Épisode 162 – Le baby clash, comment s’en sortir sans s’étriper? Anna Roy sage femme

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Oh le baby clash… j’en connais un rayon pour l’avoir vécu de plein fouet et avec des grandes conséquences.

Mais si le sujet est tabou, il est plus fréquent qu’on ne le pense. 2 couples sur 3 vivent une crise à la naissance d’un enfant.

Sans forcément entraîner une séparation, le baby clash bouscule et déstabilise bon nombre d’entre nous.

Pour la première fois une professionnelle de la périnatalité s’est intéressée au phénomène pour apporter des réponses et solutions au délitement de notre couple.

Anna Roy est sage femme, elle est chroniqueuse dans l’émission Les Maternelles et autrice.

Son dernier livre Baby clash devenir parents sans s’étriper revient avec humour sur les 10 raisons qui pourraient vous y mener et comment s’en sortir plus fort.

Si votre couple est en difficulté, si vous avez la sensation que vous allez étriper votre partenaire à chaque fois qu’il ou elle respire, si vous ne vous comprenez plus, si vous galérez à vous retrouver alors cet épisode est fait pour vous.

LES LIENS DE L’ÉPISODE

Les livres :
Baby clash, devenir parents sans s’étriper ! Anna Roy, Caroline Michel

Les associations :
Périnée Bien-Aimé, Association pour la promotion du diagnostic et de la prise en charge des douleurs périnéales et vulvaires


TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine Sarlat :

Salut Anna!

Anna Roy : Salut Clémentine!

Clémentine Sarlat : Je suis trop contente de t’avoir à nouveau dans ce podcast.

Anna Roy : Et moi donc!

Clémentine Sarlat : Et en face à face!

Anna Roy : Et en face à face, exactement.

Clémentine Sarlat : On n’est pas par un écran interposé, ça me fait plaisir, ça fait du bien. Alors, on est là pour parler d’un sujet que je connais un peu trop bien, mais ce n’est pas le temps d’en parler. Là, on va vraiment parler du côté de la professionnelle de santé. On va parler du Baby Clash. Déjà, ma première question, c’est pourquoi tu n’aimes pas ce titre?

Anna Roy : J’aime pas ce mot. J’aime pas ce mot. Je sais pas pourquoi, parce qu’en fait, c’est comme si on rendait responsable l’enfant de ce clash et ça me plaît pas du tout. Donc, je n’aime pas du tout ce titre. En fait, c’est une crise maturative. Voilà, c’est tout. À l’arrivée de l’enfant. Mais l’enfant n’y est pour rien dans cette affaire, en fait. C’est qu’il vient juste, effectivement, mettre la lumière, une lumière parfois très crue sur notre couple et puis qu’il vient chambouler notre quotidien. Mais en soi, il n’est responsable de rien. C’est pas l’enfant en lui-même.

Clémentine Sarlat : Oui, ce que t’aimes pas, c’est faire le lien entre clash et baby.

Anna Roy : Oui, je trouve que c’est pas cool et c’est pas adéquat, quoi. C’est pas le sujet, en fait.

Clémentine Sarlat : Est-ce que toi, tu as deux enfants, tu as vécu un baby clash?

Anna Roy : Bien sûr. Bien sûr. Mais bien sûr, parce qu’il y a évidemment des réajustements à faire. En fait, je suis devenue une mère que je ne pensais pas du tout devenir. Et lui, il est devenu un père que je ne pensais pas du tout qu’il deviendrait. Donc, bien sûr qu’il y a eu un baby clash, bien sûr qu’il y a eu des ajustements. Il a fallu qu’on se mette d’accord sur tout un tas de choses. Il y a eu des remous dans la sexualité. Bien sûr, il y a eu un baby clash. Il y a des histoires de l’enfance qui reviennent pleines balles. Bien sûr qu’il y a un baby clash, mais les ajustements sont tellement grands à l’arrivée de l’enfant que comment en pourrait-il être autrement?

Mais moi, je dis toujours, c’est comme vraiment, j’insiste sur le comté et le vin, ça mature, c’est meilleur, quoi. Donc, c’est pénible, ça nous déstabilise. On se dit je ne vais pas m’en sortir. Mais en fait, alors je ne peux peut-être pas te dire ça à toi maintenant, mais moi, je pense qu’on en ressent grandit.

Clémentine Sarlat : Si, si, aujourd’hui, je peux te dire que c’est le cas. Là, on a déjà mis un gros pied dans le sujet, mais si on veut redéfinir ce qu’est le baby clash ou la crise maturative, toi, tu dirais que ça se définit de quelle manière?

Anna Roy : Alors voilà, ça, c’est très compliqué de définir, mais on va dire que c’est des remous dans le couple qui surviennent pour moi. C’est pour ça que Baby non plus, c’est pas terrible. On va dire dans les six premières années du dernier enfant. Si on a un enfant, c’est dans les six premières années de cet enfant-là. Et si on en a plein, ça survient dans les six années du dernier. Donc, en fait, il ne faut pas… Parce que souvent, les parents dont c’est le premier, ça s’est super bien passé, ils se disent ça y est, nous, on est sur une autoroute, l’autoroute du kiff et on n’aura jamais de problème de couple. Et en fait, ça survient au troisième, alors qu’on ne l’avait pas du tout vu venir.

Donc, attention, ce n’est pas parce qu’on n’en a pas eu au premier qu’on n’en aura pas au deuxième ou au troisième. Ça peut survenir à n’importe quelle naissance. Ça, c’est important de l’avoir en tête. Et moi, qu’elle ne fut pas ma surprise. Je pensais vraiment que l’arrivée d’un enfant, donc l’amour qui se fait chair et os, c’est quand même un événement inédit. C’était forcément génial, quoi. Et cette vision-là, je l’avais à l’hôpital, vraiment. J’ai vu que des couples s’aimer comme des fous, des effusions, l’amour. Les gens étaient fous d’amour l’un pour l’autre et fous d’amour de voir cet être qui était leur amour en vrai. Et puis je suis rentrée à domicile chez les gens et là, la douche a été froide. Je voyais des coupes que j’aimais beaucoup, sur lesquelles je me projetais vachement. Je me disais, mais ils sont comme moi, je les adore et tout. Et puis séparés pour, selon moi, des conneries. Ils tribuchaient sur des… Alors je sais qu’on ne peut pas dire ça aujourd’hui, mais les gens se séparent beaucoup pour des choses qui sont, à mon avis, résolvables et transitoires.

Clémentine Sarlat : Ça m’a frappé dans ton livre, ce que tu expliques, parce que vraiment, tu définis cette phase de comte de fée que toi, tu as vécue en tant que soignante à l’hôpital. On est un peu aussi biaisé par l’ocytocine qui est à son pic, alors c’est sûr. Et donc, tu n’as pas vu du tout venir toi en tant que professionnelle de santé cet autre visage de la parentalité qui est très, très dur. Et tu dis que toi, t’es redescendue de 20 étages en même temps que les couples, au final. T’as eu cette même dégringolade.

Anna Roy : Mais j’étais extrêmement déçue quand je suis arrivée en libérale en rentrant chez les gens. Parce que même dans un cabinet, c’est différent parce que quand vous travaillez en cabinet, les gens, ils mettent leurs habits de patients. Ils arrivent tout beaux, tout propres, habillés, gentils, ils attendent, ils sont polis. Enfin, voilà. Quand vous rentrez chez les gens, le truc n’est pas du tout pareil. Là, vous voyez les gens tels qu’ils sont. Et là, mais j’étais extrêmement déçue. Moi, je vais vous dire, c’était une douche froide. Pareil sur le postpartum, mais j’étais déçue. Je me suis dit mais c’est ça l’amour, au secours! Je voyais, les crispations, les malentendus, les disputes pour des broutilles et parfois des trahisons, des trucs. Je me disais mais… Donc oui, ça a jeté une lumière très crue. Moi, je suis vraiment redescendue de 20 étages. Oui, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais en même temps, C’est chouette qu’on en parle. Alors le problème, c’est que personne n’en parle. Personne n’en parle. Pourquoi? Parce qu’on n’a pas envie de renvoyer une sale image de sa famille. Moi, la première. Moi, j’ai dit comme tout le monde, ça va super avec mon mec. Laisse tomber. C’est trop fou d’avoir un enfant. On joue tous à ça, mais c’est normal parce qu’on n’a pas envie de renvoyer des disputes. On n’a pas envie de renvoyer tout ça.

Clémentine Sarlat : Et j’adore parce que quand tu écris cette phrase là, tu mets entre parenthèses. Je sais, c’est mal.

Anna Roy : Mais oui, bien sûr que c’est mal. Mais on le fait tous. Je crois que c’est extrêmement compliqué de dire qu’on a un couple qui sent le moisi, quoi. Même si c’est transitoire et même si on pense qu’on va s’en sortir. J’avais pas envie de ça. J’avais pas envie de raconter ça.

C’est quoi les signes du baby clash ?

Clémentine Sarlat : Comment est-ce qu’on sait, quand on est un couple et qu’on vient d’avoir un bébé, qu’on est en plein dans le baby clash? C’est quoi les signes?

Anna Roy : C’est une bonne question. Alors, les signes, on est tout le temps irrité par l’autre. Ça, évidemment. Et surtout, en fait, on n’arrive plus à se mettre à la place de l’autre. C’est-à-dire que dans le postpartum, il y a un phénomène qui arrive. Souvent, des fois, c’est tellement difficile qu’on se met en mode struggle for life. Et ce struggle for life, finalement, j’essaye de sauver ma peau. Il est très mauvais pour le couple. Donc, ne plus arriver à se mettre à la place de l’autre, ça, c’est un signe, je trouve. C’est vraiment attention, danger.

Quand on se dit que l’autre n’est que mal, qu’il fait que de la merde, c’est forcément que de la merde qu’il fait. Et qu’en plus, on n’est pas capable d’être empathique.

Je dis attention aux dangers parce que forcément, l’autre vit des choses difficiles si vous en vivez aussi. À part, bien sûr, alors là, on ne l’a pas dit, pardon, évidemment, toutes les situations de violence, etc. Mais ça, je le dis en long, en large et en travers, en diagonale dans le livre, pour moi, ça ne rentre pas dans le baby-clash. Là, c’est des gens, c’est police, justice et tutti quanti. Il n’y a pas de sujet là-dessus.

Donc, oui, des disputes plus fréquentes, des difficultés dans la sexualité. Alors, ce n’est pas forcément d’avoir une sexualité… Moi, je ne dis pas qu’il faut avoir une sexualité hyper épanouie, mais je dis une grande différence dans la sexualité d’avant-grossesse et dans celle que vous récupérez six mois après l’accouchement. Quand il y a un grand décalage et qu’il y en a un des deux qui en souffre, moi, je dis attention, warning, attention, danger.

Donc, des signes, c’est un peu compliqué, mais souvent, on le sait, en fait. On se dit, ça ne va pas, quoi. Ça ne va pas.

