucoup sur moi-même, sur ce trouble qui me rend un peu différente et qui rend différent plein de gens autour de moi. Et je pense que c’est très important de faire passer ce savoir autour de vous. Alors n’hésitez pas à l’envoyer, le faire partager autour de vous, à vos proches, à vos collègues, à vos amis, à votre famille, parce qu’il est important que les femmes sortent de la mésinformation ou en tout cas du sous-diagnostic et qu’elles comprennent comment elles fonctionnent si jamais elles sont atteintes de ce trouble. Merci, prenez soin de vous. Je vous souhaite une très bonne écoute. 

Bonjour Nader et bienvenue dans le podcast de La Matrescence. Merci beaucoup d’avoir fait le petit déplacement jusque dans un studio de Genève. On est à distance, mais je suis ravie de vous recevoir. 

Merci, bonjour. Merci pour l’invitation. 

Alors, on est en direct de la Suisse. C’est la première fois que je reçois quelqu’un qui vient de Suisse, parce que j’ai reçu beaucoup de Québécois, de Belges, mais je continue dans le monde francophone. 

Enfin, Suisse-Romande, parce qu’à la Suisse, il y a aussi des Suisses-Allemands et des Tessinois. 

C’est vrai, vous êtes polyglotte. J’ai une première question. Pourquoi est-ce que vous avez voulu devenir psychiatre ? 

C’est un choix par défaut. Ce n’était pas tout à fait mon choix à la base. C’est que j’étais tellement turbulent moi-même, étant donné que j’ai un TDAH, que je me suis fait virer de l’université, et j’ai dû partir en périphérie faire, grosso modo, des soins d’ambulance, d’urgence, et autres en périphérie de Genève, c’était à Port-en-Trouille en l’occurrence, et j’ai pu revenir à Genève en psychiatrie, c’était le seul endroit où on m’acceptait, étant donné mon comportement turbulent et dérangeant pour l’université. Puis j’ai pu revenir en fait à l’université, aux hôpitaux universitaires, via en fait un manque de médecins sur Genève. Donc la psychiatrie a été un choix par défaut qui m’a été imposé étant donné que je suis insupportable comme individu. 

Donc en fait vous êtes venu à vous intéresser au TDAH parce que vous-même vous l’expérimentez et c’est comme ça que vous êtes penché sur le sujet en tant que médecin ou il y a eu une autre raison ? 

Alors non pas vraiment, je connaissais pas le TDAH en fait, quand je suis revenu c’était une pathologie qui n’existait pas chez l’adulte à mon époque, en tout cas qu’on ne connaissait pas, j’avais jamais eu aucun enseignement. En fait j’y suis venu par hasard parce que j’ai été intéressée tout d’abord dans le suicide. Et donc j’ai fait des études sur le comportement suicidaire. Et donc je me suis intéressé au trouble de personnalité border line, un trouble fréquemment rencontré en population générale. Et puis, l’un dans l’autre, dans les… Enfin, chez les personnes qui souffrent de ce trouble, il y a une grosse comorbidité avec le TDAH. Et donc petit à petit, je me suis intéressé au TDAH que je ne connaissais pas. Et puis, c’est comme ça que petit à petit, on a monté une unité pour le TDAH adulte à Genève. Voilà, un peu miraculeusement, on va dire ça comme ça. Et puis, c’est là que je me suis découvert quelque part. Je me suis dit, ben ça, ça, c’est moi. 

C’était il y a combien de temps ? 

Alors là, on va dire ça fait il y a 15 ans, quelque chose comme ça, à peu près. Ça a été monté. Au début, il y avait un docteur qui s’appelait le docteur Patrick Beau, qui s’était intéressé à ça, puis qui m’a formé. Ensuite, je suis allée me former à Londres et on a monté la consultation de TDAH à Genève. Qui a, à mon avis, est la première consultation de TDAH adultes francophones, je crois. Je ne sais même pas si ça existait déjà au Canada, peut-être, mais en tout cas, il n’y avait pas beaucoup de consultations de TDAH adultes à travers le monde francophone. 

Alors si on s’intéresse au TDAH particulièrement aujourd’hui, c’est parce que mon public est une audience de femmes, quasiment, mères, et il y a une grande corrélation, parfois vous nous l’expliquerez, entre le postpartum, la grossesse, tout ça, ça influe sur le TDAH. Mais déjà c’est quoi le TDAH ? Pourquoi il y a ce nom barbare et à quoi ça correspond ? 

Alors TDAH c’est une abréviation pour trouble déficit d’attention avec ou sans hyperactivité. On aime bien les acronymes en psychiatrie, il n’y a pas que pour le TDAH, il y a le TSA par exemple qui est trouble du spectre autistique, il y a le PTSD qui est Post Traumatic Stress Disorder, donc TDAH c’est trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité. C’est un trouble qui est défini dans des manuels de pathologie mentale, donc le DSM-5 ou la CIM-11. C’est de nouveau des acronymes, mais c’est des manuels de diagnostic de pathologie mentale. Et puis il y a des symptômes attentionnels, de difficultés d’attention et des symptômes qui décrivent plutôt l’hyperactivité et ou l’impulsivité de ces sujets. Puis il faut un certain nombre de symptômes pour souffrir du trouble. Et il faut que ces symptômes provoquent un handicap dans le fonctionnement de la personne dans au moins deux domaines de sa vie. Donc on suit grosso modo le manuel. 

Il y a combien de personnes dans le monde qui sont touchées par le TDAH ? 

Chez les enfants, il y a à peu près 5 à 6% de la population générale. Après, c’est variable de pays en pays, mais pas trop. Si on fait dans les pays où il y a la moins grande prévalence, on est plutôt autour des 2% jusqu’à 6%. Dans les pays où il y a la plus haute prévalence chez les enfants et chez les adultes, c’est plutôt autour des 3-4%. 

OK, donc c’est quand même un taux régulier dans le monde entier au final. Ce n’est pas un pays ou les pays développés plus que d’autres ?

Non, pas de ce qu’on sait en tout cas, parce que c’est une pathologie qui est très héréditaire. Il y a une forte composante génétique dans le trouble. C’est 80% d’héritabilité et on pense que c’est peu dépendant de facteurs environnementaux. Après, on a peu de données dans des pays à faibles revenus économiques, faibles revenus finalement qui sont ou en voie de développement, dans le sens que ces pays-là ne font pas tellement d’études épidémiologiques sur les pathologies psychiatriques, donc on ne sait pas trop quelle est la prévalence du TDAH dans ces pays-là. Mais de manière générale, que l’on soit dans des pays à fort pouvoir économique ou des pays à faible pouvoir économique, on a à peu près la même prévalence tant chez l’enfant que chez l’adulte. 

C’est quoi les symptômes exactement du TDAH ? C’est un spectre, c’est ça ?

On peut avoir que des symptômes de difficultés d’attention. Alors qu’est-ce que c’est la difficulté d’attention ? C’est une difficulté de porter attention aux détails. Donc ça va être oublier de retourner une feuille lorsqu’on rend une épreuve et puis que c’était écrit en bas, attention, retourner la page, il y a un recto et un verso et on rend l’épreuve et on a fait que la moitié de l’épreuve. Ça peut être quand on fait une recette par exemple de confondre millilitres et centilitres et puis à la place de faire une mousse au chocolat, on fait une crème au chocolat. Ça peut être d’autres choses de ce type-là. Il y a des difficultés d’attention soutenues. C’est la difficulté de rester longtemps concentré sur une tâche. Donc l’attention, on ne sait pas où elle part.

Mais le classique, c’est la personne qui dit moi, je peux lire un livre. Je lis trois pages. Je ne sais pas ce que j’ai lu. Je ne sais pas qui est Paul. Je ne sais pas qui est Virginie. Je ne sais pas pourquoi ils sont dans ce château. Ce n’est pas forcément parce que la personne a été distraite, mais c’est que la tension a disparu. Généralement, c’est assez variable, mais chez les personnes avec TDAH, l’attention est d’environ 5 à 20 minutes. Donc au bout d’un moment, ça lâche, ça part. C’est le côté rêveur un peu dans la lune qui est décrit chez les enfants qui ont ce trouble. Après il y a les pertes d’objets, les oublis. Quelqu’un qui a un TDA perd souvent ses clés, perd souvent ses objets, ne sait pas où il les a mis.

Alors moi je crois que j’ai perdu 250 fois mes clés et mon téléphone, que je retrouve. C’est pas que c’est perdu définitivement, je les retrouve dans le jardin, je les retrouve dans mes chaussures. Je ne sais pas pourquoi c’est là, mais je suis distrait par autre chose. Donc la distractibilité est aussi un des symptômes, c’est-à-dire que je pense à autre chose quand je fais quelque chose qui fait que je suis constamment pas en train d’écouter mon interlocuteur, je n’écoute pas les informations qui me sont données, donc je ne suis pas forcément les consignes qu’on m’a demandé de faire, donc je fais des choses un peu de désordre dans tous les sens. Alors comme ça, ça peut paraître marrant et on peut tous se reconnaître là-dedans, mais il faut imaginer que c’est quelque chose qui doit être quand même répété, récurrent et qui caractérise l’individu. 

C’est pas parce que je perds une fois mes clés que j’ai ce symptôme-là. En l’occurrence, il faut les perdre plusieurs fois avec des conséquences quand même alors clés. Ça peut être aussi téléphone ou d’autres objets qu’on a besoin au quotidien. Après, il y a les difficultés de planification et d’organisation, donc c’est une difficulté de planifier dans le futur. Quelqu’un qui a un TDAH est très dépendant de la récompense immédiate. Il aime bien que les choses soient faites rapidement, le plus condensé possible, tout en une fois. Cette personne aura de la peine à séquencer, planifier des petites séquences dans le temps, dans la semaine, dans le mois et autres. 

Et en gros les choses ne sont pas faites, parce que comme pour la personne il n’y a pas de récompense immédiate à faire la tâche, finalement il ne la fait pas, ou elle ne la fait pas. Et donc la personne va procrastiner. La procrastination est quelque chose qui est quasi constant chez les personnes qui ont un TDAH. Ils vont préférer une tâche à récompense immédiate qu’une tâche qui demande un effort mental soutenu ou à ce moment je le fais sous stress à l’arrache au dernier moment parce que sous stress je suis plus performant. On peut évidemment se reconnaître, alors de nouveau on peut se reconnaître si ça marche et que c’est efficace, on s’en fout, Mais si ça pose un problème dans le fonctionnement de la personne, c’est problématique. Typiquement, planifier les vacances, c’est le classique. 

