LES LIENS UTILES :
Épisodes mentionnés
Épisode 66 : Mon accouchement à la maison
Épisode 151 – Comment 8 livres ont transformé mon année 2023
Les sources :
https://www.marianne.net/societe/sante/hausse-de-maltraitance-infantile-pendant-le-confinement-les-chiffres-qui-le-prouvent
https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/covid-la-crise-pourrait-pousser-les-femmes-a-reduire-leurs-ambitions-professionnelles-1322028
https://start.lesechos.fr/societe/egalite-diversite/charge-mentale-le-travail-domestique-des-meres-a-double-pendant-la-crise-selon-le-bcg-1295877
https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2021/696164/EPRS_BRI(2021)696164_EN.pdf
https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2022/719547/IPOL_BRI(2022)719547_FR.pdf
https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/usages-et-style-de-vie/comment-pandemie-impacte-relations-sociales/
https://www.univ-poitiers.fr/comment-la-crise-du-covid-19-a-aggrave-les-ecarts-de-reussite-scolaire/
TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE :
Il y a 4 ans, notre monde se fermait.
Le 17 mars 2020 le gouvernement prenait la décision de nous confiner.
S’en est suivi de près de 2 mois d’enfermement avec des autorisations limitées à une heure pour sortir.
Le 11 mai 2020, nous étions enfin autorisés à réintégrer le monde extérieur.
A l’époque, au début du confinement, j’étais enceinte de 3 mois de ma 2e fille.
J’ai accueilli ce temps suspendu avec calme, simplement parce que ça me reposait d’être à la maison avec mon mari et ma fille de 2 ans et demi, qui faisait 3h de sieste par jour.
Et c’est là l’immense différence que j’ai vécu en tant que parents.
Je n’avais qu’une fille, nous étions 2 parents, dans une maison et nos emplois n’étaient pas menacés.
Pour beaucoup d’entre vous ce n’a pas été le même scénario.
Peut-être que vous faisiez partie du monde médical et que vous étiez confronté en permanence au danger, à la surcharge de travail et à la peur des gens mais aussi à la votre.
Peut-être que vous faisiez partie des femmes et parents qui ont accueilli leur enfant à l’hôpital au milieu de masques, d’injonctions à ne surtout pas se toucher, et de grande solitude puisque les 2e parents étaient quasiment systématiquement interdit.
Peut-être que vous avez vécu des violences gynécologiques dans un contexte peu propice à la prise en charge du psyché
Peut-être que vous avez eu un bébé prématuré pendant cette période si cruciale de contact physique pour le nourrisson…et où les restrictions sanitaires ont empêché ce lien si précieux.
Peut-être que vous avez perdu un être cher pendant l’année 2020 et n’avez pas pu être présent pour l’enterrement, vous n’avez pas pu dire au revoir.
Peut-être que vous deviez accueillir un bébé adopté et que tout a été décalé
Peut-être que vous avez dû repousser votre parcours PMA, ou que vos dernières gamètes n’ont pas pu être implantées et que vous avez tout perdu
Peut-être que vous avez été enfermé avec plusieurs enfants en bas-âge, seule ou en couple.
Peut-être que vous avez vécu avec votre bourreau, votre pire ennemi
Peut-être que vous étiez déjà à la limite du burn out et que l’enfermement vous a plongé dans le désespoir.
Peut-être que vous avez vécu un deuil périnatal et que l’isolement a rajouté à votre solitude et votre peine
Peut-être que vous étiez séparés et n’avez pas pu voir votre enfant pendant des semaines entières
Peut-être que vous avez un enfant avec des besoins spéciaux qui n’a pas eu accès à sa routine habituelle
Peut-être que vous avez plongé dans la précarité sociale et que la vie est devenue extrêmement difficile
Peut-être que vous étiez hospitalisé et que vous avez été coupé de votre famille et de vos enfants
Peut-être que vous étiez à l’étranger et que vous avez été coincé, sans possibilité de rentrer auprès de votre famille.
Peut-être que votre charge mentale a explosé et que les inégalités dans votre couple ont été accentuées
Peut-être que vous avez dû vous démultiplier pour prendre soin de vos enfants et continuer de travailler, sans pause.
J’oublie certainement mille scénarios différents et j’en suis désolée, mais je sais que la pandémie a fait ressurgir des angoisses profondes, des doutes sur le monde actuel, des situations insupportables et parfois dangereuses.
Tout a été exacerbé.
Pour certain•es d’entre nous et j’en fait partie, ces 8 semaines ont été un havre de paix, un moment suspendu, un cocon de douceur.