Le problème, c’est que souvent, il y en a un chez qui ça ne va pas et qu’il ne le dit pas. Moi, alors ça, je dis attention, il faut être hyper honnête dans le couple et c’est pour ça qu’il faut parler, parce que quand ça va pas, quand son couple ne rend plus heureux, il faut savoir le dire à l’autre. Et en fait, vouloir mentir et le cacher, c’est vraiment pas rendre service, en fait. Il faut dire je suis désolé, mais en fait, ça va plus, je peux plus te supporter, ça va pas. J’ai envie de me casser, quoi. Je pense qu’il faut savoir le dire, mais c’est dur, mais je pense qu’il faut savoir le dire.

Clémentine Sarlat : Ce qui est frappant, c’est qu’on le voit au tout long des exemples que tu donnes, les dix façons de voir le baby clash, parce qu’on va en parler des éléments extérieurs qui viennent perturber le couple. Et ce n’est pas l’enfant. C’est qu’on se voit en tant qu’ennemi, au final, en tant que parent, on n’est plus une équipe.

Anna Roy : Exactement. On se voit en tant qu’ennemi ou en tant que deux personnes qui sont sur deux voies parallèles. Qui ne peuvent pas se croiser comme les rails d’un train, quoi. Et là, là, attention, danger, il faut effectivement faire intervenir un tiers ou en tout cas essayer de rentrer, de faire se rejoindre les… Oui, le fait de ne plus être une équipe, là, ça y est, c’est que ça commence à chauffer, quoi.

Clémentine Sarlat : Parce que ça sent dans les dix exemples que tu donnes, c’est toujours ça le fond du problème.

Anna Roy : Tout à fait.

Clémentine Sarlat : On n’arrive plus à se réunir.

Anna Roy : On n’arrive plus à se réunir et on se replie sur soi et on fait route à part. Mais c’est pas… Parce que les gens sont méchants. Vraiment, ça, j’insiste. C’est pas parce qu’ils sont méchants, que ce soit des hommes ou des femmes, d’ailleurs. Souvent, c’est un repli pour survivre. Ce n’est pas forcément des gens méchants. Alors, s’il y a des gens méchants, là, ça vaut peut-être le coup de se séparer. Attention. Mais souvent, ce n’est pas ça le problème. Ce n’est pas ça qui se joue.

Clémentine Sarlat : Tu l’expliques beaucoup dans le livre, que t’es pas là pour dire le couple a tout pris. Rester pour les enfants ou rester parce qu’il faut souffrir et passer le cap, c’est pas du tout le propos. C’est d’arriver à identifier ce qui fait que là, c’est différent parce que l’arrivée d’un bébé a bousculé beaucoup de choses. Et alors, on va en parler. Donc, dix situations différentes. La première, je pense que c’est la numéro une que t’as identifié et qui est la réalité de tout le monde, c’est le sommeil.

Le sommeil

Anna Roy : Non, mais alors ça…

Clémentine Sarlat : Enfin, tout le monde dit ça, c’est faux.

Anna Roy : Il y a des gens pour qui c’est pas une réalité. Alors, effectivement, il y a 10% des gens pour qui le manque de sommeil, ça glisse sur eux comme l’eau sur un plume d’un canard. OK, c’est 10% des gens. Très bien, ils existent. Je ne nie pas leur existence. Je les ai vus. Pas de problème. Mais pour 90% des autres que nous sommes, c’est l’enfer, ce manque de sommeil. Et d’ailleurs, souvent, l’entrée dans la parentalité, c’est l’entrée dans les problèmes de sommeil et parfois qui vont durer des années et des années. Or, le manque de sommeil, je ne veux pas faire peur à tout le monde, mais ça rend extrêmement malade. Ça rend malade le corps, mais ça rend malade la tête. Ça altère la santé physique et mentale. Et donc, logiquement, c’est extrêmement mauvais pour le couple.

De fait, quand on n’a pas assez dormi, on est irascible, on a une humeur maussade, on est anxieux, on est impatient, etc. Parfois même on grossit, parfois on maigrit, parfois on est plus malade, on a plus d’infections hivernales, etc. Et je pourrais continuer la liste comme ça. Donc le manque de sommeil, moi, je vous en supplie, si vous m’écoutez, la plupart des baby-clash sont dus à cette question du fatigue. Les gens imaginent qu’en fait, ils ne s’aiment plus, que c’est fini, que tout est terminé, etc. Je les fais redormir deux jours, ils se re-aiment. Alors là, je dis attendez. Je croyais que vous n’aimiez plus. Donc là, en même temps, ça fait la preuve. Donc là, c’est une urgence pour moi. Il faut restructurer le sommeil pour que les gens dorment. Et puis après, il faut faire ce test très simple. Allez voir si vous dormez deux jours et vous voyez comment vous irez ensemble. Mais la plupart me font. Oui, Anna, finalement, on s’aime encore. CQFD.

Non, non, le sommeil, moi, je sais. Personnellement, je veux bien m’exposer là-dessus. Ça me rend folle de pas dormir. Je deviens extrêmement mauvaise, je suis impatiente, je suis méchante. Enfin, c’est une catastrophe. Mon mec, il pourrait en parler mieux que moi. Je suis odieuse quand je dors pas.

Clémentine Sarlat : Moi, je trouve qu’on est la pire version de nous-mêmes.

Anna Roy : Mais c’est atroce! Mais c’est atroce parce qu’on est mal. Ça met dans un état de… On est mal.

Clémentine Sarlat : Moi, j’ai cru que j’allais crever.

Anna Roy : Voilà, mais moi aussi, j’ai cru que j’allais mourir. Et d’ailleurs, à tel point que là, quand j’ai un réveil pour une gastro ou autre, je fais des palpitations cardiaques. Mon cœur s’emballe, je suis là… Dans le souvenir de ces réveils nocturnes. C’est dire. C’est chaud, quoi. Alors qu’ils sont maintenant vieux. Enfin, vieux. Quatre ans, quoi. Ils ont passé un petit peu une étape. Oui, mais voilà.

Clémentine Sarlat : Mais alors, ce qui est très intéressant dans ton livre, et on va vraiment parler, c’est que tu ne parles pas du tout du problème du sommeil du bébé. Ce n’est pas le problème, le bébé. Le problème, c’est nous, notre rapport au sommeil, déjà, notre hygiène de vie. Et la réalité du postpartum, moi je l’ai eu, anxiété du postpartum, hypervigilance maternelle, c’est très dur de sortir de ça et c’est très dur quand on est réveillée en permanence. Même quand les enfants commencent à bien dormir, on est encore habitué à ce rythme-là. Donc explique-nous, quand on est adulte, on est responsable de notre sommeil, qu’est-ce qu’on peut faire pour essayer de pallier à ça?

Anna Roy : Alors, il y a mille choses à faire, mais déjà, il faut identifier si, lorsque le bébé nous réveille, est-ce qu’on se rendort facilement?

Ça, pour moi, c’est vraiment un point d’alarme. Par exemple, je dis n’importe quoi, votre bébé vous réveille et puis vous rendormez très bien. OK, super, enfin super.

Il va falloir peut-être faire une nuit sur deux, peut-être faire chambre à part, peut-être organiser des gares. Toi, tu fais 21h, 3h, moi je fais 20h, 30h. Donc là, c’est très facile, il n’y a pas de problème.

Par contre, si vous voyez que même quand vous faites garde alternée, etc. Ou que tout simplement, vous réveillez et que vous ne vous rendormez pas, là, je dis attention, ça peut masquer une dépression, ça peut masquer des troubles anxieux, ça peut masquer une apnée du sommeil, ça peut masquer plein de problèmes de santé.

Donc, attention, danger. Il faut identifier pourquoi vous ne dormez pas.

Si c’est juste le bébé, quelque part, ce n’est pas trop compliqué. Mais, et parfois, d’ailleurs, ce n’est pas compliqué si vous avez une dépression, on la traite, si vous avez des troubles anxieux, on les traite, etc. Mais en tout cas, il faut essayer de comprendre pourquoi vous ne dormez pas. Ça, c’est fondamental. Vraiment, ne vous dites pas, je ne dors pas, c’est à cause du bébé. Et puis, je vais vous dire un truc, ça ne va pas vous faire plaisir, mais les enfants ne dorment pas avant 3 ans. Alors parce qu’au début, ils ne dorment pas parce qu’ils ne sont pas capables. Après, ils ont eu des otites, après, ils ont des conjonctivites, après, ils ont des dents.

Après, ils ont toujours un truc souvent en ite qui fait que ces enfants ne dorment pas. Et tous les gens qui vont vous dire, mais si, moi, j’ai une technique miraculeuse pour dormir. Ouais, les coach en sommeil vont me tuer, mais franchement, à part gros problèmes de santé chez l’enfant, malheureusement, l’enfant ca dort pas. Voilà, c’est tout.

Clémentine Sarlat : Non, c’est plutôt… Il y a des très bons coachs de sommeil qui expliquent qu’on réorganise le sommeil familial.

Anna Roy : Voilà! Là, c’est intéressant. Mais dire qu’on va modifier le sommeil d’un bébé…

Clémentine Sarlat : Exactement. Oui, c’est ça la problématique sous-jacente. Et toi, c’est ce que tu dis, réorganiser le sommeil familial.

Anna Roy : Absolument.

Clémentine Sarlat : Si on a une chambre d’amis, on fait chambre à part. Et oui, les couples, on peut faire chambre à part.

Anna Roy : Et au contraire même. Et puis moi, par exemple, j’avais fait faire des boules Quies chez l’audioprothésiste, des vraies boules Quies, parce que les boules Quies du commerce, elles ne sont pas assez efficaces pour ne pas entendre l’enfant. Donc j’étais allée chez l’audioprothésiste me faire des vraies boules Quies pour ne pas entendre l’enfant. C’est-à-dire que quand je n’étais pas de garde, je n’entendais vraiment pas l’enfant. Donc je dormais vraiment. Donc vraiment, il y a des petits trucs comme ça qui sont vraiment importants.

Clémentine Sarlat : Alors moi, par contre, je vais t’expliquer, j’ai des boules Quies que je trouve efficaces, mais c’est plus que mes filles, c’est mort. C’est maman, la nuit. Tu vois ce que je veux dire? Mon mec qui peut prendre une nuit, il n’y a aucun souci, elles ne vont pas aller le déranger. Mais nous, si on fait ça, ce système, elles vont hurler, elles vont venir taper à la porte. C’est complexe.

Anna Roy : Moi, ça, par exemple, ça arrive à pas mal de mes patientes. Et ça, je dis alors, OK, vous faites les nuits, pas de problème. Mais là, j’explique aux mecs de façon très claire ou aux co-parent de manière générale. Je leur dis : “voilà, ne pas dormir la nuit, il n’y a rien de pire. Donc vous avez la chance de dormir puisque de toute façon, c’est elle qui est réveillée. Donc dans ce cas-là, mes patientes, elles ont droit à deux fois deux heures dans la journée pour compenser ces nuits qu’elles font.” Ça, c’est obligatoire. Sinon, moi, j’explique aux parents que mes patientes vont crever et ce n’est pas du tout dans mon intérêt.

