Épisode 232 – Comment rater son couple à coup sûr. Emmanuelle Piquet

Comment rater son couple à coup sûr. C’est ce qu’Emmanuelle Piquet explique dans son nouveau livre.

Emmanuelle est thérapeute depuis plus de 15 ans et elle accompagne au quotidien des personnes en souffrance. Comme elle l’explique, régulièrement, les personnes qui viennent la voir en individuel sont en fait des personnes en difficulté dans leur couple.

Dans ce livre, plein d’humour évidemment, Emmanuelle veut vous montrer que les problématiques que rencontrent les couples sont, au final, assez communes dans leurs origines.

Dans cet épisode, on parle des cercles vicieux dans lesquels on peut toutes et tous se retrouver, on parle de l’envie de contrôler son partenaire et de ce que cela cache, on parle de notre incapacité à communiquer nos besoins correctement et de ses conséquences, et on aborde les disputes de couple sous un angle nouveau et rafraîchissant.

Alors, embarquez avec nous dans ce monde sinueux des relations de couple et de leurs ruptures.

Je vous souhaite une très bonne écoute.

🗣️ Au programme :

👥 Introduction à l’approche Palo Alto (00:00 – 05:30)
🔄 Problématiques courantes dans les couples (05:31 – 15:45)
💬 Communication paradoxale et injonctions (15:46 – 30:58)
🚩 Désirs de contrôle et politique des red flag (30:59 – 47:50)
👪 Séparation et coparentalité (47:51 – 01:03:39)



TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine

Salut Manuel ! 

Emmanuelle

Salut Clémentine ! 

Clémentine

Ça va ? 

Emmanuelle

Très bien et toi ? 

Clémentine

Oui ! Troisième fois quand même ! Merci ! 

Emmanuelle

On se lasse pas vraiment ! 

Clémentine

Je fais voir s’il y a de mes VIP là ! Je suis très fière du coup ! Je suis ravie de te recevoir encore. En plus on va parler encore d’un sujet complètement différent. Je te rappelle on a fait sur le harcèlement ou en tout cas la capacité des enfants à se protéger dans les relations aux autres. Ensuite on a fait sur les adolescents. J’ai adoré. Et donc là, on va parler du couple. Mais d’abord, j’aimerais que tu nous rappelles ce que c’est l’approche Palo Alto et le 180 degrés pour que les gens aient bien en tête de quoi on va parler et comment tu procèdes. 

Emmanuelle

Donc, l’école de Palo Alto, qui est en effet l’école de pensée avec laquelle je travaille en clinique, je travaille que avec cette école, je suis un peu monomaniaque, c’est une école qui a mis à jour un certain nombre de principes tout à fait éclairants, je trouve, en matière d’analyse des relations humaines, on va dire. Je ne vais pas tous les citer ici, mais un des principes fondamentaux qu’ils ont mis en lumière pendant leur pratique clinique, c’est que C’est souvent ce que les gens mettent en place pour résoudre un problème qui non seulement ne le résout pas, mais l’alimente, voire l’aggrave. Donc, en fait, ils ont constaté qu’en effet, les gens étaient très souvent pris dans des espèces de cercles vicieux où ils faisaient un peu plus de la même chose en espérant que ça change.

Et en fait, non seulement ça ne changeait pas, mais ça s’aggravait. Donc à partir du moment où ils ont fait cette analyse-là, ce constat-là, ils se sont dit donc ça veut dire que pour aider les gens qui nous demandent, voilà, qui nous font la confiance de nous demander à les aider, eh bien il faut qu’on les aide à arrêter de faire ça. Donc une bonne façon d’arrêter de faire quelque chose, c’est de faire l’inverse en fait, c’est-à-dire de faire un virage à 180°. Parce qu’il est beaucoup plus facile en effet de faire quelque chose d’opposé à ce qu’on faisait auparavant, que d’arrêter de faire cette chose. C’est très difficile, en fait, d’arrêter de faire quelque chose. Donc la meilleure façon d’être sûre qu’on arrête, c’est de faire l’inverse. Et ça, c’est brillant, je trouve, comme analyse.

En gros, l’idée, c’est qu’on ne peut pas être à la fois debout et allongé. En gros, c’est un peu ça. Et donc, nous, notre métier, ça consiste en effet à comprendre les cercles vicieux dans lesquels sont pris les gens qui viennent nous demander de l’aide, qui viennent pour que leur souffrance s’apaise, en fait. Donc, comprendre dans quels cercles vicieux ils sont pris. Un peu comme s’ils étaient un hamster dans une roue, en fait, et les aider à faire exactement l’inverse, en fait, pour moins souffrir, en fait. 

Clémentine

Et c’est vrai que c’est pas facile à faire. 

Emmanuelle

Non, c’est super difficile. 

Clémentine

Sur papier, ça paraît simple. 

Emmanuelle

Oui, c’est super difficile parce qu’en fait, il y a deux types de patients qui nous disent souvent un peu la même chose. Ils disent en fait, moi, j’ai l’impression que je suis dans une impasse. Ça, c’est vraiment une phrase qu’on entend souvent. Et en fait, moi, j’ai envie de dire à ce moment-là, faisons demi-tour. Parce que ça me paraît logique quand on est dans une impasse. Et en fait, je trouve qu’il y a deux types de patients. Il y a ceux qui, à un moment donné, n’ont pas conscience, en fait, qu’ils pourraient faire demi-tour. Vraiment, il y en a. Et notamment les enfants et les adolescents, par exemple, ils n’ont pas forcément conscience, en fait, qu’ils pourraient faire demi-tour.

Donc ils continuent à faire la même chose en se cognant un peu comme une mouche sur une vitre, en fait, en se faisant mal, d’ailleurs, à chaque fois, souvent. Et puis il y a une deuxième catégorie de patients qui, eux, savent très bien qu’il faudrait faire un virage à 180 degrés, le sentent, le pressentent, mais n’ont pas du tout envie de le faire parce que c’est en effet très difficile. 

Clémentine

C’est coûteux. 

Emmanuelle

C’est très coûteux. 

Clémentine

Ça se comprend. Je peux me caler dans cette catégorie de patient aussi. Alors aujourd’hui, tu as écrit un nouveau livre où tu t’es intéressé au couple et avec un titre que j’aime vraiment beaucoup. Très prometteur d’ailleurs. Comment rater son couple à coup sûr ? Pourquoi est-ce que tu as été sur ce titre-là ? 

Emmanuelle

Alors c’est un clin d’œil à Paul Veslavik, en fait, qui est un des penseurs de l’école de Palo Alto, qui avait écrit, par exemple, comment réussir à échouer. Ou faites vous-même votre malheur. Donc c’est vraiment un petit clin d’œil parce que… Et puis c’est aussi un peu l’anti-manuel de développement personnel au sens comment faire pour. Je trouvais ça intéressant, mais c’est vrai que c’est un peu aussi cette idée qu’on est pris dans ces autoroutes dont on va parler, ces autoroutes qui sont assez monotones, de comment rater son couple en prenant ces autoroutes. Et je ne peux pas m’empêcher, en effet, d’en suivre, de donner quand même quelques chemins de traverse potentiels à emprunter pour sortir de ces autoroutes-là. Mais c’est vrai que la description, c’est celle des autoroutes. Qu’emprunte le couple pour être sûr de souffrir. Ça marche très très bien. 

Clémentine

Alors tu dis en préambule dans le livre que le couple c’est une usine à cercles vicieux. Pourquoi ?

Emmanuelle

Parce que c’est un lieu, un système humain où il y a toutes sortes d’enjeux extrêmement forts, à la fois d’ailleurs sociétaux et à la fois internes. Et en plus c’est un système où en effet il y a plein d’injonctions à faire plein de choses, à réussir plein de choses. Et du coup, ça crée des espèces de volonté de faire, de volonté de ne pas faire, de rigidité, de choses très génératrices au fond de souffrance avec soi-même et aussi évidemment dans la relation. Donc du coup, en effet, ça crée plein de possibilités de souffrir énormément. Je trouve que c’est vraiment le système le plus douloureux globalement avec l’éducation nationale. C’est une petite blague, bien entendu.

Parce que c’est vrai que je trouve qu’il y a plein de cercles vicieux dans tous les sens, potentiels en fait, parce qu’il y a des enjeux et parce qu’il y a des enjeux à la fois sociétaux et intimes. 

Clémentine

Parce que tu fais une petite cartographie au début et en fait on se rend compte que même si on décrit beaucoup le couple aujourd’hui, même si on veut se libérer des carcans de la société qui voudraient qu’on soit en couple, des enfants, on reste toute notre vie, ça reste une valeur hyper importante en fait. 

Emmanuelle

Tout à fait. Les gens sont encore très attachés au couple, alors pas forcément au couple marital. En effet, c’est ce que j’explique. Mais néanmoins, il y a toujours cette envie de partager sa vie avec quelqu’un qui est en tout cas partagé par la majorité. Je ne dis pas qu’il n’y a pas des choses qui bougent un peu, mais en effet, ça reste encore un enjeu très fort. 

Clémentine

Alors dans ta pratique, quelles sont les problématiques qui reviennent le plus souvent ? Où tu dis, allez là c’est le bingo, je sais où on s’en va, où on va ?

Emmanuelle

Mais ce qui est très drôle en fait, c’est qu’au préalable de ça, quand je reçois des gens tout seuls, donc qui viennent tout seuls, au bout d’environ, mes étudiants me disent, mais c’est pas possible, tu es insupportable. Mais c’est vrai qu’environ au bout de trois minutes, alors même que la personne a juste dit, voilà je viens vous voir parce que… J’ai pas exactement confiance en moi et tout ça et puis elle rajoute deux trois choses je dis bon ben là on est sur une problématique de couple et c’est vrai en fait c’est à dire qu’ils viennent pas forcément pour ça vous voyez ce que je veux dire quand ils viennent tout seuls alors ce que je retrouve le plus c’est des problématiques je dirais liées à la peur je trouve que c’est quand même, si on devait le catégoriser par émotion, je pense que la peur c’est vraiment une des choses qui les fait consulter, donc soit la peur d’être quitté, soit la peur d’être trompé. Et du coup, ça c’est quand même quelque chose qui revient hyper souvent, parce que ça génère pas mal de, on va dire, de modalités pour faire en sorte que cette peur diminue, vainement comme je l’ai expliqué.

