Épisode 164 – Les incroyables pouvoirs de la parentalité – Céline Chadelat

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Ca vous est déjà arrivé d’avoir la sensation de n’avoir “rien” fait de la journée, parce que vous étiez occupé à élever, prendre soin et dorloter votre bébé ? Ca vous est déjà arrivé de penser que le monde tournait sans vous pendant que vous preniez le temps d’être présente pour votre enfant ?

Si oui, alors vous n’êtes pas seule. Comme des millions de parents, l’arrivée d’un bébé bouscule notre perception du temps et de notre contribution à ce monde.

En 2019, Céline Chadelat sortait son premier livre Le mois d’or, un livre dédié au premier mois après l’arrivée d’un enfant, déjà elle nous expliquait les bénéfices du temps long pour cette période si sensible.

5 ans plus tard, Céline revient avec un nouvel opus centré sur les incroyables pouvoirs de la parentalité.

Parce que oui, en tant que parents vous avez le pouvoir de changer le futur de la société.

Céline dépeint avec habilité la société d’aujourd’hui où se mêlent individualisme, consumérisme et rendement, à l’opposé des préoccupations des parents et des besoins des enfants.

Pour changer cette vision de la rentabilité de la parentalité et surtout pour redonner du pouvoir aux parents, Céline propose des pistes percutantes dans cet épisode.

Prêt à reprendre votre cap pour vous nourrir de confiance et d’apaisement?

C’est parti

LIENS DE L’ÉPISODE

Les podcasts :
Episode 35 : Le Mois d’Or

Les livres :
Le mois d’or – prendre soin de soi et de votre bébé après l’accouchement, Céline Chadelat, Marie Mahé-Poulin
Le mois d’or : bien vivre le premier mois après l’accouchement, Céline Chadelat, Marie Mahé-Poulin
Les incroyables pouvoirs de la parentalité, Céline Chadelat,


TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine Sarlat :

Salut Céline.

Céline Chadelat : Salut Clémentine.

Clémentine Sarlat : Je suis trop contente de te recevoir chez moi.

Céline Chadelat : Oui.

Clémentine Sarlat : Parce qu’il y a quatre ans, on s’est vues en vrai, mais on avait été à Nice chez un ami à moi, parce que tu habitais pas très loin. Et donc là c’est trop cool que tu aies fait le voyage. Merci beaucoup d’être venue jusqu’à Bordeaux sous ce temps magnifique. Non c’est faux, il pleut. Alors on est là pour parler de ton deuxième, troisième, mais c’est vrai que le deuxième était relié au mois d’or donc là on va pas parler du mois d’or. Je vous encourage à écouter l’épisode sur le mois d’or ou en tout cas à lire le livre si vous attendez un enfant parce que c’est indispensable je trouve quand on est futur parent.

Mais là on va parler des incroyables pouvoirs de la parentalité.

Parce que maintenant Il y a aussi beaucoup de gens qui écoutent qui ont déjà eu des enfants, qui commencent à bien mettre un pied dans cet univers impitoyable, dont on ne sort pas indemne, mais qui nous donne des super pouvoirs. Alors déjà la première question que j’ai pour toi c’est tu parles beaucoup dans cet ouvrage et tu le définis longuement du care.

Comment est-ce que tu vois le care dans la parentalité, ça veut dire quoi pour toi?

LE CARE

Céline Chadelat : Alors, il y a la définition théorique du care et il y a ma définition. Le care c’est un système pour maintenir des soins envers une personne. Donc c’est un mot qui est anglais, qui signifie maintenir, prendre soin. Il y a toute une théorie qui a été développée autour du care, sur les personnes vulnérables, les situations de vulnérabilité au cours de la vie, de l’existence, et qui sont les travailleurs du care, qui sont les personnes qui prennent soin, et en quoi on se rend compte qu’elles maintiennent la santé mentale de l’humanité grâce aux soins qu’elles prodiguent ? Le care, aujourd’hui, ce sont tous les travailleurs du soin, les soignants par exemple, tous ceux qui travaillent dans l’humain, et aussi les parents.

Être parent, c’est être un travailleur du care, c’est-à-dire qu’on va prodiguer des soins techniques, matériels, préparer un repas par exemple, Mais aussi, on va apporter un soin plus invisible, plus discret, qui est l’attention donnée et la présence. C’est une dimension hyper importante. Lorsqu’on travaille dans le care, on développe des compétences techniques, mais aussi des compétences émotionnelles.

Clémentine Sarlat : Tu dirais aussi que, j’imagine, les travailleurs de la petite enfance sont éminemment dans le CARE.

Céline Chadelat : Evidemment.

Clémentine Sarlat : Les professeurs…

Céline Chadelat : Les professeurs aussi, ouais.

Clémentine Sarlat : Tous les gens qui touchent à l’humain ont besoin de développer des compétences qu’on ne leur enseigne pas en plus souvent dans leur formation.

Céline Chadelat : Oui, c’est vrai. Mais souvent qui ont la fibre aussi, qui ont une fibre plus humaine pour prendre soin de l’autre.

Clémentine Sarlat : Le care dans la petite enfance c’est primordial et pourtant on n’a pas vraiment l’espace pour le faire ou en tout cas avec un temps de congé maternité parentale aussi court, est-ce que c’est un moment où on peut développer ces compétences là ou est-ce qu’il y a une notion d’apprentissage sur le long terme selon toi?

Céline Chadelat : Les deux. Le temps de la petite enfance est une fenêtre très particulière, très sensible, dans laquelle la mère et le père peuvent vivre des moments de grande fragilité, de grande sensibilité, tout autant que le petit, l’enfant, qui lui se développe à une vitesse fulgurante, mais qui le rend aussi très poreux et très sensible, justement, aux soins qu’il va recevoir, aux compétences et aux comportements que vont avoir les adultes, en fait, autour de lui. Donc c’est vraiment une fenêtre où on peut développer des compétences très importantes, même si à partir du moment où vous allez prendre soin d’êtres plus vulnérables que vous n’avez pas d’enfant, évidemment que quand on prend soin d’une personne âgée par exemple, on développe ses compétences à l’égard de la vulnérabilité qui est une altérité aussi.

Donc en fait, en étant dans cette altérité, on va apprendre à comprendre l’autre, on va s’intéresser à ses émotions, à ses sentiments, à ses états mentaux. Et donc on va justement développer ses compétences en termes d’empathie, en termes d’émotion, enfin de compréhension de l’émotion, etc.

Après, c’est une fenêtre qui n’est pas vraiment vue ni considérée encore aujourd’hui à sa juste valeur, parce que les études en santé prennent en considération ce qui est quantifiable, donc ce qui se voit, ce qui est prouvé, et c’est pour ça que tout un pan de nos vies de femmes, des vies des jeunes enfants, ne sont pas vues et sont invisibilisées parce qu’elles ne sont pas visibles. Enfin, elles ne sont pas prouvables.

Clémentine Sarlat : Il y a une notion aussi très importante, tu parles beaucoup de ce care tout au long du livre, tu parles plus d’ailleurs de… Tu parles pas vraiment de parent, tu parles de caregiver, ça peut englober les figures d’attachement, parce que c’est comme ça qu’on devrait se définir finalement, notre don pour prendre soin des autres, mais tu le relis à une notion très importante qui est le temps. Et il y a une définition du temps qui est différente dans cette période-là de la vie, est-ce que tu peux nous en parler un peu?

Céline Chadelat : Bien sûr, quand on s’occupe d’un petit enfant, le petit enfant, il évolue à un rythme naturel qu’on appelle soit le temps horticole ou le temps organique. C’est le temps de la nature en fait. Et ce temps pour nous parents, il peut être assez déstabilisant parce qu’on est soumis à un autre temps. Qui est un temps industriel, qui est né avec l’industrialisation au XIXe siècle, où le temps va devenir une cadence, et où chaque heure compte, où on compte même la moindre seconde, même la moindre nanoseconde. Et donc, parce que ce temps, on estime que c’est un moyen de production, et qu’on va être justement dans le faire, et on est vraiment plus dans le temps du faire, alors que les enfants, qui ont des nuits entrecoupées, qui…

Clémentine Sarlat :

Ah Bon?

