Dans cette deuxième partie consacrée à ma reconversion professionnelle, je vous emmène dans la suite de mes aventures. Écoutez l’épisode 163 si vous ne l’avez pas encore fait, ça raconte la première partie évidemment.
Dans le récit de cette première partie, je me suis arrêtée début 2020 quand je suis enceinte de ma deuxième fille.
Le topo, je vous l’ai fait très court : j’ai quitté mon CDI un an et demi auparavant.
Je ne sais pas encore de manière très claire le chemin que va prendre mon avenir pro. Je n’arrive pas à faire de projection et ça ne me vient pas à l’esprit en fait.
Mon podcast grandit, ça fait un an qu’il existe mais pour le moment je n’en vis pas.
La pandémie vient de débarquer dans notre monde, tout s’est arrêté et je dois trouver une solution pour gagner de l’argent autrement qu’avec mes piges de journalistes.
Voilà, grand sens du timing pour moi quand je fais les choses de manière drastique.
LIENS DE L’ÉPISODE
Les podcasts :
Épisode 163 – Comment j’ai changé de vie pro après l’arrivée de mes filles
Épisode 104 – Ma 3e grossesse surprise et le burn-out patriarcal
Génération Do It Yourself
Les ressources chiffrées :
Entrepreneuriat au féminin
Women’s entrepreneurship report
Congé maternité auto-entrepreneur
Les « mompreneures », ces mères qui quittent leur emploi pour créer leur entreprise
TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE
Donc en 2020, c’est là où j’en suis. Et c’est là que tu te rends compte qu’il faut avoir quand même les reins solides quand tu te lances sans filet dans l’entrepreneuriat. C’est clairement les montagnes russes, il n’y a jamais un jour qui est la même, il n’y a jamais un jour qui se passe de la même manière, jamais une semaine similaire et encore moins une année sur laquelle on peut compter sur les mêmes fondamentaux bon si c’est faux à terme à l’usure oui on va trouver un rythme de croisière mais au début c’est quand même ce qu’on dit les montagnes russes donc si je regarde en arrière je me dis que j’ai pris de sacrés risques à l’époque mais c’est drôle parce que c’est pas du tout comme ça que je le vis sur le moment c’est maintenant quatre ans après que je me dis ah oui “j’ai eu chaud quand même”.
Je sais que je suis une optimiste de nature et donc je m’accroche. En 2020, j’ai vraiment tendance à avoir le verre à moitié plein plutôt que l’inverse. Et donc là, en mars 2020, je décroche ma première campagne de podcasts grâce à Mathieu Stéphanie qui a créé le podcast Génération Do It Yourself. Vraiment, je le remercie parce que c’est lui qui m’a mis en contact avec mon premier sponsor qui s’appelle Koala. Et derrière, ça a été en effet boule de neige sur plein d’aspects, donc merci beaucoup Mathieu. Il faut comprendre que pendant la pandémie, beaucoup de podcasters et podcasteuses, notamment dans l’univers du business, voient leurs audiences chuter, reculer. C’est vraiment compliqué pour eux. Alors que nous, qui parlons aux parents, à l’inverse, nos audiences grimpent de manière significative pendant toute cette période.
Je sais que dans un coin de ma tête, j’ai cette notion, cette croyance-là qu’on a à peu près cinq ans de retard sur les Américains en termes de développement du podcast, donc en termes de développement de l’industrie du podcast. Donc je me dis, allez, fais-toi confiance, donne-toi cinq ans, ça va se décanter, il va y avoir des opportunités qui vont arriver.
C’est peut-être naïf, c’est peut-être très optimiste, c’est peut-être très réducteur cette vision, mais elle m’a accompagnée pendant toutes ces années et je pense qu’elle est plutôt réaliste. Pendant toute ma grossesse et le confinement, je m’éclate à me consacrer au podcast entre les siestes de ma fille aînée, qui a deux ans et demi à l’époque.
Et je le précise parce que ça a été bien plus facile pour moi qui n’avais qu’un seul enfant qui avait deux ans et demi à m’occuper et en plus on était deux parents donc franchement c’était un confinement beaucoup plus smooth que pour plein de parents qui ont galéré, pour qui ça a été un stress immense, surtout plein de femmes.
