Ça fait des années que je voulais parler de ce sujet.
Parce qu’il est primordial.
L’amitié d’abord est primordiale à notre survie. L’être humain est un être social. Et j’en ai déjà parlé dans l’épisode 151, mais l’étude de plus de 80 ans menée par Harvard sur plus de 1300 personnes, montrent que le meilleur indicateur de notre bonheur, de notre santé physique et psychologique et de notre espérance de vie est directement liée au nombre d’amitiés proches que l’on cultive et de la qualité de nos relations familiales.
Donc l’amitié est ultra importante dans nos vies… surtout quand on devient parents pour espérer trouver ce fameux village dont on parle.
Sauf que c’est aussi le moment où on a potentiellement le moins de temps pour nourrir nos amitiés et où nos ressources physiques sont mises à rude épreuve !
L’équilibre est périlleux et pourtant essentiel !
Devenir parents bouscule nos amitiés, parce que la parentalité décale un peu, voire beaucoup, nos préoccupations.
C’est un sujet profond, intime, universel et complexe!
On a toutes et tous été d’un côté ou de l’autre.
Du côté de celui ou celle qui n’a pas encore d’enfants et qui voit ses amis devenir parents et potentiellement changer ou du côté de celle ou celui qui a des enfants en premier et qui vit un décalage assez intense avec le reste de ses ami•es.
Pour être honnête, j’ai la sensation que l’arrivée d’un enfant impacte de manière plus importante les femmes que les hommes.
Je n’ai pas trouvé d’études qui corroborent mon observation mais j’ai une petite idée de l’explication. (rapport à la charge mentale et au temps impartie pour le fun)
Alors est ce que l’amitié survit au chamboulement de la parentalité ?
Déjà j’ai envie de dire oui, mais ça prend du temps et ça demande des ajustements.
En fonction de quand on est devenus parents dans notre cercle amical, les ressentis peuvent être extrêmement différents.
Si par exemple vous avez créé un groupe d’amis à l’adolescence ou en étant jeune adulte, à l’approche de la trentaine (en général) et à l’arrivée des enfants, toutes les cartes sont rebattues.
Parce que vous aviez votre routine depuis des années et que le fait de devenir mère vous projette dans un nouveau monde, la qualité de vos amitiés peut d’un coup diminuer drastiquement.
Personnellement j’ai fait partie des premières et je me suis rendue compte à quel point je n’avais eu aucune considération pour l’expérience de ma première copine, Myriam, quand elle est devenue mère, à 25 ans.
J’avais d’autres préoccupations, j’étais autocentrée et incapable de comprendre les bouleversements qu’elle venait de vivre.
Encore une fois pardon Mymy…
Donc j’ai été une amie qui n’était pas à la hauteur.
Mais à 29 ans je me suis retrouvée dans sa position, mon monde a changé, explosé et quasiment toutes mes relations amicales en ont été bouleversées.
L’attention que demande un nourrisson, la fatigue, nos repères qui sont bousculés, l’allaitement, le baby clash parfois, amènent nécessairement à un ajustement de grandes ampleurs dans nos vies.
Moi je me sentais dé-connectée, en décalage et incomprise et je suis sûre que si vous demandez à mes ami•es, elles vous diront qu’elles ne me reconnaissaient plus vraiment et qu’elles n’ont pas compris ce qu’il se passait. Classique !
Par chance, une de mes meilleures amies est devenue mère quelques mois avant moi et on a pu, ensemble, se soutenir et sortir de notre isolement et ça nous a beaucoup rapprochées.
La vie que nous menons au 21e siècle accentue le sentiment d’être la seule à vivre une période intense ou difficile, un ressenti augmenté par la pandémie.
On déménage plus souvent, on est moins proches de nos familles et on passe plus de temps sur notre smartphone qu’à voir des personnes en vrai. Et ça nous nuit !
En France, le système n’est pas non plus propice à avoir un réseau solide autour de nous quand on devient mère, autre que nos amies de longue date.
Par exemple, il n’existe pas de groupes de nouvelles mères qui sont mises en relations via un•e professionnel•le de santé, comme cela peut être le cas en Norvège.
D’ailleurs la Norvège avait été élue meilleur pays pour être mère en 2015, et ce type d’organisation n’y est pas pour rien.
Pourquoi je parle de ces groupes de soutien ?