J’étais enceinte, en début de grossesse, j’étais suivi pour un accouchement à la maison, le stress lié à l’arrivée de ma fille ne me touchait que très peu, puisqu’en accouchant à la maison le papa était plus que bienvenu et il n’y avait pas de masque.
Ca a d’ailleurs été un moment merveilleux, la naissance de Jasmine dans notre salon, que je raconte dans l’épisode 66.
Et puis, le prolongement, les confinements, dé-confinements ont, sur le long terme, eu beaucoup plus de conséquences difficiles à gérer pour moi, puisque j’ai accueilli ma dernière fille dans ce contexte de pandémie. J’ai donc eu 2 de mes 3 enfants sous Covid.
Ce que nous avons vécu n’est pas à prendre à la légère, nous les parents qui le sommes devenu à ce moment là, nous les parents d’enfants en bas-âge qui avons dû faire face sans soutien ni relais, nous les parents qui faisons le job le plus dur du monde, avons souffert de manière spécifique pendant cette période.
S’il y a eu beaucoup de négatifs, il y a eu aussi une force incroyable qui s’est dégagée de cette période et nous a obligés à réajuster nos priorités, à envisager l’avenir de manière différente avec la conviction qu’il faut vivre plus en accord avec ses valeurs.
J’aimerais parler des 3 conséquences de la pandémie au sein des familles.
1) Le caractère incertain lié aux confinements à engendré beaucoup de stress chez les parents et notamment chez les mères.
Les premières qui ont subi une grosse charge de stress sont les femmes enceintes.
Mettre au monde un bébé dans un milieu hospitalier où les mesures sanitaires étaient drastiques a provoqué un grand bouleversement dans la façon d’accueillir un petit être humain.
Beaucoup de lieux n’ont pas pu respecter le droit des femmes à avoir leur conjoint avec elles, à avoir un soutien, à pouvoir respirer normalement pendant l’accouchement.
Bref il y a eu des traumas dont les femmes et leurs bébés se sont accommodées avec plus ou moins de résilience.
Les femmes ont été en première ligne pendant cette crise mondiale. D’abord parce que je ne vous apprends rien, le care est majoritairement un monde de femmes, mais aussi parce que la charge mentale a explosé pour les femmes pendant cette période.
Et ça a engendré de grosses problématiques de santé et d’épuisement.
Les statistiques sont claires :
Selon une étude Women’s forum réalisée par l’institut Ipsos dans les pays du G7 en 2021, les femmes avec des enfants en bas âge ou qu’elles élèvent seules sont 56% à avoir déclaré se sentir régulièrement épuisées, contre 34% des pères d’enfants du même âge.
C’est un écart de 22 points !
Chaque statistique de cette étude met en lumière le décalage entre les femmes et les hommes et plus particulièrement entre les pères et les mères.
Toutes les études réalisées par le parlement européen sur le sujet montrent que les mères de jeunes enfants ont été touchées de manière disproportionnée.
Puisque les femmes assument la majeure partie de la charge mentale liée à l’organisation du care (budgétisation, planification et programmation des soins et des tâches ménagères), elles ont souffert d’une double peine.
L’isolement et l’augmentation de leur responsabilités au sein du foyer, ajouté à ça, parfois la précarité et la pression de réussir leur carrière professionnelle.
De manière générale, les femmes sont sorties épuisées des 2 années de confinement dues au covid.
Et nous commençons à voir les répercussions sur la santé mentale des mères et des pères aujourd’hui.
Personnellement, j’ai fait un burnout 18 mois après le début de la pandémie, parce que j’avais gardé ma fille auprès de moi pendant 1 an, que je travaillais en même temps et que je n’avais jamais de pause.
Les cafés étaient fermés, je ne pouvais pas travailler à l’extérieur de chez moi et j’ai explosé en vol au moment où je suis tombée enceinte de ma 3e.
2) Nos liens sociaux ont été chamboulé
Vous avez surement connu les apéros zoom, les rendez-vous quotidiens sur whatsapp ou facetime.
Sortir n’était plus une option, même se retrouver au parc, en extérieur, était devenu dangereux.
Personnellement, j’ai noué des liens forts avec mes voisins pendant cette période.
A travers nos jardins, on a pu garder cet échange humain du en chair et en os. Et quel bonheur.
La façon d’appréhender nos amitiés a été bouleversée pendant cette période.
Un trop grand nombre de personnes ont rapporté avoir souffert de la solitude, de l’isolement, du manque de luminosité, d’espace mais aussi d’activité physique.