Donc…

Celui qui se réveille la nuit parce que, en fait, c’est pas possible autrement, alors vous avez le droit à une compensation. Je pense en particulier au week-end. Si vendredi soir, samedi soir, vous dormez pas, vous avez le droit à deux fois trois heures le samedi, deux fois trois heures le dimanche. Et les co-parents, c’est leur rendre service que de leur dire ça parce qu’ils vont avoir quelqu’un qui est hyper content, hyper épanoui. Quelqu’un qui dort pas et qui, en plus, se fait des journées harassantes, il est odieux de toute façon. Donc, c’est pas dans l’intérêt du co-parent que la femme, la mère, ne dorme pas. Vraiment. Ça, j’insiste beaucoup.

OK, donnant, il faut oser faire de la comptabilité quand on est parent, c’est pas grave. Et une comptabilité sur le sommeil. Moi, je fais une comptabilité sur le sommeil.

C’était vraiment minute par minute, quoi.

Clémentine Sarlat : Il y a ça aussi, tu vois, quand on commence à se détester, à être ennemi, c’est toi t’as plus dormi, toi tu t’es pas levé, toi tu peux pas te rendre compte, toi tu sais pas ce que c’est. Et en fait, on est toujours dans le toi, toi. Et ça fait pas avancer les choses.

Anna Roy : Non. Et puis ça, c’est de la comptabilité à chaud, c’est-à-dire c’est à postérior. Alors qu’avant, on se dirait, attends, celui qui fait les nuits, il a le droit à ça… Enfin, il faut faire de la comptabilité, mais à froid avant que les problèmes arrivent.

Clémentine Sarlat : Ça, tu expliques donc dans ton livre, comment il est construit, c’est tu donnes l’exemple et après tu donnes les conseils qu’on peut appliquer. Et tu me fais rigoler parce que c’est vrai qu’il y a dans un des chapitres, tu expliques qu’on doit aborder la parentalité comme une entreprise. C’est une gestion d’entreprise. Ce n’est pas glamour, ce n’est pas fun, mais avec des tout-petits, on n’a pas vraiment le choix.

Anna Roy : Oui. Et d’ailleurs, et dire ben oui, c’est une entreprise, ce n’est pas glamour. Bah en fait, c’est beaucoup mieux. Plutôt qu’en fait de faire de la gestion d’entreprise, mais en disant que c’est pas de la gestion d’entreprise. Ou alors là, tout le monde va souffrir, etc. Donc oui, moi, je dis il faut faire des points tous les quinze jours, des réunions, sans avoir la réunionite, pas la peine de se réunir toutes les deux jours, mais il faut se réunir tous les quinze jours, il faut mettre des plans d’attaque, il faut se répartir les tâches. Toi, t’es fort en ça, tu vas faire ça. Toi, t’es fort en ça, tu vas faire ça. Et tu vas être complètement responsable de ta tâche. Moi, vraiment, je le dis, je n’ai pas touché au linge depuis que je suis mariée avec Nicolas. Je veux dire, je ne sais même plus comment on lance une machine. Et à l’inverse, lui, il ne fait jamais la cuisine. On a vraiment des responsabilités propres et totales. Et bien sûr, il faut absolument gérer la famisse.

La famille, c’est une entreprise, c’est un business. Il y a des rendez-vous à prendre, il y a des tâches à effectuer. Bien sûr.

L’argent

Clémentine Sarlat : Et il y a de l’argent.

Anna Roy : Bien sûr qu’il y a de l’argent. Et ça, ça peut poser de gros problèmes, l’argent aussi. C’est pareil. Là, il faut en parler de façon très consciente. Qui dépense l’argent? Pourquoi? Comment? Qui le gagne? Qui le fait rentrer? Etc. Il faut tout poser à plat. Mais c’est en fait, les gens me disent, Anna, mais c’est horrible, votre vision. Mais non, je vous assure, en fait, quand on fait les choses à froid, dans le calme, c’est après, on s’aime, en fait.

Clémentine Sarlat : Oui, on s’évite les réactions volcaniques.

Anna Roy : Et puis, en fait, souvent, moi, je suis une grande spécialiste. J’adore ça. J’empile les dossiers les uns après les autres en me taisant. J’empile les dossiers après… Je pars dans le couloir avec ma valise en disant que ça y est, je divorce. Ce n’est pas bon de faire ça. Non, non, réglez dossier après dossier. Vous n’êtes pas contente. Faites un point tous les 15 jours. C’est parfait parce que du coup, vous réglez les dossiers les uns après les autres.

Et puis aussi, il faut savoir dire aussi ce que vous trouvez chouette. Quand l’autre fait quelque chose de chouette, il faut vraiment lui dire aussi. Parce qu’en fait, on ne dit jamais quand ça va. Il faut le dire vraiment. Parce qu’en fait, des fois, on est là. Ouais, c’est pas mal. Et on ne le dit pas. Dommage.

Non, non, c’est vraiment important aussi de dire ce qui va bien.

Clémentine Sarlat : Alors, on reprend. Une des vraiment premières grosses raisons du baby-clash, c’est le manque de sommeil. Il y en a pour qui ça va se régler au bout de quelques mois et très rapidement, d’autres pour qui malheureusement, ça peut prendre des années. Moi, je fais partie de celles pour qui ça prend des années, surtout avec trois enfants. Quand tu dis six ans, le dernier enfant, je suis là, oui, j’ai encore quatre ans, plus de quatre ans. Je n’y suis pas, moi, j’en ai eu un même plus que gros, donc ça va. On a compris la leçon et tout ce que tu as dit, je me suis dit c’est cool, on l’a vécu, mais on a aussi changé notre façon de faire maintenant pour que ça n’arrive plus. Après, le manque de sommeil, ce serait quoi pour toi la deuxième plus grosse raison?

La répartition des tâches

Anna Roy : C’est la répartition des tâches.

Clémentine Sarlat : Dans les couples hétérosexuels ou tu l’as vu même chez les couples homosexuels ?

Anna Roy : Non, pour le coup, chez les couples homosexuels et hétérosexuels, c’est la même chose. Parce qu’en fait, le problème, c’est que les femmes ont trois mois de congé maternité ou plus, le co-parent a un mois au mieux. Et du coup, en fait, il y a un problème, c’est que pendant deux mois, grosso modo, à peut près dans toutes les familles, pendant deux mois, la femme va absorber énormément de choses qu’elle fait et que l’autre ne voit pas. Et quand on va reprendre le boulot, enfin quand les femmes reprennent le boulot, elles continuent d’absorber ces tâches qu’elles faisaient et en plus, elles taffent.

Et là, très vite, c’est logique. Elles vont développer de l’aigreur, de l’aigreur et de l’épuisement, de l’épuisement, de l’épuisement, de l’épuisement, parce qu’en fait, elles en font beaucoup trop. Donc, c’est hyper important que les tâches, tout soit objectivé.

Là, c’est pareil, c’est le linge. Le linge, c’est quoi? La cuisine, c’est quoi? Et il faut se répartir les tâches de façon équitable. C’est très, très, très important. La répartition des tâches, pour moi, c’est le premier motif d’engueulade. À juste titre, d’ailleurs, les femmes ont raison de se plaindre. Mais un, il faut être OK pour déléguer et deux, être OK pour se répartir et ne pas faire chier l’autre quand l’autre fait une tâche. Moi, je sais que le linge, il n’est pas fait comme j’aimerais, mais au fond, j’ai qu’à fermer ma gueule parce que le linge est fait. Tu vois, de fait, moi, je ne gère pas du tout le linge comme lui et ça me saoule, sa façon de faire sécher les trucs me saoule, mais je me tais.

Clémentine Sarlat : Mais si tu y penses, tu dis en plus, si je devais le faire, non, je préfère me taire.

Anna Roy : Voilà, c’est ça. Voilà, c’est ça. Non, mais au début, je faisais des réflexions. Puis en fait, ça décourage. Donc c’est complètement contre productif.

Non, ça touche aussi les couples homosexuels. Par contre, les couples homosexuels, c’est vrai, je trouve, parce que c’est plus compliqué de faire un enfant. J’ai l’impression que c’est des gens qui ont plus réfléchi au fait de faire un enfant. Et du coup, quand même, c’est pas scientifique ce que je dis, mais j’ai l’impression qu’il y a un peu moins de baby clash. Faudrait consolider avec des études sociologiques, j’en sais rien, mais à vue de nez comme ça. en tout cas chez mes patients.

Clémentine Sarlat : Oui, parce que tu pourrais dire la même chose, du coup, pour les couples hétérosexuels qui passent par un parcours PMA.

Anna Roy : Absolument. Ou un parcours traditionnel. Je sais que ça ne plaît pas que je dis ça, mais des parcours traditionnels où on se fiance, puis on se marie, puis ceci, puis cela. En fait, ça met comme des garde-fous, en fait, en quelque sorte.

Clémentine Sarlat : Alors oui, dans le livre, tu expliques que t’es pas en train de faire l’apologie du mariage en tant que tel, mais que t’es en train d’expliquer que ça te donne une feuille de route. Pour le couple et qu’en se mariant avant, en s’engageant avant, on réfléchit forcément à ce qu’on veut comme famille et comment on fait. Après, moi, je me suis posé la question, je me suis mariée après, mais je ne suis pas sûre que ça nous ait quand même donné une feuille de route.

Anna Roy : Déjà, ça donne plein d’occasions de se séparer. Quand on prépare un mariage, qu’on se marie. Non, mais de fait, il y a plein de couples qui rompent à ce moment-là. Parce que tu dis, c’est quand même un engagement. Donc, en fait, les histoires déjà pas très solides, elles pètent pendant ces moments-là. Et puis, alors nous, on a fait un truc, un mariage où on était obligé de se poser des questions. Et qu’est-ce qui se passe si vous êtes stérile? Et qu’est-ce qui se passe si l’enfant que vous attendez est trisomique? Et qu’est-ce qui se passe si etc. ? Nous, on s’était fait vraiment une feuille de roue. Donc, on s’est engueulé, mais comme des putois parce qu’on n’était pas du tout d’accord. Sur les solutions. Mais n’empêche que ces questions, on les avait réglées avant, quoi.

Donc, je ne dis pas que c’est ça qu’il faut faire. Je dis juste, ça met des gardes fous, comme le couple homosexuel met des gardes fous, parce que le parcours est difficile. Je ne dis pas que c’est bien, que ce soit difficile, comme les couples qui font de la PMA.

Tous ces parcours semés d’embûches, d’étapes à passer où on est obligé de se dire, est-ce que c’est vraiment avec cette personne que… Ouais, bah ouais, je crois. Eh bien, ça oblige. Alors qu’effectivement, moi, j’ai beaucoup de patients, mais ça peut être super aussi. Ils aiment faire l’amour ensemble, ils font un enfant. C’est super. Mais des fois, en fait, on se réveille avec un bébé et on se dit, oh, mais c’est pas du tout le mec que j’aurais choisi finalement, quoi.