Les personnes avec un TDAH vont planifier extrêmement en retard ou planifient sans vérifier que tout est OK pour la personne ou le conjoint ou toute la famille ou la conjointe. Et donc, on se retrouve à planifier des vacances. Au moment où j’avais une patiente, c’était un patient en l’occurrence, qui planifiait des vacances complètement content, il part, il va voir qu’il y a une offre pour partir en Italie. Il dit, c’est génial, on va prendre l’offre pour partir en Italie. Il prend l’offre, il rentre chez lui, il raconte à sa femme, c’est génial, j’ai planifié les vacances. Il avait oublié demander à sa femme si elle avait pris ses vacances durant cette période-là et il s’est fait engueuler, etc. Donc, en fait, ça amène à des conflits parce que la planification n’est pas correcte. 

Donc, on fait tout sur un coup de tête, au dernier moment, à l’arrache, sous stress. Après il y a aussi, voilà, ça c’est pour les difficultés d’attention, on peut plus ou moins s’y reconnaître, mais il faut imaginer qu’il y a une difficulté d’estimer de manière assez fine le temps à attribuer à une tâche. Généralement quelqu’un qui a un TDAH veut tout faire dans une heure. Donc on peut aller voir son médecin, on peut aller faire des courses, ou bien je sais pas, aller faire des achats, et en plus aller voir sa mère ou son père, tout dans une heure. Ce qui n’est pas possible, mais pour quelqu’un qui a un TDAH, il est convaincu qu’il est capable de le faire. Donc ça c’est un peu les difficultés de planification et d’organisation des tâches. Voilà.

Est-ce que le TDAH, on peut dire que c’est un spectre, c’est-à-dire que tout le monde n’a pas les mêmes symptômes, on varie en fonction de ce qu’on a ou tout le monde a exactement le même schéma de fonctionnement ? 

Non, alors c’est un spectre un peu comme le spectre autistique, dans le sens qu’il y a des gens qui vont avoir une sévérité plus ou moins importante et d’autres qui vont présenter tout un panel de symptômes, l’ensemble des symptômes et d’autres parts. Donc c’est en effet un spectre, il y a des gens qui vont aussi avoir des capacités à mettre en place des mécanismes adaptatifs, qui peuvent permettre d’aller assez loin dans la vie sans forcément en souffrir enfant. C’est pour ça que les symptômes n’étaient pas là, mais en fait, ils n’étaient pas handicapants. Puis l’handicap vient plus tard. Typiquement procrastiner ou faire les choses tout au dernier moment, si je vis seul et puis que je suis assez smart, on va dire avec un QI haut, ça ne pose aucun problème.

Je peux travailler le soir, je peux faire tout, rattraper les tâches que je n’ai pas faites administratives le week-end et autres. Le jour où je mets en couple, ce n’est plus possible. Parce que je peux plus dire à mon conjoint ou à ma conjointe, bah écoute, en plus cet après-midi là, j’ai pas fait les tâches que je devais faire au boulot parce que je regardais YouTube ou ce qu’on veut. Et en gros, samedi après-midi, ce qu’on avait prévu, on le fait pas parce qu’il faut que je rattrape les tâches que j’ai pas faites. Bah ça joue plus. Donc en gros, ça peut apparaître assez tardivement. Donc ça va dépendre aussi de ça. 

Est-ce qu’il y a des symptômes qui diffèrent en fonction des hommes ou des femmes ? 

Oui, alors ce qu’on n’a pas évoqué, ce que j’ai décrit tout à l’heure, c’est les difficultés à l’attention et on a aussi une autre variante qui est l’hyperactivité et l’impulsivité, c’est le même trouble. Mais l’hyperactivité va se traduire par une difficulté de rester tranquille, un besoin de bouger beaucoup, de parler beaucoup, de prendre de la place sur l’autre. C’est des gens qui peuvent envahir l’espace d’autrui. Il y a une tendance à interrompre constamment la parole. Chez l’adulte, alors chez l’enfant, ça va être le petit turbulent qui va ou la petite turbulente qui va bouger tout le temps et puis prendre les objets de ses camarades de classe sans le demander ou qui interrompt constamment l’instituteur en classe en disant « moi je sais ». Donc une difficulté de rester tranquille. Chez l’adulte, ça va s’intérioriser. 

Et puis ça va plutôt être une difficulté de rester tranquille. Si je suis dans une réunion qui est ennuyeuse, il va falloir que je bouge. Je vais commencer à bouger les jambes, je vais commencer à ronger les ongles, jouer avec les cheveux. Alors maintenant il y a heureusement des téléphones et puis des ordinateurs sur lesquels on peut jouer pour canaliser cette hyperactivité. Mais ensuite, ça va être aussi difficile dans le couple, dans lesquels quelqu’un qui a une hyperactivité va constamment avoir besoin de faire quelque chose. Il y a toujours besoin d’être actif. Le repos, la détente est très difficile de ne rien faire. Et c’est surtout le soir que ça s’active, c’est plus calme. Le soir, il y a moins de stimuli extérieur.

Et donc, en fait, le flux de pensée qui est lié à l’hyperactivité va s’ouvrir le soir et la personne aura de la peine à dormir. Donc, on aura besoin de faire quelque chose. Généralement on conseille aux personnes qui ont ça pour s’endormir d’écouter des podcasts en l’occurrence. Parce que ça permet de calmer l’individu puis de filer un filtre dans le cerveau pour empêcher d’avoir 250 000 pensées. Et puis après il y a la difficulté aussi à patienter, à attendre, les files d’attente, les bouchons sont très compliqués pour quelqu’un qui a un TDAH. Cette tendance-là d’hyperactivité, d’impulsivité chez les enfants est plus marquée chez les garçons que chez les filles. Et les filles ont plus de difficultés attentionnelles.

Alors, on ne sait pas trop si c’est parce que c’est, on va dire, une expression qui est liée au genre ou est-ce que c’est, en gros, une vision d’une société patriarcale qui fait que le trouble s’exprime comme ça. Je m’explique. On autorise les garçons à être hyperactifs, à bouger beaucoup, à faire les cons, à gueuler, etc. Les filles, non. Les filles apprennent très tôt à intérioriser probablement l’hyperactivité. Ça peut dire qu’elles ne sont pas hyperactives, mais que ça se manifeste de manière différente sous une modalité attentionnelle. C’est-à-dire qu’elles vont être plus studieuses, plus attentives, mais parce qu’on leur demande ça.

Et on le sait que ça a un petit peu changé parce que les ratios qui étaient à peu près de TDH de prévalence dans l’enfance, on avait à peu près 5 pour 1, 5 garçons pour une fille qui souffrait du trouble parce que le probant par biais épidémiologique, le côté hyperactif impulsif était plus manifeste et donc on détectait plus facilement les garçons que les filles qui étaient dans la lune rêveuse, etc. Est en train de changer, on est sur des ratios 3-1, on peut faire un pari que dans quelques années on sera peut-être à un ratio 1-1. Étant donné que chez l’adulte le ratio homme-femme est similaire. Donc on a des femmes qui rattrapent, chez qui l’émergence de troubles vient plus tard, Etant donné que c’est un trouble neurodéveloppemental, on s’attendrait à ce qu’il y ait aussi un ratio 1-1 dans l’enfance.

Et que c’est probablement en fait la vision qu’on a du trouble et de la manière dont le trouble doit s’exprimer en fonction du genre qui fait que le trouble s’exprime comme ça chez les filles et chez les garçons. Je donne un exemple. C’était extrêmement rare il y a 20 ans de voir des filles faire des bastons ou des bagarres, d’être donc impulsives, hyperactives, etc. Dans des cours d’école. Alors que maintenant, vous avez quasi à peu près moitié, moitié de garçons et de filles qui font des bagarres. L’autre exemple que vous pouvez avoir aussi par rapport à ça, c’est les femmes au volant, l’hyperactivité était considérée, le côté impulsif, agressif, etc. Était considéré très masculin. En fait, on se rend compte qu’actuellement, il y a un changement et l’expression de l’hyperactivité et de l’impulsivité est tout autant permis chez les femmes que chez les hommes.

Et on retrouve tout autant de femmes qui vont gueuler et faire les cons, entre guillemets, comme les cons de mecs au volant et qui vont être hyperactives, impulsives, pareil. Je sors toujours l’exemple de la Une chanson de Renaud, où il parle de Margaret Thatcher, je ne sais plus comment elle s’appelle cette chanson, mais il dit on ne verra jamais de femmes. C’était une chanson qu’il avait écrite dans les années 70 en Suisse, dans laquelle il dit on ne verra jamais de femmes crier dans un match de foot après des footballeurs qui tapent dans un ballon. En fait, c’est faux. On ne verra jamais de femmes qui sont au volant, en train de faire les cons. Comme je l’ai dit tout à l’heure, en fait c’est faux. La société a changé. Et on peut imaginer que l’expression va probablement du trouble changer aussi. 

Et qu’on va avoir autant d’hyperactives que d’hyperactifs, autant d’hommes avec difficulté d’attention que de femmes avec difficulté d’attention. 

Et est-ce que chez les femmes, les troubles c’est aussi lié à l’anxiété, à la dépression ? Est-ce que ça aussi c’est genré ? 

Alors c’est probablement aussi genré, je pense qu’en psy on a un énorme problème mais c’est pas qu’en psy, on a ça pas mal en médecine en général, on a appris grosso modo Moi on m’a appris une médecine masculine, c’est-à-dire il y a des troubles sérieux qui sont des troubles de mec et puis il y a des troubles moins sérieux qui sont des troubles de gonzesse, entre guillemets. Je suis un peu cru mais c’est comme ça qu’on m’a appris la médecine et c’est beaucoup en train de changer. Il y a eu une étude qui a été faite récemment je crois à Genève où ils ont démontré que par exemple, les infarctus du myocarde étaient complètement négligés chez les femmes, parce qu’on nous a appris une expression de l’infarctus de myocarde masculine, et pas du tout féminine. 

Donc je pense que l’anxiété, la dépression, c’est un peu la même chose. On a tendance à attribuer plus l’anxiété aux femmes, aux filles, plus la dépression aux femmes, aux filles. Puis la dépression très sérieuse, elle est masculine, celle qui mène au décès, avec suicide, etc. Mais c’est probablement quelque chose aussi qui est très genré. Donc moi j’aurais plutôt tendance à dire que dans le TDAH, dans la patientèle que j’ai, moi j’ai tout autant de femmes que d’hommes qui viennent pour les mêmes raisons. C’est pas lié tellement à l’anxiété ou à la dépression. C’est vraiment des femmes par contre qui viennent plus tardivement. Les hommes ont souvent été diagnostiqués avant, les femmes non. Mais la symptomatologie, l’expression du trouble est à peu près similaire. 