Je me souviens qu’en sortant de la première période du confinement, j’avais trouvé le monde extérieur agressif, tout allait trop vite.
Moi qui suis sociable, j’avais intégré que l’autre était un danger potentiel.
Il y a une forme d’habitude à se replier sur son foyer, à ne pas oser sortir à nouveau et vivre de manière normale. Plusieurs études britanniques ont montré que nos relations se sont recentrées sur l’essentiel et que nos liens s’en sont trouvés renforcés.
Entre 2020 et 2021, certaines familles ont perdu l’habitude de compter sur de l’aide extérieure, ont eu peur de mettre leur enfant en collectivité ou ont simplement opéré un changement de vie en quittant les grandes villes.
A côté de ça, beaucoup de jeunes parents ont vécu de manière positive le fait de pouvoir travailler depuis la maison, en même temps que l’arrivée de leur bébé.
Cela leur a permis d’être bien plus présent et de nourrir ce lien d’attachement si précieux.
Et fait non négligeable, les nouveaux pères ont été impliqués d’entrée dans le soin du bébé et sur la durée. Ce serait intéressant de voir si cette entrée dans la paternité a joué sur le long terme.
Le monde a été bouleversé ainsi que nos modes de vie.
Il y aura toujours un avant et un après mars 2020.
4 ans après, les études continuent d’être menées sur le lien social et ses répercussions.
Il y aura d’ailleurs très prochainement un épisode avec une sociologue qui s’est penchée sur le sujet.
3) Les enfants ont absorbés notre stress, nos angoisses et leur rapport au monde s’en est trouvé chamboulé
Un autre aspect qui est souvent négligé, ce sont les conséquences sur nos enfants et elles sont multiples.
Vous aviez peut-être à l’époque des enfants scolarisés, qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans leurs routines, sans leurs copains. Qui ont essayé de comprendre le contexte du covid.
Ils ont intégré un nouveau vocabulaire lié au coronavirus, aux masques.
Nos enfants, adolescents ont dû porter un masque de manière régulière.
Je sais bien que c’était pour les protéger.
Mais est-ce qu’on peut prendre 2 minutes pour reconnaître à quel point nos enfants ont fait preuve d’une grande adaptation pour se plier aux règles.
On le sait, l’apprentissage du langage passe aussi par le mimétisme. Les orthophonistes avaient tiré la sonnette d’alarme à l’époque.
Le port du masque a eu des conséquences et on l’a peut-être un peu oublié.
A cette époque, les écarts scolaires se sont creusés.
L’Université de Poitiers avec le CNRS ont publié une étude qui montre que la fracture sociale s’est accentuée chez les enfants.
Déjà sur l’aspect numérique mais aussi sur la culture scolaire.
Les fermetures d’écoles ont creusé les écarts d’apprentissages liés à l’origine sociale.
Du jour au lendemain le monde est devenu anxieux et étiqueté comme dangereux.
Du jour au lendemain, on leur a demandé de se séparer dans les cours de récré.
Du jour au lendemain, toutes les fêtes qui jalonnent la scolarité ont été annulées. Leur socialisation s’est éteinte.
Du jour au lendemain, on les a sortis du système scolaire.
Et pour certains, l’école était leur seul endroit de respiration.
Parce que malheureusement les violences envers les enfants ont augmenté de manière considérable pendant les confinements.
L’inserm a publié une étude alarmante en août 2021, qui montre que le pourcentage d’enfants hospitalisés à la suite de violences a augmenté de 50 % pendant le premier confinement.
Pendant le confinement, il y a eu un tiers de signalement de violences faites aux enfants en plus auprès du 119, le numéro agréé, par rapport à l’année précédente.
Cela montre qu’il y a encore un immense travail de prévention à faire auprès des parents pour leur apprendre à réguler leur émotions, à gérer leur trauma, et tout simplement pour montrer qu’une autre voix d’éducation existe, sans la violence.
J’y ai souvent pensé quand j’étais à bout avec mes filles, seules, avec un sommeil fracassé, à quoi cela aurait ressemblé si j’avais été enfermée avec elles.
Heureusement je n’y ai pas été confronté, mais j’imagine que ça a dû être hyper difficile à vivre pour certain•es d’entre vous.
La pandémie vous l’avez compris nous a mis à rude épreuve, nous parents de jeunes enfants.
Les inégalités ont été exacerbées et on commence à comprendre aujourd’hui, 4 ans après les conséquences que cela a eu.