Épisode 176 – Réapprendre à dormir, les clés pour comprendre son sommeil, Pr Pierre Philip

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Le sommeil est un sujet central des parents. En revanche, il est souvent tourné vers les problématiques liées aux enfants et très peu envers les adultes.

Connaître les mécanismes du sommeil et ce qui le rend efficace devrait faire partie de nos priorités. 

Notre capacité à dormir correctement dépend en grande partie de nos moments d’éveils et de ce qu’on choisit d’en faire.

Pr Pierre Philip est le pionnier dans l’étude du sommeil en France. 

Psychiatre, chercheur, chef de service de médecine universitaire du sommeil à Bordeaux mais aussi auteur. 

Il a notamment écrit “Réapprenez à dormir pour être en bonne santé“.

Pierre Philip vous apporte toutes ses dernières connaissances sur le thème du sommeil pour vous aider à comprendre comment vous fonctionnez face à vos besoins.

Quelles sont les bonnes pratiques ? Quels sont les piliers ? Que faut-il éviter ? Sur quoi se concentrer ?

Toutes les réponses à ces questions brûlantes sont dans l’épisode. Vous allez beaucoup apprendre sur un phénomène qui revient tous les jours dans notre vie et qu’on méconnaît encore!

LES LIENS UTILES

L’invité :
Pr Pierre Philip

Ressources : 
Réapprenez à dormir pour être en bonne santé, Pierre Philip

Application Kanopée, App Store
Application Kanopée, Google Play

Warm feet promote the rapid onset of sleep, nature.com, 02/09/99


TRANSITION DE L’ÉPISODE

Clémentine Sarlat : Bonjour, Professeur Philippe.

Pr Pierre Philip :  Bonjour.

Clémentine Sarlat : Bienvenue dans La Matrescence. C’est un podcast qui parle aux parents. Et donc, votre sujet de prédilection, c’est le sommeil. Et je pense que c’est le sujet central des nouveaux parents. Le sommeil, le sommeil des adultes. Ma première question, déjà, c’est pourquoi vous, en tant que médecin, vous êtes intéressé au sommeil ?


Pr Pierre Philip : Alors moi j’ai une formation de psychiatre et en fait à l’époque il y avait des interventions thérapeutiques ou des soins qui étaient assez médicamenteux et j’ai découvert qu’il y avait une formation sur la médecine du sommeil qui à l’époque était très très centrée sur l’insomnie ou sur les hypersomnies parce que dans ces temps anciens, le syndrome d’apnée n’était pas encore une préoccupation majeure, et donc je suis rentré par le biais des neurosciences et de la recherche en particulier que j’ai fait aux États-Unis à Stanford, et puis après j’ai été rattrapé par le succès de la médecine du sommeil, et je suis un des pères de la médecine du sommeil française, et donc c’est à ce titre que maintenant je suis chef du service universitaire de médecine du sommeil du CHU de Bordeaux.


Clémentine Sarlat :Est-ce que c’est venu aussi d’un problème personnel ? Est-ce que vous avez déjà eu, vous, des problèmes de sommeil et du coup, vous avez gratté ?


Pr Pierre Philip :Alors, c’est une très mauvaise idée de se soigner soi-même ou de se faire soigner par ses amis. Donc, je n’ai pas de problème de sommeil déclaré.


Clémentine Sarlat : Moi non plus. Personnellement, j’ai trois enfants, je n’ai pas de problème de sommeil déclaré.

Alors, est-ce qu’en 2024, la population mondiale en général a un moins bon sommeil qu’avant ? Est-ce qu’il y a un problème avec le sommeil dans notre siècle ?


Pr Pierre Philip : Alors, le premier problème, c’est que les enregistrements codifiés de sommeil sont relativement récents.
C’est-à-dire qu’on peut dire qu’il faut attendre 1980-1990 pour avoir des données codifiées. Ce qu’on sait, par contre, c’est que dans les 20 dernières années, on a énormément progressé sur le monitoring du sommeil. Et il y a un premier élément, qui est un élément de repérage qui est beaucoup plus présent, parce qu’on a créé dans plusieurs pays une spécialité de médecine du sommeil. Donc par le repérage et une augmentation de la prévalence des chiffres, parce que maintenant on les identifie alors qu’avant on ne les identifiait pas. Le deuxième élément, c’est qu’on a découvert de nouvelles maladies, comme les problèmes respiratoires du sommeil, qui sont assez récents, c’est des découvertes des années 80, à peu près, 70, 1970, 1980.


Donc ça, ça rajoute quand même 7 à 8% de la population générale touchée par ces maladies. Et puis ensuite, il y a des facteurs qui sont plutôt liés à ce qu’on appelle le stress psychosocial et plus globalement la santé du sommeil, qui fait que oui, effectivement, on est en droit de penser que nos comportements et nos modes de vie et l’environnement dans lequel on évolue ne sont pas propices à un meilleur sommeil. Donc on peut considérer qu’il y a un enjeu autour de l’éducation, autour du sommeil prioritaire à développer, en particulier dans le champ de la prévention des troubles mentaux.


Clémentine Sarlat : Dans le livre que vous avez écrit, vous le dites, on a perdu 1h30, c’est ça, en moyenne, de sommeil par rapport à ce qu’on devrait.


Pr Pierre Philip : Oui, alors bon, c’est des chiffres toujours, ça donne un petit peu des indicateurs par rapport à la réduction du temps de sommeil, mais il y a deux métriques importantes, c’est combien de temps vous passez au lit et ensuite combien de temps vous estimez dormir. Combien de temps vous passez au lit, c’est un assez bon marqueur de ce qu’on appelle la dette de sommeil, c’est-à-dire comportementalement, intentionnellement, vous privez de sommeil.

Et auparavant, on pensait que c’était une privation totale, continue, chronique.

Maintenant, on est en train de montrer que c’est un peu plus compliqué que ça, en particulier avec le mécanisme du jet lag social. On en reparlera, c’est-à-dire un décalage entre la semaine et le week-end.

Donc ça, c’est un mécanisme où les gens s’imposent, en fait, un déficit de sommeil.


Ça conduit plutôt vers un problème de somnolence, de mal fonctionnement, avec des perturbations aussi diurnes, s’il y a un problème chronobiologique associé, comme dans le jet lag.
Mais c’est complètement différent d’un autre pont qui est très présent, en particulier en lien avec la santé mentale, qui est « je n’arrive pas à dormir ». Et donc ça, c’est une plainte plutôt dite « insomniaque ».
Et ça, ça concerne beaucoup de gens. Sur une plainte installée, c’est-à-dire plus de trois jours par semaine et plus de trois mois, c’est à peu près 15 à 20 % de la population générale.


Si on considère une plainte de sommeil, c’est-à-dire juste « je ne suis pas content avec mon sommeil dans la semaine écoulée », le baromètre par exemple de Covidprev, qui est un baromètre qu’on a mis en place pendant le Covid, montre qu’il y a à peu près 60 % des Français qui disaient je ne suis pas content avec mon sommeil, quand il y en a 28% qui se trouvent anxieux et 18% qui se trouvent déprimés.
Donc il y a vraiment un baromètre sommeil, un peu comme la température avec l’échauffement climatique, il y a une élévation du niveau de plainte qui est très probablement liée à un défaut d’éducation sur la santé du sommeil et l’hygiène du sommeil.


Clémentine Sarlat : Ça tombe bien parce qu’aujourd’hui vous allez nous donner une petite masterclass, vous allez nous expliquer un peu les bases du sommeil déjà.