Céline Chadelat :

Je ne t’apprends rien. Ils sont dans un autre rythme, dans le rythme de la nature, dans le rythme de mammifères. Eux sont dans ce rythme-là, et ça va provoquer cet écart entre eux et nous. Et eux vont nous appeler et nous dire de prendre le temps de me regarder, de m’écouter, de discerner ce dont j’ai besoin. Et en fait, ils sont assoiffés de ça, les enfants, de notre temps à nous. Parfois, ça peut même être extrêmement un peu étouffant, tu vois, mais eux raisonnent avec ce temps-là. Et en fait, ils sont pure complètement du temps industriel cadencé dans lequel nous, on vit, on travaille et évolue notre société.

Clémentine Sarlat : Donc là il y a deux notions qui s’entrechoquent finalement. Entre le temps long dont ont besoin les enfants, dont nous aurions besoin en tant que parents pour prendre nos marques aussi, et ce qu’on attend de nous dans la société.

Céline Chadelat : Oui, tout à fait. D’autant plus que nous, on est dans un temps qui est linéaire. Donc on est dans un temps avec des objectifs, c’est-à-dire qu’il faut qu’on avance en ligne droite. Les enfants, eux, ils avancent par cycle.

Tu l’auras remarqué, il y a des caps dans l’évolution de l’enfant, des périodes sensibles, des stades de développement. Qui l’amène peu à peu vers une relative autonomie. Mais en fait, il y a vraiment des caps et des stades. Et si on ne comprend pas ça, si on ne comprend pas cette notion de cycle, de saison, en fait, c’est compliqué. Et on a du mal parce qu’aujourd’hui, un enfant qui naît, c’est un enfant qui rentre dans le cadre, dans la norme. Il va très vite rejoindre un lieu de garde. Nous, on retrouve très vite notre travail, etc.

Et en fait, je pense qu’on gagnerait vraiment à essayer de comprendre ce temps comme des cycles plutôt que comme un temps linéaire où finalement, dans cette course, on est toujours un peu perdante, surtout nous les femmes, et que ces codes ne nous ressemblent pas. Ce n’est pas nos codes. Et d’ailleurs, je pense que si beaucoup d’hommes étaient plus proches de la réalité du care, ils s’en rendraient compte aussi, et que la vie, c’est justement des phases et des cycles. Et en tout cas, les enfants sont vraiment dans ce temps cyclique.

Le temps

Clémentine Sarlat : Je disais que ça s’entrechoque entre le care, et pour mettre en place du care il faut du temps, et les soignants et les soignantes le dénoncent. C’est plus possible le système de rentabilité où ils ne peuvent pas prendre le soin correct d’un ou d’une patiente, et donc cette notion du temps qui va toujours plus vite dans notre monde. Est-ce que ça s’est amplifié ces dernières années, cette distorsion du temps à cause des réseaux sociaux?

Céline Chadelat : On en parlait tout à l’heure, mais le fait d’être toujours le nez sur notre téléphone avec des flux d’informations, on a l’impression que le temps s’accélère, on a l’impression que le temps des crises s’accélère, on se sent quand même assez sidéré par l’actualité, on a l’impression de ne pas pouvoir prendre le temps de digérer tout ce qu’on entend, tout ce qu’on voit. Donc les réseaux sociaux ont un impact et je pense qu’on est encore loin de mesurer l’impact que ça a sur nos psychés. Après, je pense qu’il faut quand même relativiser, c’est-à-dire que ce temps cadencé, ce temps très rythmé, ça fait quand même un petit moment que ça dure et qu’on est dans des sociétés en fait qui sont régies par un principe économique qui s’appelle la croissance. Donc il faut toujours aller plus loin. La croissance, c’est vraiment ce temps linéaire.

Il faut toujours aller plus loin, décrocher des points de croissance, etc. Et ça, c’est depuis l’après-guerre. Donc oui et non.

Clémentine Sarlat : Dans le parallèle des réseaux sociaux, qui n’est pas forcément relié au temps, encore que… le fait que quand on vient d’avoir un enfant, le temps ralentit. Moi j’ai vu cette sensation là que d’un coup tout était plus lent et que quand je mettais les pieds dehors j’avais l’impression que c’était l’oppression totale, que tout allait vite, trop vite pour moi et mon nourrisson. Et en même temps quand j’ouvrais mon téléphone et que je regardais des gens que je suivais depuis longtemps qui avaient des vies en dehors de la petite enfance qui faisaient des choses géniales à mon sens, je me sentais en décalage de la lenteur de ma vie. Comment on gère quand on est jeune parent par rapport à ça? Tu conseillerais quoi? De tout fermer? De se dire que c’est qu’une période?

Céline Chadelat : Alors c’est pas évident, parce que quand on est jeune parent aujourd’hui en Occident, on est quand même très seul. Donc notre fenêtre de sociabilité, c’est les réseaux sociaux ou le travail. Et moi ce que je conseillerais, c’est vraiment de se faire un réseau social alternatif. Des cercles de mères, des associations où on rencontre de jeunes parents. Et avec qui on peut peut-être se faire des amis. Et avoir même une femme autour de soi, sur laquelle on peut compter, qui dit la même chose que nous, moi je trouve que ça fait toute la différence. Parce qu’on peut échanger, on se comprend, on a le même horizon, on sait ce que c’est. C’est drôle que tu me dis ça parce que moi je me rappelle d’une conversation que j’avais eue avec une femme qui est devenue une amie parce qu’on a eu nos enfants à deux mois d’écart, enfin mon fils, et elle m’avait dit, oh là là, mais quand je regarde Facebook et je vois une telle qui fait ci, cela, moi ça me frustre énormément et je la comprenais complètement. Et en fait, le fait qu’on puisse être ensemble et vivre la même chose, ça nous faisait du bien. Donc je pense qu’il y a une piste en tout cas autour de ça et de recréer des réseaux de sociabilité de jeunes mères et de jeunes parents.

Clémentine Sarlat : La réciprocité dans ce qu’on vit à l’instant T. Et tu le dis, elles avaient deux mois d’écart, donc rien que ça. C’est compliqué quand on vit quelque chose avec une amie qui a un enfant qui a un an de plus. Déjà, on est en décalage complet. Quelques semaines d’écart, c’est un cadeau pour pouvoir grandir en même temps en tant que parent et être confrontés aux mêmes réalités. Parce que moi j’avais vraiment cette sensation que le monde extérieur était un peu fou. Et moi j’étais en décalage, je me disais mais c’est moi qui ai un problème, c’est quoi le souci en fait par rapport au… Vraiment cette notion du temps, je trouve qu’elle est très très forte quand on devient parent. Aussi parce que j’admets, j’avais une vie à mille à l’heure.

Je me souviens pour ma première fille enceinte, j’avais été dans sept pays différents, je prenais l’avion toutes les semaines. J’étais vraiment dans un truc, la route du hamster, ça s’arrêtait jamais. Être confrontée au fait que non là je peux pas retourner dans cette roue du hamster, j’ai pas envie d’ailleurs, c’est violent en fait. C’est un peu l’entonnoir, toute la préparation avant la parentalité, la société, c’est pas on nous, mais la société nous met pas dans les conditions pour ralentir.

Céline Chadelat : Ben non et puis, il y a aussi le fait qu’on soit obligé de retourner très vite au travail. Toutes ces singularités physiologiques maternelles dont on parlait dans le mois d’or, mais aussi le temps de la petite enfance avec ses cycles, ses capes dont on parlait, c’est quelque chose qui n’est pas vu pour le moment. Et en fait, je pense que le jour où on prendra conscience que ce sont des espaces-temps particuliers, mais ça, il faut qu’on prenne collectivement cette conscience-là, justement, ça permettra d’évoluer. Mais aujourd’hui, c’est vrai que le temps, le monde peut sembler assez agressif lorsqu’on est une jeune maman, et d’autant plus qu’on a une conscience modifiée, en fait. Non, mais c’est vrai, on est dans un état de conscience modifiée, d’ouverture, on est complètement poreuse. Donc, c’est sûr que ce qui t’apparaissait avant comme normal, tu peux le ressentir comme une agression, mais en même temps c’est un cadeau énorme parce que c’est un potentiel de créativité dingue. Moi j’aimerais retourner en postpartum juste pour ça. Mais vraiment parce qu’on est entre deux mondes en fait. On est entre deux mondes, entre deux temps.