Je sais que si j’avais vécu ce confinement avec mes trois enfants en bas âge, je pense que ça aurait été la catastrophe. Sincèrement, je le dis bravo à vous qui avez survécu à cette période, parce que ça a dû être très très complexe.
Donc voilà, c’est ça ma situation familiale. Je suis enceinte, certes, mais j’ai un seul enfant et on est deux, donc la charge pour s’en occuper, elle est bien plus simple à se répartir et donc je continue de travailler pendant les siestes de 4 heures que fait ma fille et qui m’offre l’opportunité d’être très efficace.
Donc me voilà plongée dans le milieu du podcast et des campagnes publicitaires qui commencent à permettre à mon podcast de me rapporter de l’argent. J’intègre au même moment la régie pub de nouvelles écoutes parce que mon audience a tellement grandit que maintenant elle est intéressante d’un point de vue marketing pour les marques. Et donc je profite petit à petit de leur catalogue. D’ailleurs, je voudrais en parallèle en profiter là pour le coup pour dire un grand merci à la marque Tajinebanane, qui a été la première grosse entreprise à me faire confiance. Ils ont été d’un très grand soutien, que ce soit Marvin ou Alison Cavaillé, pour les mois qui ont suivi en 2020 parce qu’ils ont été sponsors d’un épisode chaque mois et ça a beaucoup aidé à me stabiliser financièrement et à me dire que c’était possible et que mon travail avait du sens et pouvait être rémunéré. Donc vraiment merci beaucoup Tajinebanane, c’est pour ça que j’en parle beaucoup parce qu’on oublie rarement les gens qui vous tendent la main alors que eux étaient une toute jeune entreprise qui n’étaient pas au niveau qu’ils sont aujourd’hui puisqu’on était en 2020 il y a quatre ans. Donc vraiment merci Marvin et Allison.
Alors se lancer dans l’entreprenariat quand on est une femme reste vraiment loin d’être anodin et je vous explique pourquoi. Parce que en Europe, selon le rapport du Global Entrepreneurship Monitor, je vous le fais avec bel accent français, l’Europe comptabilise l’un des plus faibles taux d’activité pour les femmes entrepreneurs dans la population globale, avec un taux le plus bas pour les startups à 6,1%. C’est en Europe qu’il y a la plus grande disparité entre les femmes et les hommes dans ce secteur, dans le secteur de l’entrepreneuriat. Donc big up à vous si vous êtes entrepreneuse parce que vous cassez les codes. C’est beaucoup moins commun qu’on a la sensation, qu’on peut le penser, surtout à travers l’image qui est véhiculée sur les réseaux sociaux. Il y a peu d’intention de démarrer une entreprise et un business chez les femmes comparé au reste du monde.
Ça s’explique pour une raison assez simple, c’est qu’en Europe, on a une meilleure politique salariale que dans plein d’autres parties du monde, qu’on a des meilleures conditions au niveau notamment de la santé et de l’accompagnement des grossesses. Même si on peut se plaindre de plein de choses, ça ne renie pas ça. On a une stabilité qui nous permet de peut-être rester un peu plus dans le salariat plutôt que de prendre un risque et de ne pas avoir le choix que de se lancer dans l’entrepreneuriat.
A noter aussi dans l’Europe, le taux de sortie des femmes de l’entrepreneuriat est le plus faible au monde, ce qui montre qu’il y a une stabilité importante, il n’y a que seulement 1,9% des femmes qui sortent de l’entrepreneuriat une fois qu’elles se lancent.
Dans les chiffres que je vous donne, c’est l’Europe, ce serait vraiment intéressant d’avoir un focus plus important sur la France, mais ça nous donne un peu la tendance. En France, je vous donne aussi la carte des entrepreneurs. En 2022, les derniers chiffres, c’est 32% des entrepreneurs sont des femmes. Une personne sur trois qui entreprend est une femme, selon le baromètre d’infogreffe, ce qui représente une minorité pour nous. Nous sommes donc une minorité à nous lancer dans cette aventure qui peut s’avérer périlleuse ou au contraire nous donner l’opportunité de vivre une vie incroyablement riche selon nos propres termes. Le chiffre qui en dit long encore sur les inégalités à rattraper, ça concerne les entreprises du CAC 40. Seuls 2,5 % des femmes sont à la tête de sociétés du CAC 40. Là, vraiment, on est très loin d’une parité, on est même très loin d’un tiers, 2,5 sur les très grosses entreprises françaises, ça fait mal.