Donc, des fois, c’est vrai. Mais encore une fois, je vous dis pas du tout obligé de se marier et tout ça, mais je trouve ça intéressant de questionner ça, quoi.

Clémentine Sarlat : Mais en revanche, tu donnes quand même des exemples dans toutes les thématiques de baby-clash qu’on peut ressentir, de couples qui sont ensemble depuis 20 ans pour qui tout roulait, mais il y a quand même un baby-clash.

Anna Roy : Bien sûr!

Clémentine Sarlat : Ce n’est pas parce qu’on s’est rencontré quelques temps avant qu’on n’a pas fait ce questionnement.

Anna Roy : Il y a même des couples qui sont bien plus pérennes alors qu’ils viennent de se rencontrer. Non, non, ce n’est pas du tout un gage de qualité. C’est juste des garde-fous supplémentaires. En aucun cas, ça peut prédire s’il y aura un baby-clash ou pas. D’ailleurs, la plupart des baby-clash surviennent sur des couples qui sont anciens. Et qui se croyaient partie sur l’autoroute. Donc non, c’est presque ceux qui se méfient le moins. Alors que c’est vrai que des jeunes couples un peu comme ça, souvent, ils sont un peu sur leur garde, ils font un peu gaffe. Donc non. Oui, mais mon propos n’est évidemment pas de dire que les gardes fous protègent de tout, loin de là.

Clémentine Sarlat : Oui.

Anna Roy : Ca se saurait, si on avait la recette du bonheur, de toute façon, on l’aurait utilisé depuis bien longtemps.

Clémentine Sarlat : Tu serais millionnaire.

Anna Roy : Millionnaire, milliardaire.

Clémentine Sarlat : Donc, on a dit le sommeil, la répartition des tâches, évidemment. Et après, tu abordes un troisième point, je dirais pas qui est tabou, mais qui est complexe dans les débuts de la parentalité, c’est de prendre du temps pour soi.

Prendre du temps pour soi

Anna Roy : Oui.

Clémentine Sarlat : Et qui est parfois vraiment vital pour certaines personnes, pour d’autres un peu moins, en tout cas dans les premiers temps. Donc ça, ça peut foutre le couple en l’air.

Anna Roy : Ouais. Et ça touche plus les femmes que les hommes, autant. Alors, je sais, ce n’est pas politiquement correct de dire ça, mais les hommes, ils ont… Je ne vais pas dire ça. Ils ont beaucoup moins de difficultés à prendre du temps pour eux. Voilà, on va dire ça. Et ils ont raison, ils prennent du temps, quitte à… Des fois, je vois même des hommes qui lâchent leur famille en plan, laissent leur famille en plan pour aller vaquer à leurs occupations diverses. Je ne dis pas que c’est ça qu’il faut faire, mais je dis qu’il faut que vous le fassiez aussi. Il faut absolument prendre du temps pour soi, même si au début, vous allez vous dire “Mais je n’ai rien à faire. Moi, j’ai envie de rester là avec mes enfants. Ça ne m’intéresse pas du tout.” Je pense qu’il faut faire ça au départ comme un exercice. Alors, il y en a à qui ça convient très bien. Alors là, ça ne vous concerne pas.

Mais si vous sentez qu’il y a peut-être un sujet là-dessus, mais allez faire.

Moi, au début, je me suis rendu compte qu’en fait, finalement, ça me plaisait de prendre du temps pour moi. C’est en allant au monoprix. J’adore le monoprix. Bon, évidemment pas de collaboration commerciale avec eux, mais je vous le dis, j’adore aller au Monoprix. Et là, je me suis dit, mais en fait, j’adore être seule au Monoprix, comme avant.

Donc, prenez du temps pour vous, vraiment. Essayez de faire l’exercice, vraiment au moins. Et il faut le mettre dans l’agenda, quitte à mentir. Moi, j’ai menti à Nicolas. C’est une patiente qui m’a appris à faire ça.

Elle m’a dit, Anna, “tu dis que tu rentres à 18 heures. En fait, tu finis à 17 heures, tu te prends une heure.”

Donc, j’allais dans les bars, j’appelais des gens et tout. Meilleur conseil qu’on m’ait jamais donné, c’est de mentir. Si vous ne vous sentez pas, demander. Pas grave, vous mentez. Et prendre une heure pour faire ce que vous voulez. Est-ce que c’est prendre un bain? Est-ce que c’est d’aller voir des potes? Est-ce que c’est… J’en sais rien.

Mais faites cet exercice et vous verrez que souvent, ça vous plaît et qu’en fait, ça vous fait un bien fou.

Clémentine Sarlat : Moi, je sais que j’étais tétanisée au début, pour ma première, de prendre du temps pour moi. J’avais une situation particulière, je travaillais à Paris alors que j’y vivais à Bordeaux. Donc déjà, j’avais du temps loin d’elle que je détestais. Quand j’étais chez moi, je ne pouvais pas envisager de ne pas être avec elle. C’était violent pour moi et violent pour elle. Au troisième enfant, on arrive un peu mieux quand même.

Anna Roy : Oui, et puis souvent, il y a un truc de culpabilité. En fait, ce qui empêche de prendre du temps pour soi, c’est la culpabilité.

Mais les gens oublient que pour qu’un bébé soit heureux, il faut que ses parents soient heureux.

Ça, c’est vraiment le truc de base. Vraiment, c’est vrai, je vous assure.

Écoutez-nous là-dessus. C’est que si vous ne prenez pas de temps pour vous et que vous êtes malheureuse, votre bébé ne sera pas heureux.

Ce qui va le rendre heureux, si vous allez à la piscine, vous revenez, vous êtes hyper bien, vous êtes là, ouais, super et tout. Votre bébé, il en profite le premier. Donc, en fait, même quand vous prenez du temps pour vous, en fait, vous le faites pour votre bébé.

C’est ça que je veux vous dire. Vraiment. Et je vous assure que c’est vrai.

Malheureusement, les bébés sont des éponges et ils sont nos émotions. Donc, vous êtes malheureux, il est malheureux. Vous êtes heureux, il est heureux.

Donc, prendre du temps pour soi, c’est pour le bébé que vous le faites aussi.

Prendre du plaisir. Même la notion de plaisir en postpartum, elle n’est pas assez dite, en fait. Il faut prendre du plaisir. Au-delà même du temps pour soi, il faut prendre du plaisir. Et donc tout ce qui fait plaisir, ça, je ne peux pas savoir à votre place.

Clémentine Sarlat : Et tu vois, j’allais te dire que c’était… Moi, je me rends compte que c’est ce qui m’a fait parler de la matrescence et de ce changement-là, c’est que je ne savais plus ce qui me faisait plaisir. Je ne savais plus ce que j’aimais, moi, en tant que moi, Clémentine, si j’étais pas mère. Et ça, je trouve que c’est violent, tu vois, d’avoir ce changement-là et de se dire mais je suis qui? C’est quoi? Mais qu’est-ce que j’aime, en fait? Ce que je kiffais avant, là, ça m’intéresse absolument pas. Donc, du coup, tu vois, tu as tendance à te renfermer sur toi-même. Parce que tu es perdue.

Anna Roy : Complètement. Mais effectivement, les plaisirs peuvent changer ou perdurer. Mais en tout cas, posez-vous la question du plaisir. Il faut vraiment se poser cette question. Comment je pourrais avoir du plaisir? Et mettez cette question de la culpabilité. Moi, je n’ai toujours pas réussi, mais je vous le dis, la culpabilité, il faut vraiment comprendre, c’est votre ennemi juré et que pour que votre bébé soit heureux, il faut que vous soyez heureuse. Vraiment, mais ça, c’est vrai.

La disproportion

Clémentine Sarlat : Tu mets un warning. En revanche, là-dedans, c’est de faire attention à la disproportion. C’est-à-dire que souvent, tu le vois dans les coupes, il y en a un qui va faire beaucoup de choses pour lui ou elle et pas l’autre. Et du coup, toute la charge incombe à la personne qui reste à la maison.

Anna Roy : Alors ça, warning majeur. Deux warnings.

Le premier, c’est celui-là, effectivement. Ça, c’est vraiment dégueulasse de faire ça. Alors pour le coup, là, il faut être aussi équitable dans le plaisir qu’on prend. Là, par exemple, moi, j’ai un patient qui faisait de la pêche, un autre qui faisait… Enfin bon, ils ont toujours des activités. Les mecs. Longues. Et puis surtout, là, il faut que ce soit équitable. Je veux dire absolument, c’est absolument nécessaire. Même si pour vous, en fait, ça va être de prendre un bain dans votre salle de bain. Mais en tout cas, il faut qu’il y ait une répartition équitable. Ça, c’est extrêmement important.

Deuxième warning complètement politiquement incorrect, c’est ne sortez pas trop séparément les uns des autres. Enfin, l’un de l’autre. Je sais que ça, les gens me disent mais vous êtes folles à ne pas dire ça. Mais moi, je pense que, attention, dans les premiers temps où on est vraiment harassé par la charge parentale, etc., quand vous sortez systématiquement séparément et que vous allez prendre du plaisir avec d’autres gens sans l’autre. Attention, parce que votre cerveau, il va assimiler. Je ne suis pas avec l’autre. Et je suis vachement en train de prendre du plaisir. Et je prends vachement de plaisir. Par contre, quand je suis avec l’autre là, je prends pas du tout de plaisir.

Et donc vous allez aller rechercher. C’est pas vous, c’est votre cerveau. Il va aller rechercher les zones. Et c’est logique. Donc ça, attention, parce que moi, j’ai vu énormément de couples. C’est peut-être très parisien centré, ça, je sais pas. Mais j’ai vu énormément de tromperies liées à ça, au fait que les gens sortaient trop, beaucoup, beaucoup trop séparément.

Moi, c’est un conseil que je vous donne.

Sortez pas séparément au début.

Ou alors sortez vraiment avec des personnes de confiance avec lesquelles il ne va pas pouvoir se passer. Mais je vous assure que moi, j’avais une patiente, elle voyait un mec assez régulièrement, c’était juste des after work, mais elle le trouvait tellement sympa, tellement drôle, tellement gentil, tellement pas, il parlait de couche, tellement il était beau, tellement… Et puis voilà, quoi. Alors que l’autre, il parlait de couche, il était chiant, il râlait tout le temps comme un putois, il était crevé, il avait des cernes, etc. Bon, donc je dis attention et ça n’épargne personne. Souvent, on pense toujours qu’on est au-dessus de ça. Attention, non, personne n’est au-dessus. Voilà, donc attention, attention.

Clémentine Sarlat : Donc, le sommeil, la répartition des tâches, le fait de pas beaucoup prendre soin de temps pour soi et en couple. Et ensuite, tu en avais une autre, c’est la sexualité.

La sexualité

Anna Roy : Ouais.

Clémentine Sarlat : Quatrième aspect que tu abordes.

Anna Roy : Alors, la sexualité. D’abord, il y a beaucoup de couples, beaucoup de femmes et d’hommes qui disent j’ai plus envie de baiser en postpartum, donc je n’aime plus la personne.

Clémentine Sarlat : Qui associent ça.