Ritualiser

Clémentine Sarlat : Comment est-ce qu’on change d’angle pour ne pas subir cet espace temps qui est différent? Comment est-ce qu’on voit différemment nos rôles en tant que parents pour pas avoir la sensation qu’on fait rien? Tu le dis dans le livre ça.

Céline Chadelat : Oui. Bon, disons que mes humbles conseils, ce serait de ritualiser. C’est d’amener du rituel. Alors c’est pas un rituel, c’est pas de la discipline, c’est vraiment l’idée d’apporter un peu de sacré dans nos journées. Le soir, ça peut être, il y a ce rituel, souvent on prend le bain, mais ça peut être d’allumer une bougie, ça peut être de se poser dans le salon et de ne rien faire, juste avec la musique, des mantras, ce qu’on aime, ce qui résonne pour nous. Moi j’aime bien les mantras, mais on peut aimer dancer.

Et je trouve que essayer de ritualiser la journée, c’est quand même profondément apaisant, parce que les rituels vont créer des cycles. Toujours cette notion de cycle.

Et en fait, la contradiction, elle vient du fait qu’on est dans ce temps lent, très très lent, et en même temps, on vit encore, parfois on est encore soumis à l’influence de ce temps rapide. Et donc c’est une source de frustration, et d’agacement, et de difficultés. Alors que je pense qu’accepter complètement, déjà commencer à accepter qu’on ne peut pas tout faire, accepter de ritualiser un peu sa journée en faisant en sorte, en créant des petits rituels à la maison, avec une bougie, avec des moments de massage avec son bébé, par exemple, des choses comme ça, ça va venir aussi calmer notre temps. Et puis après, il y a aussi la prise de conscience, arriver à voir. Et ça, je trouve qu’il y a plein de parents qui sont passionnés par la pédagogie de leur enfant.

Et en fait, quand on est au contact d’un enfant en tant que caregiver, on développe des compétences émotionnelles et sociales très fortes. Et ça, c’est important de s’en rappeler. Parce que se dire que oui, c’est difficile, mais en même temps, ce qu’on est en train de donner là, c’est quelque chose d’énorme pour notre enfant. Et que plus on donne, quelque part, plus il sera indépendant plus tard, plus il sera secure etc.. C’est une fenêtre particulière dans la vie. C’est un état de conscience modifié. Humainement, c’est extrêmement fort. On peut le ritualiser et simplement prendre conscience et développer ses compétences humaines. C’est une occasion d’évoluer en fait.

Clémentine Sarlat : Et dans le livre, tu le soulignes, c’est qu’on a cette sensation qu’on ne fait rien, alors que c’est primordial comme travail de fond pour en récolter des fruits pour plus tard. Mais pour nos enfants, c’est pas du tout égoïste, c’est plutôt une partie sacrifice quand même, là-dedans, de se dire, je prends du temps, je suis présente ou présent, en fonction de si on est père ou mère, parce que mon enfant le mérite aussi, parce que c’est ce dont il a besoin à ce moment-là de sa vie et que c’est pas indéfini. Ils n’ont pas autant besoin d’attention toute leur vie.

Céline Chadelat :

Heureusement

Clémentine Sarlat :

Pourquoi on a cette sensation qu’on fait rien?

Céline Chadelat : On a cette sensation qu’on fait rien parce qu’on est soumis, socialement et économiquement parlant, à une société de consommation qui est extrêmement matérialiste. Dans laquelle, ce qui prime, ça va être la production. Donc il faut produire. Tu vas produire un post Instagram, comme on va produire une voiture, ou un vêtement, je ne sais quoi. Et du coup, on est soumis à ça, et ce qui va faire notre valeur, c’est ce qu’on possède. Donc forcément, quand on s’occupe d’un être, quand on est vraiment dans ce domaine de la présence, dans ce domaine, tu vois, moi je dis que c’est quasiment quelque chose de sacré en fait, on est dans l’invisible, On a l’impression qu’on ne fait pas grand chose, alors que ce qu’on fait est essentiel. Les gestes du soin vont construire l’enfant.

Aujourd’hui, grâce aux études, on sait combien le fait de changer une couche en parlant à notre bébé va développer chez lui des connexions neuronales, ca va créer énormément de choses. Tout ça se passe dans l’invisible. Il y a vraiment cette dimension. Ce n’est pas quantifiable. Et comme c’est pas quantifiable, eh bien, on a l’impression qu’on ne fait rien, alors qu’en fait, on fait tout.

Clémentine Sarlat : Mais c’est pas facile quand la société entière te rend invisible.

Céline Chadelat : C’est ça. D’où l’idée de recontacter son pouvoir personnel.

Clémentine Sarlat : Tu évoques aussi dans ce livre la notion de guerre et… Pas la notion, la guerre, l’impact que les guerres, conflits au cours des siècles derniers, on parle pas juste de cette année-là, ont sur nos capacités de maternage, de parentalité, et surtout les conséquences que ça a eues sur les femmes et les enfants. Est-ce que tu peux nous expliquer, alors c’est assez long, mais tu peux nous résumer un peu ce que ça induit comme notion ?

Céline Chadelat : Je pense qu’on ne mesure pas assez l’impact des guerres sur les systèmes familiaux et sociaux. Il y a deux choses. Lorsqu’il y a une guerre, les liens d’attachement sont fragilisés. Il y a un risque énorme de mort et de disparition. Donc si il y a un lien d’attachement qui est fragilisé, ca fera des enfants, plus tard, qui seront plus fragiles d’une certaine façon. Après, il y a des exemples de résilience extraordinaire. Ça, c’est la première chose. Le problème, c’est que ça peut créer des cycles, en fait, aussi, des mécaniques de guerre qui se reproduisent, et on l’a vu, et je crois qu’on le voit jusqu’encore aujourd’hui, combien les conflits du XXe siècle ont créé cette espèce de mécanique infernale. Et ont des conséquences sur les systèmes familiaux. Malheureusement, le viol c’est une arme de guerre, on ne peut pas se le cacher, c’est la réalité.

Lorsqu’il y a viol, surtout à des époques où on ne parlait pas de psychologie, ça crée des hontes, des sentiments qui sont refoulés, qui sont extrêmement nocifs. Les liens d’attachement, comme je te le disais, sont hyper fragilisés et donc on rentre dans ce cycle où finalement le maternage n’est pas pris en compte. Et moi, ce que je voulais montrer à travers mon livre, c’est que le maternage, le care, le soin, c’est vraiment des dimensions qui ont été complètement occultées. Aujourd’hui, on est dans une fatalité en se disant, l’homme a toujours fait la guerre. Même les tribus, il y a deux millions d’années finalement, se faisaient la guerre. Voilà, nos ancêtres singes, etc étaient en conflit, alors que ce dont on se rend compte, c’est que ce qui fait notre humanité, et d’ailleurs on le voit sur le plan anthropologique, c’est-à-dire que la branche des singes qui sont nos ancêtres, elle se distingue par une caractéristique, c’est l’émotion. C’est la capacité à lire les émotions des autres, et notamment à travers le lien mère-enfant. Et ça c’est ce qui soutient et c’est ce qui maintient en fait notre espèce humaine. Et aujourd’hui, tout ça est occulté, par malheureusement, il faut le reconnaître, des conflits qui ont été extrêmement meurtriers. Et pour que ces conflits hyper meurtriers puissent avoir lieu, il faut que l’attention aux soins qu’a pu donner une mère ou un caregiver à son enfant ait été soit extrêmement fragilisée, soit très peu connue et valorisée, soit méprisée, en fait. La première guerre mondiale, par exemple, c’est quand même des jeunes de 18 ans qui sont partis au conflit. Moi, est-ce qu’aujourd’hui j’accepterais que mon fils parte en guerre d’ici 10 ans, parce qu’il a 8 ans aujourd’hui? Non, je refuserais en tant que caregiveuse. Mais ça a été rendu possible par un contexte qui mettait en valeur justement la compétition, la peur, et qui a complètement occulté la notion de soins.