Il se passe quoi dans le cerveau ? Parce que vous l’avez dit, c’est un trouble neurodéveloppemental. Oui, c’est ça. Pour les gens qui souffrent d’un TDAH, pourquoi on est neurodivergents ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas comme les autres ? Ou différemment ?

Alors, on pense que c’est un problème au niveau neurodéveloppemental, dans le sens qu’une partie du cerveau met plus de temps à se développer. On pense que c’est la partie du cerveau qui est en lien avec ce qu’on appelle le système exécutif, qui est le système qui est le grand chef d’orchestre du cerveau, qui va gérer la capacité d’inhibition, la capacité de planifier, d’organiser, aussi la capacité attentionnelle, elles se développent trop lentement et ce développement trop lent perturberait en fait le fonctionnement de certains neurotransmetteurs dont la dopamine et la noradrénaline. Et que le fait qu’on pourrait imaginer que les personnes avec TDAH ont moins un taux général qui est plus bas. De dopamine ou de noradrénaline, et ça expliquerait les symptômes.

On le déduit, alors il y a certaines études de neuro-imagerie qui ont démontré ça, et après on le sait aussi que c’est probablement vrai, étant donné que les traitements qu’on utilise pour le TDAH augmentent la dopamine et la noradrénaline et sont extrêmement efficaces. Donc on a de bonnes raisons de penser que ces systèmes-là de neurotransmetteurs sont atteints dans le TDAH. 

Et ça, qu’on ait un trouble de l’inattention, qu’on soit hyperactif, impulsif ? 

C’est le même trouble, c’est vraiment le même. De manière générale, il y a un taux basal de dopamine ou de noradrénaline qui ne serait pas suffisamment élevé, que l’on soit hyperactif ou que l’on soit avec plutôt une tendance aux difficultés attentionnelles. 

Pourquoi c’est si compliqué de diagnostiquer le TDAH encore aujourd’hui en 2024, spécifiquement en France ? 

Alors compliqué, ce n’est pas compliqué. C’est un trouble qui n’est pas difficile à diagnostiquer. C’est très stigmatisé, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Alors c’est stigmatisé pour plusieurs raisons. Dans le monde francophone plus que dans le monde anglo-saxon, le monde francophone a été très influencé par la psychanalyse et l’antibiologie quelque part. Donc on s’est un peu éloigné de ce qu’on appelle l’evidence-based medicine, c’est-à-dire la médecine basée sur les évidences. Et donc on a pris beaucoup de retard dans le monde francophone, pas que sur le TDAH, mais vous avez ça sur le trouble du spectre autistique, sur beaucoup de pathologies psychiatriques. C’est un peu malheureux. On est en train un peu d’en sortir mais on a un retard quand même de 10, 15, 20 ans selon les pathologies dans la connaissance du trouble et dans les traitements du trouble.

Alors ça c’est une des raisons. La deuxième raison, c’est stigmatiser parce que les traitements que l’on donne pour le TDAH, c’est des psychostimulants, et les psychostimulants sont des dérivés d’amphétamines, de cocaïne et donc de drogues. Donc il y a une crainte de la population générale quant à l’utilisation de ces substances-là, surtout que c’est un trouble neurodéveloppemental et donc des substances entre guillemets possiblement addictogènes qu’on donnerait à des enfants. Donc ça c’est une autre des raisons pour lesquelles on craint ça. Ça c’est une des grandes craintes d’une église qui est l’église de scientologie qui met des millions et des millions par année pour que l’on ne traite pas les enfants avec TDAH et pour décrier sur la toile. Vous avez une chance sur deux si vous allez sur des sites internet de tomber sur un site de la scientologie qui dit que le trouble n’existe pas. Et les scientologues sont très bons pour aller dans le gouvernement et influencer en fait les politiques. En Suisse on a d’ailleurs écrit au gouvernement pour se plaindre de ça parce qu’on a beaucoup de politiciens qui sont achetés par l’église de scientologie pour critiquer l’existence du TDAH. Probablement qu’en France ça doit être à peu près la même chose. Et donc ça c’est une des raisons. Et la troisième raison, enfin on en a encore une, c’est que dans le monde francophone, et c’est pas forcément vrai dans le monde anglo-saxon, on pensait que c’était une pathologie uniquement de l’enfance, donc une pathologie qui ne persistait pas à l’âge adulte.

Moi j’ai jamais eu d’enseignement, comme je le disais au début, sur le TDAH, je savais même pas que ça existait à l’âge adulte. Et on avait aussi une croyance dans le monde francophone que le TDAH est simplement une expression de comportements un petit peu dysfonctionnels, mais c’est des comportements normaux de l’enfant, donc il n’y a pas besoin de les traiter, c’est pas une vraie pathologie. Au contraire, du trouble bipolaire, de la schizophrénie ou d’autres troubles Donc il y a aussi eu toute une mouvance en France et dans le monde francophone contre l’existence du TDAH et contre ces symptômes. C’est un trouble qui n’existerait pas et qui devrait en tout cas ne pas être traité par des psychostimulants. Donc vous avez plein de raisons qui font que c’est difficile de le diagnostiquer. 

Est-ce que ce trouble, on peut le voir sur l’imagerie médicale ? Est-ce qu’il est visible par vous les médecins ? 

Non, on ne peut pas le voir. Ça, c’est vrai pour toutes les pathologies psychiatriques. Donc, ce n’est pas vrai que pour le TDAH. Vous ne pouvez pas voir en imagerie quelqu’un qui a un trouble du spectre autistique, quelqu’un qui a un trouble bipolaire, quelqu’un qui a une schizophrénie. À l’exception des démences, on peut voir une atrophie au niveau cérébral de manière généralisée. Vous ne pouvez pas voir, vous n’avez pas de tests biologiques ou neurobiologiques qui permettent de déterminer si un individu a ou pas un TDAH. 

Donc ça, on a dit, dans le monde francophone, il y a encore beaucoup de stigmatisation, il y a encore beaucoup de gens qui ont une forte influence médiatique chez nous en France, qui contestent le TDAH, notamment chez les enfants. Je pense notamment à Caroline Goldman, qui explique dans les médias que c’est dû au laxisme de l’éducation bienveillante, et que c’est pour ça que les enfants sont débordés, parce qu’ils n’ont pas de cadre. En revanche, on ne peut pas le voir à l’imagerie, mais on peut le voir grâce à un questionnaire qui fait que tout le monde coche les mêmes cases. Donc ce trouble-là, il est détectable et ce n’est pas parce qu’on a été laxistes en tant que parents. 

Non, alors du tout. On a ou pas le trouble. Alors c’est en effet des questionnaires. Le diagnostic se pose sur la base d’une anamnèse, donc un recueil d’informations, mais pas que chez l’individu, dans tout l’entourage. On va prendre des informations auprès de l’entourage, que ce soit les parents, les conjoints, les enfants, mais aussi les collègues de travail ou les instituteurs. Mais quand on a suffisamment d’informations qui confirment que l’enfant est complètement turbulent, parle tout le temps, est incapable de rester en place, perd ses objets, arrive tout le temps en retard à l’école. Quand on a suffisamment d’éléments par rapport à ça, on a peu de raison de penser qu’il n’y ait pas quelque chose qui ne va pas. Et donc on va diagnostiquer sur la base de tous ces éléments par un recueil d’informations assez précises. 

Mais ça, c’est vraiment la même chose que pour une dépression. Je veux dire, on fait la critique du TDAH par rapport au fait que c’est facile, tout le monde a des problèmes à se concentrer, tout le monde, il suffit de répondre oui. Ce n’est pas aussi simple que ça. Il faut attester d’un handicap dans le fonctionnement de la personne, dans son entourage, etc. Mais il en va de même pour la dépression. C’est une liste de symptômes. Je suis triste, j’ai un manque d’envie, j’ai une difficulté à me projeter dans l’avenir, etc. Tout le monde peut se reconnaître là-dedans, mais on n’a jamais critiqué l’existence de la dépression. Mais c’est exactement la même chose. Le diagnostic se pose exactement de la même manière. Donc, il y a vraiment un stigma propre au TDH. 

Et à nouveau, ce serait intéressant que les gens nous donnent leur conflit d’intérêt par rapport à… Alors, j’ai cité l’Église de Scientologie, mais il y a peut-être d’autres conflits d’intérêt. En tout cas, les personnes qui font des grosses critiques par rapport à l’existence de ce trouble, moi, je serais intéressé de savoir quels sont leurs backgrounds, grosso modo. 

En France, comme vous le disiez, on est très imprégné de la psychanalyse, donc il y a aussi cette composante-là à prendre en compte. 

Mais qui est donc un conflit d’intérêt. 

Tout à fait. 

Parce que si j’ai un médicament qui marche super bien, j’ai plus besoin de psychanalyse. 

C’est pas faux. 

Et donc je gagne plus de thunes. 

Je faisais cette parenthèse là parce que nos auditrices et auditeurs sont des parents qui sont peut-être confrontés au quotidien à un enfant qu’ils vont nommer insupportable, difficile, ingérable. Et on leur a dit mais c’est de votre faute, vous savez pas éduquer vos enfants. Vous, en tant que médecin, vous êtes là pour dire il peut y avoir des enfants comme ça.

Si on a un enfant TDAH, moi j’ai une fille qui a un TDAH en l’occurrence, je vous assure que sans traitement je pense qu’il y a longtemps que ma famille aurait explosé. Alors pas uniquement parce que moi j’ai un TDAH mais aussi parce que c’est extrêmement compliqué de prendre… D’éduquer quelque part, si on veut utiliser ce terme là, mais en tout cas de s’occuper d’un enfant qui a un TDAH. Quelqu’un qui perd les objets, qui oublie, qui n’a pas envie de travailler quand on veut travailler, qui… Ça demande une énergie de la part des parents qui est phénoménale. Alors je veux bien que ça n’existe pas, mais je demande aux personnes qui disent que ça n’existe pas qu’elles viennent s’occuper d’enfants TDAH. 

Moi qui ai une fille qui a un TDAH et l’autre qui ne l’a pas, je vous assure que c’est extrêmement différent. Et la demande en fait en termes d’efforts, d’énergie que demande l’enfant qui a un TDAH, c’est extrêmement épuisant. Donc il y a réellement une différence entre une enfant qui a un TDAH et une qui ne l’a pas. 