Est-ce que vous pouvez nous décrire, je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ne connaissent pas les phases de sommeil, à quoi ça correspond ? Comment est-ce que vous en parlez d’ailleurs ?


Pr Pierre Philip : Alors, avant de parler des phases du sommeil, je pense qu’il faut avoir une vision un petit peu, il faut dézoomer. Et donc ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en fait, la veille nourrit le sommeil et le sommeil nourrit la veille. C’est-à-dire qu’en fait, dans une période de 24 heures, On doit avoir un certain pourcentage de temps consacré au sommeil, et ce pourcentage de temps est massivement conditionné par l’éveil.

En d’autres termes, il faut avoir une durée d’éveil suffisante pour avoir atteint un seuil de pression homéostasique, on reviendra sur cette notion-là, de façon à faire une nuit continue.

Donc en fait, c’est un petit peu comme s’il y avait une roue qui tournait, et on remplissait et on vidait en permanence une espèce de jarre ou un vase.  
Et donc en fait, il faut un certain temps pour remplir la jarre, il faut la vider après dans un certain temps. Quand on la redresse, elle est vide et donc vous avez un maximum d’éveil, et puis plus vous remplissez, plus vous allez avoir sommeil.

Un des effets de perturbation, c’est-à-dire de vider en milieu de journée ou de re-remplir au milieu de la nuit la jarre, fait que vous n’avez plus à avoir une continuité du sommeil, donc vous allez avoir des éveils intra-nocturnes ou des difficultés à vous endormir, et c’est un grand pourvoyeur des plaintes de sommeil.

Donc en fait le premier message c’est de dire, pour avoir un bon sommeil, il faut avoir un bon éveil.


Clémentine Sarlat : Alors ça passe par quoi un bon éveil ?


Pr Pierre Philip : Alors ça passe par trois choses :

Une bonne durée de sommeil.

Une bonne qualité de sommeil.

Une bonne régularité de sommeil.

En fait, schématiquement, les gens se sont beaucoup obsédés par la durée. Les gens considéraient qu’il faut tant d’heures de sommeil, c’est un message assez simple. Mais en fait, ce dont on se rend compte, c’est que cette durée est massivement conditionnée par l’alternance veille-sommeil.

Derrière ça, le déterminant peut-être le plus important en ce moment dans nos sociétés, c’est la régularité. Et pas la régularité du coucher, contrairement à ce que nombre de journalistes peuvent dire, mais au contraire, la régularité de lever.
Parce qu’en fait, c’est à partir de l’heure de lever qu’on va conditionner combien d’heures on reste éveillé, et donc de combien on augmente la pression de sommeil.
Et c’est à partir d’un certain quota de pression de sommeil, à peu près 17 heures de veille pour l’adulte, qu’on atteint un seuil où on va avoir une initiation de l’endormissement et une continuité de l’endormissement.

Si vous avez moins d’heures de veille, vous pouvez quand même enclencher l’endormissement à cause de l’horloge biologique. Parce que votre horloge interne, elle va vous dire à une certaine heure, réveille-toi, et à une autre heure, couche-toi. D’accord?
Mais, mais, comme le réservoir n’a pas complètement été vidé, au milieu de la nuit, vous allez vous réveiller. D’accord? Donc, un bon sommeil, c’est vraiment la combinaison entre le bon timing de l’horloge, donc la régularité, une bonne durée d’éveil qui donc, par 24 heures, va conditionner une durée de sommeil.
Donc en gros, si vous faites 17 à 18 heures, ça vous fait 7 à 8 heures de sommeil de nuit, d’accord? Et puis une bonne qualité quand même, c’est-à-dire avoir un élément de couchage, des éléments thermiques, phoniques, qui sont propices à une bonne profondeur de sommeil, voilà.

Une fois qu’on a dit ça, qui couvre quand même une très grande majorité des plaintes.
Après, on peut discuter des phases de l’architecture du sommeil qui vont conditionner, par exemple, la survenue du sommeil lent profond, qui est le stade de sommeil qui va permettre, par exemple, de décharger la pression homéostasique.
C’est-à-dire qu’en fait, le sommeil lent profond, c’est… C’est un aspirateur à pression homéostasique, plus vous avez été éveillé longtemps, plus votre pression a été élevée, plus votre pression a été élevée, plus la nuit suivante vous allez faire un pourcentage élevé de sommeil en profond. D’accord?


Donc en fait il y a une régulation de l’architecture interne du sommeil qui est conditionnée aussi par l’éveil, c’est pour ça que c’est vraiment l’appropriation de l’alternance veille-sommeil, c’est vraiment la compréhension de ce qu’est un bon sommeil.


Clémentine Sarlat : Donc c’est une mécanique huilée, on ne peut pas les dissocier ces deux thèmes-là. Ça veut dire que mauvaise idée de faire une grasse mat’ ?


Pr Pierre Philip : Alors, je fais toujours cette analogie-là, c’est de vous rentrer dans une pâtisserie avec l’idée de vous acheter un éclair au chocolat. Et puis les éclairs ont l’air vraiment sympa, et vous n’en achetez pas deux, mais peut-être trois même. Au lieu d’un. Vous n’avez pas besoin caloriquement des trois éclairs.
La grasse mat’ c’est un peu pareil. Ça veut dire que schématiquement vous pouvez vous laisser aller, il y a des marges d’ajustement.
Vous pouvez vous donner une heure de plus par exemple et ça va aller.
Si par contre vous êtes obligé d’acheter deux éclairs au chocolat parce que vous êtes mort de faim ou en hypoglycémie ou vous évanouissez parce que vous n’avez pas mangé depuis 48 heures, ça c’est une très très mauvaise idée. Parce que ça veut dire que votre régulation glycémique elle est catastrophique.

Et donc un bon principe c’est de dire je vais me donner un timing régulier qui va faire que petit à petit, mon corps, par exemple, va plus avoir besoin de réveil. Parce que physiologiquement, tous les jours, à cinq minutes près, bing! Je vais me réveiller. D’accord?
Si vous avez besoin d’une grasse mat, ça veut dire qu’à un moment donné, vous avez besoin d’éteindre le réveil interne. Si vous éteignez le réveil interne, ça veut probablement dire que le calage entre la durée de sommeil et votre temporalité n’est pas optimal.
Sinon, normalement, vous devez vous réveiller tous les jours à la même heure.


Clémentine Sarlat : Ça veut dire que c’est une bonne indication que notre sommeil est plutôt en bonne voie si tous les jours on se réveille sans réveil, en fait.


Pr Pierre Philip : C’est le top. C’est le top.
Et donc, par voie de conséquence, généralement, quand vous réveillez à la même heure, vous avez statistiquement toutes les chances d’avoir envie de dormir à peu près aussi à la même heure. Ce qui n’est pas obligatoire en particulier si vous avez des plaintes d’insomnie. C’est pour ça que si vous avez des plaintes d’insomnie, ce n’est pas une bonne idée d’aller se coucher tous les jours à la même heure parce que ça va vous rendre folle, sauf à l’idée de sauter sur votre conjoint. Ou votre conjointe, selon vos tendances personnelles. Mais naturellement, par contre, se lever tous les jours à la même heure, ça c’est un élément d’entraînement biologique relativement simple à respecter, si on fait abstraction des considérations sociales, et qui par contre va avoir un effet extrêmement bénéfique sur la synchronisation de l’horloge et sur vos besoins.


Clémentine Sarlat : En fait, on s’est préoccupé de la mauvaise data, c’est-à-dire l’heure de se coucher, au lieu de se préoccuper depuis des… Des années sur l’heure de se lever. C’est ça, il faut qu’on change notre façon de voir le sommeil.