Clémentine Sarlat : Quelles sont les conséquences de notre société qui est post seconde guerre mondiale? C’est encore aujourd’hui en 2024 un héritage qu’on porte?

Céline Chadelat : Moi je pense que oui. Il y a des études qui peuvent suggérer que oui. Par exemple j’en parle dans mon livre sur les soins portés pendant la guerre en Allemagne et avant et après, dans le rapport que les adultes avaient aux enfants, il y a une femme qui s’appelle Johanna Harer, qui est considérée comme médecin et pédagogue, mais qui préconisait en fait d’ignorer complètement son enfant tout au long de la journée et que justement ces soins dont je te parlais, le fait de donner le bain, le fait de prendre soin, de donner à manger, de changer son bébé, devait être fait sans regarder l’enfant. En le touchant le moins possible, etc.

Et en fait, les psychologues allemands se sont demandés, dans les années 90, pourquoi ils avaient autant de consultations avec des personnes qui étaient très très déprimées, qui ne voulaient pas avoir d’enfant du tout, enfin, qui avaient des problèmes psychologiques qui étaient liées à la notion d’attachement. Et ils ont relié en fait le fait que c’était probablement à cause de cette pédagogie qui a vraiment essaimé, même bien après la guerre, parce que son livre s’est quand même vendu à un million d’exemplaires. Donc c’est quand même beaucoup. Et qui aurait entaché justement ce lien mère bébé. Donc voilà. Après, il y a plusieurs dimensions. Ça tu vois, c’est un exemple assez précis que je te donne. Mais sinon, le culte de la compétition… Le nazisme c’est quand même la compétition, c’est une race qui est supérieure aux autres, etc. Quand on est par exemple dans les années 50, c’est pas partout, il peut y avoir une grosse peur de la différence, une peur d’être moins bien… On n’hésite pas à aller dire qu’on voit un psy, mais dans les années 50-60, s’intéresser à son intériorité, c’était être un peu zinzin. Si je parle à ma grand-mère d’aller voir un psy, elle va me regarder avec des grands yeux, mais elle est bizarre, etc. Donc en fait, il y a vraiment cette compétition. Voilà, moi, je pense que la guerre, si tu veux, elle a donné comme conséquence aussi ce culte de la… Enfin, elle est née avec la compétition, mais ce culte de la compétition, elle est toujours présente. Et je pense qu’il fait beaucoup de mal, justement, aux donneurs de soins, aux enfants et aux personnes les plus vulnérables.

Clémentine Sarlat : Et puis, tu l’expliques, même, par exemple, dans la Grèce Antique, que le moins on donne d’amour et d’émotion d’attachement, le plus on fait des robots, au final.

Céline Chadelat : C’est ça, on fait des guerriers. Ouais.

Clémentine Sarlat : Et donc, ça sert la nation.

Céline Chadelat : C’est ça. En Grèce antique, ça servait la cité. Et effectivement, dans la première moitié du XXe siècle, on fait des bébés pour servir la nation parce que c’est de la future chair à canon.

Clémentine Sarlat : C’est très bien puisque nous sommes en janvier 2024 et notre président Emmanuel Macron a fait un petit parallèle avec ce type de sémantique. Dans un discours qu’il a prononcé la semaine dernière, il a parlé de réarmement démographique.

Ça t’évoque quoi?

Céline Chadelat : Ça m’évoque évidemment la guerre. Moi, au-delà de l’injonction de l’État vis-à-vis des femmes, évidemment que c’est là et que l’État n’a pas ingéré sur nos corps. Mais moi, ce qui m’effraie, c’est vraiment justement ce terme de réarmement dans un contexte qui me rappelle des heures sombres, les heures de la guerre. Et en même temps qui me surprend pas tellement, parce que je vais te dire pourquoi, aujourd’hui on est dans une guerre économique. Donc en fait voilà, la guerre effectivement, la deuxième guerre s’est terminée en 45, mais a donné lieu aussi à une guerre économique. Et aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas, on trempe là-dedans. Et un enfant ou un être humain, c’est un potentiel travailleur. Et on est toujours prisonnier de ce prisme-là. Et moi, j’invite Emmanuel Macron à regarder cette période de la petite enfance comme une fenêtre où on pourrait acquérir des compétences émotionnelles et humaines qui nous permettraient de faire groupe, et de faire groupe non sur la peur, en fait, parce qu’on fait groupe aujourd’hui. C’est vrai que ce discours est quand même très déconnecté, parce que c’est comme s’il nous appelait à faire groupe contre le réarmement. Et puis, tu vois, on le voit dans les années 30, le fait d’avoir des enfants, c’était faire une nation plus forte, donc une nation qui sera à même de se défendre contre l’envahisseur. Aujourd’hui, on n’en est plus là. Et moi, je pense qu’on peut aussi emprunter une autre voie, c’est la voie de la compétence émotionnelle, parce que l’intelligence émotionnelle, c’est une richesse. Il y a des psychologues américains qui en parlent, qui montrent à quel point un groupe ne peut pas évoluer positivement sans compétence émotionnelle. Donc voilà, moi je trouve ça super d’avoir des enfants, mais surtout développons nos compétences émotionnelles et faisons de cette fenêtre de la petite enfance vraiment quelque chose de précieux, quelque chose de valorisé.

Clémentine Sarlat : La première partie de ton livre, c’est vraiment une critique assez forte finalement aussi de la société dans laquelle on vit, qui ne met pas en valeur ses compétences émotionnelles et les super pouvoirs des parents, justement, dont tu parles. Tu fais une critique, ça va ensemble, je pense, du consumérisme, de l’individualisme, qui, au final, laisse les mères sur toi, de côté.

Céline Chadelat : Oui, les caregivers.

Clémentine Sarlat : Et donc, ce serait quoi pour toi? La solution, une solution majeure pour essayer d’inverser cette tendance-là. Est-ce que c’est possible aujourd’hui dans le monde dans lequel on vit?

Céline Chadelat : Oui, évidemment que c’est possible.

Clémentine Sarlat : Faut de l’espoir.

Céline Chadelat : Quand je te parle de nos compétences, c’est pour prendre conscience à quel point, quand je te parle de groupe, si on veut faire société et avoir un minimum d’harmonie entre nous, ces années-là sont fondamentales. Une reconnaissance de l’importance de ces années. Il y a eu le rapport des 1000 jours, il y a des travaux de pédopsychiatres sur le sujet, il commence à y avoir des travaux aussi sur la santé et la vie des femmes. Donc ça on le voit. Donc moi je pense qu’il faudrait s’organiser collectivement pour reconnaître à leur juste valeur justement ces premières années, proposer non pas un congé de naissance, mais un travail, un temps d’apprentissage de nos compétences parentales, par exemple.

Justement, pour créer ce lien d’attachement avec notre enfant, et faire en sorte qu’il soit solide, et pour créer des êtres humains aussi sécures. Le lien d’attachement peut toujours aussi être réparé. Ce n’est pas parce que pendant les six premiers mois, ça ne se passe pas bien qu’il y a des phases, des cycles. C’est ça qui est hyper intéressant, c’est qu’on peut toujours développer des choses après. Mais je pense que pendant les 3 premières années, il faudrait que ce soit un temps à part, que les femmes et les caregivers, les conjoints, lorsqu’ils s’occupent de leurs enfants à temps plein, soient rémunérés.