Il y a aussi un chiffre qui est intéressant, 46% des femmes considèrent qu’entreprendre leur permettra de mieux gérer leur vie professionnelle et leur vie de famille, ce qui montre qu’il y a un vrai besoin pour les entreprises qui ont des salariées, femmes, donc, de bien mieux adapter leur politique vis-à-vis des parents. D’ailleurs, selon une enquête sur la parentalité au travail réalisée par le Conseil supérieur de l’Equalité professionnelle en 2018, 84% des femmes estiment que la maternité a un impact négatif sur leur carrière. Ce chiffre fait mal. Parce que ça veut bien dire ce que ça veut dire, avoir un enfant ne nous propulse pas dans nos carrières, au contraire, on nous ralentit et c’est pas du tout la même chose du côté des hommes. Voilà aussi pourquoi beaucoup choisissent l’entreprenariat pour pouvoir vivre selon leurs propres termes.
Alors si on revient à moi, à mon expérience, je vous ai donné ces chiffres pour vous montrer un peu la réalité du monde de l’entrepreneuriat chez les femmes. Ça reste encore une minorité, ça reste encore quelque chose de plus difficile à mettre en place que chez les hommes. Mais il y a de plus en plus de femmes qui se lancent quand même dans cette aventure.
Donc moi, je saisis à ce moment-là l’opportunité que me donne le podcast pour me lancer à fond dans cette vie de solopreneuse, parce qu’à ce moment-là, je suis solopreneuse dans une micro-entreprise. Avec une seule enfant à gérer au quotidien, comme je vous l’ai dit, j’arrive à m’organiser pour travailler de manière assez efficace et pour pouvoir anticiper l’arrivée de ma deuxième fille, c’est-à-dire enregistrer assez d’épisodes en avance et pour pouvoir être confortable au moment où je vais devoir m’arrêter de travailler. Plus ou moins au dernier moment, je me suis arrêtée trois semaines avant d’accueillir ma deuxième fille. Ma fatigue, elle est largement gérable pour pouvoir continuer de travailler, même avec une deuxième grossesse. Et puis surtout, moi, je trouve que cette nouvelle liberté que m’offre l’entrepreneuriat me fait beaucoup de bien. En 2020, contre toute attente, à la fin de l’année 2020, et avec un travail acharné, il faut le dire, j’arrive à atteindre le plafond de chiffre d’affaires de la micro-entreprise, qui est de environ 77 000 euros, à quelques centaines d’euros près.
En même temps, j’ai accueilli ma fille, donc c’est un immense soulagement parce que je peux de cette manière prendre un congé maternité, je mets des gros guillemets parce que c’est faux, c’est pas un congé maternité, mais ça me permet de ne pas être stressée, de ne pas avoir absolument travaillé pendant toute la période du postpartum immédiat parce que j’ai déjà fait mon chiffre d’affaires et que je peux tranquillement laisser l’année s’écouler.
Je n’ai plus rien à produire comme travail pour être rémunérée, c’est fait, c’est plié. Et je sais que c’est une chance que tout le monde ne peut pas avoir ce type d’opportunité. C’est venu au moment où j’ai accouché en fin d’année, donc ça aide aussi, mais ça, ce timing, je ne l’avais pas cherché de cette manière-là. Donc voilà un peu pour le topo.
Je voudrais quand même le noter et le rappeler, oui, il existe une allocation forfaitaire de repos maternels, c’est comme ça que ça s’appelle, pour les micro-entreprises lorsqu’on accueille un enfant. Mais franchement, c’est bien loin de combler un quelconque arrêt de plusieurs mois de travail. Donc je vous donne quelques chiffres clés. Si votre chiffre d’affaires est supérieur à 4500 euros sur l’année, vous avez le droit, roulement de tambour, à 366 euros de dédommagement. Ensuite, vous avez le droit à 70 jours maximum dédommagés à hauteur de 6,06 euros par jour, ce qui fait 70 x 6,06, 424 euros. Oui, vous avez bien entendu. Donc au total, vous pouvez bénéficier de 790 euros versés pour votre arrêt complet pendant 10 semaines. Je ne sais pas comment ils peuvent envisager qu’on puisse vivre avec 790 euros pendant 10 semaines, surtout pas aujourd’hui en 2024 avec l’inflation. Donc ça montre bien que quand on est micro-entrepreneuse et c’est le cas de beaucoup de femmes, malheureusement, si on devient mère, c’est un gouffre financier, c’est problématique. Donc moi, perso, à l’époque, je ne savais même pas que ça existait, donc je ne l’ai pas demandé.