Ensuite, je trouve qu’il y a des problématiques, en effet, de prise en charge, c’est-à-dire comment, en effet, dans certains couples, tout à coup, il se met en place quelque chose où l’un se dit, il faut que je le prenne en charge là-dessus parce que vraiment il est défaillant, ou il faut que je la prenne en charge là-dessus parce que vraiment elle est incompétente, ou parce que c’est pas comme ça qu’il faudrait faire, enfin, etc. Grosso modo, je trouve que c’est les deux premières choses qu’on voit. Après, on voit plein d’autres choses, notamment ce qu’on voit très souvent et qui est assez genré, j’en parle dans le livre, c’est tout ce qui est communication paradoxale, c’est-à-dire l’espèce de langage implicite très… Je suis désolée, c’est très genré, ce sont souvent les femmes qui ont cette communication-là.

Et comme je le dis dans le livre, je pense qu’elles ont cette communication-là parce que c’est dangereux, ça a été dangereux, ou en tout cas elles ont acquis cette idée que ça pouvait être dangereux de communiquer de façon directe. Donc il y a des communications très indirectes qui génèrent des choses souvent assez problématiques. 

Clémentine

Tu donnes, tu en as parlé juste avant, une métaphore dans le livre de l’autoroute. Est-ce que tu peux nous l’expliciter pour qu’on ait un peu confiance vers où on s’embarque ? 

Emmanuelle

Oui, c’est ça. En fait, moi, j’ai l’impression qu’il y a quand même une cartographie d’autoroutes relativement monotones que prennent les couples. Alors après, ils sont très créatifs pour… Pour souffrir le mieux possible à l’intérieur de ces autoroutes, enfin, en empruntant ces autoroutes. Mais ces autoroutes, en global, je trouve, sont relativement monotones. Et pour en parler avec d’autres thérapeutes de couple, clairement, c’est le cas. Donc, on a, par exemple, l’autoroute de l’évitement. Donc, j’évite un certain nombre de choses. J’évite les crises. J’évite de parler de certains sujets. Voilà, donc, l’évitement. Alors, l’évitement, dans un premier temps, est assez confortable parce que, du coup, comme on évite, on a l’impression que tout va bien. Et puis, les problèmes que ça s’accumule. En plus, c’est comme si on prenait l’autoroute, en fait, à l’envers, donc voilà, en regardant pas du tout devant, donc c’est assez dangereux.

Voilà, absolument. Il y a l’autoroute, j’en parlais du contrôle, donc on commence à contrôler l’autre, à vouloir contrôler ses relations, ses émotions, ses sensations, ses pensées même. D’une certaine façon, c’est une autoroute extrêmement douloureuse. Il y a l’autoroute, je le disais, de la communication paradoxale ou n’importe quoi. Il y a l’autoroute du ressassement aussi, par exemple. Enfin, il y a toutes sortes d’autoroutes et en fait le problème c’est que souvent ces autoroutes, elles sont vraiment très bien signalisées. C’est-à-dire qu’en fait, paradoxalement, comme je le disais tout à l’heure, le système nous engage à les prendre en fait. Elles sont assez bien signalisées, enfin, on y va un peu confiants quoi. Et puis, à un moment donné, les soucis commencent. Voilà.

Et donc moi, mon idée, et c’est ce que j’essaie de dire métaphoriquement, c’est Je pense qu’il y a des bretelles d’autoroutes, et je pense qu’en effet, comme le disaient les penseurs de l’école de Palo Alto, on peut à un moment donné prendre une bretelle pour faire demi-tour, quand on voit que, en effet, cette autoroute n’est pas pour nous. 

Clémentine

Mais c’est pas simple. 

Emmanuelle

Non, c’est pas du tout simple. 

Clémentine

Surtout si parfois on n’est pas le pilote ou la pilote. 

Emmanuelle

Absolument. Et puis en plus, encore une fois, Paul Vasavik disait que c’est sans doute là où il y a le plus le syndrome de l’utopie, c’est-à-dire que quand on a imaginé son couple, quand on l’a idéalisé, alors je le dis avec énormément d’affection, mais j’ai quand même des… J’ai quand même des espèces de fantasmes comme ça, je le perçois, de personnes qui se sont mises en couple en disant voilà ce sera un peu la famille Ricoret avec des grandes frites blondes qui s’embrassent toutes et qui sont hyper contentes. Et en fait ça se passe rarement comme ça, ça se passe un quart d’heure par an à peu près comme ça. Et donc il y a une espèce d’utopie qui tout de suite tombe en fait et c’est hyper douloureux d’une certaine façon.

Et donc, comme on a quand même l’impression que si on persiste, on va peut-être y arriver, c’est pour ça que c’est dur aussi de faire demi-tour, parce qu’on a déjà misé, on a investi dans ce voyage-là. 

Clémentine

Et donc de renoncer en se disant que peut-être on regrette d’avoir investi tout ce temps, on se dit peut-être qu’il fallait encore que je persiste parce que c’était juste après la prochaine aire d’autoroute qui avait bien marché. 

Emmanuelle

Surtout quand on est quelqu’un de très persévérant. 

Clémentine

Et on peut tout à fait naître si on a envie. Pourquoi est-ce qu’on a tendance, très souvent, il faut être honnête, dans les couples à penser que c’est l’autre le problème ? Je m’inclue. 

Emmanuelle

Mais oui, moi aussi, bien entendu. C’est tellement plus facile. Là, c’est la raison, c’est que c’est quand même extrêmement… Moins douloureux pour soi-même que d’expliquer à quel point, en fait, c’est l’autre qui a des comportements problématiques et à quel point… Et ça, après, c’est une construction qu’on fait dans sa tête où on se dit, donc s’il cessait ses comportements problématiques, évidemment que moi, je serais plus obligée d’avoir ces comportements-là. Et en fait, je trouve qu’un exemple hyper intéressant, c’est par exemple un couple où, je ne sais pas, imaginons, Madame va dire, voilà, moi, je… Oui, je dissimule des choses à mon mari parce qu’il est en permanence en train de me contrôler et donc j’ai besoin d’un moment de liberté où je suis sous contrôle. En effet, je dissimule, c’est bien logique. Et oui, c’est logique de son point de vue.

Il lui dit mais moi, je suis obligé de contrôler puisqu’elle dissimule, elle vient de vous l’admettre en plus, donc elle dissimule. Donc comment voulez-vous que moi, ça ne me pousse pas à contrôler ? Il a raison de son point de vue. Et en fait, je trouve que ce qui est hyper intéressant quand on commence à regarder le couple, c’est de passer de cette vision hyper linéaire. C’est parce que monsieur est comme ça que moi, je suis comme ça. Et l’autre, forcément, c’est parce que madame est comme ça que moi, je suis comme ça. A une vision circulaire, en fait. Ou comment, au fond, d’une certaine manière, A a un impact sur B, certes, mais B a un impact sur A aussi, réciproquement. Et donc, tout ça est très circulaire.

Et ça, c’est aussi un des grands apports de l’école de Palo Alto, c’est de regarder les choses de façon circulaire et non plus linéaire. Et un exercice que je fais souvent en thérapie de couple, c’est vraiment quand ils viennent à deux, ce qui n’est pas forcément le cas, moi je fais pas mal de thérapie de couple avec une seule personne, celle qui souffre le plus, c’est de les faire changer de place sur le canapé en fait, et de dire à un monsieur, vous allez m’expliquer avec les mots de votre femme en quoi vous êtes problématique dans ce couple. Et puis je vais faire évidemment la même chose de l’autre côté. Et déjà d’entendre dans la bouche de son conjoint la problématique perçue de notre point de vue à nous, ça peut être déjà extrêmement apaisant parce que c’est vraiment un exercice qu’on fait peu. 

Clémentine

De se mettre à la place de l’autre et de prendre son point de vue, son rôle. Et tout ce que ça a comme charge émotionnelle aussi ou implication. On est trop autocentré dans le couple. 

Emmanuelle

Oui, et puis on est de toute façon, dans le couple ou ailleurs, on est vraiment sur des visions. On nous a appris des cartes, je veux dire très fortement quand même. Je veux dire, la pensée cartésienne, c’est quand même quelque chose de très linéaire. Donc, on n’est pas habitué à ces visions circulaires. C’est relativement logique. 

Clémentine

C’est vrai que la première fois que je t’ai interviewée, on parlait de harcèlement et c’est une des premières choses dont tu parles dans l’épisode, de dire en fait, les enfants, c’est pas qu’ils sont responsables, mais dans la relation, ils tiennent un bout de la ficelle et ils ont un pouvoir de pouvoir tirer ou de la lâcher ou d’en faire ce que… Ça paraît tellement logique, mais c’est pas du tout ce qu’on arrive à faire au quotidien, de comprendre que, comme tu dis, A a un impact sur B et B a un impact sur A, on se victimise très vite dans une relation. 

Emmanuelle

Oui, parce que c’est plus… C’est moins… Désagréable d’un point de vue… Voilà, l’autocritique c’est jamais très agréable, c’est compliqué. Et en plus je trouve que c’est même pas en effet comme ça qu’il faut le voir parce que… Prenons un exemple qui n’a rien à voir mais que je trouve intéressant. Si par exemple j’envoie un mail de réclamation à quelqu’un, parce que je suis mécontente d’un service, peu importe, on s’en fiche, vraiment je suis très mécontente, donc je commence à écrire et puis je me dis tiens je vais mettre son chef en copie. Donc on met le chef en copie. Là ça va modifier la façon dont on écrit.

