Je sais, le titre fait peur.
C’est fait exprès.
On a été biberonné depuis une décennie par la liberté qu’offrait l’entreprenariat au féminin avec des codes de girl boss, avant de s’intéresser, 10 ans plus tard, en profondeur, aux impacts économiques et sociaux que pouvaient avoir ce statut pour les femmes et plus précisément les mères.
Dans cet épisode, Estelle By, avocate spécialisée en entrepreneuriat au féminin, vous explique l’importance du statut de votre entreprise et des protections qui en découlent.
En mettant un pied dans ce monde génial mais tout aussi difficile de l’entreprenariat, on omet souvent de regarder sur le long terme les répercussions de nos choix.
Et on fait parfois l’impasse de s’éduquer sur l’aspect financier de notre secteur.
Avoir un enfant bouscule notre vie pro et donne parfois l’envie de prendre notre envol pour se lancer à son compte en sortant du salariat.
Mais est-ce une si bonne idée ?
Estelle est très claire sur les problématiques qu’engendre la micro entreprise mais aussi les effets d’une pause maternité lorsqu’on prend son congé maternité.
Il faut être prête à connaître les risques et surtout apprendre à anticiper et voir cette vie d’entrepreneuse comme un choix de vie de famille pour celles qui sont en couple, et non une décision unilatérale.
Faites passer cet épisode à toutes vos copines qui se sont lancé dans ce monde extraordinaire mais tout aussi complexe.
LIENS UTILES :
Estelle By, avocate en droit des affaires
TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE
Clémentine Sarlat : Salut Estelle!
Estelle By : Bonjour Clémentine.
Clémentine Sarlat : Bienvenue dans le podcast de la Matrescence.
Estelle By : Merci. Moi, je suis très contente que tu me reçoives sur le podcast, en tous les cas.
Clémentine Sarlat : J’ai hâte d’avoir cette conversation parce que je sais qu’elle va aider plein de femmes, qu’elle est utile. Et ma première question, c’est pourquoi tu as voulu devenir avocate?
Estelle By : Alors c’est pas une vocation, tu vois, parce que je pourrais te dire “non mais en fait j’ai toujours voulu faire ça”, tu sais, t’as toujours sur les métiers un peu comme ça, pour défendre des causes et tout, parce que je pense qu’il y a une nature profondément généreuse et un peu altruiste en fait dans cette typologie de métier. Moi c’était pas du tout ça. Moi je suis un peu tombée dedans par hasard. En fait, moi je suis première génération d’enfants immigrés, donc je suis née en France. Mes parents sont arrivés en France en 79. Et après, si tu veux, il fallait absolument réussir à l’école. Donc voilà, moi j’ai fait des études quand même relativement prestigieuses. J’ai fait Louis-le-Grand et après j’ai intégré la fac, à Assas. Et donc après, c’est faire des bons métiers parce qu’enfant d’immigré. Voilà, donc c’est pour ça que je suis devenue avocate. Et au final, c’est quelque chose qui me plaît profondément aujourd’hui.
Clémentine Sarlat : Ah oui, tu penses que c’est la pression familiale parce qu’il y a cet héritage et les risques que tes parents ont pris pour venir et changer de vie, fait que ça donne une impulsion pour la carrière, pour les enfants de première génération.
Estelle By : Pour moi, oui. Je ne sais pas si toi, tu as eu l’occasion d’en interviewer. Mais il y a quand même un… C’est une pression mais après c’est à toi derrière de trouver un peu ta voie et conseiller les gens. Et des gens au final tu vois je me suis rendu compte qu’au fur et à mesure c’était quelque chose qui me plaisait beaucoup donc au final je suis plutôt contente surtout qu’au niveau de ma carrière en fait j’ai fait à un moment un saut entreprise Donc j’ai fait, au début de carrière, en fait, 6 ou 7 années dans un cabinet. Après, je suis partie côté entreprise. Donc là, forcément, tu conseilles le CoDir, l’EDG. Donc là, c’est très, très cool aussi. Mais c’est d’autres problématiques. Et aujourd’hui, je me suis remise à mon compte et j’aide plus précisément des entrepreneures, avec un E – ou bien des entrepreneuses. Donc je ne sais pas, ça dépend de si tu veux dire entrepreneuse ou entrepreneure avec un E. Voilà.
Clémentine Sarlat : Et quand t’es devenue avocate, tu as tout de suite voulu aller dans l’aspect business juridique et dans la structuration des sociétés, ou c’est venu après?