Septembre 2020, je suis mère une deuxième fois et je trouve que je suis en bonne voie pour développer mon activité. Je me dis que ça va le faire, que j’ai fait une pause et pourtant ça ne m’a pas tant pénalisé que ça. Donc je reviens en janvier 2021, tant bien que mal au milieu des confinements parce que l’ambiance est assez particulière à cette époque-là si vous vous en souvenez.
On a, nous, fait le choix en tant que famille de ne pas faire garder notre fille à l’extérieur de la maison sur sa première année. Pour deux raisons très simples. La première, c’est qu’elle est née en septembre. Donc les places en crèche, quand on est en septembre, c’est quasi impossible. Et la crèche à côté de chez moi ne prend que en septembre. Il n’y avait pas d’entrée en janvier. Et surtout, avec le contexte de la pandémie, moi, aucune envie de mettre mon bébé avec des assistantes maternelles ou des personnes qui vont s’occuper d’elle avec un masque. C’est trop difficile pour moi de faire ce choix. Et puis bon, il y a aussi une troisième raison qui est réelle qui est là, c’est que j’ai été un peu traumatisée de laisser ma première fille a trois mois pour aller retourner travailler et donc j’avais besoin de garder mon bébé à côté de moi et de le faire autant que j’en avais envie, de pouvoir l’allaiter à la demande et de garder cette petite bulle de ce duo entre elle et moi.
Le problème, parce que forcément il y a un problème, on ne peut pas être partout, c’est que je me retrouve à jongler entre le développement du podcast et les siestes quasi inexistantes de ma fille. Et je suis seule, je travaille seule évidemment. À ce moment-là, dans mon couple, on a une très très mauvaise répartition de la garde de notre fille. Je suis à 100% avec elle et à 100% avec mon taf, donc faut autant vous dire que je suis à 0% nulle part. En gros, c’est ça, je suis à 100% nulle part. C’est une erreur de ma part. Aujourd’hui, avec du recul, j’arrive à comprendre. J’avais fait un épisode sur le burn-out patriarcal et je maintiens ce terme et je maintiens ce mot. J’avais simplement oublié 50% du problème, c’est-à-dire que dans ma vision des choses le problème venait de la construction des hommes qui ne nous laissent pas la possibilité d’avoir une égalité mais j’avais pas du tout pris en compte le fait que moi personnellement je m’étais éteinte et je m’étais sacrifiée et que j’avais laissé faire et que je ne m’étais pas imposée j’avais pas mis mes limites donc pour moi le burn-out patriarcal il touche et les femmes et les hommes, évidemment. Mais je veux dire, on est responsables autant, en fait, l’un et l’autre, et on subit, que ce soit les hommes ou les femmes, ce patriarcat, parce qu’on a été élevés, nous, les femmes, pour pas nous imposer, pour nous sacrifier, et surtout dans la maternité. Et j’en ai fait la meilleure expérience, et aujourd’hui, je ne le referai pas de cette manière-là si je devais le refaire. Ça fait partie de ma vie, et ce n’est pas grave.
Mais en fait, je me suis sacrifiée, ça a vraiment été une erreur de ne pas savoir demander un équilibre plus intéressant pour moi, je n’avais pas su mettre de limite. Et donc, ça m’a menée vers un burn-out, vers avril-mai 2021. Il m’a fallu plusieurs mois pour me rendre compte que ce n’était plus possible de travailler de cette manière-là. Parce que c’est aussi ça la réalité de l’entrepreneuriat chez beaucoup de nouvelles mères qui veulent pouvoir avoir tout en même temps, c’est-à-dire développer leur activité pro et profiter de leur tout bébé, leur nouveau-né, de ne pas les mettre à garder aussi rapidement que la société nous le demande et on en paye le prix fort. Et c’est pour ça que je maintiens ce mot du burn-out patriarcal parce que c’est cette société patriarcale qui nous impose de devoir être sur tous les fronts et de ne pas savoir aussi mettre nos limites et de devoir faire un choix entre notre taf, nos enfants et c’est difficile. C’est vraiment difficile à l’intérieur des couples, c’est difficile, et c’est pour ça que je ne fais pas mon mea culpa mais j’entends que même vis-à-vis de mon mari, je n’ai pas pris mes responsabilités par rapport à ce qui s’est passé. J’avais qu’à aussi dire non, je ne suis pas d’accord et on trouve un autre moyen. Et je n’ai pas su le faire.