Pr Pierre Philip : En fait, on s’est beaucoup polarisé sur le besoin de sommeil et sur la nécessité de provoquer le sommeil. Or, le sommeil n’est provoqué que par la veille. Donc, si on ne prend pas en compte la notion de l’hygiène de veille, en fait, le sommeil, il ne vient pas sur commande. Si moi, je vous dis, cher ami, maintenant, faites au moins 15 minutes de sieste, vous allez me dire, mais le professeur Philippe est un malade mental, d’accord ? Alors que si je vous dis réveillez-vous à 6h du matin demain, vous allez y arriver. Pourquoi ? Parce que vous allez pouvoir contrôler le démarrage de la veille en interrompant le sommeil, par contre vous n’avez pas de mécanisme d’induction du sommeil. Intentionnel, j’entends. Pourquoi ? Parce que c’est conditionné par l’éveil.

 
Donc le bon message pour les gens, c’est de dire on va déjà se concentrer sur l’éveil, et si le sommeil vient pas, c’est pas trop grave, on ajustera parce que ça peut être lié au fait que votre horloge est un peu déréglée, ça peut être lié… Au fait que vous commencez à prendre de l’âge et que donc vos besoins diminuent. Ça peut aussi être lié à la saisonnalité. Par exemple, l’été, on a en moyenne besoin d’une heure de sommeil en moins par rapport à l’hiver. Et donc il y a un phénomène d’ajustement, un petit peu comme l’appétit. L’hiver, vous avez un peu tendance à manger un petit peu plus de cassoulet ou de confit de canard. L’été, c’est plutôt les salades tomates poivrons.
Donc il y a un ajustement physiologique, il y a une composante d’ajustement.


Ce qui est important, c’est d’avoir une certaine maturité de contrôle des rythmes pour que vous n’ayez pas une anxiété anticipatoire qui vous dit que vous êtes en train de perdre le sommeil.

L’HORLOGE BIOLOGIQUE


Clémentine Sarlat : C’est quoi l’horloge biologique, quand on parle de ce terme ?


Pr Pierre Philip : Au sein du corps humain, en fait, il y a plusieurs horloges. Il y en a une centrale qui est le noyau suprachiasmatique, qui schématiquement régule la production des grandes hormones, par exemple le cortisol pour vous réveiller ou la mélatonine pour provoquer justement des pics de minimum de température, qui conditionnent aussi la temporalité de l’épisode de sommeil. Mais il y a d’autres horloges, il y en a dans le foie, par exemple, il y en a dans le rein.


On en a même trouvé dans d’autres organes, donc c’est un mécanisme qui permet de donner une certaine cyclicité, en particulier sur des règles, alors c’est un physiologiste qui vous parle, mais sur des règles par exemple d’homéostasie, c’est-à-dire qu’il y a des mécanismes de compensation, alors la veille et le sommeil ça peut être perçu comme un mécanisme homéostasique, d’accord, mais par exemple l’hydratation et la déshydratation ou l’alimentation, le jeûne, c’est des mécanismes où votre cellule a besoin de consommer de l’énergie pour produire des protéines, et donc ça va se procéder sous une mécanique très organisée et avec une cyclicité.


La reproduction, par exemple, on parle à des parents, mais si vous voulez faire des enfants, il y a certains moments où vous pouvez faire des enfants, il y en a d’autres où vous ne pouvez pas, parce que vous n’avez pas aligné vos hormones avec le cycle de production adapté.

Tout ça, ça dépend d’une horloge.

Comme le sommeil est une fonction physiologique circadienne, Circa-proche dième-le jour, l’effet horloge est extrêmement sensible, parce qu’il y a vraiment une régularité qui se reproduit et qui s’associe au cycle jour-nuit classiquement, donc c’est vraiment un élément très très marquant.

Mais il y a par exemple une composante ultradienne, la menstruation chez la femme c’est 28 jours, c’est extrêmement codifié, régulier, à quelques ajustements près. L’alimentation aussi a quand même une certaine cyclicité, c’est-à-dire qu’on a faim de façon assez régulière normalement.


Donc, il y a ce besoin chez l’être humain d’avoir un peu un timing qui vous permet de vous ajuster à l’environnement. Et l’environnement, en contrepartie, vous propose des alignements.

On le verra après.

C’est pour ça que la lumière, par exemple, c’est un facteur majeur sur les rythmes veille-sommeil.


Clémentine Sarlat : Est-ce que dans cette horloge biologique, ce rythme circadien, on est tous égaux ? Est-ce qu’il y a des gens qui, génétiquement, sont plus du matin et donc ont un rythme décalé ou plus du soir ? Comment est-ce que ça se déroule ?


Pr Pierre Philip : Alors, le calage de l’horloge, ce qu’on appelle nous la typologie circadienne des individus, elle est déterminée par le génome. Et en gros, schématiquement, il y a 25% des gens qui sont du soir, donc ils vont faire leur déclaration d’impôt entre 21h et minuit, et puis il y en a 25% qui sont du matin, donc ils vont démarrer leur footing à 6h du mat, ce qui est une torture mentale pour moi. Et il y a à peu près le reste, 50%, qui vont faire la cuisine, les courses, le travail, des activités ludiques avec quelqu’un, entre les deux. Ça s’appelle les comportements intermédiaires. Quand on est très jeune, on a plutôt un phasage soir, et plus on avance dans le temps, plus on devient du matin. Et plus on réduit sa pression homéostasique.


Donc la voie de conséquence, c’est que schématiquement, plus on avance dans le temps, moins on va en boîte de nuit, plus on se lève tôt et moins on dort, ce qui est très injuste, parce que pour aller en boîte de nuit, c’est mieux de ne pas beaucoup dormir.


Clémentine Sarlat : Il va falloir inventer un nouveau concept où on fait la boîte de nuit l’après-midi, c’est ça ? Pour les gens plus âgés.


Pr Pierre Philip : Ça existe, ça existe.


Clémentine Sarlat : J’imagine bien. Mais donc ça, ça a une explication en tout cas. Le fait que plus on vieillit, moins on peut, on est capable, on a ce besoin de se coucher tard ou en tout cas cette capacité à le bien gérer, c’est ça ?


Pr Pierre Philip : Plus on vieillit, plus on a tendance à se lever tôt, effectivement. Et moins on a de pression de sommeil, donc ça peut être un phénomène de création de troubles du sommeil parce qu’on veut se coucher à peu près tous les jours à la même heure, voire même un peu plus tôt.

Et comme on a moins besoin de sommeil, bien entendu, on se réveille au milieu de la nuit.
En quelque sorte, si votre horloge vous dit que vous n’allez plus vous réveiller à 8h mais à 6h du matin, il faut se coucher à minuit.
Et les personnes âgées, à partir de 21h, elles disent j’en peux plus.
Donc il y a un peu un décalage entre le calage de l’horloge et les besoins en termes de pression homéostasique.


C’est un peu comme si le réservoir de la jarre d’eau diminuait de taille et donc ça contient moins d’eau.


Clémentine Sarlat : Et c’est la même chose pour les adolescents et les adolescentes. Typiquement, on leur met une étiquette qu’ils se lavent hyper tard, qu’ils ne font que dormir, mais c’est dû à leur développement et à leurs besoins physiologiques à ce moment là ?