C’est-à-dire que le fait même, alors même que la relation n’a pas encore eu lieu, l’interaction n’a pas encore eu lieu, mais le fait même de savoir à qui on l’envoie modifie en fait la façon dont on écrit. Et donc ça c’est quelque chose de permanent mais dont on n’a pas forcément conscience quoi. Sans même parler de responsabilité, mais juste de voir les choses dans ce système-là. 

Clémentine

Est-ce que quand tu fais ces exercices en couple, ça dénoue beaucoup de tensions ? Tout de suite, ça fait baisser peut-être le niveau d’agressivité qui peut exister ou c’est pas assez pour aider des couples ? 

Emmanuelle

Alors, je trouve que c’est parfois, parce que vraiment, tout dépend vraiment de l’autoroute qu’ils ont prise, bien entendu. Non, mais c’est vrai, parce que c’est vraiment cette autoroute-là qu’il va falloir qu’on analyse très précisément. Mais le fait même, en effet, de leur faire voir cette circularité dans le système couple, c’est quelque chose de très émouvant, en fait, je dirais, qui, au fond, fait tomber un peu la colère parce que… Une des choses qui rend le plus souvent les protagonistes d’un couple en colère, c’est d’avoir la sensation que l’autre ne comprend absolument pas notre point de vue, en fait, d’une certaine manière.

Mais ce qui est assez drôle, c’est que quand on leur fait faire l’exercice, donc vraiment je le fais exprès, de les faire changer de siège, parce que vraiment je veux qu’ils se mettent dans la position de l’autre avec la même ponctuation du problème, donc c’est-à-dire d’inverser la leur, de ponctuation, et j’ai le plus grand mal à les maintenir là-dedans, parce qu’en fait, ils commencent en disant : Alors le problème avec Jean, donc il se met à la place de sa femme, le problème avec Jean c’est qu’il est quand même extrêmement contrôlant, voilà. Et là il dit bon en même temps c’est vrai que… En même temps c’est… Voilà il commence à essayer d’expliquer à quel point tout ça est logique quoi en fait. D’un point de vue linéaire. 

Clémentine

Il faut toujours le recadrer. 

Emmanuelle

Tout à fait. 

Clémentine

Maintenant c’est pas ça qu’elle aurait dit là. 

Emmanuelle

Ce n’est pas la question. 

Clémentine

On ne vous demande pas de vous justifier. Parce que c’est vrai qu’il y a ça, cette tendance en couple de dire oui c’est vrai mais XXX, je fais ça pour telle raison. Les raisons sont valables pour la personne, mais ce n’est pas ça qui fait avancer la relation. 

Emmanuelle

Non, elles sont valables pour la personne. Elles sont même valables d’un point de vue circulaire. Pour moi, en fait, la réalité, elle est dans les deux. Quand un homme dit je rentre de plus en plus tard parce que ma femme est toujours en train de faire la gueule. Donc, en fait, moi, je n’ai pas envie de rentrer spécialement tôt et que madame dit mais moi, je fais la gueule parce qu’il rentre de plus en plus tard et que ce n’est pas pour ça que j’avais payé. Les deux ont raison. Enfin, payé, pardon. Ce n’est pas pour ça que j’avais investi dans le couple n’importe quoi. Les deux ont raison. Les deux ont raison.

Et donc, en fait, dans la problématisation, la façon dont on analyse le problème, il va falloir prendre la boucle entière, sans dire qu’il y en a un qui est plus responsable que l’autre. Et c’est là où ça peut devenir compliqué. 

Clémentine

Ce qui est compliqué, non, puisque j’ai l’impression que quand on va en thérapie, souvent, c’est pour pointer du doigt le fait que l’autre, devant une tierce personne, m’être à jour. Tu vois bien que j’avais raison, c’est toi le problème. 

Emmanuelle

Oui, tout à fait, on est très prise à partie. 

Clémentine

Voilà, c’est ça. 

Emmanuelle

On est très prise à partie. Ou tout à coup, ils disent, comme je l’explique, ils disent, est-ce que tu vas dire à Madame Piquet ce que tu m’as fait en 83 ? Et là, je me dis… 

Clémentine

On a une très bonne mémoire quand même. 

Emmanuelle

Très très grande mémoire rancunière où je me dis mais à quel moment je vais pouvoir leur faire percevoir la circularité dans ce bordel ? Donc ça peut être vraiment extrêmement compliqué. 

Clémentine

Ça peut prendre 20 ans de revenir. 

Emmanuelle

Absolument, oui en plus c’est très long. Donc oui, ils viennent pour ça, en effet pour expliquer à quel point c’est l’autre qui est problématique. Parfois ils viennent vraiment pour d’autres raisons, il y en a qui viennent pour sauver leur couple. Beaucoup en fait, ça c’est vraiment un des motifs, surtout quand ils viennent à deux. Et là, ce qui est très, très difficile, en fait, dans ce genre de situation, c’est qu’il y en a souvent un qui veut sauver le couple, une plutôt, dans mes statistiques personnelles, et un qui vient en disant, on ne pourra pas me dire que je n’ai pas tout essayé, un petit peu en mode thérapie alibi. Et ça, c’est compliqué parce qu’on ne peut pas du tout travailler ensemble sur ces modalités-là.

Et donc là, c’est important de pouvoir travailler avec chacun, en fait, parce que les objectifs ne sont pas les mêmes, en fait, d’une certaine manière. 

Clémentine

Est-ce que ça te met la pression quand tu sens qu’un couple vient pour sauver son couple et que tu sais que tu as un rôle à jouer ? Tu n’es pas responsable évidemment, mais tu vas grandement influencer, je ne sais pas si c’est le mot, mais avoir un impact en tout cas sur la résultante de cette thérapie. 

Emmanuelle

Oui, c’est pour ça que moi je prends vraiment un cadre volontairement. J’ai fait ça, j’ai dit en fait moi, Très sincèrement, quand les gens viennent me voir pour sauver leur couple, à la fin de la thérapie, il y a 80% de ces couples qui se sont séparés. Parce que moi, je ne veux pas commencer à induire de l’espoir. Ce n’est pas vrai, hein, 80%, mais je veux vraiment induire que ce n’est pas tellement mon objectif. 

Clémentine

Tu leur dis ça ? 

Emmanuelle

Oui, je leur dis ça. 

Clémentine

Tu leur dis ça, même si ce n’est pas vrai comme stat. 

Emmanuelle

Oui, oui, j’augmente considérablement. Parce que je… L’idée, vraiment, c’est de travailler à la relation, en fait, parce que c’est notre métier de travailler à ce que cette relation soit la moins douloureuse possible au bout de la thérapie. Et peut-être que ça peut passer par une rupture. En fait, moi, je n’en sais rien au début. Et très sincèrement, alors ça, c’est plutôt des gens qui sont en individuels qui viennent en disant voilà, j’ai… Je viens vous voir parce que je veux me séparer de mon conjoint. J’ai envie de dire, mais en fait, comment se fait-il que tu ne sois pas chez un avocat plutôt que chez moi, en fait ? Parce que si tu veux… Donc, on voit bien que c’est quand même extrêmement compliqué et que moi, je n’en sais rien.

Je veux laisser tout ouvert, mais en tout cas, je ne veux pas induire tout à coup quelque chose qui serait de l’ordre de, voilà, grâce à cette thérapie, vous allez vous remettre ensemble. Parce que souvent, c’est un des deux qui veut ça. Ce n’est pas les deux, donc je ne suis plus en thérapie de couple. 

Clémentine

Ce n’est pas évident quand même. Non. Et les enjeux sont grands parce que j’imagine que tu vois aussi beaucoup de couples qui ont des enfants, donc il y a une répercussion sur la vie de leurs enfants derrière. 

Emmanuelle

Absolument. 

Clémentine

Et ce n’est pas anodin. 

Emmanuelle

Non, non. Il y a vraiment beaucoup d’enjeux, d’autant plus que très sincèrement, il y a vraiment des séparations qui génèrent beaucoup de souffrances chez les enfants. Mais il y a également beaucoup de maintien de couple qui génère des souffrances chez les enfants. Et je pense que c’est important aussi de le regarder à cette haune. 

Clémentine

Est-ce que des fois tu as la sensation que c’est un immense gâchis, que ces deux personnes-là vont se séparer potentiellement ou elles n’y arrivent plus alors qu’il y a ce qu’il faut, mais que la communication par exemple pose problème ? Tu le ressens ça ? 

Emmanuelle

Moi je ressens toujours qu’il y a des choses différentes à faire en fait. Vraiment, je trouve que vraiment souvent on s’est vraiment, encore une fois, embarqué dans des choses qui sont parfaitement improductives et on n’avait pas forcément conscience, on n’a toujours pas forcément conscience que c’est le cas. J’ai du mal à parler de gâchis, je trouve que… Enfin voilà, parce que je… De toute façon, d’une manière générale, j’ai du mal à parler de gâchis. Par exemple, quand les parents me disent « il travaille pas, il a 12 de moyenne, c’est un vrai gâchis, il devrait avoir 18 », j’ai du mal aussi. Je trouve qu’il faut prendre les choses ici maintenant, pas tellement en termes de « ça aurait pu » ou « ça aurait dû », voilà.

Mais si, parfois c’est triste, on voit des gens très tristes, enfin on voit des grosses souffrances en fait, c’est ça surtout qui est douloureux. 

Clémentine

Forcément, quand on vient de voir, c’est qu’on est en souffrance, c’est qu’on a atteint un petit point. C’est rare dans les coupes qu’ils viennent pour checker que ça se passe bien quand ça roule. 

Emmanuelle

Non, ils viennent pas. Ce qui vient en prévention, pas mal. En prévention, quand je veux dire, nous on travaille vraiment quand il y a problème en fait. Là on dit on sait pas faire du tout, checker ou voir si ça va, on sait pas trop. Ce qui vient en prévention et qu’on ne sait pas très bien faire non plus, enfin pas du tout, mais pour ainsi dire, ce sont des gens qui disent, des femmes notamment, qui viennent en disant, je viens parce que je suis dans un scénario de répétition, vous voyez, au niveau conjugal, et qui disent donc, voilà, j’ai eu plusieurs échecs, comment je fais avec le prochain ?