Il faudrait mettre des moyens autour de cette période-là, et changer notre représentation de la richesse, c’est-à-dire qu’on ne voit pas la richesse seulement à partir du PIB, du produit intérieur brut, qui répond toujours à cette dynamique dont je te parlais, de ce qui se voit, de la matière, mais à partir de notre être et des compétences humaines qu’on développe. Et dans les entreprises, c’est quelque chose qui existe déjà. L’intelligence émotionnelle est très prise en compte, c’est hyper important.

Clémentine Sarlat : Oui c’est drôle parce que parallèlement dans la startup nation, si j’en prends les mots du président, c’est aujourd’hui quelque chose qu’on valorise énormément. Ce sont des compétences transversales qu’on recherche, qu’on met en valeur, mais on omet complètement que pour avoir ces compétences, il faut avoir pu bénéficier pendant la petite enfance d’un accompagnement adéquat.

Céline Chadelat : Il faut avoir été assez privilégié quelque part. Il y a des compétences qui se développent. Il y a des exemples de résilience très fort. Mais ça, il faut le voir. C’est important. Mais ça sort, je crois, qu’il faudrait que nos gouvernants fassent un travail sur eux-mêmes. Et qu’on sorte du logiciel, du quantifiable, de la statistique, du numéro. Nos enfants et nous-mêmes en tant que femmes ne sommes pas des numéros, on n’est pas des pourcentages, pour s’intéresser justement à ce domaine, à cette dimension de l’être, de la présence, et de combien nos enfants nous appellent justement à cette présence auprès d’eux et combien c’est ça qui va créer un support solide en fait. Mais pour ça il faut changer de logiciel. Donc tu me demandais quelle était la solution, je pense que d’abord c’est de changer de logiciel de compréhension.

Clémentine Sarlat : Tu l’évoques aussi dans le livre que en tant que caregiver, en tant que parent, on est tellement happé par notre quotidien, on est tellement pris dans ce… C’est un tourbillon, c’est quand même une machine à laver malgré la beauté de ce que ça peut représenter. C’est quand même difficile. Donc on n’est absolument pas présent sur le plan politique, ou en tout cas pas à la hauteur de ce qu’on devrait. Et donc toutes les décisions qui sont prises à Paris, en plus déconnecté du reste de la France, ne sont pas en la faveur des familles, puisqu’on n’est pas là pour porter notre voix. Donc comment on fait? Pour combattre le fait que ce soit très centré parisien et ce n’est absolument pas une critique envers les gens, les parisiens et parisiennes qui nous écoutent, mais c’est vrai qu’il y a deux mondes.

Il y a quand même le monde de Paris et il y a un peu le reste.

Céline Chadelat : Mon livre n’est pas un programme politique. J’ai pas la solution à tout. L’idée c’est vraiment de changer de logiciel pour justement prendre conscience de nos pouvoirs en tant que parents, de ce qu’on apporte. Il y a cette fable de La Fontaine qui dit qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi. On a toujours besoin de quelqu’un qui nous aide, qui va être là en coulisse et qui va nous soutenir. Il y a souvent malheureusement un caregiver qui n’est pas très bien payé, qui n’est pas très bien reconnu. Et toutes ces politiques dont on parle ou même la capacité aujourd’hui aussi à faire carrière, elle est sous-tendue par le fait qu’il y ait des personnes qui s’occupent de nos enfants et qui sont très peu valorisées, qui malheureusement ne peuvent pas développer beaucoup de compétences aussi sur le plan pédagogique, humain, parce qu’il y a très peu de… Il y a des formations, mais pas énormément. Donc l’idée, c’est de voir aussi qu’on est un tout, en fait, et qu’on dépend vraiment les uns des autres. On dépend de ces caregivers. C’est très important. Désolée, je suis un peu perdue.

Clémentine Sarlat : Je t’ai posé une question avec plein de tiroirs. Oui, il y a beaucoup de tiroirs. Nous, en tant que parents, on a un pouvoir, on le sait, mais sauf qu’on est préoccupé par le care. On est dans cette machine à la vie dont je parlais. En plus, beaucoup de décisions sont prises à Paris, un peu déconnectées de ce qu’on peut vivre si on ne vit pas à Paris. Comment… Je sais, t’as raison, ton livre n’est pas un guide manuel pour… Avec un programme politique, mais est-ce que tu penses que c’est faisable d’un jour arriver à mobiliser cette masse, parce qu’on est beaucoup de parents, et d’avoir une voix et de décentraliser cette vision parisienne?

Céline Chadelat : Oui, alors cette vision parisienne dont tu parles, moi je la connais, je l’ai connue aussi, et c’est pour ça que j’ai quitté Paris. Parce qu’en fait ce qui va compter à la fin de notre vie, est-ce que ce sera les pouvoirs qu’on aura eu, ou est-ce que ce sera la présence donnée? Et la présence donnée, c’est ce qu’il y a de plus important, parce que c’est l’empreinte qu’on va laisser à nos enfants. Et moi j’ai connu de nombreuses personnes ultra privilégiées qui n’avaient pas reçu ce don de leurs parents parce que leurs parents étaient occupés à économiquement, à gagner de l’argent et à se faire une place de pouvoir. Alors c’est honorable, pourquoi pas? Pourquoi pas? Le problème c’est que ça a des conséquences énormes en fait sur le bien-être, sur le développement de l’enfant. Et sur le développement de l’adulte plus tard. Donc comment on fait? Moi j’ai envie de te dire, je pense qu’il faut qu’on prenne confiance en nous déjà, en ce qu’on fait, qu’on arrête de penser qu’on fait rien. On fait pas rien. Ce qu’on fait c’est énorme. Mais rien que de le savoir déjà, tu vois, si tu l’intègres, déjà tu commences à le dire. Et rien que ça, moi je crois vraiment à la parole, au fait de dire les choses. Et de changer une culture grâce à ça. Je pense que le rôle de parent c’est le plus difficile et c’est aussi celui qui aura le plus d’impact. Parce que quand on est parent, on joue sur l’avenir. Quelque part tu me parlais du temps et du fait que tu avais l’impression que tu ne faisais rien et que finalement d’autres font des choses fantastiques autour de toi.

Moi, depuis que je suis devenue parent, j’ai l’impression que ce qui se joue à l’extérieur, c’est parfois soit un grand théâtre, ou parfois quelque chose d’un peu déjà passé, en fait. On est sur des problématiques qui peuvent nous paraître très actuelles, avec une actualité accrue ou aiguë, mais en fait on… Moi je me dis que quand j’agis avec mes enfants, bah j’agis sur le futur, en fait. Et que ce monde-là, il est déjà un peu passé. Et que dans le fait de tout ce que je vais faire avec mes enfants, et attention je suis loin d’être une mère parfaite hein, mais bon, dans tout ce que j’essaye en tout cas de donner en termes de présence, etc. Et ben je sais que ça va avoir un impact positif sur l’avenir. Donc quelque part, nous on est dans l’avenir, et parfois le monde extérieur est déjà dans le passé.

Clémentine Sarlat : Comme quand tu regardes les étoiles.

Céline Chadelat : Ouais c’est ça.

Clémentine Sarlat : Ma question par rapport à ça, et j’entends tout à fait ce que tu dis, c’est comment on ne surcharge pas les femmes avec cette pression-là, parce que ça tombe beaucoup sur les épaules des femmes, de donner de leur temps, de peut-être sacrifier une partie de leur carrière, ça dépend comment on le voit évidemment, mais dans la société dans laquelle on vit, est-ce que c’est possible de ne pas avoir ce sentiment de s’être fait avoir un peu. Soit je prends soin de mes enfants et je suis vraiment présente mais en même temps je ne peux pas avoir la carrière que je veux ou soit j’ai décidé d’avoir une super carrière mais je sais que je fais un peu une impasse sur mon temps de présence avec mes enfants. Comment on fait?