Pr Pierre Philip : Alors sur la durée de sommeil, oui effectivement on pense que l’augmentation de la durée de sommeil chez le jeune enfant est liée à la nécessité de faire une programmation cérébrale et une des fonctions du sommeil c’est justement de pouvoir faire marcher des réseaux de neurones sans interaction avec l’environnement pour faire de la programmation neuronale, donc c’est des bases d’apprentissage, d’accord? Donc quand vous êtes petit vous apprenez plein plein de choses, d’accord? Il y a même des choses défendues quand on est petit qu’on apprend, par exemple l’érection, ou la turgescence clitoridienne chez les femmes que les petits bébés ont. En sommeil paradoxal, on se demande pourquoi. Une des hypothèses de Michel Jouvet, c’est de dire qu’il faut répéter à blanc, comme on dit.
Le sommeil paradoxal, ça permet de reproduire des comportements neuro-éthologiques.


Il y a aussi les expériences où il a détruit les neurones des chats et on voit les chats se battre. Ils répètent des comportements de survie, des comportements éthologiques pendant le sommeil. Il y a cette fonction-là.

Et puis, sur l’horloge biologique, alors au début, il y a une immaturité, parce que vous le savez bien, en tant que jeunes mères, les petits enfants, ils ont tendance à dormir par plusieurs cycles quand ils sont tout petits. Puis après, petit à petit, ils font deux cycles, puis après un seul cycle. D’accord. Mais il y a aussi cette temporalité, comme ça, du soir, qui est plus propice. Et en particulier à l’adolescence, il y a un pic qui fait qu’il y a pas mal d’adolescents qui souffrent de ce qu’on appelle un syndrome de retard de phase, qui est aggravé par les écrans et toutes les pratiques sociales.


Clémentine Sarlat : Le pic, c’est un pic hormonal, c’est ça ? Ça serait des hormones qu’on ne sait pas trop ?


Pr Pierre Philip : C’est probablement un conglomérat entre des phénomènes sociaux, une mauvaise hygiène avec une exposition aux écrans, une sollicitation intellectuelle et puis quand même toujours une vulnérabilité ou une typologie assez nocturne chez les ados.

A QUOI ÇA SERT LE SOMMEIL ?


Clémentine Sarlat : Ça sert à quoi en vrai le sommeil ? Parce qu’on dit que c’est la plus grande torture quand on dort pas, c’est utilisé dans les stratégies de guerre, donc à quoi sert le sommeil pour notre corps ?


Pr Pierre Philip : Alors, le sommeil initialement, on pensait que c’était une production du cerveau pour le cerveau. Et donc, les premières bases de la recherche, en particulier la découverte du sommeil paradoxal par Dement à Stanford et Jouvet à Lyon, posaient un peu le principe qu’en fait le cerveau a besoin de se structurer, de s’organiser en réseau, d’avoir des tâches qu’il doit accomplir hors de l’activation cérébrale d’ion. C’est-à-dire en interaction avec l’environnement.
Donc on est parti là-dessus, et puis en fait, dans les années 1990, 2000 et depuis, par la survenue de maladies comme le syndrome d’Amnésie, on s’est rendu compte qu’en fait, le cœur, le foie, les poumons, les reins, fonctionnaient de façon différente à l’état de veille et à l’état de sommeil. Et donc, quand vous basculez en sommeil, c’est l’ensemble de votre physiologie qui se transforme.


Donc par voie de conséquence, si vous privez de sommeil, ça vous rend pas que somnolent, mais par exemple,

  • ça vous rend vulnérable aux infections, donc ça altère votre immunité.
  • ça vous rend insulino-résistant, donc ça empêche l’entrée du glucose dans les cellules, donc ça favorise la prise de poids.
  • ça peut réduire la baisse de la fréquence cardiaque nocturne, donc ça va favoriser un risque hypertensif et
  • ça va créer un stress oxydatif qui favorise l’athérome dans le risque des maladies cardiovasculaires.

Et là, on a des éléments de plus en plus consolidés qui donnent à penser qu’aussi le manque chronique de sommeil, objectif, peut être un élément déclencheur de pathologies anxieuses et dépressives.

LE SOMMEIL SUR LA SANTE MENTALE


Clémentine Sarlat : Parce que c’est ça un des grands volets, vous êtes psychiatre à la base, c’est que le sommeil joue sur la santé mentale. Dans quelle mesure ça peut déclencher justement des troubles anxieux ou des problématiques liées au stress, le manque de sommeil chronique ?


Pr Pierre Philip : Alors c’est une question très compliquée. On va essayer de résumer pourquoi elle est compliquée. Alors elle est compliquée d’abord parce que la question c’est d’abord pourquoi on ne dort pas. Donc par exemple si vous avez une femme, ou un mari très très désagréable, c’est une bonne raison de créer un stress qui va vous créer des insomnies. D’accord? Donc le problème c’est pas le sommeil, c’est qu’est-ce qui fait que vous dormez pas.

Vous pouvez aussi avoir un syndrome d’apnée, par exemple, qui va fragmenter votre sommeil la nuit. Et par exemple, on sait que les patients bipolaires, ils ont deux fois plus de syndrome d’apnée que les patients non dépressifs. Et l’hypothèse, c’est que ça crée une inflammation centrale dans le cerveau. Et c’est cette inflammation-là qui est le mécanisme déclencheur des maladies mentales. Donc il y a une composante qui est une composante.
Pourquoi on n’a pas le sommeil ? Donc ça c’est tout l’enjeu du stress psychosocial.
Donc soit un stress agressif relationnel ou professionnel, soit aussi des stress chronobiologiques.
Par exemple le jet lag social c’est un très bon modèle. Nous on a publié il y a deux ans une étude où on montre que si vous variez de plus deux heures vos rythmes entre la semaine et le week-end, vous avez deux fois et demi plus de chances de contracter le Covid que si vous avez une bonne régularité.
Donc il y a une base, si vous voulez, biologique qui fait un lien entre la fonction restauratrice du sommeil et des déterminants de la pathologie mentale qui sont entre autres le stress oxydatif et l’inflammation de bas grade cérébrale, centrale, et d’autres composantes un peu plus compliquées, mais en fait, schématiquement, voilà.


Et après, il y a le contexte dans lequel on se trouve, puisque on a tendance à considérer maintenant que quand même le sommeil c’est un très très bon marqueur d’agressivité psychosociale et de risque de décompensation. Auparavant on avait un peu tendance à considérer que c’était une conséquence, je suis triste ou je suis anxieux et donc par voie de conséquence mon sommeil n’est pas bon.
Maintenant on commence à dire si on commence à perturber le sommeil ça nous rend assez vulnérables à la capacité à développer une anxiété ou une dépression.
Donc, vous voyez, c’est une question complexe parce qu’en fait, il y a deux points d’entrée.

Il y a je dégrade mon sommeil, j’accrois mon risque de santé mentale et j’ai une santé mentale dégradée, par voie de conséquence, j’ai une plainte insomniaque comme 90% des patients anxiodépressifs.


Clémentine Sarlat : C’est quoi le marqueur pour dire qu’il y a un trouble de sommeil ? Qu’est-ce qui fait que vous, comme vous avez un patient, vous dites, là, le sommeil est problématique ?


Pr Pierre Philip : Il y a deux façons de regarder le sommeil :

  • Il y a le sommeil de nuit et
  • Le niveau d’éveil de jour.

Donc une première façon c’est dire j’ai du mal à m’endormir, je me réveille la nuit ou je me réveille trop tôt sans me rendormir et j’ai une altération de la qualité du fonctionnement diurne. Ça c’est la définition du trouble insomnie primaire.
Il y a une autre dimension qui est je n’arrive pas à me maintenir réveillé. Par exemple je suis en train de faire un interview très intéressant avec une nouvelle journaliste que je viens de rencontrer, et pendant l’entretien, je m’endors. Ou je suis au feu rouge, arrêté dans mon véhicule, et je pique du nez et quelqu’un klaxonne derrière moi pour me réveiller, ou je suis en conférence et je n’arrive pas à suivre parce que je m’endors.