Et là, c’est compliqué pour nous parce qu’en fait, il n’y a pas du tout de mode d’emploi et tout ça, encore une fois, comme c’est circulaire, ça ne dépend pas que de la personne. 

Clémentine

Il faut qu’il y ait l’autre en face. 

Emmanuelle

Oui, exactement. Et donc, voilà, on leur demande de bien vouloir trouver quelqu’un pour qu’on puisse analyser comment se crée le problème à nouveau. 

Clémentine

Pour notre laboratoire ça marche pas là, il y en a pour quelqu’un. Tu l’as mentionné tout à l’heure, un des problèmes qui est un petit peu plus féminin, c’est la communication paradoxale. Est-ce que tu peux expliquer déjà ce que c’est la communication paradoxale et donner un exemple à quoi ça ressemble ? Peut-être qu’on le fait mais on s’en rend pas compte. 

Emmanuelle

Oui oui, parfois on s’en rend pas compte du tout. Alors une injonction paradoxale, pour donner la définition brute, c’est une injonction à laquelle on ne peut répondre qu’en désobéissant à une partie de cette injonction. Parce que c’est une injonction où il y a deux messages, en fait. Un message explicite, qui est le contenu, et un message implicite, qui n’est pas dit, mais qui est quand même véhiculé. Alors je prends un exemple tout simple, vraiment extrêmement simple. Imaginons… Voilà, une personne qui dise à son conjoint, voilà. On est allé chez Clémentine hier, tu vois que son mari lui offre quand même des fleurs extrêmement régulièrement puisque ça fait trois fois que je vois qu’il y a un nouveau bouquet de fleurs. Toi, je constate que c’est pas vrai. C’est-à-dire que ça c’était avant quoi, je veux dire, mais maintenant plus du tout, imagine.

Donc là, la personne en question, ainsi enjointe, se dit je ne vais pas acheter des fleurs tout de suite parce que c’est ridicule, on est d’accord, mais il attend donc 3-4 jours, imaginons que ce soit un homme, il attend 3-4 jours et puis donc il achète des fleurs à sa femme. Et là, ce qui se passe très souvent, c’est que la femme va dire, quand on est sur ce genre d’autoroute, va dire merci mais c’est hyper dommage que tu n’y aies pas pensé tout seul. En fait, le problème c’est qu’en gros elle lui dit, et ça fait partie de cette famille-là des injonctions paradoxales. Elle lui dit « Prends des initiatives ». C’est vraiment une injonction hyper forte dans le couple, ça. Donc, prend des initiatives.

Mais on voit bien que si on obéit à cette injonction, ça veut dire qu’on ne prend pas d’initiatives. Mais si on n’obéit pas, on n’en prend pas non plus. Donc en fait, quoi qu’on fasse, on se retrouve dans quelque chose qui n’est pas bien. Pareil, le conjoint qui a acheté des fleurs, s’il en achète, ça ne va pas. En tout cas, c’est la conclusion à laquelle il peut arriver. Mais s’il n’en achète pas, ça ne va pas non plus. Comme disait Watzlawick, pile, on a tort et face aussi, en fait. Donc, en fait, c’est vraiment très compliqué. À certains niveaux, ça devient ce que Bateson appelait une double contrainte, c’est-à-dire quelque chose dont on ne peut même pas sortir.

Et parfois, l’injonction paradoxale se transforme en double contrainte parce que la personne qui est ainsi enjointe, qui souvent est considérée comme très défaillante, parce qu’elle ne prend pas d’initiative… Je parlerai après des injonctions paradoxales venant des hommes, parce qu’il y en a évidemment, mais souvent, quand même, l’injonction paradoxale de type « étonne-moi, Je ne te demande pas grand chose, chérie, juste de m’étonner un petit peu parce que je veux dire, à un moment donné, c’est quand même toujours moi qui prends des initiatives. Ce qui est vrai, je veux dire. Mais le problème, c’est qu’on le plonge dans une espèce d’injonction paradoxale où il dit au fond, ce week-end que tu m’as demandé d’organiser, ce week-end à deux romantique que tu m’as demandé d’organiser, Au moment où on arrive, et même avant, je sens une réprobation qui est liée au fait que c’est quand même… Voilà, c’est pas moi qui l’ai initiée parce que c’est à ta demande. Et ça va teinter tout le week-end de quelque chose de… D’un peu décevant, en fait, de part et d’autre, quoi. L’un parce qu’il va se rendre compte qu’il est décevant, parce qu’il l’a pas, voilà, et puis l’autre parce qu’elle trouve ça décevant, en effet, parce qu’en fait, les femmes, souvent, qui sont prises dans ce genre de cercle vicieux, elles demandent à leur conjoint, d’obéir tout en désobéissant. C’est ça la demande. Et donc c’est impossible. Et donc du coup, si je reprends l’exemple des fleurs, je pense vraiment qu’il y a plein d’hommes qui disent de toute façon, comme de toute façon, ça n’ira pas, autant que j’en achète pas. Donc en fait, c’est vraiment un échec. Alors, donc il y a, voilà, sur trois mois. 

Clémentine 

Donc là vraiment on est dans une impasse ?

Emmanuelle

Là, vraiment clairement, alors c’est ce que je voulais dire en effet, c’est que là souvent, le conjoint qui est ainsi enjoint de façon paradoxale à prendre des initiatives, à être surprenant, surprend moi mon amour, là c’est très difficile pour lui. D’abord, il faut qu’il le voit, comme on disait tout à l’heure, mais en admettant qu’il le voit, qu’il le ressente, c’est très difficile pour lui de dire ça suffit en fait. Cette façon de communiquer ne va pas et donc je ne joue plus ce jeu là en fait, c’est-à-dire que je n’essaye plus d’obéir, j’obéirai quand j’ai envie parce que le risque en tout cas qu’il perçoit, à tort ou à raison, c’est la rupture. Et donc entre rester au fond dans cette communication très douloureuse ou prendre le risque de la rupture, souvent ils choisissent de rester dans cette communication.

Donc c’est quand même très compliqué ce moment-là. L’injonction paradoxale, plus genrée aux masculins, qui est extrêmement violente aussi, et qui génère beaucoup de souffrance de part et d’autre d’ailleurs, c’est est du désir pour moi. Tu devrais avoir du désir pour moi parce que je suis quand même profondément désirable. En plus, c’est ton job de femme d’avoir du désir pour moi. Parce que ça, c’est quand même très validé encore, malheureusement, aujourd’hui. Et ça, c’est très paradoxal parce qu’au fond, et ça, Il y a plein de femmes qui le vivent, qui l’ont vécu. C’est des espèces de trucs implicites qui planent en disant, il y a un moment donné, il va quand même falloir qu’on fasse l’amour parce que ça fait quand même, je ne sais pas, un certain temps, en tout cas de son point de vue ou du point de vue global, peu importe.

Et il y a cette tension qui monte avec le fait que quand nous, on n’a pas de désir et que l’autre nous impose le sien, ça écrase encore plus notre désir. Et en plus, il y a une petite phrase interne qui est « tu devrais avoir du désir pour ton mari », parce que c’est aussi quelque chose qu’on prend en fait et on s’inflige en termes d’auto-injonction. Et ces femmes qui racontent que, voilà, qu’elles vont le plus tard possible dans la chambre à coucher en espérant qu’il dorme parce qu’elles ne veulent pas faire de peine en même temps. Elles sont vraiment très, très tiraillées, donc c’est horrible.

Avec la colère qui monte de l’autre côté du conjoint qui est enjoint à ça, des femmes qui sont assez terrorisées à l’idée que leur mari juste leur touche l’épaule parce qu’il y a tout de suite cette menace qui plane d’un désir qui va être montré, une culpabilisation de pas répondre e à ce désir. Là, vraiment, moi je travaille beaucoup avec les conjoints qui sont dans cette exhortation. Je dis que c’est souvent genre héros masculin. Ça peut très bien être genre héros féminin, mais proportionnellement, voilà, c’est assez masculin. Et je dis à ces conjoints, en fait, moi, je ne sais pas du tout si le désir de votre femme va revenir. Je n’en sais rien, bien entendu. En revanche, ce que je sais, c’est que si on continue comme ça, on va totalement l’éteindre. Déjà, là, je sens qu’on est plus que sur des petites braises, mais il y en a encore. Il va falloir souffler fort. Et souffler fort, ça veut dire quoi ? Ça veut dire recréer un endroit safe par rapport à cette problématique-là. Ça veut dire quoi, très concrètement ? Ça veut dire que Je pense que c’est… Parce que souvent ces hommes disent, et je les crois, ils disent, voilà, déjà c’est extrêmement dur de ne plus avoir de sexualité, mais en plus il n’y a plus de tendresse.

Pour les raisons qu’on a vues juste avant, c’est que le moindre geste n’est plus emprunt de tendresse, il est emprunt de cette injonction. Et du coup, je leur dis, voilà, désormais chaque fois que vous allez vous approcher de votre conjointe, en lui touchant l’épaule ou sur le canapé ou peu importe, dites-lui ceci n’est pas a visé sexuel. C’est juste pour me rapprocher de toi. Et là, du coup, c’est hyper sécurisant. Et puis, je leur dis, on ne sollicite plus ni en implicite ni en explicite. Et parfois même, je leur dis, ce serait pas mal d’imaginer comment vous pourriez faire autrement et peut-être de l’annoncer que, en effet, vous allez faire autrement parce que vous avez bien compris que pour l’instant, il n’y a plus de désir, ce qui peut régénérer une sorte de désir. Comment ça, tu vas t’en occuper autrement ? 

Ce n’est pas dans cet objectif-là, mais en effet, ça peut avoir cet impact-là. 

Clémentine

De sentir aussi que l’autre se prend en charge et n’attend passivement quelque chose qui lui serait dû. Là on parle de sexualité mais ça peut être autre chose aussi, faire la vaisselle, ça implique plein de choses. Est-ce que la sexualité c’est un des thèmes communs ? Dans les problématiques de couple, ou alors c’est en fait le haut de l’iceberg et c’est autre chose derrière la sexualité ? 