Céline Chadelat : Comment on fait? On essaye de se rapprocher de ses valeurs, des valeurs qui sont importantes pour nous. Je crois que c’est ça qui compte, c’est quelles sont nos valeurs. Et j’en parle dans mon livre, mais de toutes les femmes qui choisissent un chemin différent, d’ailleurs comme toi aussi, enfin même si tu continues le sport, mais qui font évoluer leur métier en fait, et qui pour être plus proche de leurs enfants, Et dans ce sens-là, ça me paraît s’inscrire dans une certaine cohérence et c’est plus facile à vivre. Le fait d’être maître de ses horaires, maître de son métier, d’avoir personne au-dessus de soi qui nous met une pression, c’est déjà un grand pas, même s’il n’est pas évident et qu’être entrepreneur, ce n’est pas toujours simple. C’est déjà beaucoup.

Ensuite, quand je te parlais de changer son logiciel, on n’est pas obligé de tout faire non plus. On n’est pas obligé d’avoir une maison tout le temps nickel. Et notre capacité à performer ne fait pas notre valeur. Ça, c’est important. Parce qu’on pense, en tant que femme, qu’il faut qu’on réussisse sur le plan pro, que la maison soit parfaite, que les enfants aillent super bien tout le temps, que tout soit parfait. Et on pense que tout dépend de nous et de nos épaules. Donc ça c’est le côté superwoman, c’est le côté aussi très bonne élève, le syndrome de la bonne élève. Moi je pense qu’on en avait déjà parlé, mais l’importance d’être soutenu aussi, pour pouvoir justement se déployer dans ces sphères dont tu parles sans frustration. Personnellement, je me suis…

Tu vois, là, depuis 2-3 ans, au niveau du mois d’or, ça marche très bien. Mais c’est parce qu’il y a 3 ans, j’étais en plein confinement. On était entre tous les confinements. Et moi, j’étais avec 2 enfants en bas âge, avec un conjoint qui était absent le samedi, qui était aussi absent pendant la semaine. J’arrivais à rien développer, à rien faire. Donc, ça me crée une frustration terrible. Et à un moment, je lui ai dit, écoute, on va prendre quelqu’un qui va venir à ce qu’on appelle un work away. Alors, c’est pas une jeune fille au pair. C’est quelqu’un qui, c’est en général des jeunes qui viennent, qui sont en voyage et qui ont envie de visiter un pays et qui viennent aussi, qui ont envie d’aider en fait. Il y a encore des gens qui ont envie d’aider aujourd’hui, c’est important, et qui viennent nous soutenir un mois, deux mois. Mais pour ça, en fait, je me suis battue. C’est-à-dire qu’avec mon conjoint, on a eu des discussions vraiment salées. Où je lui ai dit ça va être comme ça et toi ton besoin de rentrer et d’être tranquille chez toi, je suis désolée mais ça va être possible pendant un temps parce que moi j’ai besoin de me développer et j’ai besoin de développer des choses. Donc il faut accepter d’être soutenue, de ne pas être parfaite et puis en tant que femme il faut aussi se battre en fait. Moi je m’en suis vraiment rendue compte et j’ai jamais accepté que mon conjoint aussi féministe qu’il soit etc. Me dise non moi je veux personne alors qu’il est absent. Il travail etc.. non c’est pas possible.

Moi, j’ai personne dans ma région sur le plan familial. Et ça, ça a tout changé. J’ai pu travailler le mercredi après-midi. Le soir, je rentrais. Tout le monde ne peut pas le faire, je suis d’accord. On n’a pas tous une pièce chez soi pour accueillir. Mais la notion que je veux mettre en avant, c’est qu’il ne faut pas trop subir et essayer des nouvelles choses, faire un pas de côté pour pouvoir se déployer. Mais en fait, il faut sortir des cases.

Clémentine Sarlat : Et cette notion d’être soutenue, si ce n’est pas les grands-parents, si ce n’est pas la famille proche, des amis, c’est de pouvoir avoir accès à autre chose. Mais tu le dis, c’est un privilège dans cette société-là, parce que ça veut dire qu’il faut avoir des finances en plus d’une…

Céline Chadelat : C’est ça.

Clémentine Sarlat : D’une chambre et que c’est malheureusement pas donné à tous. Mais c’est aussi un état d’esprit, c’est-à-dire de… Je pense que moi, je l’ai été aussi de me dire je dois tout faire et je vais couler toute seule. Mais c’est moi qui aurais fait. C’est dur aussi ça de se sortir, comme tu dis, faire un pas de côté de cette spirale-là.

Céline Chadelat : Oui, parce que pour être soutenue, il faut faire un pas de côté d’abord. Il faut accepter qu’on n’est pas toute puissante. Alors moi, les personnes qui venaient à la maison n’étaient pas rémunérées, c’était vraiment un échange. C’était gîtes et couverts, et lavage, et machines à laver contre des services en fait. Donc c’était vraiment génial.

Clémentine Sarlat : Mais t’as une pièce.

Céline Chadelat : Mais j’ai une pièce, ouais. Mais on a réduit le salon pour pouvoir accueillir. Alors au départ, on voulait accueillir notre famille. C’était l’idée de cette pièce. Et puis très vite, c’est devenu une pièce pour nos work-away. Moi, ça a changé le game en fait. Tout a changé pour moi. Mais c’est vrai qu’il faut pouvoir sortir de ça et pouvoir accepter de penser autrement.

Clémentine Sarlat : Encore une fois, comme tu le dis dans le mois d’or, tout ça, ça s’organise aussi en amont un petit peu. Même si quand on est face à la réalité, il y a plein d’autres paramètres qui rentrent en compte qu’on n’avait pas anticipé avant parce que ça bouscule devenir parent, c’est sûr.

Alors, la deuxième partie de ton livre est plus, pas plus joyeuse, mais tu donnes des pistes pour pouvoir développer ces super pouvoirs. Parce que vraiment, j’aimerais qu’on revienne sur cette notion-là, qu’être parent, c’est quand même… Moi, perso, j’ai la sensation qu’on a plus de pouvoir en étant parent qu’en votant, malheureusement. Alors, je suis tellement pour la démocratie et que les gens aillent voter. Vous avez quand même ce pouvoir-là. Mais en étant parent, comme tu le dis, on est dans le futur, on élève la société demain.

Est-ce que tu peux nous parler des 5 grands secrets de soins que tu mentionnes dans le livre?

Les 5 grands secrets de soins

La coopération

Céline Chadelat : Alors, ces grandes compétences, la première c’est la coopération. C’est la capacité à coopérer. Et ça, on s’en rend compte quand on crée une famille. Il va falloir sérieusement coopérer avec ses enfants, mais aussi avec les autres adultes autour de nous. C’est un enjeu énorme. Dans les tribus, qui datent environ avant Jésus-Christ, avant la sédentarisation, elles se caractérisaient par cette capacité aiguë à coopérer. Et donc coopérer, ça veut dire quoi? Ça veut dire comprendre ce que veut l’autre, ça veut dire savoir communiquer, savoir comprendre les messages et les signaux faibles. Et pour ça, ça demande d’avoir une bonne connaissance de soi-même déjà et de ses propres émotions. Donc c’est un sacré travail. Ça commence par le travail sur soi, parce que pour connaître l’autre, il faut se connaître soi-même.

Pour se connaître soi-même, il faut accepter que l’image qu’on projette à l’extérieur n’est pas la seule image, qu’il se passe plein de choses à l’intérieur, qu’on est traversé par l’influence de nos parents, nos grands-parents, nos aïeux. Il y a énormément de choses qui se jouent pendant cette période. Et ça, c’est très important. C’est un enjeu. Si on veut décloisonner toutes ces tâches qui sont malheureusement encore très assignées aux maires, il faut qu’on apprenne à coopérer. C’est vraiment une invitation à revenir à ça, à aider de côté. Accepter que l’autre ne fasse pas comme on a forcément envie.

Quand un soir moi j’ai déjà prévu des brocolis et que mon compagnon apporte des pizzas, tu vois, je me dis bon mince les enfants n’ont pas mangé de légumes depuis trois jours, ça va pas et tout et en fait bah tant pis j’accepte, merci d’avoir apporté la pizza, c’est gentil.