Alors nous, vous êtes spécialisé sur les adultes, donc on va se concentrer sur les femmes. Je ferai un autre épisode avec un spécialiste chez les enfants parce que c’est aussi très intéressant. Mais c’était un tout petit peu pour recontextualiser, peut-être enlever de la culpabilité aux parents qui écoutent et peut-être se poser la question de consulter quelqu’un qui est formé. Il y a quand même des médecins formés au TDAH. 

Oui, il y en a. Après, il faut se poser si on n’a pas soi-même un TDAH. 

Exactement. 

Comme c’est très héréditaire. 

Donc voilà, c’est pour ça, ma question c’est, et vous allez répondre, mais comment ça se fait que les femmes notamment, puisque vous le dites, la prévalence chez les enfants n’est pas la même que chez les adultes, comment est-ce que ça se fait qu’on découvre généralement qu’on a un TDAH en devenant mère ? 

Alors, parce que la naissance d’un enfant est une contrainte administrative, en gros, si on le prend de manière très brutale, mais ça demande une compétences d’organisation, de planification, une compétence attentionnelle accrue, dans le sens que avant je peux ne pas dormir un soir, c’est pas très grave, je peux sortir quand je veux et puis finalement décaler les tâches administratives que j’ai à faire ou ce que je dois comme paiement de factures, paiement des impôts, faire mon ménage, faire les courses, faire le repas, planifier les vacances, je peux le faire un peu n’importe quand. D’accord ? Donc en gros, Je peux avoir un gros TDAH, avec une grosse difficulté d’organisation et de planification des tâches, mais ça joue. 

Le jour où je deviens maman, et que j’ai un enfant, et généralement c’est les femmes qui s’occupent des enfants et pas tellement les hommes, ça reste encore comme ça, eh bien en gros la femme se retrouve avec une… Quantité accrue de tâches administratives. Se lever la nuit pour aller à l’été si elle allait, donc elle va être plus fatiguée. Devoir planifier plein de tâches quelque part pour l’enfant par la suite. Prévoir des crèches, inscrire l’enfant à tel endroit. Faire des balades avec l’enfant, ensuite il faut retrouver quand je vais retravailler, moi j’ai une double contrainte administrative. Et c’est la femme qui va grosso modo avoir l’essentiel de ces tâches-là dans un couple. Et ça fait décompenser finalement le TDAH, si on pense que les difficultés d’attention c’est en premier lieu, une difficulté d’organisation, de planification, une tendance à la procrastination. 

Et donc, si je suis plus fatigué et qu’on me demande d’encore plus planifier et d’organiser, alors que j’ai déjà de la peine à le faire, le système décompense. Il ne faut pas grand-chose pour que le système décompense. Pas grand-chose, là, en l’occurrence, c’est grand-chose. Parce qu’avoir un enfant, c’est une grande responsabilité en termes de planification, d’organisation et demandes cognitives pour se concentrer. Et donc, l’ensemble du système peut s’effondrer à ce moment-là. 

Donc du coup, c’est là où les difficultés arrivent, parce qu’on ne peut plus masquer ce qu’on a appris à masquer tout le temps. 

Ouais, en gros, c’est généralement le TDAH, il faut vraiment le voir comme ça. Quand c’est très, très sévère, ça apparaît dans l’enfance. Mais imaginons que ce soit moyennement sévère. Je vais trouver des mécanismes pour faire avec mes symptômes. Mais quand il y a une contrainte supplémentaire qui apparaît dans mon environnement, le trouble va décompenser à ce moment là. Donc les mécanismes adaptatifs que j’avais mis en place jusqu’alors vont s’écrouler et c’est très difficile à récupérer à ce moment-là parce que je sais plus comment j’ai fait pour fonctionner jusqu’alors. Et généralement on a des burn-out, on peut avoir des dépressions du postpartum, on peut aussi avoir des difficultés au niveau du boulot ou la mère qui n’arrive plus à faire avec les deux contraintes finalement qu’elle a, s’occuper d’un enfant et aller bosser. Et ça devient très difficile. 

Et généralement, les gens sont peu concernés par ça. Ils vont appeler ça un burn-out. Ce n’est pas si grave que ça, mais on oublie que peut-être derrière, il y a un trouble neurodéveloppemental. La personne avait mis jusqu’alors plein de mécanismes adaptatifs qui faisaient que ça fonctionnait à peu près. Et que quand il y a un enfant, ces mécanismes-là ne sont plus possibles à mettre en place. Je ne peux plus du tout, si je reprends l’exemple de décaler les taches à des moments où je peux travailler parce que j’ai ma capacité de concentration, disons le samedi après-midi ou dimanche après-midi, puis que le reste du temps, je me repose, j’ai besoin de ce temps pour me reposer. Mais quand j’ai un enfant, je n’ai plus ce temps-là. Donc, on ne peut plus retrouver le mécanisme adaptatif que j’avais jusqu’alors. Ce n’est plus possible. 

Je n’ai plus suffisamment de temps pour me reposer et pour pouvoir récupérer en termes attentionnels. Et donc, en fait, tout mon système s’écroule. Et ça, c’est compliqué. Donc il faut trouver d’autres possibilités. Alors une des autres possibilités, c’est d’essayer de voir s’il ne faut pas prendre un traitement à ce moment-là. 

Dans une des conférences que vous avez données, que j’ai regardé, vous expliquez que notre cycle hormonal chez les femmes a un impact sur les symptômes qui sont plus forts ou non du TDAH. Je voudrais qu’on en parle juste après, mais du coup, est-ce que pendant la grossesse ou le postpartum, vu que nos hormones sont un petit peu chamboulées, c’est le moins qu’on puisse dire, ça a aussi un impact ? 

Oui, alors on va dire que c’est très lié au taux d’oestrogène. Donc l’oestrogène ou l’estradiol, on sait que ça favorise la libération de dopamine. Comme je l’expliquais tout à l’heure, le TDAH, c’est une forme de trouble lié à la dopamine. La dopamine serait trop basse, de manière un peu basique chez les personnes qui ont un TDAH. Chez les femmes, vous avez une fluctuation des taux de dopamine qui sont liées au taux de l’oestrogène. Quand l’oestrogène est très haut, il y a plus de dopamine libéré. Quand l’oestrogène est bas, il y a moins de dopamine. Durant la grossesse, ce qu’on va avoir en début de grossesse, on va avoir une petite augmentation petit à petit des taux d’œstrogène. Donc la concentration, et surtout au troisième trimestre, va être améliorée. 

Donc on va avoir une meilleure efficience, on va être moins tendu, moins irritable, plus heureux, parce qu’il y a de la dopamine. La dopamine, c’est une hormone de plaisir. Et donc ça marche bien. Le problème c’est que quand on accouche, on a une chute brutale des taux de dopamine liée à la chute brutale des taux d’œstrogène. Et à ce moment-là, c’est le risque du postpartum qui est entre autres lié à cette chute de dopamine, lié à la chute des oestrogènes. Donc on peut avoir en postpartum une accentuation des difficultés attentionnelles, procrastination et autres, avec des phénomènes d’irritabilité et qui peuvent à l’extrême aboutir en fait à une dépression du postpartum. Mais on peut avoir simplement une augmentation des difficultés attentionnelles qui étaient jusqu’alors masquées après la naissance de l’enfant. 

On va avoir les mêmes variations hormonales au cours du cycle menstruel, donc on va avoir une baisse grosso modo du taux d’oestrogène dans la semaine qui précède en fait, c’est la phase utérale, dans la phase qui précède en fait les règles ou les menstrues, et donc à ce moment là on peut avoir une accentuation des difficultés attentionnelles, on peut imaginer que durant le reste du mois, ça va pas trop mal, et que juste avant les règles, on commence à perdre des trucs, on a moins de capacités à se concentrer, on planifie moins bien, on est plus tendu, plus irritable, sans forcément parler d’un syndrome prémenstruel, mais ça peut être simplement en fait un TDAH masqué jusqu’alors, qui décompense en fait dans la semaine avant les règles. Après on récupère, puis ça va de nouveau mieux, puis paf, ça fait un cycle comme ça. 

Alors quand on a ça, et puis qu’on observe ça, il faut faire attention parce qu’on risque de, en phase en fait de ménopause ou en pré-ménopause, il va y avoir une chute aussi des oestrogènes, on va retrouver les mêmes symptômes, il faudra y penser parce qu’à ce moment-là ça vaut la peine de se faire traiter parce que c’est très lié au taux d’oestrogène. 

Vous venez tellement d’éclairer quelque chose que je ressens. J’ai eu trois enfants, donc j’ai vécu trois fois les postpartum, trois fois les troisième trimestre où j’ai une énergie, où tout est beaucoup plus facile et où les semaines avant mes règles, c’est la catastrophe. Moi, je suis comme mon téléphone, je ne sais jamais où il est. Heureusement, j’ai une montre où je peux l’appeler, donc ça me dit où il est. Mes clés, voilà c’est un mystère, elles se perdent toutes seules. Mais cette sensation de se dire c’est pas tout le mois, c’est pas tout le temps, j’ai été énormément moins en difficulté quand j’ai enchaîné mes deux dernières filles en 17 mois donc j’ai quasiment tout le temps été en chute d’hormones et je pouvais même plus ranger quoi que ce soit, c’était impossible. 

Et en fait, ça me fait tellement du bien de me dire que j’étais pas folle ou que j’étais pas nulle. C’est que c’était lié à ma dopamine, évidemment, mais mes hormones qui fluctuaient trop. Donc en fait, une personne TDAH, c’est pas du tout une bonne idée d’enchaîner les enfants. Je suis en train de me dire ça. Si on n’est pas bien traité.

Il faut plutôt être conscient du fait qu’on a un TDAH, c’est-à-dire de savoir que ça va être une période fragile et puis que ça va être une période où je rajoute une contrainte, en plus avec des fluctuations de taux hormonaux chez la femme, et donc il va falloir que je sois attentive, si je suis une femme, à ça, en sachant qu’à la naissance ça va être plus compliqué, non seulement en raison de la chute du taux d’oestrogènes, mais aussi parce que c’est une contrainte administrative supplémentaire. Ça peut être cru quand je dis que c’est une contrainte administrative, mais c’est une contrainte administrative. Les enfants, vous devez tout le temps planifier, organiser. Vos journées sont tout le temps les mêmes. 

C’est grosso modo quelque chose d’assez récurrent, rébarbatif et potentiellement ennuyeux, ce qui est exactement ce quelqu’un qui a un TDAH n’aime pas faire, parce qu’il y a peu de récompenses immédiates à s’occuper d’un enfant dans l’absolu. Donc oui, ça peut être cool, c’est sympa, mais c’est beaucoup de contraintes avec beaucoup de difficultés et pas souvent de récompenses immédiates. Donc, il y a des parents, ça peut être vraiment femmes ou hommes qui ont un TDAH, qui vont s’épuiser dans la gestion d’un enfant. 