Donc c’est ces deux dimensions-là qui sont importantes à prendre en compte, et il faut bien faire attention en particulier sur la dimension diurne, à ne pas confondre la fatigue et la somnolence. Pour qu’il y ait un élément différentiel.

Donc pour rappel, la fatigue c’est la difficulté croissante à maintenir une tâche avec à terme un effondrement des performances, et donc le traitement c’est le repos.
Alors que la somnologie en excessive, ça a une conséquence un peu identique, c’est-à-dire c’est une pression de sommeil trop importante qui interdit les fonctions cognitives, mais le traitement, c’est le sommeil et pas le repos. C’est-à-dire la sieste.

Donc en fait, à ressenti identique, il y a beaucoup de gens qui viennent nous voir en disant je suis fatigué. Et puis quand on leur pose la question, on se rend compte qu’ils ne sont pas fatigués, qu’ils sont somnolents.


Clémentine Sarlat : Donc en gros, vous le dites, la sieste, c’est recommandé, mais pas dans tous les cas. C’est ça ?


Pr Pierre Philip : Alors la sieste, c’est recommandé si vous êtes très somnolent.


Clémentine Sarlat : Mais pas si vous êtes fatigué ?


Pr Pierre Philip : Alors, en tout cas, si vous êtes fatigué, la sieste n’aura pas de vertu thérapeutique.


Clémentine Sarlat : OK. Vaut mieux avoir un rythme où on a un réveil régulier et donc on récupère notre fatigue sur ces plages de nuit.


Pr Pierre Philip : Après, vous souvenez, il y a deux façons d’être somnolent.

La première façon, c’est qu’on ne s’attribue pas assez de sommeil.
Parce qu’on est en jet lag social ou parce qu’on est en dette chronique de sommeil, mais il y a une autre façon d’être somnolent, c’est par exemple j’ai un syndrome d’apnée du sommeil qui va fragmenter mon sommeil et donc malgré le fait que je dors huit heures, mon degré d’éveil ne va pas être suffisant parce que par exemple j’ai pas assez de sommeil lent en profond.
Ou je souffre d’une hypersomnie, c’est-à-dire mes neurones à orexines ont été détruits par une agression auto-immune, et donc j’ai plus la capacité à produire des systèmes qui me tiennent éveillé, et là je peux dormir 8h, 10h, 12h, 14h, je reste très somnolente.


Donc il y a aussi cette composante comportementale et organique sur lequelle il faut jouer pour identifier spécifiquement l’origine de la somnolence.


Clémentine Sarlat : Alors tout à l’heure dans ma première question je vous ai demandé de définir juste les phases de sommeil, est-ce que vous pouvez expliquer à quoi ça sert lent, profond, le paradoxal, la phase d’endormissement, latence, à quoi ça aide le corps à récupérer dans ces phases-là ?  


Pr Pierre Philip : Ok, alors bon, donc ce dont on parle là c’est les stades de sommeil, d’accord? Dans une nuit, il y a différents cycles de sommeil qui comprennent des stades de sommeil, schématiquement le sommeil lent léger, puis le sommeil lent profond, puis après le sommeil paradoxal, et au début de la nuit on fait beaucoup de sommeil lent profond, peu de sommeil lent léger, et très peu de sommeil paradoxal, et plus on avance dans la nuit, moins on fait de sommeil lent profond, plus on fait de sommeil paradoxal, et le sommeil lent léger sert un peu de phase transitionnelle, voilà.


Donc le sommeil lent profond, c’est sûr, ça sert par exemple à produire des hormones comme l’hormone de croissance pendant la nuit, ça sert aussi à faire de l’apprentissage et activer des réseaux neuronaux.
Le sommeil paradoxal, on est un peu embêté parce qu’on n’est pas encore sûr et certain de savoir ce que ça fait. Donc, une des hypothèses possibles, c’est que le sommeil paradoxal pourrait être rattaché à un apprentissage des schémas émotionnels. C’est-à-dire pas, j’apprends à faire du vélo, mais je me souviens du parfum de ma première compagne ou du goût de la madeleine que me faisait ma grand-mère, vous voyez, ou de la sensation que j’ai eue quand j’ai vu que j’avais eu mon bac. Voilà. Mais c’est pas complètement, complètement consolidé. La fonction du sommeil paradoxal est un peu mystérieuse.

 
Et après, très globalement, ce qu’on sait c’est que le sommeil lent profond et tous les mécanismes de compensation de la dette de sommeil, très probablement ils ont un rôle très très important sur tous les mécanismes de compensation de l’inflammation, de l’immunité, mais c’est plus globalement le fait justement d’avoir du sommeil consolide.

COMMENT AVOIR UN BON SOMMEIL ?


Clémentine Sarlat : Alors qu’est-ce qu’on peut mettre en place, en tout cas dans la journée, pour pouvoir avoir un sommeil optimal ? Vous avez parlé des écrans, est-ce qu’il y a autre chose ? La lumière du soleil ? Est-ce qu’il y a la nourriture ? Qu’est-ce qui fait qu’on va pouvoir s’endormir et avoir un sommeil réparateur ?


Pr Pierre Philip : Bon alors donc la première chose, on se souvient les trois piliers c’est durée, qualité, régularité.
La première chose c’est on se fixe un horaire de levée régulier. D’accord? Ça, ça va nous donner, en particulier en vacances, la capacité de déterminer son besoin de sommeil. Par exemple, il y a énormément de gens qui ne connaissent pas leur durée de sommeil. Mon post le plus vu sur mon compte Instagram pr.philip, c’est un million de vues, c’est « Quelle est la durée idéale de sommeil? La durée de sommeil, elle est génétiquement déterminée.
En gros, on peut dire 90% de la population dort entre 7 et 9 heures.
Donc déjà se lever à heure régulière et voir à quelle heure on a sommeil, se coucher et dormir, ça permet de dire j’ai besoin de 7h, j’ai besoin de 8h, peut-être j’ai besoin de 9h.


Donc ça c’est un premier élément important, bien connaître son besoin de sommeil, sa durée c’est important, ça se fait à travers la régularité. Donc régularité égale durée.

À partir du moment où on a ça, la durée, il ne faut pas qu’elle soit trop longue, parce que si on passe plus de temps au lit, on risque d’induire des éveils nocturnes, et si elle est trop courte, on se met en dette de sommeil.

Donc schématiquement je me lève à la même heure et en gros je me donne 17 heures d’éveil, c’est-à-dire en gros je dors entre 7 et 9 heures.


Le troisième élément c’est les éléments liés à la qualité du sommeil de nuit et là c’est tous les éléments perturbateurs, donc la température, la lumière, le bruit.


De plus en plus certains éléments toxiques, comme l’exposome, les particules fines, tous ces éléments-là, c’est de plus en plus identifié comme des facteurs d’agression.

Et puis après, il y a tout le mécanisme du schéma de comportement au cours de la veille, c’est-à-dire prendre des réseaux sociaux, s’exposer aux écrans, avoir une vie stressante, qui sont des éléments perturbants, mais qu’on subit un peu. Donc là, la marge d’ajustement est un peu plus compliquée.

C’est pour ça qu’en partant sur les principes physiologiques, ça rend notre corps plus fort, un petit peu comme quand on se muscle ou qu’on s’échauffe avant de faire du sport, ça rend notre corps plus fort et ça nous rend moins vulnérables aux effets justement du sommeil altéré, en particulier vis-à-vis du stress psychosocial.