Clémentine Sarlat : C’est universel cette…

Céline Chadelat : Ouais? Voilà, de ne pas faire de remarques, de se retenir. La coopération, je ne vais pas rentrer dans le détail parce que c’est vaste. Ensuite, coopérer, ça veut dire aussi être empathique.

L’empathie

Ça, c’est la deuxième compétence. Et je t’en parlais tout à l’heure. L’empathie, c’est le cœur de notre humanité. Et notre travail en tant que parents, ça va être d’humaniser. On va humaniser sans cesse. C’est toujours l’humanisation. L’empathie vient du fait de discerner les états émotionnels, les sentiments d’un être en face de nous. C’est grâce à cette empathie qu’on progresse et qu’on arrive à résoudre des problématiques. Quand un bébé s’agite, on va essayer de comprendre, d’observer son visage, ses mouvements pour comprendre de quoi il souffre. Et ça, c’est vraiment le cœur de notre humanité.

C’est-à-dire que les mamans singes, au moment où cette espèce de singe sont devenues nos ancêtres, eh bien, ça fait vraiment partie de leur caractéristique. C**’est cette capacité à voir, à regarder ce qui se passe chez le bébé ou chez le petit enfant.** Donc l’empathie, hyper importante.

La patience

Ensuite, la patience. Donc là, c’est vraiment la qualité qui est la plus fragilisée dans notre société, étant donné qu’on veut tout vite et que d’autant plus avec les téléphones, les applications. On a l’habitude de l’immédiateté aujourd’hui, on ne supporte plus attendre. Et vraiment, l’enfant, c’est le temps long, c’est les saisons, les cycles. Et donc, il va falloir apprendre à patienter parce que lui, il est en plein développement. Et justement, la douceur, ça va être d’arriver à pouvoir l’accompagner là-dedans.

Clémentine Sarlat : On en revient toujours à cette notion du temps qui est là. Elle est tout le temps présente dans tout ton livre.

Céline Chadelat : Les choses seraient tellement plus faciles si on avait plus de temps. Je sens mon niveau d’anxiété qui diminue quand je sens que j’ai le temps. Là, je l’ai vu pendant les vacances de Noël, j’ai eu le temps. Et puis là ça y est, la roue est repartie, on repart en avant. Et j’ai quand même le sentiment qu’il y a des sociétés, comme notamment les sociétés scandinaves, alors je sais pas si c’est lié à la présence de la neige ou… Qui peut-être apaisent, mais tu vois, il y a peut être plus de temps.

Clémentine Sarlat : On hiberne un peu plus.

Céline Chadelat : C’est ça.

Clémentine Sarlat : Moi qui ai vécu dans le Minnesota où il fait nuit à 4h, enfin même 3h30, où il fait -40 l’hiver, bah oui, t’es un peu invitée à hiberner.

Céline Chadelat : C’est ça.

Clémentine Sarlat : À être moins dans cette…Qu’Apportent le soleil et l’été quand même. C’est vrai. Moi je l’ai ressenti, c’est sûr.

Céline Chadelat : Oui, je comprends. C’est intéressant. Oui, donc le temps et la patience. Voilà.

Clémentine Sarlat : Alors du coup, on a dit coopération, empathie, patience, et quatrième, tendresse.

La tendresse

Céline Chadelat : La tendresse, c’est la capacité. Toutes ces qualités, ces compétences, elles se croisent, elles se superposent entre elles. La tendresse c’est justement la capacité à s’ouvrir à l’autre sans volonté. Sans plaquer nos idées, sans plaquer ce qu’on voudrait qu’il soit, sans même plaquer ce qu’on voudrait qu’il apprenne. Voilà, dès que l’enfant ouvre la bouche, essayez de l’éduquer sans arrêt, vraiment dans cette tendresse de l’enfant tel qu’il est. Et puis, la dernière, elle en est très importante, c’est l’attention.

L’attention

Mais tu vois, pour être tendre, il faut aussi avoir du temps, je trouve. Parce que quand on est beaucoup pris dans cette roue, on est dans la vitesse, on devient un peu brutal, je trouve. Alors que quand on prend le temps, c’est magnifique, en fait. On acquiert justement une qualité de présence qui nous rend plus doux, plus ouvert. Et donc c’est lié à cette attention.

La capacité à être attentif. C’est pas une capacité, c’est un état d’être, en fait. Et l’attention, alors ça c’est vraiment l’or gris de notre société en 2024, c’est-à-dire que tout le monde se bat, enfin les sociétés se battent pour capter notre attention. Donc notre téléphone, la télé, et on a toujours en fait, c’est comme si on avait une petite voix qui nous disait c’est plus intéressant ailleurs, il y a toujours quelque chose de plus. Et moi-même, tu vois, je vais sur mon téléphone à rechercher peut-être l’info, enfin, je sais pas ce que je recherche en fait. Et on va être vite happés, alors que ce qui se joue avec notre enfant, notre bébé, et c’est pour ça qu’il faut apprendre aussi à voir avec d’autres lunettes, et vraiment à rentrer dans ce moment présent, et bah c’est merveilleux.

Et tu l’as sans doute remarqué avec tes enfants, dès que tu joues avec eux, comme ça les rend heureux, Dès qu’on les regarde, qu’on les écoute, ils sont fous de joie. Et parce qu’ils ont besoin de cette présence. Et pourquoi moi j’en parle aussi, parce que j’ai 36 ans, mais je suis quand même une enfant aussi au départ. Et quand on a des parents qui travaillent beaucoup, on a soif de cette présence. Donc voilà, moi je parle aussi à travers l’enfant que j’ai été. La présence, c’est vital, c’est ce qui reste même après notre mort. Je mets beaucoup d’enjeux, je ne vais pas mettre trop de pression, mais c’est important.

Clémentine Sarlat : Comme tu dis, nos enfants sont en compétition avec des entreprises multimillionnaires se battent pour avoir la nôtre, pour engranger de l’argent. Donc nos enfants, ils sont perdants si nous, on n’est pas capables de mettre des limites claires avec notre rapport au téléphone, avec notre rapport au travail, avec la télé ou autres sollicitations. Je blâme personne, c’est très dur. On est coincés entre les deux et c’est nos enfants qui en souffrent, nous aussi par ricochet évidemment. Et je trouve intéressant parce que, à la base, je sais pas si les gens savent que t’es pas forcément le mois d’or, tu es maman médite.

Céline Chadelat : Oui!

Clémentine Sarlat : Donc tu parles beaucoup de méditation. Moi je sais que je t’ai connue d’abord parce que je lisais le magazine dans lequel tu écrivais dans le magazine de yoga.

Céline Chadelat : Ouais.

Clémentine Sarlat : Et est-ce que ça, apprendre à méditer, modifie notre rapport au temps? Est-ce que ça nous aide dans la pleine conscience et donc dans la présence à nos enfants?

Céline Chadelat : Ouais totalement parce que méditer c’est un immense soulagement en fait quand on arrive à un niveau voilà vraiment méditer pas méditer pour mais méditer pour relâcher donc pas méditer pour des bénéfices mais vraiment méditer pour dire ok tout va bien maintenant je suis en sécurité je suis en paix l’endroit où je suis est pacifiée, je suis bien chez moi, tu vois, j’apprends à regarder autour de moi, j’apprends à regarder l’autre, eh bien déjà, ça c’est un grand pas de fait en fait. La méditation apprend à être présent et elle apprend à être présent à soi-même. Et en étant présent à soi-même, en fait, on va développer une conscience de soi et cette conscience de soi, elle va nous permettre de mieux voir, nous, ce qui nous traverse, donc nos émotions.

Et elle va nous permettre justement d’avoir cette distance vis-à-vis de nous-mêmes, et donc d’avoir plus d’espace dans notre rapport à l’autre, et notamment aux enfants. Donc moi je trouve ça très important, enfin, génial.

Clémentine Sarlat : C’est un outil que tu recommandes, c’est ça que je veux dire, pour sortir de cette roue hamster.