Par rapport à ça, au mompreneur et le burnout qui les guette, il y a un excellent article du Monde qui date de 2021, je vous ai mis les liens dans l’épisode, sur le sujet des mompreneurs qui quittent leur emploi une fois devenu mère et qui finalement sont largement perdantes financièrement. Parce qu’il faut le noter, la micro-entreprise peut dans certains cas devenir une bombe sociale et pénaliser les femmes sur le très long terme. Pourquoi ? Parce qu’on cotise moins, parce qu’au niveau des retraites ça va être zéro et parce qu’on est plafonnés avec la micro-entreprise. On est plafonnés à un certain chiffre d’affaires donc on ne peut jamais vraiment évoluer. Et à long terme, ça a des conséquences. Ça a des conséquences de quitter le salariat et de plus cotiser de la même manière.
C’est pour cette raison qu’en 2021, je décide de me lancer, de changer de statut en créant mon entreprise parce que j’arrive à générer du chiffre d’affaires, je sais que je vais pouvoir dépasser ce plafond de la micro-entreprise et je me dis, allez, pourquoi pas, j’ai des capacités, j’ai confiance en moi, ça va le faire. Je pars donc avec l’idée de devoir vraiment développer mon activité parce que là, en revanche, en passant de la micro-entreprise à l’entreprise, mon chiffre d’affaires va devoir faire un bond conséquent, un bond B.O.N.D. parce qu’on est beaucoup plus taxé quand on passe en société.
Début mai 2021, me voici officiellement chef d’entreprise. Ma fille va être gardée à la crèche en septembre à temps plein. Je sais donc que mon aventure professionnelle se dessine et que je vais avoir du temps qui va se dégager, qui va se libérer et que je vais m’en sortir. J’ai vraiment confiance en l’avenir et je me dis que ça y est, septembre 2021 c’est ma rentrée, c’est l’impulsion que je peux y mettre. Moi aussi j’ai été naïve encore une fois là. Bon bah ça c’était sans compter la petite surprise cadeau du chef cherry on the cake qui s’appelle June, ma troisième fille qui est venue se nicher au creux de mon ventre fin 2021, sens du timing parfait. Et donc je le dis en toute transparence, j’ai longtemps hésité à garder ce bébé, à garder ma fille parce que ma réalité professionnelle, elle n’était pas adaptée à l’arrivée d’un nouvel enfant. Et à ce moment-là, j’ai tout à fait conscience qu’élever encore un enfant, j’en ai deux à ce moment-là, alors que ma deuxième n’a que huit mois, j’ai conscience que je me mets d’immenses bâtons dans les roues. Et c’est pas facile à prendre comme décision. C’est difficile et je sais qu’il y a beaucoup de femmes qui ont été confrontées, je sais qu’il y a des femmes qui décident d’avorter, qui privilégient leur carrière et elles ont tout à fait le droit de le faire. Il n’y a aucun jugement là-dedans. Il y en a d’autres comme moi qui ont hésité. Il y en a d’autres qui du coup ont mis leur carrière en grande pause parce que j’en ai déjà parlé plusieurs fois dans d’autres épisodes. Une fois qu’on a trois enfants, les stats sont durs. Avec trois enfants, il y a 70% des femmes qui sont soit en partiel soit qui ne travaillent plus dans les trois premières années de leur dernier enfant parce que la charge est immense en fait. Donc, j’en ai conscience, je le sais, tout ça. Et c’est dur, c’est dur, mais évidemment, je garde mon bébé. Elle a eu deux ans il y a quelques jours. Et donc, on peut s’en sortir avec trois enfants.
En bref, il me faut quelques semaines pour m’habituer à l’idée que je vais devoir lancer cette grossesse et en parallèle diminuer mon activité en tant que chef d’entreprise, alors que c’est un moment crucial où je devrais normalement l’augmenter.