Et si on allaite, c’est pareil sur les hormones ? Ça change quelque chose dans l’expression ? 

Oui, parce que l’allaitement… Dans l’allaitement, vous avez une libération de prolactine et la prolactine, en fait, ça empêche les oestrogènes de réaugmenter. Donc, on va dire que l’allaitement peut paradoxalement accentuer les difficultés attentionnelles. Après, c’est difficile parce que l’allaitement a plein d’avantages aussi, dans le sens que ça… renforce le lien avec l’enfant… Donc je pourrais pas dire… La seule chose c’est que d’un point de vue neuro-bio, on sait que le taux d’oestrogène va rester bas pendant l’allaitement parce que la prolactine empêche la libération d’oestrogène et donc on peut imaginer que les taux de dopamine sont relativement bas lors de l’allaitement. Mais plus que ça, je peux pas vous dire parce qu’après je pense qu’il y a un tel bienfait à allaiter que je sais pas.

Non, bien sûr. Je n’ai pas senti que l’allaitement c’était pire que justement le postpartum immédiat au final. Et pourtant j’ai allaité longtemps, donc je… Vous avez raison, il y a plein d’autres choses agréables qui jouent. 

Ouais, c’est pour ça que c’est difficile parce que je pense qu’il y a une autre récompense. Là, il y a une récompense immédiate, donc est-ce que la récompense immédiate liée à l’allaitement libère de la dopamine et compense en fait le manque de dopamine absolue qui est grosso modo augmentée par le faible taux d’oestrogène. Donc j’aurais de la peine à répondre à cette question-là. 

Donc là, ce qu’on comprend c’est que les femmes peuvent découvrir finalement qu’elles ont un TDAH à ce moment-là parce que les symptômes sont accentués, parce que les difficultés arrivent et parce que là on peut plus pallier et masquer. Est-ce que les professionnels de santé sont assez bien formés pour comprendre que derrière une dépression du postpartum, un trouble de l’anxiété, une hyper-vigilance, il y a potentiellement un TDAH ou c’est encore difficile pour les mères qui viennent d’avoir un bébé, d’être bien diagnostiquées ? 

Alors je pense qu’on peut répondre qu’ils ne sont absolument pas au courant. Donc le fait est qu’on va beaucoup mettre l’accent sur le traitement de la dépression, de l’anxiété et autres. Sans vraiment s’intéresser à ce qui fait que ça a décompensé à ce moment-là. On nous a beaucoup appris, peut-être à juste titre et à bon escient, à être très attentif à la dépression du postpartum, parce que dans les cas sévères, c’est extrêmement dangereux. Mais on ne nous a appris que ça. Et on ne nous a pas tellement appris dans les cursus de formation postgradués à s’intéresser aux raisons pour lesquelles, finalement, il y a une augmentation d’anxiété. Une augmentation de dépression peut-être un peu plus légère que la dépression du postpartum extrêmement dangereuse. Et donc, en gros, on traite tout un peu comme si c’était une dépression du postpartum hyper dangereuse.

Et en fait, on ne s’intéresse pas tellement au vécu de la personne et que c’est peut-être un TDAH ou un autre trouble neurodéveloppemental. On peut imaginer qu’un TSA, un trouble du spectre autistique, qui existe aussi chez les femmes, puisse décompenser à ce moment-là. Et en fait, on n’est peu formé à s’intéresser à la vie des individus qui viennent nous consulter. On a en tête, en gros, deux, trois panels de gros troubles, le trouble bipolaire, la dépression, le trouble anxieux et la schizophrénie. Et c’est tout ce que je connais. Je connais très peu d’autres choses. Et ça, c’est particulièrement vrai dans le monde francophone. 

Est-ce qu’il y a aussi une autre composante dans la découverte pour les mères ? C’est qu’une fois qu’on a diagnostiqué leur enfant, par quelqu’un qui a bien compris ce trouble, puisse leur dire, vous savez, c’est héréditaire, peut-être qu’il faudrait regarder chez vous, les deux parents, est-ce que vous n’avez pas un trouble ? Ça arrive souvent en consultation ? 

Oui, ça arrive assez souvent. Donc moi, j’ai, on va dire, bon pourcentage de mes patientes ou patients qui viennent parce que leur enfant a été diagnostiqué. Puis, en lisant les questionnaires qu’on leur donne, comme je vous ai dit, on donne des questionnaires à l’entourage. Ils se disent, bah tiens, ça c’est moi. Bah tiens, je me reconnais là-dedans. Bah ça ouais, moi j’étais comme ça aussi enfant. Et finalement, vont aller consulter. C’est vrai que les difficultés que j’ai actuellement, j’ai l’impression que c’est ça aussi. Et généralement ils ne se plantent pas. Donc étant donné qu’il y a une forte héritabilité, on serait étonné qu’il n’y ait pas un des deux parents qui a aussi le trouble. 

C’est un soulagement pour les patients quand ils découvrent dans la trentaine, la quarantaine, qu’en fait ils ont un trouble et ce n’est pas eux qui sont anormaux ? 

Ouais, ça c’est vraiment un soulagement. C’est surtout un soulagement parce que la plupart ont souvent vu plein de professionnels de la santé mentale, psychiatres, psychologues et autres, qui n’ont pas détecté ça, puis qui les ont traités avec antidépresseurs, neuroleptiques, plein de choses qui ne marchaient pas, donc une forme d’errance un petit peu psychiatrique ou psychologique. De ces personnes, et au moment où on pose finalement un diagnostic sur quelque chose qui existait là, qui existait depuis toujours, qui se reconnaissent là-dedans, mais souvent ils se reconnaissaient déjà en regardant sur internet les patients que j’ai, ils viennent me voir parce qu’ils ont lu les trucs, ils se disent, mais finalement c’est pas une dépression que j’ai eue, c’est pas forcément. Oui, j’ai eu un burn-out, mais il y avait une raison et j’ai l’impression que j’ai un TDAH. Et ils viennent et ils sont très soulagés en fait d’avoir enfin un nom à leurs troubles ou à leurs difficultés. 

Pourquoi est-ce que le TDAH ça peut avoir un énorme impact dans la vie familiale et vous le dites dans les livres que vous avez écrits avec d’autres scientifiques que les personnes avec un TDAH ont un plus gros taux de divorce ? 

Alors parce que les symptômes en soi, si on ne les traite pas, font que ça va devenir insupportable au final pour l’entourage et le conjoint ou la conjointe. Si je perds tout le temps mes objets, que je suis tout le temps à la bourre, je suis tout le temps en retard, que ce que je dois planifier, je ne le fais pas, que je commence à ne pas payer les factures ou que je fais tout toujours au dernier moment avec des rappels, des poursuites et autres.

C’est marrant au départ, dans un couple, mais quand ça devient récurrent, puis que c’est des années et des années comme ça, et puis quand c’est très sévère et que j’oublie les enfants à l’école ou que j’oublie de signer les carnets ou des choses importantes parfois, ça amène à des disputes constantes dans le couple, et au final, ça va amener à une séparation. De même que l’hyperactivité, si je bouge tout le temps, je suis incapable de rester tranquille, il faut toujours que je fasse 250 000 trucs, je vais épuiser mon conjoint qui va être crevé au bout d’un moment et il va dire écoute moi c’est plus possible soit on fait quelque chose soit on se sépare mais ça va mener à des disputes de plus en plus fréquentes qui dans la grande majorité des cas aboutir à une séparation. 

Et vous écrivez aussi que généralement, les personnes qui ont un TDAH se mettent en couple ensemble. 

Alors ça c’est… Dans les études, on a une chance sur deux, quand on a un TDAH, de se mettre avec quelqu’un qui a un TDAH. Donc là ça va encore augmenter les chances de séparation. Si vous avez un hyperactif ou une hyperactive qui se met avec quelqu’un qui a une difficulté d’attention, on va retrouver tous les symptômes dans la famille et puis ça va devenir compliqué ou dans le couple tout simplement. Après c’est fun, le côté il faut imaginer que l’hyperactivité au début elle est assez marrante. Parce que c’est quand même des personnes qui vont faire des trucs un peu foufous, qui sont un peu plus intéressantes, qui sont plus créatrices ou créatives, qui ont des idées que les autres n’ont pas. L’impulsivité du TDAH, elle est dans un couple au début assez passionnante. 

C’est des gens qui ont plus de réseaux sociaux, parce qu’ils parlent plus, ils sortent plus, ils font plus la fête. Donc il y a tout ce côté-là qui est assez cool au départ. Sexuellement aussi, c’est plus marrant quelqu’un qui a un TDAH quelqu’un qui n’en a pas, parce qu’il y a généralement une forme d’hypersexualité dans le TDAH qu’on n’a pas chez les personnes qui sont dites contrôles. Donc tout ça peut être très attirant au départ, mais au long cours, c’est fatigant. 

Là, vous avez parlé des petits avantages d’avoir un TDAH, parce qu’on en parle un peu de manière négative, dans le sens où on explique les difficultés, mais être neurodivergent, notamment avec un TDAH, c’est bénéfique pour la créativité ? Pourquoi ?

Pour plusieurs raisons. En raison des deux symptômes, la difficulté d’attention et la distractibilité font que je suis attiré par des stimuli non relevants. Alors le 99 pardon, % des stimuli non relevants ne sont pas tellement pertinents et on peut les laisser tomber. Mais si je tombe sur le 1% qui me donne une idée que les autres n’ont pas, quelqu’un qui n’est pas distrait, il ne regarde pas à gauche et à droite, il n’a pas des pensées qui viennent le distraire dans sa tête. Mais pour créer et pour être innovateur, la plupart des personnes qui ont des startups, par exemple, on peut imaginer qu’ils aient une touche de TDAH parce qu’il faut que j’aille dans des endroits que les autres n’ont pas pensé. Et pour avoir ces pensées qui sont hors de la norme, je dois être un peu distrait.

Donc je dois avoir le regard là où les autres ne l’ont pas. Je dois avoir des pensées que les autres n’ont pas. Ça, c’est une des composantes. L’autre, c’est l’impulsivité. Le TDAH, c’est quelqu’un qui a de la peine à dire non, à besoin d’une récompense immédiate. Et quand il a une idée, il faut le faire. Quelqu’un qui est un sujet contrôle, grosso modo, il va peser le pour, le contre, faire les bilans, faire les trucs. Et finalement, il ne se lance pas dans la tâche. Et donc, la créativité va être freinée. On a besoin d’une certaine dose d’impulsivité pour créer. C’est-à-dire, ouais, j’ai envie de faire, je ne sais pas, je vais ouvrir ma nouvelle boîte, etc. Tout le monde te dit, ouais, mais ce n’est pas possible. Tu ne vas pas pouvoir le faire. Fais attention, tu n’as pas le business.