Donc la première recommandation ça serait ça : c’est déjà avoir une bonne hygiène de sommeil.


Clémentine Sarlat : Mais non, c’est de maîtriser, surtout ce que vous dites, l’heure de lever et donc la fenêtre d’éveil durant le jour.


Pr Pierre Philip : Régularité, durée, qualité. Les trois.


Clémentine Sarlat : Et pour avoir un sommeil de qualité. C’est ça, surtout parce que vous le disiez, les écrans, qu’est-ce qui influence la qualité du sommeil ? Est-ce que le fait qu’on ait un partenaire ou une partenaire qui ronfle à côté de nous, ça peut nous perturber ou pas ? Est-ce que c’est un mythe ? Est-ce que le fait que la température, vous le disiez, il faut qu’elle soit basse, c’est ça ? Il faut pas qu’il fasse trop chaud ? C’est quoi tous les petits éléments qu’on peut faire, ou mettre en place en tout cas, pour optimiser au mieux ?


Pr Pierre Philip : Alors, prenons-le sous l’angle de la chambre à coucher.
Le premier élément de la qualité du sommeil, c’est déjà de n’y aller que pour deux choses, à savoir dormir et crac-crac.
Très important, parce qu’en fait c’est sérieux, en fait il y a un conditionnement cognitif et si vous allez dans la chambre cochée pour autre chose que ça, en fait vous pouvez déclencher en fait un trouble insomniaque.
Il y a beaucoup de gens qui se mettent sans se rendre compte dans le lit pour regarder la télé ou faire des choses. Donc le premier élément de qualité c’est déjà organiser une chambre qui va permettre de faire que dodo ou crac-crac.

Pas d’ordinateur dans la chambre, pas de bureau si possible, pas de bureau dans la chambre, vraiment se dédier à un espace où on va dormir.



Le deuxième élément comme vous l’avez dit c’est la température, donc idéalement 17 degrés.
Alors, 17 degrés mais possiblement avec une couette, une couverture lestée.
Ce qui va faire qu’en fait quand vous allez aller dans le lit, vous allez avoir une déperdition calorique très importante des extrémités, les mains, les pieds, le nez, les oreilles. Et cette perte calorique en fait c’est comme si elle agissait sur un petit bouton et qu’elle vous faisait switcher pour basculer dans l’endormissement. Ok?
Donc ça c’est un élément extrêmement important, c’est pour ça qu’il y a un célèbre article publié dans Nature qui dit « warm feet promote sleep », les pieds chauds permettent d’endormir souvent.

En fait, il y a certaines femmes qui dorment avec des chaussettes, et bien ça fait radiateur, ça vasodilate vos extrémités, donc vous perdez de la chaleur, et c’est ça qui favorise l’endormissement.


Il y a d’autres femmes, par contre, qui ont plutôt tendance à faire de la rétention thermique et avoir des pieds très froids. Et souvent, c’est le conflit majeur familial, c’est qu’on met les pieds sous les pieds de son conjoint qui dit « t’as les pieds froids! ». En fait, c’est une façon de réchauffer ses pieds et de favoriser son endormissement. Il y a la température globale plutôt basse et puis il y a les extrémités où il faut réduire, enfin, permettre la bascule thermique au rang de l’endormissement. `

Après, il y a un autre élément qui est très important, c’est la lumière.


Et donc sur la lumière en particulier, vous savez qu’on a basculé de lampes traditionnelles à lampes à LED, et donc il faut être très très vigilant à avoir des lampes colorées, jaunes, dans sa chambre à coucher, parce que souvent on ne fait pas attention, on met des LED blanches, et les LED blanches c’est très très puissant, c’est très évident.


Clémentine Sarlat : Donc par exemple si je veux lire un livre, au mieux je le lise en bas dans le salon que dans mon lit ?


Pr Pierre Philip : Sur.


Clémentine Sarlat : Ok.


Pr Pierre Philip : Sur et certain.


Clémentine Sarlat : D’accord.


Pr Pierre Philip : Donc lumière, et donc idéalement la chambre il faut qu’elle soit dans l’obscurité, complète.
Autre phénomène, le bruit, alors là ça dépend beaucoup des variabilités inter-individuelles aussi bien sûr, mais le bruit c’est un élément hyper important, et en particulier chez les gens qui ont une sensibilité cognitive élevée, il y a des gens qui entendent tous les bruits la nuit, Donc là aussi une chambre avec un niveau sonore bas, c’est important si besoin, boule de caisse si son chéri est un peu volumineux, sonore. Son chéri ou sa chérie, parce que ça peut aussi arriver aux femmes.


Clémentine Sarlat : C’est pas plus masculin quand même ?


Pr Pierre Philip : Alors, effectivement, il y a 40% des hommes qui ronflent, il y a 60% des hommes qui ronflent après 40 ans. Mais bon, comme les femmes boivent aussi de l’alcool et qu’elles ont tendance même à presque plus fumer que les hommes, la congestion nasale, c’est pas la panache exclusive du sexe masculin maintenant.


Clémentine Sarlat : Faire du sport avant de dormir, bonne ou mauvaise idée ?


Pr Pierre Philip : Ça dépend lequel, comme on a dit. Donc crac-crac, excellente idée. Il y a des publications qui montrent que c’est un inducteur de l’endormissement. Plutôt chez les hommes, un peu moins chez les femmes, et globalement très très bonne idée.

L’activité physique soutenue, c’est plutôt un élément perturbant. D’ailleurs, on recommande dans des cas assez précis où il y a des gens qui ont vraiment besoin de s’entraîner, des sportifs ou des choses comme ça, on leur recommande de prendre de la mélatonine, parce que la mélatonine, elle a un facteur d’abaissement de la température corporelle, ce que les gens ne savent pas toujours. Ils pensent que la mélatonine, ça agit plutôt pour recycler le timing, mais c’est aussi une molécule qui abaisse la température. Et donc, ça peut être une façon de combattre l’élévation thermique.

Donc, le sport, le soir, de façon prolongée, mauvaise idée.
En plus, souvent, ça se fait à plusieurs ou ça se fait dans un environnement où il y a une stimulation lumineuse, si vous courez dans la rue ou des choses comme ça. Donc, ce n’est pas super top pour le sommeil. Même si beaucoup de gens pensent qu’il faut se fatiguer quand on a un insomniaque pour dormir, c’est une très, très mauvaise idée. Il y a plein d’autres façons très agréables de se fatiguer, mais surtout pas en courant comme un malade et en élevant sa température corporelle.


Clémentine Sarlat : Ou alors, il faut le faire le matin, c’est ça? Dans ces cas-là.


Pr Pierre Philip : Alors si bien sûr si vous voulez faire du sport le matin ça va faire exactement l’inverse que le sport le soir c’est à dire ça va caler votre horloge sur le matin donc ça va privilégier, ça va renforcer votre capacité à vous réveiller le matin et ça va plutôt effectivement vous mettre dans une dynamique plutôt sujet du matin donc favoriser un endormissement un petit peu plus précoce mais surtout ce que ça va faire c’est que ça va vous donner du rythme. Un des messages que vous pouvez délivrer à vos auditeurs, c’est que le sommeil c’est…


Clémentine Sarlat :  La régularité et du rythme.