Anna Roy : Oui. Alors ça, c’est un truc de fou. Les gens disent, c’est le réflexe. J’ai plus de désir, donc je ne l’aime plus. Mais alors là, j’ai dit attention, danger, là encore le sommeil. Quand vous êtes en manque de sommeil, la première chose qui va sauter dans votre fonction corporelle?

Clémentine Sarlat : La libido.

Anna Roy : La libido.

Clémentine Sarlat : Ça ne sert à rien en fait.

Anna Roy : C’est mathématique. Mathématique, au contraire. Donc vraiment, soyez très attentifs à ça. Et d’ailleurs, la plupart des gens que j’envoie à Fontainebleau, je les envoie tous à Fontainebleau. Ils reviennent de Fontainebleau, ils ont dormi, ils avaient envie de niquer. C’est mathématique. Donc d’abord, il y a le sommeil. Après, il peut y avoir la question des douleurs. Ça, je dis, s’il y a des douleurs après un accouchement, il faut absolument les résoudre. Je vous renvoie tous vers Périnée Bien-Aimée, merveilleuse association qui est faite par une sage femme.

Il ne faut pas se contenter de douleurs qui sont apparues après un accouchement. Ce n’est pas possible, ce n’est pas dans votre tête, je vous assure, ce n’est pas dans votre tête. Il faut les régler et ça se règle.

Et puis, la sexualité, souvent aussi, les gens ont une vision de leur sexualité d’avant qui est complètement fausse. Les gens disent, non mais attendez, on avait une sexualité incroyable. Alors je dis, bon, mais quelle sexualité incroyable? Vous faisiez l’amour combien de fois, etc. Puis les gens interrogent et puis… Elles disent, oui, Anna, c’est vrai, vous aviez raison. Vous avez raison, effectivement, on faisait pas l’amour 15 fois par mois. Non, c’est vrai, pas du tout, en fait. Je dis, ben voilà. Donc là, en fait, c’est le continuum de la sexualité d’avant. Et puis le manque d’espace et puis le manque de sommeil, tout ça fait que la sexualité peut avoir des remous. La solution à ça, c’est en tout cas d’en parler très librement au couple. Il faut dire souvent, et ça, je le dis aux co-parents et les mères, personne ne se dit « je suis frustrée, ça ne va pas ». Il faut le dire. Il ne faut pas mentir pour être gentil, vraiment. Vous dites « écoute, je suis désolé, mais ce n’est pas assez, ça ne va pas, etc. Il faut savoir le dire. Et souvent, on dit oui, c’est les hommes qui sont toujours, qui ont des gros besoins. Mais ça, c’est des conneries. Souvent, c’est les femmes. Il y a un truc très choquant, mais la bandaison est très fragile, la bandaison. Et donc, en fait, un homme qui ne dort pas, il a vraiment peu de désir. Et puis parfois même, il ne bande plus. Et les femmes se disent mais c’est horrible, il n’a plus de désir.

Donc, je dis vraiment, il faut pouvoir exprimer de façon très claire. Il faut parler de cul dans le couple à partir du moment des parents. Vraiment, de façon très libre, vraiment librement. Et en fait, on s’aperçoit souvent que c’est des malentendus. Alors, quand il y a une dissonance très forte, quand il y a des frustrations, il faut pouvoir en parler. Des fois, à un tiers, ça fait vachement du bien. Un sexologue ou voilà.

Clémentine Sarlat : Dans un podcast américain, j’entendais un couple de parents de jeunes enfants qui disaient mais nous, on a des sex night. On se dit tous les mardis, on se prend, on se cale et parce que sinon, c’est le chaos. On n’a jamais envie, mais on se dit ben là, on va prendre le temps pour nous, pour notre vie sexuelle. Pas forcément en plus pour avoir un rapport, mais juste c’est dédié au sexe le mardi.

Anna Roy : Et puis souvent les parents disent ouais mais ça c’est pas romantique, qu’est ce que c’est?

Clémentine Sarlat : C’est vrai, ça fait bizarre de se dire ça.

Anna Roy : Oui, et en même temps, en fait, quand vous êtes célib et que vous avez un date et en fait vous habillez, vous prévoyez un resto et machin et vous… Vous vous épilez. Voilà, et vous dites ouais, mais ce soir, il va se passer ça… En fait, vous prévoyez, vous n’êtes pas là à… À faire l’amour pendant que vous faisiez vos études. Vous voyez ce que je veux dire? C’est qu’en fait, on prévoyait. Donc attention à cette idéalisation de la sexualité d’avant.

En réalité, Et puis, des fois, il faut quand même le dire, il y a plein de gens qui ont une sexualité beaucoup plus épanouie après aussi, qui sont beaucoup plus sur le corps, vachement plus libérés, qui s’embarrassent moins de trucs et puis qui savent que la relation va certainement durer et que donc, les barrières sautent et ils ont une vie sexuelle comme jaja, quoi.

Clémentine Sarlat : Bah oui, une fois que tu dors, c’est bon.

Anna Roy : Ouais, et puis les gens se retrouvent. Et puis alors ça, il y a un truc que les gens ne croient pas, mais on peut tomber amoureux plusieurs fois et on peut réavoir du désir sexuel, comme dans les débuts, plusieurs fois dans la vie. C’est génial.

Clémentine Sarlat :

C’est vrai.

Anna Roy :

Bah oui, c’est vrai, c’est un truc de dingue. Mais oui, c’est vrai. Moi, je ne croyais pas que c’était possible.

Clémentine Sarlat : Mais il faut dormir.

Anna Roy : Mais il faut dormir.

Clémentine Sarlat : Un petit peu. Ouais, absolument. Sinon, c’est un peu compliqué quand même.

Anna Roy : Alors après, bien sûr, il faut que je vous rappelle qu’il y a la sexualité non pénétrative aussi, bien sûr. Mais il y a plein de patients qui me disent non mais Anna, vous êtes gentille, mais ce n’est pas ça dont j’ai envie. Bon, alors dans ce cas-là, voilà. Mais n’oubliez pas qu’il y a la sexualité non pénétrative, bien sûr. Et puis aussi, il y a des couples qui n’ont plus du tout envie de faire l’amour et qui ne feront plus jamais l’amour. Mais ça leur va très bien parce qu’ils sont OK tous les deux, quoi.

Clémentine Sarlat : Et je voudrais rappeler quelque chose que tu dis dans le livre et que tu l’as un peu dit, mais pas de pression si une semaine après l’accouchement, vous n’avez pas fait l’amour. On met des mois, on a tous… Je pense qu’on n’est pas assez honnête sur la réalité. Moi, je pense que ça a pris entre trois et six mois à chaque post-partum.

Anna Roy : Mais bien sûr, les chiffres, c’est que 50 % des couples ont repris une vie sexuelle trois mois après l’accouchement. Et c’est seulement un couple sur deux. Il faut attendre un an pour que 97 % des couples aient repris une vie sexuelle.

Clémentine Sarlat : Donc pour enlever la pression, de certain ou certaines, surtout les tout nouveaux parents avec un seul enfant, n’ont pas encore cette idée là.

Anna Roy : Oui, oui, cool. Et puis, si vous reprenez tout de suite, enfin vraiment, évidemment. Non, non, il n’y a pas de pression. Le tout, c’est d’en parler. Attention aux frustrations qui naissent dans le silence. Ça, attention. Vraiment, vraiment. Mais sinon, pas de pression.

Clémentine Sarlat : A chaque exemple que tu donnes, tu parles beaucoup du travail que tu fais avec d’autres professionnels de santé. Je trouve que c’est intéressant parce qu’on entend rarement d’autres professions se recommander. Et donc, pour toi, il y a vraiment ça, vous êtes une équipe autour des jeunes parents. Toi, tu n’es pas psychologue, tu n’es pas psychiatre, tu n’es pas sexologue. Et donc, au-delà de tes compétences, tu sais vers qui réorienter. Donc, dès qu’il y a un souci, oui, on peut aller voir notre sage-femme qui va nous redonner ou réorienter.

Anna Roy :

Moi, je ne suis pas du tout thérapeute de couple. Je ne suis pas psychiatre, je ne suis pas psychologue, je ne suis pas sexologue. Vraiment, ça, je ne comprends pas. D’ailleurs, en périnatalité, on se tire beaucoup dessus. On est en concurrence. Oh là là, il n’y a pas assez de place pour tout. Vraiment, non, il faut arrêter de se tirer. Vraiment, c’est un travail d’équipe.

Moi, je travaille beaucoup avec d’autres professions, donc c’est absolument essentiel et notre complémentarité n’est pas à démontrer. Non, non, bien sûr. Et d’ailleurs, souvent, c’est eux qui résolvent les problèmes. Moi, je les résous en partie parce que je mets la lumière, mais que j’invite les gens à se prendre en charge. Mais en soi, le sexologue, après, heureusement qu’il est là. Parce qu’il y a des trucs, c’est trop compliqué pour moi.

Les dépressions du post-partum

Clémentine Sarlat : Tu parles un petit peu, dans ce livre, des dépressions du postpartum qui auraient pu être évitées et qui, du coup, engendrent des baby-clash. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu dans quelle catégorie elles tombent, ces dépressions du postpartum?

Anna Roy : Alors, évidemment, avoir… Faire une dépression, évidemment, pour l’autre, c’est extrêmement difficile à vivre. Et pour soi-même, effectivement, quand on est en dépression, souvent la libido est quasiment inexistante. Et donc évidemment que ça va faire des remous dans le couple et que là, moi souvent, c’est ce que je conseille à mes patientes qui ont une dépression du postpartum, c’est que le co-parent se fasse accompagner en même temps. Pour justement, parce qu’en fait, Alors, c’est difficile à entendre pour les femmes qui font une dépression du postpartum, mais être aidant de quelqu’un qui… Enfin, le co-parent, quand une femme fait une dépression du postpartum, c’est très lourd et très difficile. Et donc, c’est très bien que les deux soient accompagnés ou autre possibilité de faire une thérapie familiale. C’est-à-dire, on va voir un psy à deux.

Mais en tout cas, ne négligez pas cette partie, ne négligez pas dans le couple, dans la dépression du postpartum. Il faut absolument que l’autre soit pris en charge ou qu’il y ait une thérapie familiale. Enfin, ça, c’est mon humble avis. Vous faites bien comme vous voulez, mais voilà, je tire la sonate d’alarme. Attention, parce que la dépression du postpartum, ça peut vraiment faire de gros dégâts.

Clémentine Sarlat : Et donc, quand tu parles de cette catégorie de dépression du postpartum qui aurait pu éviter, pourquoi? C’est quoi?

Anna Roy : Oui, alors ça, il y a plein de dépressions du postpartum évitables. Parce que par exemple, moi, je cite ce cas, la plupart des femmes reprennent le boulot à deux mois et demi après la naissance. En tout cas, quand c’est un premier, elles ne dorment pas la nuit et elles travaillent le jour. CQFD. Elles sont dans un tel état d’épuisement quelques semaines après, elles ont un épisode dépressif qui se mue en dépression du postpartum.