Allez, je m’en fous, j’y vais. Et en fait, ça, ça génère de la créativité. D’accord ? Parce que je vais là où les gens ne vont pas. Et c’est probablement un avantage pour l’humanité. On a quelques études qui montrent que plus on s’éloigne des bassins… De population, enfin dans l’origine de l’humanité, qui est plutôt autour de l’Afrique. Mais plus on va s’éloigner de l’Afrique, plus on retrouve des gènes, entre guillemets, qui sont des gènes à risque pour le TDAH. Probablement parce que les personnes qui ont migré et qui se sont dit ben moi j’en ai marre ici, on n’a rien à bouffer, je vais construire un radeau puis je vais aller sur la mer pour aller voir ce qu’il y a de l’autre côté. C’est pas forcément quelqu’un qui a un contrôle, d’accord ? Faut être un peu fou pour faire ça.

Donc il faut être impulsif, faut se dire bah j’y vais, allez go for it, on y va, advienne que pourra. Quelqu’un qui a un sujet contrôle, il fait pas ça. Donc on peut dire que c’est un avantage pour la population parce que ça amène de la créativité, ça permet à l’humanité d’évoluer. Donc si on enlève tous les TDAH, on est dans la merde. 

J’ai l’impression que vous avez écrit mon parcours, où je me dis toujours mais je prends des risques, j’ai aucune peur de ce qui peut se passer parce que j’ai pas réfléchi à ce qui va se passer en fait. Et voilà, c’est une chance sur deux, ça marche. 

Ouais, mais quand ça marche, c’est cool. 

Tout à fait. Mais c’est vrai que le grand, le saut dans le vide, j’adore ça. 

Ça c’est très TDAH, très impulsif. Je ne pense pas aux conséquences à moyen long terme de mes actions. J’y vais et advienne que pourra. 

Oui, mais vous avez raison, c’est bien de le voir aussi dans la façon où ça amène quelque chose de nouveau, innovateur dans le monde. Il y a beaucoup de grands noms dans ce monde qui ont un TDAH, des gens qui ont réalisé des choses extraordinaires. En tout cas dans le monde anglo-saxon, on en parle un peu plus qu’ici. 

Dans le monde anglo-saxon, le plus connu, on va dire, c’est Michael Phelps, qui était président de l’association des TDAH aux Etats-Unis. Lui, il a été traité enfant et autre, mais il est aussi devenu probablement le meilleur nageur de tous les temps. Enfin, plus maintenant, parce que maintenant, vous en avez en France qui sont des monstres bêtes. Mais Michael Phelps, lui, il était tellement turbulent enfant qu’en fait, la natation était le seul endroit où ça arrivait à le calmer. Et où il arrive à se concentrer et que probablement s’il n’avait pas eu de TDAH, il n’aurait peut-être passé autant de temps dans l’eau. Donc ça c’est lui qui le dit. 

Et surtout il a eu une discipline immense vers l’âge de 13-14 ans où il a dit je veux plus les médicaments. 

Il a changé le traitement médicamenteux pour une pratique de sport intense. Certaines personnes avec TDAH font. Le sport a le même effet que le traitement médicamenteux. Et donc on va retrouver aussi pas mal de personnes avec TDAH qui font ou qui ont une activité sportive qui est un mécanisme compensatoire. Si on revient à ce qu’on a expliqué tout à l’heure, le fait d’être maman, c’est plus compliqué de mettre en place aussi peut-être un mécanisme compensatoire qui était que je faisais pas mal de sport. Et donc je me retrouve à plus pouvoir faire du sport et ça fait décompenser le système. Et c’était peut-être mon mécanisme qui était le plus efficace à ce moment-là. 

C’est bien, vous venez d’expliquer mes sept dernières années de vie de mère. Moi qui faisais beaucoup de sport. Justement, on peut mettre quoi en place quand on a un TDAH qui est sévère ? Il y a deux formes de traitement, c’est ça, il y a deux médicaments qui existent ? C’est la ritaline et…

Chez l’adulte, si on parle uniquement de l’adulte, Les premières interventions, c’est être sûr qu’il n’y a pas des facteurs environnementaux qui viennent perturber le TDAH avant d’introduire directement un médicament. Donc c’est savoir s’il n’y a pas des gros troubles du sommeil, s’il n’y a pas des apnées du sommeil, est-ce qu’il y a une trop grande sédentarité, est-ce qu’il y a une trop grande utilisation d’écran, ce qui peut être un problème ou ce genre de choses. Ça peut expliquer une petite fraction. Dans la grande majorité des cas, on va assez rapidement aller sur le traitement médicamenteux. Parce que l’efficacité de ces traitements est assez spectaculaire, ça marche dans 70% des cas, avec très peu d’effets secondaires et puis il n’y a pas de dépendance malgré ce que l’on peut lire sur internet.

Même si c’est des dérivés d’amphétamines ou des dérivés de cocaïne, il n’y a pas de dépendance à ces substances, donc c’est plutôt assez facile d’utilisation. Il en existe deux. La ritaline, c’est un nom de marque. On peut le dire parce que c’est quasi devenu dans le langage courant, mais pour l’information, c’est du méthylphénidate. La ritaline, c’est une substance qui a été… Le méthylphénidate qui a pris le nom de ritaline était une substance inventée par un pharmacien suisse. Qui bossait dans une entreprise pharmaceutique et qui a donné le nom de ritaline du nom de sa femme qui s’appelait Rita. Il avait essayé le méthylphénidate chez sa femme et puis ça a bien marché, elle jouait beaucoup mieux au tennis, elle était moins émotionnelle, plus tranquille et donc il a trouvé que c’était tellement bien qu’il a appelé ça ritaline. Mais en fait la substance c’est le méthylphénidate. 

C’est plus dur à dire c’est pour ça. 

Ouais, et puis l’autre substance, c’est les dérivés, en fait, aminéquip. D’accord ? Donc vous avez deux substances qui existent, qui sont les plus efficaces. Après, il en existe d’autres. Vous avez l’atomexétine, qui n’est pas un psychostimulant, qui est un ancien antidépresseur, mais qui marche moins bien que les psychostimulants. Ça, c’est les premières lignes de traitement. Après, si ça, ça ne marche pas, vous pouvez essayer de mettre en place, mais ça, il faudrait suivre une thérapie cognitive ou comportementale, il faudrait un enseignement de compétences pour essayer d’aménager son environnement. De manière la plus optimale possible pour atténuer les difficultés attentionnelles ou l’hyperactivité, l’impulsivité. En gros, c’est remettre des mécanismes adaptatifs dans la vie de la personne. Alors il y a aussi des coachs, il faut pouvoir trouver des coachs spécialisés dans le TDAH, ce qui n’est pas facile à trouver. 

Mais ça, ça peut être très pratique, c’est des gens qui viennent chez vous puis qui regardent un petit peu comment est aménagé l’environnement. Pourquoi est-ce que vous perdez tout le temps vos objets ? Où est-ce que vous placez vos objets quand vous rentrez dans la maison ? Est-ce qu’il y a une boîte à clés ? Est-ce que vous avez posé tout le temps le téléphone au même endroit ? Comment est organisé votre agenda ? Est-ce que je peux vous aider à refaire un agenda ? Etc, etc. L’aménagement du bureau, l’espace de travail. Donc c’est très ergonomique quelque part, mais ça marche pas mal. Donc ça c’est une autre possibilité. 

Et ensuite il y a le lifestyle, ce qu’on dit, c’est ce qu’on mange, comment on dort, tout ce qu’on peut mettre en place sans passer par la case médicaments et avoir les mécanismes. 

C’est ce que je disais au départ, de mettre au début, on essaie de voir si on peut changer grosso modo le fonctionnement environnemental très général. Mais le sommeil est probablement le plus embêtant. Avec la sédentarité, c’est-à-dire l’absence finalement d’activité sportive. On peut déjà atténuer pas mal les difficultés d’attention, l’hyperactivité ou l’impulsivité si on améliore le sommeil, donc si le sommeil est perturbé pour autant, et si on pratique du sport de manière plus ou moins régulière. 

Ce qui, quand on devient parent, effectivement, est compliqué de bien dormir, faire du sport. C’est vrai que c’est un sacré challenge. Sur la nourriture, est-ce qu’il y a des aliments à privilégier, d’autres à éliminer ? Qu’est-ce qu’on peut faire dans notre vie quotidienne ? 

Dans les aliments, on n’a pas chez l’enfant, on sait que les sucres rapides sont à proscrire, de même que certains colorants alimentaires, ce qu’on trouve dans les sirops de grenadine, par exemple. Chez l’adulte, on a moins d’évidence par rapport à ça, et ce qui est recommandé, c’est vraiment de suivre les recommandations de l’OMS, c’est-à-dire de ne pas faire de la junk food, de ne pas, de manger sain avec des légumes variés et autres. En gros, c’est d’avoir une hygiène alimentaire qui favorisent les fibres ou détriment des glucides, etc. Donc c’est du classique, mais c’est extrêmement difficile pour quelqu’un qui a un TDAH, parce que faire la cuisine et puis aller acheter des légumes et autres, il n’y a pas tellement de récompenses immédiates.

Donc c’est plus facile d’aller acheter une pizza, ou un kebab, ou tout ce que vous voulez, dans lesquels finalement on a une récompense immédiate. 

Est-ce que l’alcool a un impact sur le TDAH ? 

Alors l’alcool, on va dire plutôt que les personnes qui ont un TDAH auront une grande propension à prendre des drogues, pas que l’alcool, dans le sens que la plupart des drogues, que ce soit l’alcool, mais aussi le cannabis, la clope, le café, alors le café n’est pas une drogue, mais c’est un stimulant, vont libérer de la dopamine et donc vont permettre à la personne de se concentrer ou de s’apaiser. Donc typiquement l’alcool, si j’ai un flux de pensée important le soir, et puis que j’arrive pas à me détendre, et puis que j’ai toujours besoin de faire 250 trucs, si je bois de l’alcool, ça apaise cette hyperactivité.

Mais la clope, pareil, le café, pareil, le thé, c’est un gros psycho-stimulant, par exemple, il y a les grosses modes des matcha, thé matcha, donc ça c’est des choses qui sont très forts en théine, et donc en stimulant également. Les gens qui boivent beaucoup de thé, beaucoup de café, doivent se poser la question, est-ce qu’il n’y a pas en font finalement un TDAH parce que c’est un mécanisme d’auto-traitement quelque part. 