Cette fois, je décide aussi de prendre un congé maternité, tant pis pour le chiffre d’affaires. Je n’ai pas du tout envie de sacrifier ma santé mentale ni physique. J’ai trop appris ces dernières années via mon podcast et j’ai trop étudié le sujet de la maternité, de l’impact du travail, du retour au travail, du postpartum pour m’autoriser à foncer droit dans le mur et reprendre à travailler beaucoup trop vite et pas m’arrêter. Non, ça je ne peux pas le faire. De toute façon, physiquement, je pense que je ne peux pas le faire, je n’y arriverai pas. Donc je coupe et je prends le temps d’accueillir ma dernière fille, June, de janvier 2022 à juin 2022. Donc voilà, je suis maman de Ella, Jasmine et June, trois petites filles.
Ce que me verse la CPAM à ce moment-là en congé maternité, puisque oui, quand vous êtes chef d’entreprise, vous avez le droit à un congé maternité qui est quand même plus conséquent que la micro-entreprise, mais qui est basé sur vos revenus. Et donc l’indemnité journalière, elle est absolument pas à la hauteur de mon salaire. En tout cas du salaire, j’avais réussi à me dégager sur les dernières années pour une raison simple, c’est que j’ai basculé de la micro-entreprise à l’entreprise et que j’ai pas cotisé pendant assez longtemps en fait pour qu’ils calculent mon salaire de manière juste et équitable.
Donc on convient avec mon mari qui va me verser la différence de perte de salaire. C’est une super façon de faire ça, je vous encourage à faire si vous pouvez, si c’est possible dans votre couple. L’envers du décor, la problématique de ça c’est que du coup je cotise pas. Parce que c’est un versement de gré à gré entre à ce moment-là mon mari et moi.
Pour l’année 2021, l’année où j’ai basculé en entreprise, j’ai heureusement la possibilité de faire un bilan comptable sur 18 mois, ce qui veut dire que la pression que j’ai financière de devoir faire du chiffre d’affaires, je peux l’étaler sur 18 mois. C’est aussi pour ça que je me dis, allez, je me lance, le timing, c’est pas trop trop mauvais, je m’en sors pas si mal. Donc en septembre 2022, je reprends vraiment le travail, mes trois filles sont gardées mais pas à temps plein, ma dernière elle a six mois, elle est gardée que trois jours par semaine. Et là en fait le problème c’est qu’il y a une tornade qui s’abat sur moi avec la séparation que l’on vit avec mon mari qui décide de partir de notre domicile familial. Et donc, je vis les mois les plus difficiles de ma vie. Je dois gérer mes trois enfants seuls à 85%-90 % du temps avec des enfants qui dorment pas la nuit. Je suis remplie de tristesse, évidemment, parce que ce n’est pas du tout la situation que j’ai choisie, et j’essaie tant bien que mal de travailler. J’arrive à tenir pendant trois mois, je tire sur la corde, et puis en janvier 2023, je dois bien me rendre à l’évidence que je n’y arrive plus, en fait. C’est juste physiquement plus possible, psychologiquement plus possible. J’ai un métier de créativité donc il faut que j’ai l’espace dans ma tête pour pouvoir le faire et il faut que je sois bien dans mes baskets au final. Enfin en tout cas un minimum. Donc je suis diagnostiquée en dépression sévère à ce moment-là et je prends la décision de tout couper pendant plusieurs mois, encore une fois. J’ai vraiment cette sensation que je vais jamais y arriver, qu’à chaque année qui passe, j’ai soit un bébé, soit une grossesse, soit un postpartum. Et là, une dépression qui s’abat sur moi. Et pourquoi je vous raconte ça ? Parce que voilà, la réalité de l’entrepreneuriat, c’est ça. Pas une seule année depuis que je me suis lancée, je n’ai réussi à travailler à temps complet, donc c’est-à-dire cinq jours sur sept, et alors encore moins sur 12 mois. J’ai sincèrement plus travaillé six, sept mois maximum chaque année à cause des pauses que j’ai dû prendre pour diverses raisons.