Pr Pierre Philip : Plus vous faites de la régularité, tout ce que vous faites, si vous le positionnez aux mêmes heures, il y a des échelles, là je suis en train de beaucoup travailler là-dessus, mais il y a des échelles assez marrantes sur à quelle heure vous réveillez, à quelle heure vous avez le premier contact social, à quelle heure vous arrivez au travail, et c’est des déterminants de santé mentale incroyables.


Clémentine Sarlat : Le fait qu’on soit tout le temps dans de la régularité, qu’on ait un rythme, qu’on soit cyclique, donc ça fait que le corps assimile qu’on est dans quelque chose de régulier et il aime ça.


Pr Pierre Philip : Oui.


Clémentine Sarlat : Dans votre cas, ça serait à partir de quel âge auquel l’enfant peut avoir un sommeil monophasique?


Pr Pierre Philip : C’est pas mon cas, malheureusement, c’est la physiologie humaine. Donc en gros, schématiquement, à partir de un an et demi, on commence à avoir un sommeil nocturne installé, avec un besoin d’une sieste, d’accord? Ça peut durer jusqu’à deux, trois ans, mais en fait, schématiquement, de zéro à six mois, on est encore dans un schéma polyphasique, d’accord? Qui d’ailleurs s’installe assez rapidement, parce qu’il y a énormément de parents qui nous disent « moi j’ai pas de problème avec mes enfants, parce que on les met au lit. S’ils se réveillent, ils sont dans un climat non anxiogène, ils se réveillent et puis ils se rendorment.


Clémentine Sarlat : Mais donc, avant six mois, c’est logique qu’ils aient un sommeil polyphasique. Après, jusqu’à un an et demi, jusqu’à trois ans à peu près.


Pr Pierre Philip : Enfin, jusqu’à un an, on peut dire que de toute façon, ils vont avoir des épisodes de sommeil dans la journée sans problème. Donc, il sera polyphasique.


Clémentine Sarlat : Oui, ils ont la sieste.


Pr Pierre Philip : La nuit, on va se concentrer sur la nuit. De zéro à trois mois, la nuit au début, c’est le grand casino. Donc au début, le premier mois, ils vont se réveiller quatre fois la nuit, d’accord? Puis après, ils vont se réveiller, il va y avoir deux épisodes ou trois épisodes, puis après… Et là, un an, normalement, on peut espérer avoir un épisode, d’accord? Mais il y aura toujours un épisode le jour.


Clémentine Sarlat : Oui, il y a la sieste, c’est ça que vous dîtes.


Pr Pierre Philip : Et après, jusqu’à trois ans, et après, à partir de trois ans, voire cinq ans, on peut dire, bon, on supprime l’épisode de jour. Le moins il y a de sommeil de jour, le plus le sommeil de nuit est consolidé.


Clémentine Sarlat : Alors ça, pour avoir une fille qui est en petite section de maternelle, c’est compliqué puisqu’on leur fait faire la sieste en petite section de maternelle et on le voit bien quand on est en vacances avec ces enfants-là qui ont 3-4 ans, on leur fait plus faire la sieste, ils dorment super bien la nuit ou en tout cas ils s’endorment en deux secondes. Et quand on les récupère de l’école où ils ont fait une heure et demie, on se retrouve avec des couchers qui durent hyper longtemps parce qu’ils ne sont pas fatigués en fait.
Donc là, ce n’est pas adapté au rythme de l’enfant.


Pr Pierre Philip : Alors, en fait, ce que vous pouvez faire, c’est comprimer un peu le sommeil nocturne si votre enfant fait des siestes dans la journée, c’est-à-dire aller le coucher un peu plus tard.


Clémentine Sarlat : C’est compliqué quand on a plein d’enfants, mais de se dire, celui-là, cet enfant-là qui fait la sieste à la maison ou à la crèche plutôt ou à l’école, on va le mettre au lit plus tard. Mais nous, en tant que parents, le fait qu’on soit impacté par leur réveil, ça crée à long terme des problématiques de sommeil. C’est ça qu’on n’aurait pas forcément eu avant. On installe quelque chose.


Pr Pierre Philip : Après, ça dépend de votre profil génétique, ça dépend de votre antériorité, ça dépend de votre sexe.
Vous savez, il y a deux femmes insomniaques pour un homme, donc c’est une maladie très fortement féminine, l’insomnie.
Après, il faut rassurer les mamans. Il ne faut pas leur dire que si elles ont quelques troubles du sommeil pendant les six premiers mois de la naissance de leur enfant, ce n’est pas pour ça qu’elles vont devenir abonnées aux hypnotiques à vie.

Le grand principe, c’est de permettre à l’enfant de sentir rassuré. Dans le contexte du sommeil, d’identifier s’il y a des facteurs organiques qui pourraient expliquer ces éveils comme des maladies associées, un reflux gastro-œsophagien ou autre, donc il faut être attentif. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que le comportement des parents est une énorme source de plaintes de sommeil chez l’enfant. Ça on le sait.
Donc il faut être protecteur vis-à-vis de ça.


Clémentine Sarlat : Est-ce que génétiquement il y a des enfants qui dorment mieux que d’autres ? Moi j’ai trois enfants, clairement ils n’ont pas du tout le même sommeil.
Il y en a une qui a vraiment des problèmes de sommeil, les autres c’est pas problématique. Est-ce que c’est lié à elle-même qui est comme ça ou c’est lié à nous les parents au comportement ?


Pr Pierre Philip : Alors c’est une question un petit peu compliquée.


Clémentine Sarlat : Oui parce que vous n’avez pas… Non mais je veux dire, est-ce que de manière générale, il y a comme nous chez les adultes, ils sont juste différents.


Pr Pierre Philip : De manière générale, pour répondre à votre question, les longs dormeurs font plutôt des longs dormeurs, les petits dormeurs font plutôt des petits dormeurs, d’accord? Ça c’est assez général, d’accord? Bon, après, vous pouvez avoir un mari qui est roux aux yeux bleus et vous pouvez avoir des enfants bruns aux yeux marrons, d’accord? Et puis, vous pouvez aussi avoir un enfant roux aux yeux marrons, un enfant roux aux yeux bleus et un enfant brun aux yeux bleus.

Donc, la distribution génétique, elle est, comme vous le savez, quand même dans une certaine dimension aléatoire. Et donc, ça crée des profils différents.


Clémentine Sarlat : Et ça peut être la même chose avec le sommeil, qu’il y ait des profils différents.


Pr Pierre Philip : Absolument, oui.


Clémentine Sarlat : Donc, des enfants pour qui c’est plus problématique que les autres.


Pr Pierre Philip : Mais schématiquement, Il y a quand même des tendances.


Clémentine Sarlat : Ok. Et c’est là où on regarde les parents ?


Pr Pierre Philip : Alors, on regarde toujours les parents d’abord, parce que la naissance d’un enfant et l’accueil dans la famille d’un enfant, c’est un événement perturbant, entre parenthèses, en termes de régularité et de chronobiologie. Donc on regarde les parents pour savoir si eux vont bien, et on regarde les parents aussi pour voir si la relation parent-enfant est adaptée par rapport aux besoins de l’enfant.


Clémentine Sarlat : Qu’est-ce qu’on peut mettre en place quand on a de l’insomnie? Par exemple vous dites on s’est couché trop tôt et du coup pendant deux heures on est réveillé la nuit. Est-ce que pendant ces deux heures là il faut absolument essayer de se rendormir ou on fait une activité qui nous aide à gérer cette insomnie ? Qu’est-ce qu’on peut mettre en place ?