Ce que vous expliquez dans votre livre, c’est que quand on a un TDAH et qu’on est soumis à cette impulsivité, on a des comportements à risque beaucoup plus forts, qu’on se met plus en danger et donc on a moins de capacité à résister aux addictions, c’est ça ? 

C’est pour ça que je disais que les addictions sont une forme de récompense immédiate, alors que ce soit des addictions alimentaires ou autres, parce qu’il y a de la récompense directe. Ça peut être aussi des addictions aux jeux vidéo ou aux écrans tout simplement, parce que j’ai chaque fois une récompense et donc c’est plus facile et je me sens mieux quand ça me libère de la dopamine, parce que toutes ces substances, toutes les addictions vont libérer de la dopamine et donc me soulagent quelque part. Et je ne suis pas capable de voir les effets secondaires à moyen-long terme, je ne dépends que de la récompense immédiate. Et donc, boire de l’alcool, fumer des clopes, regarder des jeux vidéo ou toute autre addiction, offre cette libération immédiate de dopamine et donc satisfait mon besoin de récompense immédiate. 

C’est pour ça que je suis très enclin, si j’ai un TDAH, à avoir des addictions. Mais ça peut être aussi des addictions au sexe, avec des comportements sexuels à risque. Et puis il faut savoir que c’est des personnes qui vont, par exemple, être beaucoup plus à risque de maladies sexuellement transmissibles aussi. Parce que quand j’ai un TDAH, de se protéger, de mettre des préservatifs, de prendre, je sais pas, la pilule ou autre, c’est quelque chose qui est… Mais surtout les préservatifs, ça c’est très compliqué pour quelqu’un qui a un TDAH. Parce que c’est une contrainte, quelque part, supplémentaire, alors que j’ai besoin immédiatement, finalement, de la récompense immédiate. Et j’ai tendance à ne pas me protéger, ils sont à 4-5 fois plus à risque de maladies sexuellement transmissibles que les sujets contrôle. Donc ça c’est quelque chose qu’il faut tenir en tête quand on a des patients TDAH. 

Dans les symptômes du TDAH, on n’a pas trop parlé de ça, la mauvaise gestion des émotions, la difficulté à se contrôler, ça fait partie de l’impulsivité, pourquoi est-ce qu’on a cette… ?

Ouais, c’est lié à l’impulsivité. Alors même si c’est pas un des symptômes propres du trouble, c’est une des conséquences de l’impulsivité, comme il faut tout de suite, il faut que je résolve les problèmes immédiatement, toute frustration va se traduire par des crises de colère. Donc, on va dire au devant de la scène, dans les émotions, ça va être la difficulté de gestion de colère. Et ça, c’est vraiment une des marques des personnes avec TDAH. Alors, c’est plus vrai chez l’adulte que chez l’enfant. On va avoir à peu près 40% des enfants qui ont des difficultés à réguler les émotions, qui ont un TDAH. Chez les adultes, c’est plutôt 70%, 80% des adultes qui ont des difficultés de contrôle des émotions, particulièrement sur l’expression de la colère. C’est très rapide, mais ça peut être parfois assez violent.

Donc le fait de se foutre en colère, de gueuler, de péter des trucs ou de gueuler sur son chef ou sa chef ou si on veut son conjoint, sa conjointe, ça permet de soulager la tension. Puis après, je vais faire un autre truc. Puis je suis bien. Sauf que je ne me rends pas compte quand je le fais que j’ai dit des trucs qu’il ne fallait pas que je dise. J’ai dit tout ce que je pensais alors qu’il ne fallait pas que je dise tout ce que je pense et que ça a des conséquences à moyen long terme. 

Donc ce qu’on peut nommer aussi chez nous les femmes qui deviennent mères, le mom rage, donc cette rage, ça peut être expliqué par plusieurs facteurs, mais peut être lié aussi à un TDAH qui n’a pas été découvert et détecté et qui s’exprime de cette manière-là. 

Ouais, tout à fait. 

Mais ce qui est compliqué dans une société patriarcale, comme vous l’avez expliqué, parce que nos symptômes peuvent être aussi vus par cette charge mentale qui est immense et qu’on supporte en tant que femmes au sein de la famille, par les attentes qu’on a de nous. C’est difficile, du coup, de diagnostiquer les femmes. 

Oui, c’est compliqué. Un, parce qu’on a beaucoup déconsidéré le fait que beaucoup de tâches que les femmes font jusqu’alors, même si c’est en train de changer et qu’il y a un meilleur équilibre, mais ça reste quand même beaucoup les femmes qui font des tâches au niveau de la maison, au niveau du domicile familial, mais ça c’est pas considéré comme une tâche administrative dans une société patriarcale, alors qu’en fait c’est une contrainte administrative énorme. Les hommes vont, ou dans une société patriarcale, considérer la difficulté qu’a une femme comme une faiblesse féminine et pas comme un trouble. Donc c’est juste un problème que la femme a à gérer son ménage parce qu’elle est faible et qu’elle n’est pas capable de faire des trucs hyper simples ou qui sont pensés hyper simples parce qu’en fait, ce n’est pas simple.

Vous changez les rôles, vous auriez exactement les mêmes difficultés chez les hommes que chez les femmes. Sauf que dans une société patriarcale, la plupart des symptômes aussi qu’on a chez les femmes, le fait de se mettre en colère, le fait d’être émotionnel, etc, c’est considéré comme quelque chose de féminin. Et donc c’est pas un trouble. On a le gros problème par exemple avec le trouble de personnalité boder-line, qui est un trouble très genré aussi. Alors qu’en population générale c’est 1-1, on a autant d’hommes que de femmes qui souffrent du trouble. Le trouble de personnalité border-line est considéré comme une pathologie féminine. C’est une pathologie de la régulation des émotions. Donc en fait c’est des femmes un peu chiantes qui emmerdent les mecs. Et ça a été complètement genré et c’est complètement faux de penser comme ça. 

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On a en psychiatrie beaucoup imaginé que la difficulté de régulation des émotions c’est pas un trouble chez la femme, c’est la femme. Et en fait c’est pour ça qu’on les a beaucoup peu diagnostiquées, on va dire beaucoup peu diagnostiquées, c’est un peu mal dit, mais on les a mis de côté dans les diagnostics. Et que petit à petit, là maintenant, avec un changement de la société, parce que ça change quand même, on s’intéresse plus aux difficultés que les femmes peuvent rencontrer. On a plus de considérations, alors c’est pas encore optimal, mais pour les tâches qu’elles font au quotidien, comme réellement difficiles et réellement demandant beaucoup d’efforts de concentration, de gestion, de planification, d’organisation. Et que ça, ça peut faire décompenser un TDAH. 

Et parce qu’il y a souvent une méconnaissance, vous disiez, du trouble et que parfois les médecins vont diagnostiquer une bipolarité par exemple, alors que c’est un TDAH ou un trouble borderline. 

Oui. Donc ils vont diagnostiquer autre chose, parce qu’ils connaissent autre chose. Si on ne connaît pas le TDAH, moi, avant de connaître, j’ai probablement diagnostiqué des patients TDAH ou patientes TDAH, d’autres troubles, parce que je ne connaissais pas. 

Est-ce que le TDAH est souvent lié au potentiel d’un QI plus élevé ? Est-ce qu’il y a une corrélation entre ces deux ? 

Non, il n’y a pas de corrélation. C’est souvent décrit comme corrélé, on n’a pas de preuve qu’il y a une corrélation entre avoir un QI haut et le fait d’avoir un TDAH. C’est pas corrélé. Donc on n’a pas d’évidence que le QI influence, même au contraire, probablement que d’avoir un QI bas va faire que le trouble peut être plus sévère, dans le sens que je vais avoir moins de capacités cognitives pour pallier aux difficultés attentionnelles. Si j’ai un QI haut, je peux grosso modo en école primaire ne rien écouter et puis être monstre TDAH, mais réussir quand même, alors que si j’ai un QI bas, ça va être plus compliqué et puis ça va se manifester plus tôt. On va dire que c’est plutôt une corrélation avec QI bas et TDAH que plutôt QI haut et TDAH. 

En revanche, c’est ce qui permet de cacher et masquer un peu plus les symptômes parce qu’on s’en sort. C’est vrai que quand j’ai personnellement fait ce diagnostic avec une neuropsychiatre qui m’a suivie, elle m’a expliqué… Enfin, je n’avais pas la sensation d’avoir subi à l’école primaire, mais que c’est devenu difficile au collège. Et elle m’a expliqué que souvent dans l’enfance, on s’en sort bien et qu’après, quand ça devient chiant, les matières qu’on utilise, c’est là où ça se voit. J’avais par exemple 0,5 en physique-chimie parce que je comprenais rien et que ça ne m’intéressait pas. Parce que j’avais eu aucun effort et j’avais 18 ailleurs. Mais parce que j’avais pas la capacité de m’y intéresser en fait, j’avais pas envie. 

C’est une très bonne description du parcours classique de quelqu’un à TDAH. 

C’est bien au moins qu’on nous explique les choses. Comme beaucoup, ça m’a soulagée de me rendre compte que tout ça a du sens. J’ai jamais fait mes devoirs par exemple. Je détestais faire mes devoirs. Quelque chose de très compliqué.

Après, on peut ne pas faire les devoirs. C’est pour ça que je disais, le QI peut être un mécanisme adaptatif, dans le sens que c’est un mécanisme de coping. Je peux ne pas faire les devoirs jusqu’à un certain point, parce qu’au bout d’un moment, ça va quand même déconner. Il y a un moment où ça va plus être possible. Je peux ne pas faire les devoirs, mais jusqu’à un certain point, en tout cas en école obligatoire, je peux quasi ne rien faire si j’ai un QI un peu en dessus de la moyenne. Ça va passer, je peux faire tout à l’arrache au dernier moment, ça passera. Et en plus je suis récompensé de faire tout au dernier moment à l’arrache parce que je peux faire plein d’autres trucs le reste du temps. 

Et surtout c’est quelque chose de tellement lunaire pour les gens autour de nous, quand on fait ça, ils se demandent comment on arrive à… Ça n’a aucun sens pour les gens autour de nous, je m’en rend compte. 