Donc c’est une grosse perte à gagner pour moi, évidemment, mais j’ai pas le choix. Le but, là, en 2023, c’est de survivre et c’est de faire en sorte de pouvoir repartir du bon pied, donc je me suis priorisée. Je sais que j’ai bien fait, c’était un pari gagnant sur la durée. Quand on a des tout petits enfants, il y a plein d’aspects à prendre en compte. Il y a aussi leur maladie, il y a les difficultés du sommeil. On ne peut pas être sur tous les plans. Et encore plus si on est maman solo. Vraiment, je vous tire mon chapeau si vous êtes maman solo. Je dis maman solo, je sais qu’il y a des pères solos, mais on sait la majorité des parents solos sont des femmes et c’est elles qui ont la garde à temps plein quasiment, il y a seulement 14% des familles qui ont de la garde partagée, ce qui est rien, absolument rien. Donc la charge retombe souvent sur la mer et c’est forcément difficile.
Mais en même temps, en 2023, je commence à sortir la tête de l’eau, j’arrête les antidépresseurs, vraiment je fais un travail de guérison très profond. Et je décide de me prendre en main et de faire de ma situation perso qui est difficile, mais à une force. Je me remets sur pied. J’ai décidé aussi d’investir, donc j’ai pris un coach en entreprise qui s’appelle Roger, que je salue. Roger, tu as été salvateur pour moi, donc un grand merci. Il m’accompagne du coup pendant six mois et vraiment il a fait toute la différence dans la deuxième partie de mon année 2023 parce qu’il m’a encouragée sur beaucoup de points qui ont été payants sur le long terme et qui m’ont vraiment permis de vivre une deuxième partie d’année 2023 complètement différente. Donc je vous le dis parce que si vous hésitez, c’est un sacré investissement vraiment de prendre quelqu’un qui vous accompagne dans le coaching en entreprise. Mais si vous êtes comme moi, vous n’avez aucune notion de business et que vous êtes vraiment la ramasse, je pense que ça peut être un très bon coup de pouce.
Du coup derrière, j’ai recruté Morgane, j’ai changé ma façon de travailler, de fonctionner et en 2023 au final, j’ai fait le double du chiffre d’affaires que j’avais fait en 2021 quand j’ai commencé, quand j’ai lancé mon entreprise avec plusieurs centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires de CA. J’aurais jamais cru possible. Si on m’avait dit ça en janvier 2023, ça aurait été pour moi insurmontable de me dire que j’allais réussir à m’en sortir financièrement.
Je suis hyper fière d’avoir réussi et parfois je me retourne, je me dis que c’est un miracle que mon entreprise ait perduré, que j’ai réussi à faire ça et que je n’ai pas coulé parce que je sais que ce n’est pas le cas de beaucoup de personnes qui se lancent dans l’entrepreneuriat.
Et aujourd’hui, on est en février 2024, et pour moi, c’est vraiment l’année de la stabilité, je l’ai dit, c’est le mot qui va définir mon année, qui déjà le définit. J’ai envie de travailler pleinement, donc ça veut pas dire à temps plein, parce que j’ai choisi de la semaine de quatre jours, je ne travaille pas le vendredi pour pouvoir me dégager du temps pour moi et pour pas me sentir pressurisée, vraiment de choisir d’avoir cette liberté d’entrepreneur et de profiter de ma vie. J’ai envie donc de travailler pleinement, ça veut dire de manière en pleine conscience surtout en fait. J’ai envie d’embaucher, ça va être le cas dans les prochaines semaines, vraiment de faire grandir La Matressance sur plein d’aspects parce que j’ai toujours eu la sensation que je l’avais exploité à 20% et que je vous aide pas assez en fait. Au final que j’ai plein d’idées en tête, d’outils que je veux développer, de choses que je veux faire pour les parents et que ça s’est resté au minimum et 2024 vous allez voir il va y avoir d’autres choses qui vont arriver et j’ai hyper hâte parce que parce que c’est chouette de voir ce qu’on crée dans sa tête prendre forme et en avoir des retours et aider des familles parce que je sais que ça aide des familles La Matrescence.