Pr Pierre Philip : Alors la première chose c’est si on a une plainte insomniaque qu’il faut faire un bilan de son hygiène du sommeil. Donc on a développé une application gratuite qui s’appelle Kanopée avec un K. Qu’on peut télécharger gratuitement sur l’Apple Store ou le Google Store, cette application là, ça a déjà la vertu de vous permettre de faire un agenda de sommeil et de repérer la régularité, la durée, la qualité de votre sommeil, ce qui va vous donner des indicateurs, vous voyez, Ça c’est la première chose, parce que 75% des gens qui ont des plaintes insomniaques, souvent ils ont une mauvaise hygiène du sommeil, et la correction de l’hygiène du sommeil va massivement améliorer le sommeil de ces gens.
Donc premier message, primo non nocere, on repère l’hygiène du sommeil.
Après le deuxième élément, c’est bien entendu éliminer des causes qui peuvent rendre compte de l’insomnie : Vous venez de divorcer, vous avez perdu un être cher, vous avez été licencié, vous pouvez avoir des facteurs de risque qui vont provoquer une insomnie par le biais d’un trouble psychiatrique.

Donc il faut éliminer la présence d’un trouble psychiatrique.
Troisième élément, tous les facteurs qui vont perturber votre sommeil, c’est-à-dire bouger les jambes la nuit, avoir des agitations des membres, par exemple s’allonger les jambes sans repos, ronfler, s’arrêter de respirer, ce sont des éléments qui peuvent perturber significativement le sommeil.


Donc ça c’est aussi un élément à repérer, les centres de sommeil comme le mien ça sert à ça, c’est de dire est-ce que par hasard vous n’auriez pas une maladie et donc on vous enregistre, on vous colle plein d’électrodes sur la tête, sur la poitrine, on regarde comment vous respirez, comment vous dormez, à partir de là on fait des diagnostics de maladies organiques du sommeil.
Après avoir éliminé les causes psychiatriques. Et après, si tout ça est au vert, s’il n’y a pas ces problèmes-là, ça peut être une insomnie primaire, qui est une insomnie qui est développée, c’est une maladie en propre, sur laquelle des thérapies cognitives ou comportementales peuvent aider.


Dans Kanopée, on a mis en place des thérapies autonomes informatiques, qui jouent plutôt sur les schémas de veille-sommeil, sur la régularité, le temps passé au lit, sur lequel on a une efficacité assez remarquable. On peut faire gagner une heure de sommeil ressenti pour les gens.
Et puis, si ça ne suffit pas, s’il y a des enjeux cognitifs ou un besoin d’accompagnement associé, on peut aussi venir nous consulter dans les centres de sommeil, en sachant que c’est un peu plus compliqué, un peu plus long, mais les centres de sommeil sont habilités à prendre en charge l’insomnie.


Clémentine Sarlat : Et par exemple, on parlait à la date des parents, on est réveillé une fois par un enfant qui a eu ses dents, qui a eu mal, et on n’arrive pas à se rendormir. Ça, pour vous, c’est un signe d’insomnie ou normalement, on est censé pouvoir se rendormir quand il y a eu un micro-réveil ?


Pr Pierre Philip : C’est comme si vous disiez, un jour j’ai moins de soif, est-ce que ça va ?


Clémentine Sarlat : Si, c’est chaque fois qu’il y a des micro-réveils. Qu’on est perturbé, que ce soit le ronflement de notre conjoint ou une sirène qui nous réveille en permanence, qu’on n’arrive pas à… Je sais pas comment dire. Vous avez cette sensation des fois où on a l’impression qu’on n’a pas dormi, qu’on a somnolé en permanence. Est-ce que ça c’est considéré de l’insomnie ? Est-ce que c’est un trouble du sommeil ?


Pr Pierre Philip : Alors l’insomnie c’est j’arrive pas à m’endormir, je me réveille la nuit ou alors je me réveille trop tôt sans pouvoir me rendre dormir. Ok. D’accord? Bon.
Après, ce que vous décrivez là, c’est ce qu’on peut appeler l’hyper-éveil. C’est-à-dire, il y a des gens qui entendent tous les bruits, il y a des gens qui ont l’impression qu’ils n’ont pas eu un sommeil assez profond, ou qu’ils ont été éveillés au cours de la nuit. Ça rentre dans la catégorie des plaintes de sommeil. Donc, si ça devient invalidant, si ça impacte votre fonctionnement, si vous êtes fatigué, ça peut être un élément important à prendre en charge.


Clémentine Sarlat : Donc c’est vraiment une différence entre les plaintes de sommeil, donc c’est tout ce qui est autre que l’insomnie?


Pr Pierre Philip : Non, les plaintes de sommeil c’est les mêmes plaintes que l’insomnie mais c’est moins fréquent, c’est pas installé trois nuits par semaine depuis trois mois, ça n’a pas le même impact diurne, d’accord? Donc c’est un élément si vous voulez premier par rapport au développement chronique d’une maladie.


Clémentine Sarlat : Donc le sommeil c’est un enjeu capital, il faut avoir de l’éducation autour de ça.
Vous trouvez qu’aujourd’hui, on arrive à faire passer des messages un peu plus forts à la population ou il reste encore beaucoup de chemin à faire ?


Pr Pierre Philip : Alors, vous savez, Rome ne s’est pas fait en un jour. Donc, je pense que le fait qu’on se retrouve cet après-midi pour faire cet enregistrement-là prouve qu’il y a une sensibilisation des pouvoirs publics et puis des réseaux sociaux, des médias. Ce qui est certain, c’est que dans la prise en compte par les pouvoirs publics, on a bien traité l’enjeu de l’activité physique, on a bien traité l’enjeu nutritionnel, on est en retard sur les enjeux de promotion de la santé liée au sommeil.
Donc là, s’il y a vraiment un combat à mener, c’est vraiment cette promotion de la santé liée au sommeil. Pourquoi ? Parce qu’on voit que ça profite à la cardiologie, au métabolisme, à la psychiatrie, à l’infectiologie. C’est vraiment tout gagnant.


Développer ça, bouger, manger, dormir, qui est le cycle de la journée du sommeil qui va avoir lieu dans une semaine, c’est un assez bon résumé de comment cette fonction physiologique est aussi importante que, par exemple, l’alimentation.
Après, on évolue beaucoup aussi dans les connaissances, et donc on a encore beaucoup de choses à découvrir dans le sommeil, mais on sait maintenant assez certain que c’est très très difficile d’être en bonne santé avec un mauvais sommeil. Donc je pense que c’est le message à retenir, si vous voulez être en bonne santé, il faut vous débrouiller pour avoir un bon sommeil et si vous n’y arrivez pas tout seul, n’hésitez pas à aller voir des spécialistes.


Clémentine Sarlat : Merci beaucoup professeur, c’était passionnant.


Pr Pierre Philip : Merci à vous.


Clémentine Sarlat : J’espère qu’il y aura d’autres avancées, que vous aurez d’autres découvertes, ce que vous disiez, que l’on ne sait pas encore, le sommeil paradoxal par exemple, j’imagine qu’il y a plein de champs de recherche qui arrivent.


Pr Pierre Philip : Et puis il y a plein de champs de recherche thérapeutiques aussi, on va avoir de plus en plus de compréhension des mécanismes d’action pour développer de nouvelles molécules, voire traiter les maladies, par exemple il y a des recherches pour traiter médicalement avec des médicaments, le syndrome d’apnée du sommeil, il y a de nouvelles drogues éveillantes aussi extraordinaires qui sont en train d’arriver là sur le marché. Ou en phase d’essai. Le sommeil est un champ extrêmement prometteur.

Clémentine Sarlat : Merci beaucoup.


Pr Pierre Philip : Merci à vous.

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