Emmanuelle

Alors en fait, moi je trouve que les gens viennent assez peu pour ça. Ils viennent quand même, bien entendu. C’est souvent pour le coup, soit ils viennent en couple, soit c’est le monsieur qui vient pour les problématiques sexuelles de cet ordre-là. Il y a aussi des problématiques sexuelles liées à l’incapacité d’avoir une érection, par exemple, qui sont quand même des sujets pour lesquels ils viennent. Mais plus globalement, je trouve qu’ils viennent plutôt pour d’autres choses.

Et en fait, c’est plutôt nous qui allons dire, est-ce que, pardonnez-nous cette question parfaitement hâtive, mais vous avez parfaitement, vous êtes parfaitement en liberté de ne pas du tout y répondre, mais comment ça se passe sexuellement, parce que ça nous donne quand même un éclairage sur l’autoroute, parce que ce qui se passe dans la sexualité est quand même très souvent assez symbolique de ce qui se passe en vrai. Ce n’est pas forcément le cas, mais quand même, ça nous donne des indices. C’est plutôt ça qu’on va aller chercher. Voilà, parce que c’est quand même… Il y a des choses qui s’y passent, qui sont représentatives de l’interaction. 

Clémentine

Je précise, si vous êtes en postpartum, que vous venez d’accoucher, ça ne reflète pas la réalité de votre vie entier. C’est une période de votre vie, ne vous dites pas mince là, c’est pas symptomatique. 

Emmanuelle

En plus, il peut y avoir d’autres périodes de la vie où ça ne va pas et ça ne veut rien dire du tout. 

Clémentine

C’est pour ça que tu dis que ça te donne une indication. 

Emmanuelle

Sur ce qu’il s’y passe, pas forcément sur est-ce que c’est bien ou pas, sur quels sont les interactions autour de ça. 

Clémentine

C’est l’intimité que ça procure dans le couple. Parce qu’on peut, c’est vrai, aussi avoir une intimité qui est différente que juste de la pénétration sexuelle, qui est parfois plus masculine que féminine en fonction du moment de vie. Donc ça c’est la communication paradoxale et quand même ça fait partie des grosses thématiques qui génèrent des problèmes. Moi je me reconnais tout à fait dans ce genre de communication. 

Emmanuelle

Mais on se reconnaît toutes. 

Clémentine

Pas toujours mais c’est vrai qu’on peut utiliser ça et j’aime bien le fait que tu… T’expliques aussi que, potentiellement, on a appris à communiquer comme ça et que c’était pour notre sécurité, peut-être, et que si on en a conscience, déjà, on peut travailler dessus pour apprendre à y avoir une communication effective. Et c’est pas facile. 

Emmanuelle

Non, c’est pas facile. 

Clémentine

De changer sa façon de faire. 

Emmanuelle

Tout à fait. Et je crois, alors vraiment, pour le coup, c’est vraiment un travail à deux. C’est-à-dire que je pense que, paradoxalement, c’est celui qui est en joint aussi qui doit faire des choses pour ne plus alimenter, en fait, cette communication paradoxale en tentant de se soumettre à cette… Parce que c’est au fond ce qu’ils font, c’est-à-dire qu’ils tentent de se soumettre à cette injonction paradoxale tout en ne pouvant pas s’y soumettre et donc c’est pour ça que…

Clémentine

Ça les arrange aussi, non ? Alors… De jouer ce rôle. 

Emmanuelle

C’est-à-dire qu’à un moment donné, la phrase qu’ils disent tout le temps et qui, en effet, leur permet de se victimiser un peu avec toute l’immense affection que j’ai pour eux, bien entendu, c’est qu’eux ils disent de toute façon quoi que je fasse ça ne va jamais. Et donc c’est assez vrai néanmoins, je trouve qu’il faut quand même le prendre, mais parfois en effet c’est très pratique. 

Clémentine

C’est facile de prendre cette sortie d’autoroute. 

Emmanuelle

Absolument. 

Clémentine

Sans essayer de rentrer dans la vie du sujet. L’autre problématique dont tu parlais tout à l’heure, c’était la problématique du contrôle qui va un peu avec cette peur que ressentent certaines personnes de l’infidélité, de la rupture, de la perte. Comment ça se manifeste et qu’est-ce qu’on peut faire quand on est dans cette dynamique de contrôle ? 

Emmanuelle

Alors, là, en l’occurrence, je trouve que c’est… La souffrance, elle est partagée, je ne dis pas qu’elle n’est pas partagée, mais elle est quand même très fortement sur la personne contrôlée. Je veux dire, c’est vraiment… Alors, il y a une souffrance peur, d’un côté, mais il y a une souffrance, vraiment, d’être plus du tout libre de quoi que ce soit, qui peut être extrêmement intense. Et donc… L’idée, c’est vraiment de pouvoir travailler avec les deux, je trouve, dans ce genre de situation, encore une fois. Et je crois que c’est extrêmement intéressant de pouvoir travailler avec ceux qui contrôlent parce qu’ils ont peur. Attention, parce qu’il y a certaines… 

Clémentine

On va en parler après. 

Emmanuelle

Un d’autre qui contrôle. 

Clémentine

Ou il y a des red flags, c’est autre chose. 

Emmanuelle

Par plaisir un peu de propriétaire. Et puis il y a vraiment des gens qui sont très angoissés. Et du coup je trouve que c’est extrêmement intéressant de pouvoir travailler avec ces personnes-là sur le fait de traverser leur peur plutôt que d’essayer de ne pas y penser et de contrôler pour ne pas ressentir cette peur. Sachant que c’est absolument vain puisque tout le monde l’a vécu quand on contrôle le portable de son conjoint ou de sa conjointe et qu’on voit pas de SMS alors que potentiellement on se dit qu’il devrait y en avoir. On se dit pas, il n’y a pas de SMS, on se dit il les a effacés, on est d’accord. 

Clémentine

Oui, ça apaise pas la peur. 

Emmanuelle

Non, pas du tout. Dans un premier temps on se dit « y’en a pas », puis après ça reflambe en fait. Donc vraiment notre idée c’est comment apprivoiser cette peur, comment la traverser, et comment au fond se retrouver dans une posture qui n’est pas du tout celle dans laquelle ils sont quand ils sont en contrôle, qui est d’envisager en effet la possibilité d’être trompé, d’être… Trahi donc, ou d’être abandonné. Et traverser cette peur-là, vraiment c’est quelque chose qui peut être extrêmement apaisant, mais la traversée elle-même est super dure, c’est vraiment traverser le lac glacé de sa peur, et puis vraiment il faut que cette émotion du coup puisse vraiment s’exprimer, donc en consultation on est dans des moments très émouvants, où vraiment on va dire, on va pousser, on va dire et donc vous imaginez que, etc.

Des choses que vraiment on n’a pas du tout envie d’imaginer quand on a un conjoint jaloux, et je mets toute mon affection dans le mot jaloux parce que je trouve que la jalousie c’est que de la peur en fait. Et d’un autre côté, je trouve que c’est hyper intéressant aussi de travailler avec le conjoint qui est super contrôlé, parce que souvent qu’est-ce qu’il fait le conjoint qui est super contrôlé ? Il rassure en fait. Il rassure ou il dissimule. Parce qu’il se dit si jamais elle sait que j’étais à ce repas avec des filles de mon boulot, elle va être hyper paniquée. Donc ils disent j’étais avec un repas où il n’y avait que des collègues. Mais si jamais… 

Clémentine

Oui, ils mentent. 

Emmanuelle 

Pour protéger, en fait, d’une crise potentielle d’angoisse, en fait. Et donc, ça, c’est très mauvais. Vraiment, c’est très mauvais parce que, d’abord, parce que si la dissimulation… Et puis en plus, voilà, quand on est jaloux, on est forcément soupçonneux.

Clémentine

On va capter des choses. 

Emmanuelle

Oui, quand elles disent, elles sont trop mignonnes. Elles disent et donc, les collègues, elles sont comment dans ton bureau ? Ils savent que ça va être… Ça. 

Clémentine

C’est une communication paradoxale. 

Emmanuelle

Oui, un peu, on s’approche un peu, oui. En t’attenant, quoi, comme ça, et qu’ils vont dire non mais en fait elles sont toutes extrêmement vieilles et très très laides, vraiment toutes, sans exception. Là forcément, ça marche pas, là on dit mais tu te fous de ma gueule en fait, ça veut dire qu’il y en a une qui est super bonnasse, c’est obligé, sinon tu dirais pas ça, bref. Donc vraiment ce que je prescris, et qui est très difficile à prescrire aux conjoints qui sont comme ça contrôlés par peur qu’à l’autre de les perdre, c’est de dire je comprends que tu aies peur. Parce que, en effet, dans mon entreprise, il y a pas mal de collègues jolies et qu’à tout moment, en effet, je peux tomber amoureux d’elles parce que, en fait, j’en sais rien.

Et ça, c’est hyper dur à dire parce que l’autre n’a pas du tout envie d’entendre ça. Et pour autant… 

Clémentine

Je n’étais pas venue pour ça, moi. Non, pas du tout. 

Emmanuelle

Vraiment, pourquoi tu allais voir cette psy ? Et pourtant, ça apaise, en fait, d’avoir quelqu’un qui dit ça en permanence plutôt quelqu’un qui dit mais non, je n’aime que toi, mais à quel moment ? Mais je ne regarde personne et tout ça. Parce que ça ne fonctionne pas, tout simplement parce que la peur… Quand on rassure quelqu’un qui est complètement stressé comme ça, en fait, on nie sa peur et cette peur niée se transforme en tsunami. En fait, mais c’est pareil pour les enfants, on en avait déjà parlé, on dit rarement à un gamin qu’on emmène à la confiserie, ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. Enfin, je veux dire, on ne rassure pas quand tout va bien. Donc, si on rassure, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Donc, voilà. Donc, c’est important de travailler avec les deux. 