Donc vous l’aurez compris jusque là j’avais pas du tout été en mesure de faire tout ça. Il m’a fallu 5 années pour vraiment avoir la sensation de commencer une aventure entrepreneuriale de manière stable, donc de 2018 à 2023. J’en ai vécu des choses pendant ces années-là. Ça ne s’arrive pas en un claquement de doigt. Le fait d’être stable et d’être rentable et de pouvoir vivre de son entreprise, je sais, c’est un sacré parcours du combattant. Je ne regrette pas du tout ces périodes-là, c’était intense, c’était plein de chaos, mais ça m’a beaucoup, beaucoup appris sur moi et puis sur ce que j’étais capable de faire.
Mais aujourd’hui, en fait, pour terminer, j’ai envie d’assumer ce statut de chef d’entreprise. Donc je fais quoi ? Je me forme, j’investis pour moi, je prends les choses en main sérieusement, j’ai des ambitions réelles, des ambitions affichées, j’ai des objectifs que je veux remplir, en termes de chiffres, en termes de projets à mener. Donc deux ans et demi après la création de ma SARL, c’est le statut sous lequel je suis aujourd’hui, peut-être que ça changera, je ne sais pas, j’ai envie d’assumer et pouvoir emmener vraiment loin ce projet qui est né par hasard, il faut le dire, mais je trouve ça trop chouette comme histoire de pouvoir continuer cette aventure et de la mener le plus loin possible.
Pour conclure, je vous recommanderais pas vraiment de partir à l’aveugle comme je l’ai fait. Je crois que c’était pas très prudent. On va être très honnête, je m’en suis sortie tant mieux. J’ai pas envie de dire que c’était un coup de chance, parce que ce serait faire insulte à mon travail, à mon investissement et à mon intégrité. Je connais mes qualités quand même, mais je sais que beaucoup de femmes ne s’en sortent pas aussi bien, donc peut-être que j’ai eu un coup de pose de l’univers, un petit coup de chance, je sais pas.
En tout cas, avoir été maman solo pendant plusieurs mois, c’est plus le cas aujourd’hui. Il faut que je le répète, il y a plein de gens qui me disent, mais attends, on a réussi à retrouver un chemin incroyable de guérison et de se remettre ensemble et notre famille est trop belle et tout va bien, je vais bien. Mais j’ai eu cette expérience de maman solo et ça m’a vraiment, en tout cas moi, donné une niaque, mais d’enfer de montrer l’exemple à mes filles et de défier toutes les statistiques. Parce que quand on s’intéresse un tout petit peu aux chiffres quand on devient mère célibataire, il y a une perte de 30% du niveau de vie pour la femme. Ce n’est pas le même chiffre chez les hommes. Il y a un vrai impact à la retraite. Donc il ne faut pas être défaitiste, il ne faut pas être fataliste. On peut se sortir des situations, mais quand même les chiffres parlent. Il faut y faire attention et il faut en avoir conscience. Donc moi, ça m’a vraiment fait basculer dans un mode “OK, maintenant, on ne rigole plus, je suis plus juste, je vivote et je fais survivre mon entreprise”. Maintenant, j’ai un plan et je vais l’exécuter. Et j’adore, je trouve ça génial. J’apprends plein de choses. Vraiment, j’ai beaucoup d’ambition et j’adore apprendre, en fait. Donc là, maintenant, je m’ouvre sur le monde de l’entrepreneuriat. C’est pour ça que je fais cet épisode d’ailleurs.
Un dernier mot quand même. Croyez en vous si vous voulez changer de projet pro, mais entourez-vous comme il faut. Ne reculez pas devant l’adversité. Parfois, il y a plus de fausses croyances que de réels obstacles devant nous. Donc lancez-vous. Peut-être que l’aventure sera magnifique. Peut-être qu’il en ressortira des choses géniales sur les cinq prochaines années. Voilà. Merci de m’avoir écoutée, d’avoir partagé avec moi ce moment sur ma reconversion pro. J’espère que je ne vous ai pas trop perdu dans les dates.
C’est possible que je l’ai fait, je suis désolée. Mais il n’y a rien de linéaire dans l’entrepreneuriat, vous l’avez compris. Si j’avais dû vous raconter les quatre dernières années de salariat, ça n’aurait pas du tout été aussi complexe. C’est les quatre dernières années, j’ai passé quatre dernières années en CDI. Enfin pas les dernières d’ailleurs, les quatre années avant que je me lance dans l’entrepreneuriat en CDI. Il faut que je m’arrête.
Allez, prenez soin de vous.
On se retrouve vendredi et moi, je vais partir en vacances.
Ciao.