Ça, c’est évitable.

Par exemple, si vous sentez, vous reprenez le boulot, vous sentez que c’est trop dur pour vous tirez la sonnette d’alarme, médecin, sage-femme, et vous vous faites arrêter immédiatement pour ne pas aller vers des symptômes dépressifs. Et ça, je pourrais continuer ça pendant trois jours. C’est un sujet que j’aime beaucoup, évidemment. Mais pour moi, la plupart des dépressions du postpartum sont évitables.

Après, il y en a une qui est incompressible et qui est absolument inévitable avec altération du lien mère-enfant, des dépressions très sévères, etc. Bien sûr. Mais il y en a qui sont évitables, bien sûr.

Et il y a aussi quand même des bébés malades aussi, ça peut mettre vraiment le couple à l’épreuve.

Clémentine Sarlat : Ça t’en parle. Tu prends l’exemple du RGO, mais il y a évidemment plein d’autres pathologies. Pourquoi est-ce que le bébé malade, ça met le couple à l’épreuve? Ce que tu dis, on peut prendre deux chemins.

Anna Roy : Exactement. Mais c’est terrible, d’ailleurs, parce qu’il n’y a que deux scénarios possibles. En tout cas, moi, je n’ai vu que ça.

Soit ça se soude et les gens sont soudés à mort, mais c’est un truc presque… Ils développent une relation incroyable.

Soit ça les sépare à jamais.

Donc là, moi, je ne dis pas que ça va se produire. Je dis attention, danger. C’est une terrible épreuve d’avoir un enfant malade alors ça dépend des maladies, etc. Mais je crois qu’il n’y a rien de pire au monde, en tout cas selon moi. Et donc vraiment, là, il faut se faire accompagner. Il faut se faire accompagner seul et il faut se faire accompagner en couple. C’est trop difficile. Alors là, je prends l’exemple du RGO, qui est presque le moins grave, mais…

Clémentine Sarlat : La prématurité…

Anna Roy : Mais c’est terrible, même la mort fétale in utero. Attention, ça peut… Parce que les vécus, parfois différents, avec des temporalités différentes, sont tellement parfois difficiles. Vraiment, n’hésitez pas à vous faire accompagner. On peut aller voir un professionnel de la santé mentale, un psychologue, un psychiatre, juste pour discuter, pas parce qu’on a des problèmes, entre guillemets.

Clémentine Sarlat : Ça m’a frappé dans ton livre. Je pense que moi, j’ai vraiment une vision totalement biaisée de la santé mentale. Que je pense que toi, dans ta pratique, tu vois à quel point c’est tabou encore. Pour moi, ça me paraît tellement fou que ce soit tabou d’aller voir un psy.

Anna Roy : Mais c’est totalement tabou. Non, mais les Français, la Française, le Français de base, aller voir un psy, c’est parce qu’on est fou. Ça, c’est dans nos milieux très privilégiés ou même le milieu d’Instagram, où on a l’impression que ça y est, tout est acquis, tout est fait.

Clémentine Sarlat : Qu’on parle de santé mentale, en tout cas, de manière qui est taboue.

Anna Roy : Voilà. Mais en fait, dans la vraie société, non, les gens… Aller voir un psy, c’est que t’es un cinglé, enfin un cinglé vrai.

Clémentine Sarlat : Moi, je pense, ce n’est pas les réseaux sociaux. J’ai été élevée dans une famille où on allait en thérapie.

Anna Roy : Ouais, moi aussi, c’est pas un problème.

Clémentine Sarlat : Je n’ai jamais eu ce stigmate là.

Anna Roy : Mais moi, je pense que non, les Français, pas du tout. Ils ont pas du tout ce rapport-là à la santé mentale.

Clémentine Sarlat : Et donc, dès que ça va pas…

Anna Roy : Mais d’ailleurs aussi parce que ça coûte cher.

Clémentine Sarlat : Mais je veux dire, au-delà de ça coûte cher, le stigmate autour de dire je vais prendre le temps d’aller voir un…

Anna Roy : Voilà, vraiment, les psys, on est là pour aller leur parler de ce qu’on veut. C’est génial. En fait, quand on y a goûté, c’est bien, en vrai. Franchement, c’est super. Et alors, moi, je voudrais tout de suite dire, il y a des CMP, des centres médico-psychologiques où vous avez accès aux psys de façon prise en charge par la Sécurité sociale, où c’est gratuit. Et maintenant, il y a certains psychologues qui sont remboursés par la Sécu.

Clémentine Sarlat : Et les psychiatres qui sont médecins?

Anna Roy : Tout à fait. Mais des fois, il y a des dépassements d’honoraires aussi. Mais effectivement, en tout cas, il y a des moyens. Quand on gratte, on peut vraiment trouver des choses qui sont prises en charge.

Clémentine Sarlat : Parce que ce que ça traduit surtout par rapport au baby-clash, c’est-à-dire qu’en France, peut-être on n’est plus sujet à ça parce que quand ça ne va pas, on ne sollicite pas d’aide extérieure. On se renferme.

Anna Roy : Exactement, parce qu’on a honte. C’est la honte qui prévaut. Et puisqu’on a honte, on n’en parle à personne. Or, ça, quand on n’en parle à personne, c’est presque le début de la fin pour moi. Parce qu’en fait, on ne va pas y arriver, on se noie à deux.

Alors que si on en parle à tout le monde, en fait, déjà, ça va beaucoup mieux. Et puis, en fait, surtout, moi, j’ai remarqué ça, c’est qu’avec mon mec, on adore raconter nos disputes parce que moi, je suis très drama queen, donc j’aime beaucoup faire le show.

Et en fait, quand vous racontez ça à vos potes, ils en parlent et en fait, ça fait du bien à tout le monde. Tout le monde vit la même chose.

Des gens qui ont une relation de couple, j’en connais, complètement linéaire et qui ne bougent pas pendant 40 ans, c’est quand même très, très rare. Ça existe, mais c’est très, très rare.

Clémentine Sarlat : C’est clair, mais qui sont-ils? Où êtes-vous?

Anna Roy : Moi, j’en connais.

Clémentine Sarlat : Si on prend d’un point de vue psychologique, c’est le lien d’attachement récure. Donc, c’est des gens qui, peut-être se disputent, mais ça se résout dans la seconde. Donc, en fait, ça ne reste pas dans les annales.

Anna Roy : Ça, c’est mon rêve, mais je n’y arriverai jamais.

Clémentine Sarlat : Est-ce que tous les couples que tu vois traverser le baby-clash arrivent à remonter la pente ou c’est parfois le signal que c’est terminé?

Anna Roy : Non, parfois, c’est le signal que c’est terminé.

D’abord, parce qu’il y a beaucoup de situations, c’est beaucoup trop grave. Les gens font des choses beaucoup trop graves. Il y a la violence, bien sûr, mais qu’elle soit physique, psychique, verbale, tout ce que vous voulez.

Et puis, des fois, il y a des trahisons qui sont trop graves. Donc, non, des fois, il faut vraiment se séparer.

Moi, là, j’insiste beaucoup. Il y a des découvertes de familles secondaires, etc. Enfin, des trucs vraiment, des trahisons terribles. Donc, non, il ne faut pas rester en couple avec des gens comme ça.

Et puis, des fois, on s’aperçoit en ayant un enfant que cette personne, ça ne va pas du tout ou qu’elle… Par exemple, avec les enfants, moi, j’invite les femmes à partir.

Des hommes, mais des fois, c’est des femmes et c’est moins fréquent, qui seraient maltraitants avec les enfants. Enfin, chacun fait ce qu’il veut, mais moi, je pense qu’il faut partir. Donc non, parfois, il faut se séparer. Il faut vraiment partir. Partir avant qu’il ne soit trop tard. Il faut avoir la séparation facile. Moi, alors là, je suis très clair. Mais je dis ça tout en même temps que je dis qu’il ne faut pas se séparer pour des broutilles.

Clémentine Sarlat : Oui, en fait, là, il y a quand même une notion différente. Il y a la mise en danger, il y a la toxicité.

Anna Roy : Mais même la toxicité psychologique, ça suffit.

Clémentine Sarlat : Tout à fait. Tu le dis, tu expliques qu’on entend beaucoup ce mot et qu’aujourd’hui, on voudrait un peu faire le buzz autour de ce mot. Mais il y a une réalité dans la toxicité, surtout dans la parentalité, surtout dans l’emprise que ça peut avoir. Et il ne faut pas minimiser.

Anna Roy : Exactement, il y a vraiment, alors c’est vrai, plus des hommes que des femmes, je m’excuse infiniment mais je maintiens ce que je dis, qui sont d’une toxicité folle, qui presque font disparaître mes patientes, je leur en veux à mort. Et ces gens-là, il faut les mettre à distance. Et ça me fait une peine infinie quand je vois que mes patientes n’arrivent pas à s’en détacher. Ça me broie les tripes.

Clémentine Sarlat : Mais finalement, ce n’est pas du baby-clash.

Anna Roy : Non, pas du tout. Non, non, parce que souvent, en fait, il y a des histoires avant. Enfin, c’est pas dingue.

Clémentine Sarlat : Le mec s’est transformé.

Anna Roy : Non, non. Alors, ce qui est vrai, par contre, c’est que nos histoires personnelles peuvent nous rattraper. Donc, par exemple, quelqu’un qui a été violenté dans son enfance peut tout d’un coup… Voilà. Donc, il peut y avoir vraiment des choses qui apparaissent avec la naissance d’un enfant, mais quand même, la plupart du temps, en fait, tout est en germe avant.

Clémentine Sarlat : Oui, oui. Et alors, on a parlé de la dépression du postpartum chez la femme parce que c’est le plus commun et on parle très peu du père. Est-ce que ça, tu l’as vu? Est-ce que tu as vu des pères être submergés par une dépression, être incapables d’en parler parce que c’est encore plus tabou chez les pères. Et du coup, le baby-clutch, il est encore plus fort?

Anna Roy : Oui, absolument. Alors la dépression du co-parent est tout aussi…Alors on dit que c’est 1/10 co-parent et c’est extrêmement fort parce que là, c’est encore plus tabou. Je dirais même encore plus chez les co-parents, je dirais plus chez les hommes, chez les pères, parce que le père, il n’a pas le droit d’être déprimé. C’est impossible. Et donc là, ça peut faire des dégâts considérables. Considérable parce que déjà, c’est difficile d’accompagner une dépression maladie. Et puis, en plus, c’est pas dit, c’est rentré. Enfin, c’est des situations complètement terribles. Donc, oui, attention à la dépression. Là, pareil, il faut consulter. Alors, le problème, c’est qu’il y a des gens qui ne veulent pas consulter. Et on ne peut pas le faire à leur place. Non, mais ça, c’est un vrai problème.

Et les hommes ont beaucoup plus de mal à consulter les professionnels de la santé mentale. Ça, pour le coup, c’est véridique. Donc, ça, c’est très compliqué. Et des fois même, il y a des séparations qui sont inévitables à cause de ça, parce qu’il y a des gens qui ne veulent pas que ça s’arrange.