Clémentine

Tu leur fais lire ton livre Je n’ai plus peur de mes peurs ? Qui est destiné aux enfants mais qui est quand même… 

Emmanuelle

Mais parfois oui, parfois je le prescris aux adultes en disant vous allez trouver ça très bizarre mais je trouve que c’est intéressant que vous regardiez un peu ça quoi. Quand je veux être un peu douce parce que c’est dur d’affronter sa peur, vraiment c’est dur, c’est super dur. La métaphore qu’on utilise que j’aime vraiment beaucoup c’est, je leur dis c’est comme si…

Voilà, vous vous baladiez comme ça, et puis très fréquemment, il y a un espèce de chien noir qui est gros, comme ça, costaud, avec de l’écume aux lèvres et tout ça, qui vous fait super peur, et il vous court derrière, et donc vous mettez à courir parce que vous avez super peur, voilà, et puis bon, comme vous courez plutôt vite pour l’instant, vous arrivez à chaque fois à vous réfugier, mais il est quand même très pénible, et puis il vous gâche la vie, en fait, ce chien noir, là, qui vient de façon intempestive, voilà, et donc… Et puis alors, à un moment donné, vous tombez sur une vieille personne qui vous dit, mais en fait, je vous ai regardé, là, courir devant ce chien noir, je me demande s’il n’a pas un truc à vous dire, en fait.

Je me demande si ce ne serait pas intéressant de, la prochaine fois qu’il vous court après, de vous retourner et de le regarder et je ne sais pas ce qu’il va se passer. En effet, ça fait super peur. Mais peut-être vous verrez qu’il a un espèce de tonneau, là, comme ça, vous savez, comme les Saint-Bernard, là, autour du cou. Et peut-être il y a un message à l’intérieur. Alors ça, on le fait beaucoup avec les enfants aussi. Et peut-être le message, c’est qu’en effet, votre femme pourrait vous tromper et vous abandonner. Et donc que ça fait super peur. Parce que parfois il faut y aller doucement, il faut y aller par métaphore, tellement ils sont dans cette espèce d’autoroute de l’évitement, je dois éviter absolument de penser à ce qui me terrorise. 

Clémentine

La peur du lien qui se casse et de l’abandon, elle est forte sur ça. Donc c’est pas à prendre à la légère quand il y a du contrôle et de la peur. Parce que tu dis il y a de la souffrance pour celui qui est contrôlé et de la souffrance pour celui ou celle qui veut contrôler. C’est pas facile de sortir de cette… 

Emmanuelle

Franchement, le fait même d’accepter de regarder cette peur en face vraiment apaise terriblement. Vraiment, c’est quelque chose d’assez incroyable. Mais c’est logique, c’est-à-dire que quand on passe sa vie à essayer d’éviter d’envisager le pire et que tout à coup on l’envisage de façon sécurisée grâce à un thérapeute, il y a quelque chose qui est complètement différent en fait. 

Clémentine

Est-ce que aussi le fait de contrôler l’autre, ce n’est pas une stratégie pour éviter de se regarder en face ? Tu sais, dans la dynamique de c’est l’autre le problème, donc tu donnes cet exemple de cette femme qui veut contrôler combien de verres de vin boit son mari. Ça fait des années qu’ils ont plus de 70 ans. Du coup, en se focalisant là-dessus, elle ne regarde pas que peut-être elle n’a pas d’activité en dehors ou qu’elle n’est pas épanouie dans le reste de sa vie. Est-ce que ça peut être ça aussi ? 

Emmanuelle

En tout cas, ça peut être généré par ça, clairement. En l’occurrence, dans ce cas précis, c’est le Covid qui génère ça. Comme elle est beaucoup moins… Elle marche moins, elle voit moins ses petits-enfants, voilà. Elle a beaucoup plus de temps, donc. Et elle s’ennuie terriblement, en effet, pour regarder ce que fait de travers son mari. Donc oui, bien sûr, ça peut être lié à ça. Moi, je trouve que dans l’ensemble, c’est quand même une peur au bout du compte. En l’occurrence, cette femme, elle a vraiment peur qu’il meure. Elle est très mignonne parce qu’en même temps, il peut aussi décider qu’il boit jusqu’à la fin de ses jours. Enfin, je veux dire, il y a quelque chose aussi de l’intimité. En fait, elle est tellement mignonne, elle a peur qu’il meure parce qu’elle s’est dit « s’il meurt, je meurs ».

C’est ça en fait, elle a peur. Et c’est intéressant d’aller la chercher d’ailleurs, parce que si on ne va pas la chercher, comme elle est très enfouie par l’évitement en fait, on n’est pas au bon endroit en fait. 

Clémentine

Oui, mais c’est pour ça, c’est des stratégies d’évitement de « je construis des choses pour éviter de penser à ce qui est le problème principal à la racine ». On est fort quand même pour faire ça. 

Emmanuelle

Très fort, très fort. Surtout les obsessionnels. 

Clémentine

Alors après, il y a quand même des parties dans ton livre où tu adresses des sujets qui sont les sujets de société aujourd’hui, et tant mieux, des violences intrafamiliales. Et donc, tu racontes que tu as accompagné des femmes qui vivent, c’est des femmes, en tout cas, je ne sais pas si tu as accompagné des hommes et des femmes, des situations de violence extrêmement difficiles. Alors, qu’est-ce qui se joue dans ces relations-là ? Parce que là, tu parles quand même de cette circularité sans du tout dédouaner l’homme qui est problématique. Et quels sont les signaux auxquels on doit faire attention ? 

Emmanuelle

Alors, en fait, moi ce qui me touche beaucoup et me bouleverse absolument, c’est que les femmes dont on parle ici, dans ma patientelle, j’ai beaucoup de très jeunes filles. On n’est pas en train de parler de femmes mûres, on est en train de parler de jeunes mineures, parfois. Qui se retrouvent, et de ce point de vue là je trouve qu’il y a une forte régression, parce que vraiment c’est, voilà, ça a pour moi 5-7 ans. J’avais pas de si jeunes filles avant. Et en fait ce qui se passe souvent, quand en effet on est dans de la violence conjugale, de la violence que je qualifierais de propriétaire en fait, c’est-à-dire que là le contrôle est pas lié à une peur, il est lié à une forme de… De plaisir d’emprise, en fait, de pouvoir sur quelqu’un.

Et le problème qu’on a, je trouve, c’est que souvent, quand on est dans ce circuit fermé de violence conjugale, les deux visions du monde des deux protagonistes sont une seule et même vision, très malheureusement, qui est une femme doit se soumettre à son compagnon. Donc c’est ce que pense monsieur, bien entendu, puisqu’en plus ça l’arrange. Mais malheureusement, C’est ce que pense la jeune fille aussi, qui pense, c’est ce que j’explique dans le cas de mon livre, qui pense qu’en effet… C’est normal quand on aime d’être jaloux, c’est normal quand on aime d’interdire des choses. Donc, il y a vraiment une vision du monde qui partage, qui est une vision du monde, je suis désolée, malheureusement encore partagée de façon très globale, et ça crée comme un espèce de lubrifiant sur cercle vicieux parce qu’au fond, tout va bien.

Je veux dire, on est dans quelque chose où tout va bien, en fait, de leur point de vue à eux. Et donc, c’est très problématique. Et d’ailleurs, Ce genre de jeune fille ne vient pas consulter en fait pour ça. Elles viennent consulter quand elles ont peur pour la relation, parce qu’elles ont l’impression que la relation se détériore. Elles viennent aussi très souvent quand elles tombent enceintes et qu’elles se rendent compte qu’en fait la violence ne s’arrête pas. 

Clémentine 

Elle augmente même souvent. 

Emmanuelle 

Elle augmente même souvent. Parce qu’elles avaient cet espoir fou. Elles ont souvent cet espoir fou que, comme il a une enfance difficile, elles vont réparer tout ça en fait. Et que, par amour, tout à coup il va se transformer et donc elles ont beaucoup d’espoir sur le fait que, tout à coup, devenant papa, ils vont développer d’autres comportements.

Et là, comme elles ont peur pour leur enfant, parce que c’est souvent une consultation qui est liée au fait quelqu’un d’autre peut être mis en danger. Là, elles viennent consulter et là, on peut faire des choses. Mais très souvent, pour les raisons qu’on a vues, le risque, c’est qu’elles soient vraiment de plus en plus recroquevillées, de plus en cercle fermé, et avec cette escalade complémentaire qui est l’apanage de la violence conjugale, comme du harcèlement dans toutes sortes de secteurs, qui fait qu’il y en a un qui est de plus en puissance, voilà, en emprise, et puis une, en l’occurrence, qui est de plus en plus recroquevillée.

Donc, quand en effet, J’ai la chance d’accompagner des jeunes filles qui viennent consulter et que je les aide à sortir de cercle vicieux, ce qui est très difficile parce que tout le monde leur dit quitte cet homme. Et personne ne prend en considération le fait qu’elles sont amoureuses aussi de cet homme. Alors on prend le mot d’emprise qui est un mot tout à fait convenable, mais je crois qu’il faut aussi admettre qu’il y a cet amour-là, et c’est très difficile quand on est hyper touché par la violence qui s’y produit. Mais si on n’accueille pas ce sentiment avec elles, elles ne font pas alliance avec nous, elles ne nous font pas confiance d’une certaine manière. Donc c’est très compliqué.

Quand on arrive à en sortir, en effet, moi je suis un peu pour la politique des Red Flags, là pour le coup, la prévention, je dis donc, si on fait un petit peu un récapitulatif de ce qu’il ne faut plus jamais laisser passer en fait, mais à la première seconde, c’est pas trois, quatre fois, c’est quelqu’un qui te demande de changer de vêtements parce qu’il trouve que ces vêtements te rendre trop séduisante, quoi. Ça, typiquement, c’est un red flag. Quelqu’un qui te dit qu’il ne veut plus que tu traînes avec un tel ou une telle pour des raisons qui sont un peu similaires.