Non, ça n’a aucun sens parce que les gens normaux, entre guillemets, ou normotypiques, sous stress vont moins bien performer. Donc ils vont au contraire se déconcentrer et puis être complètement paniqués. Quelqu’un qui a un TDA, ou TDAH, sous stress, va libérer de la dopamine. Et donc, en gros, c’est un mécanisme qui va en soi être comme un autotraitement. Donc, on est beaucoup plus performant sous stress que le reste du temps où on s’emmerde, on s’ennuie, puis on ne comprend pas très bien pourquoi il faut faire ces trucs à l’avance. Ça n’a aucun sens. Alors que si on ne dort pas toute une nuit pour faire le truc, on est vachement plus efficace. Mais en fait, c’est comme si on prenait de la ritaline, si j’utilise le terme ritaline, parce qu’on libère de la dopamine sous stress. 

Donc le sport, ça permet de libérer la dopamine, c’est très important, ne pas être sédentaire, manger quand même correctement et enlever certaines substances qui peuvent jouer là-dessus. Et le sommeil, les écrans, ça a quel effet pour quelqu’un qui a un TDAH ? 

Alors les écrans, on sait, ça va être plutôt la quantité d’écrans, parce que c’est pas forcément regarder les écrans, mais ça va être le nombre d’heures passées devant les écrans. On connaît ça surtout durant la phase, on va dire, neurodéveloppementale. Chez les enfants qu’on expose à des écrans beaucoup, c’est-à-dire plusieurs heures par jour, ont plus de difficultés attentionnelles. Et on peut imaginer par extension qu’ils vont avoir plus de temps de décompensation de TDAH s’ils sont exposés trop longtemps aux écrans par jour. Et puis après, il y a le problème des écrans, c’est que ça maintient réveillé. Donc à moins qu’on mette des filtres à lumière bleue, ce que la plupart des TDAH font jamais. Donc ils regardent leur écran et puis ils ont…

J’avais un somnologue qui me disait de regarder un écran, un iPad ou un téléphone sans mettre de filtre, c’est comme si on était en plein été, à midi, en train de regarder le ciel bleu. C’est difficile quand même de dormir. Donc en gros, il faut penser à mettre un filtre à lumière bleue parce que la lumière bleue empêche vraiment la sécrétion de melatonine et donc de s’endormir. Et la plupart des enfants qui vont passer du temps sur leur smartphone ou sur des écrans, ils ont souvent leur smartphone dans le lit qui est allumé à fond avec plein de notifications, etc. Ils dorment jamais en fait. Donc ça c’est un souci.

En fait l’impact que va avoir finalement les écrans, il y a un double impact, il y a une dose effet sur la tension, ça on le sait très bien, en tout cas durant la période neurodéveloppementale, et puis après il y a un impact sur le sommeil des écrans, et ça c’est vrai aussi chez l’adulte. 

Et les réseaux sociaux avec l’effet de la dopamine, de la récompense, c’est aussi un problème ? 

Ouais mais c’est terrible, ça c’est terrible, parce qu’ils vont être crochés dessus. Donc le fait est que je vais envoyer un truc, puis je vais renvoyer un truc, puis je vais avoir des rappels constants, mais vous n’avez pas posté quelque chose depuis… Bah tiens je vais poster un truc, puis on a un retour de quelqu’un… Et finalement c’est une catastrophe les réseaux sociaux pour quelqu’un qui a un TDAH parce qu’on est très vite addict à l’utilisation de ces réseaux sociaux. C’est pas top. 

C’est vrai qu’il y a un biais sur les réseaux sociaux parce qu’on est beaucoup de créatrices de contenu ou de personnalités importantes sur les réseaux sociaux qui sont TDAH. Donc il y a aussi plein de gens qui disent que c’est un truc à la mode parce que tout le monde est TDAH, mais c’est qu’en fait notre trouble nous incite à être sur les réseaux sociaux, à créer sur les réseaux sociaux, à s’exposer, parce qu’il y a aussi ça le TDAH, on a du mal à mettre des limites, on dit beaucoup de choses sur notre vie personnelle, on sait pas très bien se retenir, en tout cas se contenir. 

Ouais mais ça, ça fait des bons réseaux sociaux. Ça fait des très bons podcasts, on va dire. Parce que si je raconte que des trucs sans jamais parler de soi, c’est hyper chiant. Donc, ce n’est pas étonnant que parmi les personnes qui sont créateurs de contenus sur des réseaux sociaux, moi, je pense qu’il y en a plus de la moitié qui sont TDAH. Déjà, il faut se lancer, il faut oser, il faut faire les trucs. Enfin, ça demande et de l’impulsivité, et un peu de la folie, et pouvoir être marrant, drôle, pour pouvoir attirer, finalement, son interlocuteur ou son auditeur. Ça, c’est clairement des compétences quelqu’un qui a un TDAH a. Quelqu’un de complètement contrôle, je ne suis pas sûr qu’il soit capable de faire ce que vous faites. Donc j’en déduis qu’il y a une petite touche de TDAH chez vous. 

J’ai une dernière question. Est-ce que c’est plus difficile d’avoir un TDAH en 2024 avec justement les réseaux sociaux, les sollicitations, l’administratif qui est intense et complexe que ça n’était au début du XXe siècle par exemple ? 

Alors oui, surtout en raison, on va dire, les réseaux sociaux possibles. Je pense que la grande difficulté qu’on rencontre maintenant, c’est l’augmentation des tâches administratives. Et des contraintes, enfin je veux dire des tâches et des contraintes administratives. C’est le nombre de trucs auxquels il faut être attentif, auxquels il faut penser. On a doublé, triplé, quadruplé, en fait, les demandes cognitives d’attention, d’organisation, de planification, entre maintenant et il y a 20 ou 30 ans en arrière. Je pense que moi, je ne réussis pas actuellement les études de médecine. Je pense que je ne finis même pas le lycée. C’est devenu, mais terriblement contraignant. Moi j’allais pas en cours, personne n’en avait rien à foutre, je pouvais faire le con en classe, j’étais puni, mais finalement j’avais pas mes parents qui étaient appelés forcément avec des menaces d’expulsion tout de suite. 

Là maintenant, une de mes filles qui fait une fois une connerie, je suis appelé, convoqué, et puis si elle fait une deuxième fois une connerie, elle est expulsée du truc. Donc il n’y a plus aucune marge de manœuvre pour quelqu’un qui a un TDAH maintenant. D’où plus de difficultés. Il faut imaginer que la quantité de tâches administratives qu’on a, même au domicile, si vous regardez la manière de remplir les impôts, la manière de faire les paiements de factures, etc. Avant, on pouvait un peu le faire soi-même, on pouvait faire ses propres factures. Maintenant, je ne sais pas comment c’est en France, mais en Suisse, il y a plein de procédures qu’il faut faire. Il faudrait partir à la banque, ouvrir un compte, déclarer machin, faire des QR codes. Quelqu’un qui a un TDAH, il ne le fait pas. C’est trop compliqué.

Avant, il pouvait simplement écrire une lettre et puis envoyer une facture à domicile, puis c’était OK. Mais là, on lui a triplé le… Et ça, c’est dans les 20 dernières années. Donc, vous aviez des gens qui fonctionnaient très bien et qui faisaient tout à peu près. Et puis, c’était pas un souci. Et on a mis tellement de normes de contraintes que c’est devenu compliqué. Je donne un exemple, moi je donne des cours dans des écoles de bouches, alors je ne sais pas comment vous appelez ça en France, mais c’est des écoles de pâtissiers, bouchers, etc. Parce qu’ils ont des difficultés parce que les instituteurs ou les profs dans ces écoles ont de plus en plus de personnes qui ont des TDAH.

Je leur demande, et aux profs qui ont à peu près mon âge, ou parfois un peu plus âgés, je leur demande quand vous étiez vous, quand vous avez fait votre apprentissage de boucher, c’était comment ? On était 80% du temps en boucherie et 20% du temps en classe. Je dis maintenant c’est comment pour vos élèves ? 80% du temps en classe et 20% en train de faire de la pratique. En gros, on a rendu même les débouchés pour les personnes avec TDAH, qui étaient des débouchés très pratiques où finalement il n’y a pas d’administratif, on a rendu ces débouchés-là complètement administratifs. C’est impossible, il n’y a plus de débouchés pour les personnes qui ont un TDAH. Même les professions dans lesquelles on imaginait qu’il y avait pas besoin de faire un mémoire à la fin. 

Là, il demande des mémoires pour quelqu’un qui fait un apprentissage de boucher. J’en ai rien à foutre que mon boucher, il sache faire un mémoire de, je ne sais pas, sur les vaches du canton du Valais qui… je m’en fout complètement. Mais le problème, c’est quelqu’un qui a un TDAH, il va avoir de la peine à faire ça. Et donc, il va être en échec, même dans des professions très, très, très ou censées être très pratiques et peu administratives. Donc ça je pense que c’est le plus gros problème qu’on peut avoir. 

Que le monde ne s’est pas adapté à ce trouble-là et en fait pour quelqu’un même de neurotypique c’est quand même chiant, l’administratif est difficile. 

Oui et non, je ne suis pas si sûr parce que finalement on est venu là parce que les gens… 

La population générale, la grande majorité de la population générale a demandé ces normes. Donc c’est un petit pourcentage qui est en train d’augmenter. Je pense que le fait qu’on ait de plus en plus de gens qui râlent et qui n’en peuvent plus est probablement la marque que les TDAH, qui était une toute petite symptomatiques, on va dire, alors qu’on est toujours… Mais si on avait 1% en population générale, on va dire, de TDAH symptomatique, maintenant on est peut-être à 2-3%. On est peut-être… Qui commencent à être handicapés, ça fait quand même pas mal de monde. Qui commencent à se dire, mais c’est plus possible. C’est pas possible. Et on entend maintenant de plus en plus dans les discours de politique le désir de vouloir réduire, en fait, les contraintes administratives. 

Je leur souhaite beaucoup de courage, parce que je sais pas comment est-ce qu’ils vont faire. Mais ce serait pas mal, s’ils y arrivent un petit peu. Mais je pense que ça peut changer, au bout d’un moment ça va exploser quand même. Mais il ne faut pas oublier que ces contraintes administratives, elles ont quand même été demandées par la population. Je veux dire, c’est pas les TDAH, c’est quand même une minorité. 

Merci beaucoup, Nader. Je crois qu’on a déjà balayé un large panel, même s’il y a encore plein de choses. Mais je pense que ça va aider beaucoup de parents qui peuvent se poser des questions sur eux-mêmes ou leurs enfants, de se dire que c’est un trouble reconnu, que ce n’est pas une lubie parce qu’ils sont marxistes ou parce qu’ils ont été eux-mêmes mal élevés, qu’il y a des choses à faire, à mettre en place. Et merci, vraiment merci beaucoup Nader. 

Merci beaucoup à vous et puis à bientôt ! 

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