Parce que cela amène de la communauté, un sentiment d’appartenance fort et c’est une façon très efficace de tisser des liens avec d’autres femmes ou parents, quand on vit une matrescence +++ et qu’on a besoin d’être comprise.
Pour moi, il a fallu trouver une nouvelle façon de fonctionner avec mes amies. Je ne vous apprends rien, si je vous dis que vous n’avez plus le même temps imparti, si je vous explique qu’il n’est parfois pas simple de sortir comme avant, surtout quand on allaite, que parfois le manque d’envie est réel, parce qu’on est focalisé sur bébé.
Et qui en pâtit en bout de course ? Nos amitiés.
Pendant des années, oui des années, je n’ai pas su prioriser mes amitiés et ça m’attriste beaucoup.
Il y a une grande culpabilité quand on disparaît de son cercle amical et je me suis rarement sentie aussi nulle que quand je voyais mes amies continuer leur vie comme avant alors que la mienne était remplie de couches, de lait, de areuh de caca et que surtout j’aimais ça !
J’ai eu ces grands moments de vertiges à me demander si un jour j’allais retrouver ce que j’avais connu avant en termes d’amitié…
Alors, avec 3 enfants, clairement non.
Pour une raison simple, ce n’est pas la période de ma vie où j’ai le plus de temps et je l’ai accepté.
Pendant que j’ai été séparée, j’ai eu mes enfants 50% du temps et donc j’ai goûté à cette vie où j’avais énormément de temps à leur consacrer. C’était bon de pouvoir les voir, de compter sur elles. Mais c’était au détriment du temps que je ne passais pas avec mes filles.
Aujourd’hui, je suis à 100% avec elles et l’équilibre est dur à trouver. Même si quasiment toutes mes amies sont devenues mères entre-temps et ont compris cette organisation périlleuse, la culpabilité de ne pas être assez présente est encore là, la petite sournoise.
Je le redis, mais j’ai été nulle en termes de temps accordé à mes amies. Je n’ai pas su faire, j’étais coincée entre un taff où il y avait beaucoup de déplacements et un bébé qui avait besoin de moi, ensuite j’ai été happé par mes 2 filles nées très rapprochées et ce n’est qu’ après l’arrivée de mes 3 enfants que j’ai ressenti un immense besoin de passer plus de temps avec mes amies. Donc quasiment 5 ans après… ouch
Ce qu’il faut retenir c’est que l’amitié peut être dure à cultiver en tant que parents, surtout si on n’a pas les mêmes points de vue en termes d’éducation. Heureusement de mon côté ça n’a jamais été le cas. On est toutes sur la même longueur d’onde. Et je sais que ça évite bien des conflits.
7 ans après, mon plus grand défi c’est de faire rentrer mes amitiés dans un calendrier en mode tétris.
Je suis coupable de ne pas les prioriser, de refuser de sortir dîner parce que je suis trop épuisée, par exemple ce soir j’ai dû annuler un dîner parce que mon mari est absent et que je n’ai personne pour faire garder mes filles, ou de décliner parce que mon travail me prend trop de temps.
Mais il y a des rendez-vous que je priorise. Des weekends, des des soirées ou des déjeuners. Il n’y a plus cette légèreté d’avant bébé où on peut passer à l’improviste, il faut s’organiser parfois des mois à l’avance, mais je sais que mes amies sont là, présentes.
C’est en partie pour ça que j’ai voulu me baser sur la semaine de 4 jours dans mon travail, pour avoir une journée où je peux aller déjeuner sans souci avec l’une d’elle, où aller à un cours de sport.
Et je sais que c’est un privilège de pouvoir le faire.
L’arrivée d’un enfant peut mettre à rude épreuve vos amitiés, l’accepter c’est un premier pas, en parler c’est un deuxième et patienter est un troisième.
Le plus dur quand on a basculé dans la vie d’après, celles des parents, est de devoir jongler avec des emplois du temps intense et d’apprendre à faire de la place à ces moments plus rares mais privilégiés.
Et je finirai en disant que pour moi l’amitié est en fait le socle de ma parentalité.
C’est elles qui m’accompagnent, me font sortir le nez de ma vie de maman, m’aident à relativiser ou retrouver le fun de ma vie.
Alors merci à elles… perso j’ai trouvé mon village