Voilà, toute une série de choses que je prends dans ce qui s’est passé au début de la relation et qui a permis, au fond, aussi cette circularité, parce qu’il y a eu une autorisation, par amour, de faire un certain nombre de choses. Je les reprends vraiment en disant donc plus jamais, en fait, plus jamais ça. Et elles sont assez d’accord. 

Clémentine

Intellectuellement, on est plus tous d’accord, mais c’est vrai que dès que le sentiment amoureux, perçu comme tel ou pas, apparaît, c’est très compliqué de rompre un lien. Et puis il y a la peur. Il y a de la peur pour sa survie aussi, parce que mine de rien… 

Emmanuelle

Alors pas tellement. Non mais c’est bien tout le problème. C’est-à-dire que moi j’adorerais vraiment plus en avoir qui disent voilà j’ai l’impression qu’il va me tuer donc qu’est-ce qu’on peut faire de différent. 

Clémentine

Quand il y a les enfants c’est bon. Elles sont capables…

Emmanuelle

Elles sont plus capables…

Clémentine

De percevoir ce danger quand c’est pour elles-mêmes. Il y a une excuse d’eux. Il a eu une enfance difficile. C’est difficile pour lui. Après, il est gentil. 

Emmanuelle

Il est très gentil après. Mais elles disent d’ailleurs cette phrase que je trouve glaçante et qui, je trouve, résume vraiment très, très bien la complexité de ce sujet. Elles disent quand il n’est pas méchant, il est vraiment gentil. 

Clémentine

La normalité et la méchanceté, mais on s’accommode des petites miettes. Parce que là, tu vois, c’est des cas pas si banals, qu’on retrouve quand même dans le quotidien. Ça nous arrive, on ne l’entourage pas, nous forcément, mais qu’on a une amie, qu’on a une sœur, une cousine. Comment on fait, comme tu dis, alliance ? Parce que là, on parlait du couple de manière assez légère, mais il y a vraiment des problématiques qui sont là de violence. 

Emmanuelle

C’est extrêmement compliqué parce que, bien entendu, on va être tenté de dire quitte cette espèce de pervers, arrête, c’est pas possible, il va t’envoyer à l’hôpital, viens à la maison, on a envie de faire ce genre de choses et c’est parfaitement logique et tout à fait bienveillant. Je crois que, paradoxalement en fait, moi ce que je fais souvent en première séance, c’est que je dis quelles sont toutes les qualités qu’a cette personne en fait, parce que je me dis que si en effet, c’est une jeune fille, si tu restes avec lui malgré toutes ses violences, c’est qu’il y a de bonnes raisons en fait. C’est qu’il y a de bonnes raisons, sinon tu resterais pas.

Et je crois qu’amicalement on peut faire ce genre de choses en disant, c’est absolument horrible, moi ça me fend le cœur d’entendre ça, et en même temps je me dis que je me dis qu’il y a des choses dans ce couple qui te conviennent, qui te font du bien, voilà, et voilà, est-ce que tu veux m’en parler ? Ça c’est vraiment très apaisant en fait, parce que ça crée quelque chose qui est de l’ordre de… D’abord je veux pas te juger, parce que c’est quand même très jugeant de dire tu ne vois pas quand même, comme tu es conne, donc c’est pas… C’est pas jugeant, et puis ça crée en effet une espèce de socle, de confiance, qui en somme, je ne ferai que des choses avec lesquelles tu es d’accord, en fait, parce que voilà, et je serai là pour t’accompagner quoi que tu décides. Parce que ce qui se passe souvent, c’est que dans ce genre de cycle horrible de violences conjugales, certaines, pas toutes, mais certaines s’en ouvrent à leur entourage. Leur entourage, donc, n’écoutant que son inquiétude et son amour, évidemment, font tout pour qu’il y ait séparation. Il peut y avoir séparation.

Et puis, il peut y avoir, parce que ça, c’est très fréquent, malheureusement, une espèce de retour en arrière, parce que s’il n’y a pas vraiment une rupture extrêmement claire, nette, précise, où il n’y a pas possibilité de rencontre quelle qu’elle soit entre les deux, s’il n’y a pas ça, le risque de remonter dans cette escalade complémentaire est vraiment énorme. Et donc, ça arrive à ces jeunes femmes qui s’en sont ouvertes à leur entourage. Et là, et là, les reproches fusent, et même il y a des ruptures en disant, puisque tu veux rester avec lui, c’est plus la peine de me… 

Clémentine

J’abandonne. 

Emmanuelle

Ouais, donc c’est horrible en fait. 

Clémentine

Parce qu’on comprend pas le mécanisme derrière. 

Emmanuelle

Voilà, exactement. Je crois qu’il faut vraiment être, moi je t’accompagne là où tu souhaites aller parce que voilà… 

Clémentine

C’est pas simple. Et on est dans un système judiciaire qui n’est pas aidant. Elles ne sont pas assez protégées les femmes qui veulent partir. Il y a encore des féminicides un peu trop souvent. 

Emmanuelle

Oui et puis elles ont raison. 

Clémentine

Il y a une légitimité à avoir peur parce que le passage à l’acte arrive souvent après la rupture. 

Emmanuelle

Exactement. Et même longtemps après la rupture. C’est ça qui est affolant. 

Clémentine

Tu termines le livre en parlant de l’après-couple, puisque évidemment, nous vivons quand même dans une société où il y a un après-couple de manière de plus en plus régulière. Parce que c’est vrai qu’il y avait avant de l’après-couple, mais souvent, c’est parce que dans l’ancien temps, la femme décédait. Là, aujourd’hui, on doit vivre avec l’autre parent, notamment dans le couple parental. Qu’est-ce qui est important à retenir quand on se sépare et qu’on est encore parent ? 

Emmanuelle

Alors, je dirais, une chose vraiment essentielle pour moi, je crois que… Comment dire ? C’est compliqué parce que visiblement c’est pas du tout évident. Et je trouve que c’est important de s’y attarder un peu. Il y a deux types de souffrances, je dirais, chez les enfants de couples séparés. Il y a des souffrances liées au fait qu’un des parents souffre, et ça c’est très douloureux évidemment, voir un de ses parents souffrir, c’est toujours très douloureux. Ça peut être lié aussi, cette souffrance de l’enfant, au fait qu’il y a plein de changements, que tout à coup on a deux appartements, peut-être plus petits, que c’est moins… Enfin bref, des changements qui sont potentiellement compliqués. Je dirais que ces problématiques-là, souvent, ça pèse avec le temps, ça s’atténue avec le temps.

Et puis il y a un autre type de souffrance qui est pour moi beaucoup plus aiguë et qui peut durer extrêmement longtemps et qui est vraiment très problématique, c’est la souffrance liée au fait d’entendre un de c’est précieux, une des personnes qu’on aime le plus au monde, dire du mal de l’autre personne qu’on aime le plus au monde. Alors, déjà quand c’est d’un côté, c’est tout à fait problématique, mais alors quand en plus c’est circulaire, c’est-à-dire que tout le monde se renvoie la balle en prenant à témoin ou comme émissaire l’enfant lui-même, c’est une catastrophe absolue. Mais je veux dire, c’est insupportable.

Vraiment, les souffrances que je vois le plus chez les enfants dans ce genre de situation, c’est des souffrances liées à ça, à cette incapacité à, au fond, considérer qu’à partir du moment où on devient couple parental, on passe d’un champ commun à deux champs différents, avec nos deux petits veaux, si on a deux enfants, donc ils sont une semaine dans notre champ et une semaine dans l’autre champ, et que l’autre champ, on n’y peut plus rien en fait. On n’y peut plus rien. Et ça c’est extrêmement horrible parce qu’on n’aime pas du tout ce qui se passe dans ce champ potentiellement, il se passe des choses qu’on n’aime pas, on trouve qu’on leur cure mal les sabots et qu’on leur donne pas assez d’herbes vertes.

Et pour autant, chaque fois qu’on va intervenir auprès de l’éleveur ou en allant jeter de l’eau par-dessus la haie, dans le champ d’à côté, on crée l’inverse de ce qu’on veut. Et d’abord, ça crée évidemment des conflits, parce qu’en gros, le message quand même, c’est tu es incompétent comme parent, donc évidemment, il faut que j’intervienne dans ton champ parce que t’es… Voilà. Et donc, ça crée une espèce de colère chez l’autre éleveur, colère qui peut vraiment tout à fait rejaillir sur les enfants eux-mêmes. Et alors, vraiment, une chose importante, c’est que dans ce moment de rupture, ne croyez pas que quand ils regardent une série, ils regardent une série. Au moment où vous disputez, au moment où au téléphone vous écharpez, ils écoutent.

Parce qu’ils sont aux aguets de tout, parce que c’est vraiment à la fois quelque chose qui s’effondre et à la fois quelque chose qui se transforme en un truc super dur. Alors parfois il y a eu des disputes avant, donc on est dans une continuité. Mais parfois, il arrive que parfois la rupture se passe relativement bien et qu’ensuite ça se mette à dégénérer de façon monstrueuse.

Donc vraiment, moi je trouve que c’est hyper important de pouvoir exprimer sa colère dans des endroits qui ne soient pas dangereux pour les enfants, c’est-à-dire tout seul, je ne sais pas, moi je dis souvent à des conjoints comme ça très malheureux, de la séparation et qui donc sont très en colère contre l’autre, de prendre un moment pour cette colère-là, voilà, en criant ce qu’il faut, en tapant les coussins de son canapé, je ne sais pas, en faisant plein de choses, mais pas devant les enfants en fait. Parce que… Alors c’est pas la colère dont je parle, c’est les questionnements, et donc… Racontez-moi ce qui s’est passé chez maman, et donc…

Ce monsieur là dont vous m’avez parlé par exemple, il peut y avoir des choses comme ça ou des choses encore pires, du type tu diras à ta mère que ce serait bien qu’elle t’achète des vêtements, enfin des choses mais on se dit c’est invraisemblable de ne pas imaginer l’impact que ça a sur les enfants et pourtant visiblement on est tellement pris dans cette espèce d’enjeu interactionnel entre les deux ex-conjoints qu’on l’oublie. 