Le bienheureux baby-clash

Clémentine Sarlat : Est-ce que tu trouves que notre génération… Donc tu parles que le baby-clash est au final une problématique moderne, des temps modernes, et que c’est une bonne chose. Et ça, j’aimerais que tu en parles. Ça veut dire qu’au final, il y a deux personnes, deux parents qui prennent la place.

Anna Roy : Exactement. Moi, je trouve que c’est une très… C’est bizarre.

Clémentine Sarlat : T’es bizarre Anna.

Anna Roy : Non, mais à tel point que je voulais l’appeler le bienheureux Baby Clash. Ça, c’était mon premier titre. Pour dire qu’à la fois, c’est chouette de traverser ça et qu’en plus, oui, effectivement, qu’il y a deux personnes qui vont prendre la place, deux personnes qui vont prendre lead et que du coup, il va y avoir des frictions. Mais c’est super. C’est le signe que les choses évoluent. Et puis en plus, il y a quand même un truc, c’est que moi, je suis sûre qu’il y avait des baby-clash avant. Tout autant, presque. Mais juste, ils étaient tûts, complètement rentrés, on n’en parlait pas.

Mais bien sûr, en fait, moi, là, je fais un travail où j’interroge beaucoup les femmes entre 60 et 80 ans.

Un, elles vivaient super mal leur postpartum.

Deux, elles s’engueulaient comme des folles avec leurs mecs.

Rien n’a changé.

Clémentine Sarlat : Elles ne savaient même pas ce qu’était le postpartum en plus.

Anna Roy : Exactement. Mais en fait, rien n’a changé. C’est juste qu’elles c’est rentrées enfouies et disaient no complain, no explain. C’était la reine d’Angleterre.

Tout va bien. Derrière, c’était le chantier absolu, mais tout allait bien.

Clémentine Sarlat : Tout était en feu derrière. On avait lancé une bombe.

Anna Roy : C’est ça, je sens que tout allait bien.

Clémentine Sarlat : Et donc le Baby Cash, ce qu’il faut retenir, c’est que ça met en exergue des problématiques qui étaient là avant.

Anna Roy : Oui, exactement. C’est l’idée, moi je pense, c’est vraiment, c’est l’arrivée d’un enfant, c’est vraiment on vient soulever le tapis, l’enfant met lampe torche sur tout ce qu’on avait enfoui sous le tapis.

Mais c’est une chance, vraiment.

Dites-vous que c’est une chance. Moi, vraiment, j’insiste sur ce fait-là. Toujours on me dit c’est négatif et tout. Non, c’est pas négatif. C’est une chance, il faut la saisir.

C’est comme le postpartum, c’est une chance de revoir sa vie à l’aune d’un nouvel événement. Donc vraiment, non, c’est une chance.

Votre couple, moi je prends cet exemple un peu bizarre, mais l’arrivée d’un enfant, vous avez un super beau pull en cachemire, vous le mettez dans la machine à laver. Si vous mettez le mauvais programme, il va ressortir en sharpie, etc. Si vous mettez le bon programme, il va sortir plus beau que jamais.

Un enfant, c’est pareil sur votre histoire d’amour. Le pull en cachemire, c’est votre histoire d’amour. Et la machine à laver, c’est l’arrivée de l’enfant. Vraiment, je vous assure, si on prend le bon programme, il va sortir plus beau que jamais.

Il n’y a rien de plus, il n’y a rien qui peut nous souder plus que l’arrivée d’un enfant.

La chose qui m’émeut le plus dans ma pratique de sage-femme, c’est de regarder les grands-parents en couple qui viennent voir leurs petits-enfants en maternité. De voir ces deux grands-parents, ce couple, qui voient leur enfant qui vient d’avoir un enfant et qui se regarde, qui voit que c’est leur amour qui a fait tout ça. Putain, mais il n’y a rien de plus beau, quoi. Non, mais c’est merveilleux. Il n’y a rien qui soude de plus au monde.

Et puis, c’est vraiment, je rappelle, c’est l’amour qui se fait chair et os quand même. C’est inédit, ça. C**’est merveilleux d’avoir des enfants avec quelqu’un. Il n’y a personne d’autre que cette personne qui va pouvoir se réjouir quand vous allez lui montrer des photos débiles.** T’as vu ce qu’il a fait? Ouais, c’est génial. C’est la seule personne. Même pour la réussite du bac, même pour tout. C’est une merveille, quoi, de partager ça avec quelqu’un.

Clémentine Sarlat : Est-ce que tu as la sensation qu’on est une génération quitte plus facilement? Alors, on l’a redit, dans les moments où c’est toxique, c’est dangereux, c’est une évidence. Mais est-ce qu’au-delà de ça, on abandonne plus facilement, on va dire?

Anna Roy : Ouais, on n’a pas le droit de dire ça, mais je le dis quand même, je m’en fiche. Je m’encombre plus maintenant. Oui, je trouve vraiment… Et d’ailleurs, les gens le regrettent amèrement après.

Clémentine Sarlat : Pourquoi on n’a pas le droit de dire ça?

Anna Roy : Je ne sais pas. En vrai, je ne sais pas pourquoi on n’a plus le droit de le dire. Parce qu’on veut absolument… Je ne sais pas. C’est vrai ça, pourquoi? Est-ce que ça renvoie les gens peut-être à leurs échecs? Je ne sais pas. À leurs échecs, peut-être? Je ne sais pas.

Mais moi, je pense vraiment qu’on se sépare. Enfin, dans beaucoup de situations, c’est des séparations qui auraient pu être évitées.

Non, c’est parce qu’aussi beaucoup de gens pensent qu’une fois qu’on est séparés, on va vraiment pouvoir ne plus avoir de nouvelles de l’autre. Alors que quand on a un enfant, malheureusement…

Clémentine Sarlat : Je peux confirmer, c’est compliqué.

Anna Roy : On se séparera jamais.

Clémentine Sarlat :

Non.

Anna Roy :

Et c’est ça qui est terrible. Donc si c’est nécessaire, c’est nécessaire. Et d’ailleurs, ça fait suffisamment souffrir d’avoir toujours l’autre aux basques alors qu’on a besoin de plus l’avoir au basque. Mais quand c’est pour des broutilles, c’est vraiment idiot.

Et puis souvent, on pense que l’herbe est plus verte à côté aussi. C’est-à-dire qu’on se dit, on va recréer un truc et ça va être génial.

Bah non, en fait, vous allez avoir les mêmes problèmes, exactement les mêmes, c’est tout pareil. Donc oui, je pense que c’est un peu dommage. En tout cas, je pense qu’il faut interroger ça.

On a, je pense, la séparation trop facile.

Et en fait, le couple du rame n’est pas à la mode, mais en fait, c’est pas mal. Non mais franchement, c’est bien.

Et d’ailleurs, c’est marrant parce qu’il y a un double truc, parce qu’à la fois sur les réseaux sociaux, tout le monde est hyper ému. On voit toujours ces vieux couples de 80 ans, on est là, c’est trop mignon, l’amour qui dure et tout. Et tout à la fois, on est là, ouais, il faut se séparer, c’est super, allons-y, next, etc. C’est bizarre. Il y a un double…

Mais après, c’est exigeant. Oui, c’est pénible. Oui, c’est sûr. C’est pas facile tous les jours.

Clémentine Sarlat : C’est une vie de compromis.

Anna Roy : C’est une vie de compromis.

Clémentine Sarlat : Comme tu dis, c’est pas facile.

Anna Roy : Non, c’est hyper dur. C’est hyper dur. C’est hyper dur. Moi, je trouve ça hyper dur. Jamais j’aurais pensé que c’était aussi difficile. Si on m’avait dit que c’était ça le mariage, j’y serais allé quand même, mais… Avec moins d’entrain.

Clémentine Sarlat : Avec moins d’entrain.

Anna Roy : Avec moins d’entrain.

La connaissance du baby-clash

Clémentine Sarlat :

Le Baby Clash, est-ce que les professionnels de santé y sont assez formés?

Anna Roy : Non, pas du tout. Mais pas du tout. Mais moi, je ne savais pas que ça existait. Donc non, pas du tout. On n’est pas du tout formé. On arrive… Moi, je dis toujours, c’est vrai, mes premières visites à domicile, j’allais m’enfermer dans les toilettes de mes patients pour essayer de trouver des trucs sur Internet.

Je n’étais formé à rien. Le postpartum n’existait pas. Le baby-clash, encore moins.

Non, non. On y va. Là, il y a plein de sage-femme qui m’écrivent. Putain, mais Anna, ce livre est génial. Pourquoi tu ne l’as pas écrit avant? Et elles le boulotent et elles me disent : “mais demain, en consultation, je ressors ce que tu as écrit”. Donc non, il n’y a rien.

Clémentine Sarlat : Et tu penses que du coup, comme il y a aussi ça, “une mauvaise prise en charge”, je mets des guillemets, mais sur ce thème-là, il y a aussi des séparations qui auraient pu être évitées parce qu’on aurait pu rediriger les gens.

Anna Roy : Les gens ne sont pas du tout aidés et accompagnés, c’est terrible.

Il faut oser poser des questions à nos patients. Des fois, c’est par délicatesse qu’on n’ose pas poser des questions : Comment ça va dans votre couple? Tout ça, ça se passe bien? Est-ce que le co-parent est cool?

On n’ose pas. Mais il faut le faire. Parce qu’en fait, souvent, les gens ne demandent qu’à raconter et qu’à dire quand ça ne va pas. Mais c’est vrai que si on ne leur pose pas la question, ils ne répondent pas. Donc, il faut qu’on améliore nos prises en charge. Après, c’est très excitant. Sur le postpartum et sur le babyclash, il n’y avait rien. Donc, il y a tout à créer. Donc, tout va progresser, je l’espère. Mais oui, on est nuls.

Clémentine Sarlat : Il faut du temps aussi en consultation pour avoir l’espace.

Anna Roy : Alors voilà, ça, c’est le problème majeur. Moi, je le prends. Mais du coup, je ne gagne pas d’argent.

Clémentine Sarlat : Non, mais c’est une réalité qu’il faut aussi admettre.

Anna Roy : Il y a de moins en moins de professionnels de la santé..

Clémentine Sarlat : Qui peuvent en plus prendre ce temps.

Anna Roy :

C’est une catastrophe. Là, pour le coup, c’est extrêmement flippant. C’est que la santé est en train de mourir en France.

Mais vraiment, là, j’invite les gens à se documenter.

Vraiment, c’est en train de mourir. Il n’y a plus que les ultra riches qui pourront se soigner. Comme aux États-Unis, pareil. On y va en TGV.

Clémentine Sarlat : Et ce qu’a mis en place le gouvernement de l’entretien post-natal, est-ce que c’est là les professionnels qui nous reçoivent, donc c’est vous les sages-femmes ou gynéco ou médecins traitants, c’est ça?

Anna Roy : Oui, exactement.

Clémentine Sarlat : C’est ces personnes-là qui devraient être formées pour pouvoir poser tout de suite la question et orienter?

Anna Roy : Absolument.