Céline Chadelat : Ouais, tout à fait, ouais. Après j’ai conscience aussi. Avec deux ou trois enfants, je pense que ça passe encore. Ça peut être compliqué surtout les premières années. Moi là tu vois, je m’y remets beaucoup parce que mes enfants sont plus autonomes. Mais les premières années, c’était quand même compliqué. Mais là où c’était très riche pour moi, c’est que j’avais médité avant mes accouchements. À un moment, je méditais tous les jours. Donc ça m’a permis quand même d’avoir cette distance et même cette sensibilité à ce qui se joue en postpartum.

Clémentine Sarlat : Tu l’évoques dans le livre sur le fait que toute l’industrie du développement personnel joue sur le fait d’être un meilleur parent, d’être dans la performance, mais surtout, en règle générale, oublie la réalité du parent qui n’a pas le temps de se penser, de réfléchir à lui-même. Et j’avoue que moi-même je fais des épisodes sur ça, mais je parle jamais d’être une meilleure version de soi, mais plutôt d’être alignée avec qui on est à l’instant T. Mais c’est vrai que moi aussi j’ai trouvé que c’était toutes les conseils qu’on nous donnait, j’étais là mais jamais de la vie, je me lève à 6h du mat ou à 5h du mat alors que j’ai pas dormi de la nuit, ou j’ai le temps de me poser 10 minutes le matin, moi le matin ma fille elle dort déjà sur moi, elle me hurle dessus, donc je n’Ai pas de respiration.

Est-ce qu’il faut considérer que c’est un espace-temps où là on ne peut pas et on prendra du temps pour nous après ou est-ce que tu penses qu’il y a des ajustements à faire et qu’on peut faire pour prendre soin de soi? Parce que tu parles beaucoup de ce truc là où on a une injonction à prendre soin.

Céline Chadelat : Oui tout à fait. Moi je pense qu’il faut prendre soin des mères.

Clémentine Sarlat : A l’inverse en fait. Ça doit venir de l’extérieur pour elle.

Céline Chadelat : C’est-à-dire que, tu vois j’en parle, mais tous les caregivers, toutes les mères, les pères, les conjoints, devraient pouvoir se faire masser. Toutes les semaines, tous les mois. Mais c’est très physique quand même un petit bébé. Ou même un enfant en bas âge. Donc je crois que pendant cette période, c’est plutôt aux autres de prendre soin des parents. C’est pour ça que je critique un peu le développement personnel, même s’il y a du développement personnel aussi dans mon livre, mais qui est traité, qui est vu sous un autre angle, je pense. Et la méditation, pendant les premières années, effectivement, se lever, comme tu le dis, très tôt, c’est juste pas possible. Donc voilà, ce qui compte, c’est de dormir. C’est la qualité de sommeil. Donc ouais, je pense qu’il faut prendre soin des mères et soin des parents pendant ces premières années.

Clémentine Sarlat : D’enlever le poids. Des épaules des parents, c’est-à-dire qu’ils doivent être soutenus pour ensuite pouvoir prendre soin d’eux.

Céline Chadelat : Ouais, tout à fait. Et c’est pour ça que c’est très injonctif de dire, bah prenez soin de vous, prends soin de toi. Ouais, mais quand, en fait?

Clémentine Sarlat : Comment?

Céline Chadelat : Et comment? Quand et comment? Parce qu’après moi, il n’y a plus personne. Donc si je veux, je sais pas, aller me promener, en fait, bah je peux pas. Parce que je suis toujours avec mon enfant. Alors on adore les enfants, mais n’empêche que ça change complètement le rapport au corps, le rapport à soi, et que c’est pas facile. Et qu’on devrait quand même pouvoir compter de temps en temps sur ce que j’appelle dans le livre les alloparents.

Clémentine Sarlat : C’est les grands-parents qui font partie du cercle proche et qui ont une influence. Ça se passe bien.

Céline Chadelat : Oui, il faut avoir des rapports. Toutes ces questions de coopération, de capacité à coopérer, de capacité à être attentif, etc. Il faut des personnes autour de nous qui soient quand même attentives à elles-mêmes pour pouvoir être attentives aux enfants. Avec qui on s’entend bien et qui a un rapport positif. Mais ça fait une société tout ça. C’est ce qui permet d’avoir une société qui est vivante. Et c’est vrai que moi je regrette par exemple que le temps de travail ait été allongé au niveau des retraites. Parce que c’était des bras en moins pour s’occuper des enfants.

Clémentine Sarlat : C’est une des conséquences à laquelle on pense pas.

Céline Chadelat : Parce qu’on occulte le care et l’être.

Clémentine Sarlat : Et je rebondis pour finir, sur ce que tu dis sur le prenez soin de vous. Moi je termine toujours mon podcast en disant “prenez soin de vous”

Céline Chadelat : Oui c’est vrai

Clémentine Sarlat :

Oui c’est vrai. Mais sans réaliser que c’est pas toujours possible et c’est ok, mais juste d’avoir cette notion que vous êtes aussi importante, en fait, ou important, que tout ce que vous faites au quotidien pour les autres. C’est plus aussi ça dans ma dimension. Mais j’entends ce que tu dis, tu vois, ça me fait réfléchir, je vais peut-être changer.

Céline Chadelat : Non, mais ce dépend de l’attention aussi derrière. Et quand tu le dis, moi, je trouve que c’est justement quelque chose de très positif. Et parce que t’as différent, prenez soin de vous. Mais prends soin de toi, comme si c’était… Voilà, mais tais-toi, comme si on te demandait de te taire. Et là, au contraire, c’est dans une démarche, une dynamique. Donc moi, je n’ai jamais pris comme ça. Mais c’est vrai que souvent, on a l’impression qu’on essaie de nous faire… Quand une mère parle de son quotidien, on essaie un peu de la réduire au silence. Oui, et aujourd’hui, l’injonction à être zen, prendre soin de toi, mais tu te prends trop la tête, non mais t’es trop stressée, c’est le nouveau, bon, tais-toi en fait. Sois zen, ça va. Oui, c’est ça.

Clémentine Sarlat : Et donc c’est nier la réalité de ce que vit la personne.

Bon, on a des pistes. Il va falloir que tu codifies un nouveau logiciel pour nous le donner.

Céline Chadelat : Ok, je bosse sur un programme.

Clémentine Sarlat : Parce qu’on a bien compris qu’il va falloir changer notre façon de penser le monde en fait. C’est un grand défi, mais ça revient avec plein d’autres réalités. C’est pas que la parentalité, on le sait aujourd’hui. Beaucoup de défis nous attendent et c’est pas simple d’être parent dans le monde d’aujourd’hui. Il y a beaucoup plus d’injonctions, de pression et peurs qui nous envahissent quotidiennement, comme tu dis. Et donc bravo à vous de tenir la barre si vous êtes parent et que vous êtes là et que vous êtes optimiste. Parce qu’il faut être optimiste, sinon on changera pas les choses. Donc merci à toi d’avoir écrit ce livre. Je vous recommande vraiment le mois d’or. Et parce que même si ça vous concerne pas vous, ça concernera peut-être une amie.

Céline Chadelat : Tout à fait.

Clémentine Sarlat : Tu le dis dans le livre et je l’ai vécu moi-même que avant d’être des enfants on était des bonnes égoïstes égocentriques qui ne s’en sommes pas occupés comme il fallait de nos proches qui ont eu des enfants donc maintenant on peut changer ça. Et c’est pas toujours facile hein, je le dis. Et en tout cas, ce livre, donc, Les Incroyables Pouvoirs de la Parentalité, ça redonne une autre perspective sur ce que ça veut dire être parent, que ce n’est pas un métier vain et que c’est primordial.

Céline Chadelat : Oui.

Clémentine Sarlat : Est-ce que tu veux dire un dernier truc?

Céline Chadelat : Bravo pour ce que vous faites. Merci pour cette conclusion, Clémentine, que je trouve super. Et merci, vraiment, merci aux parents. J’espère que ce livre vous plaira.

Clémentine Sarlat : Merci Céline.

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