Clémentine

J’avais lu un livre qui m’avait marquée avec une phrase, évidemment on parle de quand il n’y a pas d’emprise toxique ou de conjoint de violente. On parle juste deux adultes qui ne s’aiment plus et qui doivent faire chemin différemment. Il disait aime tes enfants plus que tu ne détestes ton ex. Et je trouvais que c’était tellement vrai, parce qu’on perd une énergie folle aussi à vouloir montrer que c’est l’autre le problème et qui fait du mal. Et on oublie nos enfants au milieu qui, comme tu dis, leurs deux parents, c’est les personnes les plus importantes pour eux. Et c’est assez fou. J’ai été dans cette situation. Comment on peut vite oublier ? On est aveuglé par notre colère, notre tristesse, parce qu’il ne faut pas l’animiser. Il y a de la tristesse dans une séparation normale. 

Emmanuelle

Bien sûr. 

Clémentine

Et ça m’avait fait un électrochoc de me dire oui en fait quand même je vais pas le détester. Ça sert à rien. Déjà c’est de l’énergie perdue. Et mettons cette énergie pour qu’on fasse que nos enfants ça se passe bien quoi. 

Emmanuelle

Oui tout à fait. Maintenant c’est difficile parce que c’est pour ça que je pense qu’il faut faire quelque chose de cette colère. Parce que se dire ne te mets pas en colère devant les enfants pour moi c’est totalement improductif je veux dire. Et en plus de ça, moi ce que j’adore c’est les parents qui me disent alors moi Jamais. Jamais je ne dis du mal de l’autre. Donc là déjà je suis un peu inquiète parce que je me dis c’est très bizarre vu quand même la détestation dans laquelle tu sembles le tenir. Et alors attention à la communication implicite parce qu’en fait ils sentent quoi. Et je trouve que du coup… 

Clémentine

Communication paradoxale, on peut faire avec nos enfants aussi. 

Emmanuelle

Absolument. Je trouve que c’est hyper important de savoir dire quand on a dit du mal ou quand on a manifesté une espèce de détestation comme ça, de dire tu sais c’est compliqué je sais, d’avoir des parents comme ça qui disent du mal l’un de l’autre ou qui pensent du mal l’un de l’autre, je sais que c’est compliqué, c’est qu’on est super en colère l’un contre l’autre papa et moi, et donc c’est pour ça des fois il y a des mots qui dépassent notre pensée et tout ça, c’est parce qu’on est en colère chérie. Parce que, au moins d’avoir un mot là-dessus quoi, quand on n’est que dans une communication implicite quoi. 

Clémentine

Ça aussi ça enlève la faute de l’enfant. Souvent ils ont cette pensée que c’est eux le problème. C’est difficile. Après, est-ce que c’est pas ok mais ça fait partie du processus normal que ce soit en tension au départ et que ça s’apaise avec le temps et que si c’est le cas pendant quelques semaines, il n’y a pas de péril ? 

Emmanuelle

Non, ce que je trouve étonnant c’est, Comme tu le dis, c’est quand même qu’à ce moment-là, mais c’est pour ça que je parle vraiment d’enjeux émotionnels très fort, c’est qu’à ce moment-là, alors même qu’on est de super-parents, on ne perçoit pas la souffrance que ça peut générer. Et du coup, je trouve que c’est important de s’en rappeler tout en se disant, nous aussi on a notre souffrance, il faut que du coup on s’en occupe. Pour moi, se dire « il faut pas que je le déteste » ou « il faut pas que je sois en colère », c’est un peu une injonction paradoxale, pour le coup, qu’on se fasse soi-même. En revanche, il y a des choses très concrètes, comme, je vais vous demander de ne plus les interroger, juste pendant 15 jours, sur ce qui se passe de l’autre côté, en fait.

Juste on fait ça, parce que vous voyez bien que ça réactive quelque chose chez elles, qui est de l’ordre un peu de la dissimulation, chez elles, par exemple, si c’est des petites filles, et qui vous met encore plus en stress et en colère, et que donc, c’est là que jaillissent des choses qui peuvent leur faire du mal. Donc c’est plus sur des choses très concrètes de qu’est-ce qu’on arrête de faire quoi, parce qu’arrêter de ressentir quelque chose c’est compliqué. 

Clémentine

Moi, c’était juste, ça m’avait donné cet état d’esprit de me dire, ben oui, je perds de l’énergie quelque part qui n’a pas de sens, donc autant que je la mette ailleurs. Tout à fait. 

Emmanuelle

Donc ça, c’est très concret aussi. 

Clémentine

J’ai une autre vision. En fait, il y a mes enfants au milieu. C’est peut-être plus important que deux adultes qui ne savent pas se gérer. 

Emmanuelle

Tout à fait. 

Clémentine

Et on va voir ça ailleurs, comme tu dis. On peut aussi aller en thérapie pour se séparer. On peut aussi aller en thérapie pour faire en sorte d’être de meilleurs coparents et de trouver un terrain d’entente avec quelqu’un qui est neutre. 

Emmanuelle

Tout à fait. 

Clémentine

C’est vrai qu’on oublie qu’il y a cette option-là. 

Emmanuelle

Absolument, et elle est très utile à certains moments. 

Clémentine

Ca doit faire redescendre un peu la pression aussi. Tu donnes cet exemple dans le livre qui m’a vraiment marqué de ce papa qui est séparé de la maman qui n’a pas choisi. Il passait à autre chose dans le sens où la maman était très claire à ne pas laisser la porte ouverte à potentiellement une possibilité qu’il y ait une deuxième version de leur amour. Mais il n’arrive pas à passer à autre chose trois ans après. Et en fait, parce qu’il est très attaché à l’écosystème. Et c’est vrai qu’on oublie dans les séparations que c’est difficile ça de… Lâcher prise sur l’idéal familial, sur les relations avec la belle famille, les amis. Ça, c’est une des choses que tu vois régulièrement. 

Emmanuelle

Oui, je le vois régulièrement. Et du coup, en fait, ce qui est très intéressant dans ce type de cas, et c’est celui que je raconte dans le livre, c’est qu’il avait plutôt bien géré son chagrin d’amour, vraiment. Mais ça demandait une bande passante émotionnelle, on va dire, tellement énorme qu’il n’avait pas pu gérer autre chose. Et il se retrouve en effet, trois ans plus tard, comme s’il était arrêté, en fait, cet homme, comme s’il n’était plus dans la vie. Et il s’est dit mais ça fait trois ans, en fait, quoi. Et en fait, ce qu’il me raconte assez rapidement, c’est que la nuit, en fait, lui, viennent ces fameux souvenirs de l’écosystème, quoi, de cette tribu, de… Des connexions de cette tribus avec le reste du monde et tout ça.

Toujours très coloré, il me dit, toujours très lumineuse avec limite une bande-son hyper gnangnoul qui m’énerve. Et donc il essaye de chasser ça en disant mais ça suffit, enfin je veux dire. Et le plus il chasse et le moins il arrive à dormir, etc. Et donc en fait, en effet, ce que je vais lui proposer c’est de convoquer en fait ces souvenirs hyper douloureux, plutôt des souvenirs collectifs. Et je rajoute parce que je pense que ça aussi c’est pas forcément bien conscientisé mais je rajoute des souvenirs à venir, c’est-à-dire que je lui demande d’imaginer le mariage de sa fille avec son ex-femme et son nouveau compagnon d’un côté et puis lui tout seul de l’autre.

Des images comme ça qui vont en effet lui montrer qu’en effet c’est fini et qu’il faut qu’il le regarde en face et qu’il faut que la tristesse ainsi générée elle puisse sortir en fait. Et oui, c’est assez fréquent qu’on se trompe en se disant mais c’est quand même dingue quand même, je l’aime plus du tout, enfin je veux dire, je l’aime plus du tout, je l’aime beaucoup, j’ai toujours de l’affection pour elle, mais ça va quoi. Comment ça se fait que je suis encore aussi mal ? 

Clémentine

Accrochée à ça. Mais c’est vrai que le lien social, on est quand même des êtres, c’est logique, non ? 

Emmanuelle

Oui, c’est hyper logique. 

Clémentine

Quand tout allait bien dans ce compartiment-là. 

Emmanuelle

Tout à fait, et puis c’est surtout vrai pour des gens qui avaient un idéal familial très coloré et très… 

Clémentine

Imprégné, très fort. 

Emmanuelle

Très fort, quoi. 

Clémentine

C’est pas facile. 

Emmanuelle

Non. 

Clémentine

Ni de faire famille, ni d’être couple, ni d’être… Et j’imagine, t’en as pas parlé non plus, mais d’être couple en famille recomposée, de devoir manager toutes ces… 

Emmanuelle

Toutes ces interactions, problématiques. 

Clémentine

Avec les ex-conjoints, avec les enfants, être couple dans ces situations-là, c’est pas non plus la plus simple équation. Enfin on se dit, ce sera mieux quand je serai séparée avec quelqu’un d’autre et en fait il y a quand même d’autres problématiques. 

Emmanuelle

Il y a d’autres problématiques un peu multipliées par deux donc c’est ça en fait. 

Clémentine

Déjà de logistique et ensuite d’interaction. Merci beaucoup Emmanuelle. 

Emmanuelle

Merci beaucoup, merci beaucoup Clémentine. 

Clémentine

C’était trop chouette. J’espère que vous retiendrez que 80% des couples qui vont en thérapie, c’est pas vrai, je rigole. Stress optimiste. C’était faux, c’est une fausse information qui n’est pas sourcée. Mais en tout cas, c’est bien d’aller en thérapie quand on en a besoin. N’hésitez pas à demander de l’aide et aller vous faire accompagner. Ça ne peut pas faire de mal, normalement. 

Emmanuelle

Normalement non. 

Clémentine

Si c’est bien fait, ça m’a aidée. 

Emmanuelle

Merci. Merci beaucoup. 

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