Il faut toujours poser la question du couple et des violences de manière générale pendant ces entretiens. Ça me semble absolument nécessaire. Mais là encore, comme ça vient d’être mis en place, tout n’est pas encore fait, toutes les recommandations ne sont pas édictées, tout ça. Mais bien sûr, s’il y a des professionnels de santé qui m’écoutent, et même, je vais vous dire, vous êtes puricultrice en PMI, vous êtes puricultrice tout court, vous êtes auxiliaire de puriculture, vous êtes doula, vous êtes accompagnante périnatale, vous êtes orthophoniste. Il faut poser cette question du couple à tous les gens que vous voyez et leur dire, mais pas de problème, il existe tel et tel professionnel du couple.

Posez la question. Les gens, ils sont trop contents. Quelqu’un qui me pose la question et à qui je pourrais en parler.

Et les autres, ils vont dire pourquoi ça va très bien.

OK, bah tant mieux. Cette personne, ça va super bien, tant mieux.

Clémentine Sarlat : Mais c’est vrai, je reprends ce que tu dis. C’est très dur quand on est face à son partenaire ou sa partenaire qui refuse d’aller..

Anna Roy : Ça, c’est vraiment l’enfer.

Clémentine Sarlat : On est coincé, en fait. Et ce sentiment-là, il est difficile parce qu’on sait qu’il y a des solutions et ça nourrit encore plus la frustration du baby-clash, tu vois?

Anna Roy : Absolument. Mais c’est pour ça que là, par exemple, un suivi global avec une sage-femme ou semi-global, comme je fais, mais comme plein d’autres sages-femmes font, c’est vachement bien parce que du coup, le co-parent a confiance en la sage-femme et du coup, peut écouter des choses parfois très dures que je dis au co-parent. Vraiment, je suis très dur parfois.

Clémentine Sarlat : Donc je rappelle le suivi semi-global, c’est-à-dire que tu les suis pas en grossesse, pas à l’accouchement parce que tu ne peux pas être en sale accouchement, et tu les suis en suite de couche, en postpartum. Donc ça veut dire que tu connais le couple depuis le début de leur aventure.

Anna Roy : Et que je les connais hyper bien. Et que du coup, c’est développé une telle proximité que je peux leur dire des énormités. Je suis vraiment…

Clémentine Sarlat : Là, tu peux mettre lampe torche, c’est ça?

Anna Roy : Ouais, et puis je me gêne pas. Maintenant, j’ai plus aucun filtre. Je parle de tout avec mes patientes et mes patients.

Et d’ailleurs, ils m’aiment pour ça, je crois.

Mais je suis vraiment… Il y a des types qui ne veulent pas se soigner, etc. Je dis “attendez, vous n’allez pas faire payer vos problèmes de santé mentale toute votre vie à votre femme. Donc là, vous faites quelque chose parce qu’elle partira”. Et des fois, c’est… Ils m’en veulent à mort. Et puis après, ils y vont. Puis après, ils sont contents. Et puis ils me remercient, ils m’envoient des bouquets de fleurs. Non, mais c’est vrai. Ça m’est arrivé plusieurs fois, ça.

Non, non, faut vraiment. Mais ça, c’est délicat…

Pour les professionnels de la santé qui nous écoutent aussi : Osez dire les choses.

Arrêtez avec cette asepsie verbale où vous n’osez pas dire ce que vous pensez. Quitte à vous… En fait, les gens ne disent pas ce qu’ils pensent parce qu’ils ont peur de se faire envoyer sur les roses. Mais n’ayez pas peur quitte à vous faire envoyer sur les roses. Allez-y, dites-leur. Dites-leur ce que vous pensez, ce que vous ressentez, parce que souvent, on ressent pas mal quand on est professionnel de la santé. Donc, osez dire les choses.

En fait, vous rendez service à vos patients.

Clémentine Sarlat :

Et vous plantez des graines.

Anna Roy : Exactement. Et donc, c’est hyper important de dire ce qu’on pense. Quitte, effectivement, on se fait envoyer sur les roses. Ce n’est pas très agréable, mais on s’en remet.

Clémentine Sarlat : Et moi, je vais le dire en tant que patiente, quand j’ai fait mes premiers cours de prépa à l’accouchement avec mon mari et qu’on n’avait pas de bébé encore, d’avoir une sage femme qui nous dit votre bébé, il pleure, il ne fait pas un caprice, il est tout petit, vous devez aller le voir. Mais c’était beaucoup plus puissant parce que ça venait d’une, tu sais, cette figure d’autorité que vous avez. Vous êtes une figure d’autorité. Et donc, ça m’a fait me questionner. C’est vrai, je ne me suis pas posé la question. Qu’est-ce que je fais si le bébé pleure? En fait, j’en étais à ce point-là.

Mais mine de rien, elle a eu un rôle essentiel, parce que je l’ai retenu. Et pareil, ensuite de couche, j’allais pas bien. Et c’est ma sage-femme qui m’a dit, “écoute, je te donne le numéro d’une psychologue qui est spécialisée dans le post-partum” et j’y serais jamais allée sans elle.

Anna Roy : Exactement. Et les PMI peuvent faire ce rôle-là, les PMI que vous connaissez bien pareil. Oui, non, c’est pour ça, il faut vraiment que les pros de santé osent l’ouvrir. Il faut dire ce qu’on pense vraiment. Faut arrêter cette Baptiste Beaulieu que j’adore, comme vous le savez. Pareil, il est dans la même veine que moi.

Clémentine Sarlat : A lui, il dit oui. Et c’est ce qu’on aime, au final.

Anna Roy : Bah oui, mais moi, je dis pareil. Voilà. Et en fait, oser dire, c’est parce qu’on aime les gens. Parce que si vous ne les aimez pas, effectivement, vous ne leur dites rien.

Et sur un terme qui me concerne, qui est l’obésité, par exemple, ne pas dire aux gens qui souffrent de problèmes de poids, c’est parce que les gens sont lâches, en fait, parce qu’ils n’ont pas envie de se prendre des avoinés.

Donc, il faut oser parler des choses. Vraiment, c’est très important.

Moi, je remercie tous les professionnels de la santé que j’ai croisés, qui ont su, sur ce sujet, mais sur d’autres, me dire la vérité. Effectivement, ils se sont exposés à ce que je les envoie sur les roses. Mais en vrai, c’est important. Donc vraiment, professionnels qui nous écoutez, dites la vérité. Arrêtez de mentir.

Clémentine Sarlat : Bon, alors si on résume le baby clash, surtout dormez. Tu préconises quasiment à chaque fois de faire un week-end sans les enfants, d’aller dormir, d’aller prendre une chambre d’hôtel juste à côté. Peu importe, mais de trouver un moyen de sortir de la spirale, de l’enfer, du manque de sommeil. Juste pour avoir un peu de clarté, de réorganiser le sommeil familial. Donc, il y avait ça. Il y a surtout… La sexualité, c’est un point important quand même, tu le vois dans ta pratique.

Anna Roy : Très important.

Clémentine Sarlat : La répartition des tâches. Mais ça, je vais le dire pareil. Une mauvaise répartition des tâches, mauvaise sexualité.

Anna Roy : C’est clair. Oui, complètement. Si vous avez passé votre vie à faire la lessive, la journée à faire la lessive, le ménage et l’aspirateur, évidemment, vous n’avez pas envie de baiser le soir.

Clémentine Sarlat : Pendant que l’autre est sur le canapé, c’est pas possible.

Anna Roy :

Voilà.

Clémentine Sarlat :

Mais donc voilà, il y a des signaux à repérer qui font qu’on peut se dire là, on est dans le baby-clash et on a des solutions.

Anna Roy : Mais il y a plein de solutions.

Clémentine Sarlat : C’est surtout ça qu’il faut retenir de ton livre et de cet entretien aujourd’hui. Il y a des solutions. On peut s’en sortir. J’en suis la preuve vivante. On peut s’en sortir de manière très violente, malheureusement, mais on peut s’en sortir et on peut se faire accompagner.

Anna Roy : Absolument. On se fait accompagner, on fait rentrer un tiers dans cette relation et il faut essayer de se battre.

Et d’ailleurs, de toute façon, vous ne perdez jamais rien à être accompagné parce que même en cas de séparation, c’est vachement mieux d’être accompagné. Donc, de toute façon, faites-vous accompagner. Comme ça, même si vous séparez, vous serez accompagné.

Clémentine Sarlat : Et pour ne pas répéter la même chose, dans une autre relation, il faut se faire accompagner parce que sinon, on reproduit la même chose.

Anna Roy : Exactement, exactement.

Clémentine Sarlat : OK, alors si on résume bien, le baby clash, ce n’est pas du tout relié au baby blues, d’ailleurs.

Anna Roy : Non, rien à voir.

Clémentine Sarlat : Rien à voir. C’est… Un moment temporaire de notre vie de couple, ça aussi, se dire que c’est une temporalité.

Anna Roy : Mais bien sûr, ça passe. Tout passe.

Clémentine Sarlat : Bon, ça prend des années, mais ça passe.

Anna Roy : Mais pas toujours. Non, il y a des gens, ils ont de la chance. Il y a des gens, c’est juste l’histoire de quelques mois.

Clémentine Sarlat : Non, mais je veux dire, ça peut durer dans le temps, toi, comme tu dis.

Anna Roy : Oui, bien sûr. Attention, ça peut survenir n’importe quand.

Clémentine Sarlat : Mais donc il y a une temporité, c’est-à-dire qu’il y a une fin.

Anna Roy : Absolument.

Clémentine Sarlat : Et avec l’aide de professionnels, on se sort largement de cette épreuve-là. Et comme tu le dis, on en ressort renforcé.

Anna Roy : Et grandit. Vraiment. Plus profond, plus mature, plus tout.

Clémentine Sarlat : Et donc, si on ne dit pas le Baby Clash, tu dis, on dit.

Anna Roy : Le… Bon, crise maturative à l’arrivée de l’enfant. C’est un peu moins sexy.

Clémentine Sarlat : Ça fait très PhD.

Anna Roy : Ouais, c’est ça.

Clémentine Sarlat : Mais OK. Mais merci, Anna.

Anna Roy : Merci beaucoup d’être venue. Merci beaucoup Clémentine d’être venue.

Clémentine Sarlat :

C’était passionnant.

Anna Roy :

Merci beaucoup Clémentine, pardon, de m’avoir invitée.

Clémentine Sarlat : On est venues toutes les deux là où on est. Dans ce studio d’enregistrement.

Merci Anna, c’était précieux.

Je vous rappelle, le livre qui vient de sortir, Baby Clash, et on peut se sortir de ça, le livre est précieux. Donnez-le autour de vous, si vous êtes des parents déjà aguerris et que vous voyez des petits couples, allez-y, distribuez-le. C’est un beau cadeau à faire aux beaux-parents.

Anna Roy : Et parlez-en entre potes de vos problèmes de couple. Vous verrez, ça fait un bien fou.

Clémentine Sarlat : Merci Anna.

Anna Roy : Merci beaucoup Clémentine.

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