Estelle By : Oui, alors j’ai un rapport un peu particulier par rapport à ça. En fait, ce qui était relatif au pathos me gênait profondément. Tu vois, typiquement, gérer du divorce avec des couples qui doivent, en fait, un peu… Qui se tapent dessus. Et les pleurs, le rôle un peu de psy, très bizarrement en fait, c’était pas quelque chose de prime abord qui pouvait m’intéresser et moi c’était pas du tout ça que je veux faire.
Mais après… c’est très drôle parce que maintenant je me rends compte qu’aujourd’hui on est des entrepreneuses. Je me retrouve souvent dans des histoires aussi de famille, donc de ce qui se passe dans le couple, de comment, s’ils ont des projets d’enfants ou pas, parce que clairement il y a des impacts sur leur manière d’entreprendre, sur le rythme qu’elles doivent donner à l’entrepreneuriat, qu’elles vont mettre en place au final, parce que c’est un peu en fonction de ce qui se passe chez toi, et je me retrouve finalement un peu rattrapée par, tu sais, la première idée de ne pas vouloir les aider et de ne pas connaître leurs histoires personnelles. Parce qu’il y a un sujet, c’est que quand on entreprend, au final, c’est gagner des sous pour pouvoir bien en vivre, mais sur la partie personnelle.
Voilà, donc c’est pour ça que c’est assez… Enfin moi je trouve ça assez intéressant. Et je pense qu’aujourd’hui j’ai un peu fait la paix par rapport à ça et c’est pour ça que aussi… et par ailleurs que je trouve en réalité hyper important parce que tes motivations quand tu entreprends en fait qu’est-ce qu’elles sont au final? C’est de peut-être mieux travailler dans des meilleures conditions pour pouvoir mieux profiter de la vie avec tes enfants, ton mari, etc, etc. Voilà.
Clémentine Sarlat : Du coup tu as été gratter derrière l’humain.
Estelle By : Exactement ! Mais je pense qu’en fait tu es meilleur avocat quand tu vas gratter l’humain. Parce qu’il faut que tu comprennes les motivations profondes de ton client. Sinon je pense que tu comprends pas au final ce qui se passe chez ton client, quels sont ses enjeux, qu’est-ce qui est intéressant au final pour elle ou pour lui. Et au final, oui j’ai fait la paix avec la partie un peu plus humaine du métier, au final.
Clémentine Sarlat : Pourquoi est-ce que tu as fait ce gap une fois que tu es partie de l’entreprise dans laquelle tu travaillais, de te mettre à ton compte et de te spécialiser dans l’entreprenariat au féminin?
Estelle By : Ok. Alors ça, c’est une question qu’on me pose souvent. Alors en fait, ce qu’il faut savoir, c’est que moi, je suis avocate d’affaires. Et pour être plus précise, je faisais tout ce qui était M&A, rachat d’entreprise, restructuration d’entreprise, levée de fonds. Donc là aider des startuppers à lever des millions pour que derrière en fait ils puissent travailler sur leurs projets pendant x temps. Voilà j’ai fait tout ce qui est fusion. Des opérations quand même assez lourdes et en fait je me suis posé à un moment la question de savoir : en fait c’est hyper bizarre ça fait dix ans que je travaille, comment ça se fait que je n’ai jamais aidé de femmes? En fait j’avais jamais eu de clientes (avec un E, évidemment), pour les accompagner, pour les aider à devenir plus riches.
Parce qu’en fait, le droit, c’est ce qui va te permettre, on va dire à un moment ou à un autre, à la fois de protéger tes intérêts quand tu es entrepreneur.e, mais aussi la partie plus optimisation de comment tu fais pour ne pas te faire assassiner au niveau de tes cotisations sociales ou bien de tes impôts et pour gagner encore plus d’argent. Et en fait, je trouvais ça très bizarre dans mon exercice de n’avoir jamais eu l’opportunité d’aider des femmes. En fait, tout simplement, c’est en fait en me posant des questions, en me demandant “mais attends, mais comment ça se fait? Moi, ça fait dix ans que je travaille, j’aide plein d’hommes à racheter des boîtes pour quelques millions. Et ensuite, après, je suis proche CoDir, j’aide l’EDG, c’est un homme. Et en fait, dans le CoDir, il n’y a pas de femmes, c’est que des hommes”. Et voilà, donc en fait c’est un peu ces interrogations qui m’ont fait me dire “bon bah pourquoi pas aider des femmes aujourd’hui en étant à mon compte”.
Clémentine Sarlat : Ça a été galère les débuts? Parce que justement l’entrepreneuriat au féminin on le sait, statistiquement il y en a moins donc il faut trouver des clientes. Est-ce que tu vois une évolution depuis sept ans, c’est ça que tu fais ça?
Estelle By : Non, alors moi, ça fait depuis… En fait, je me suis installée en 2020, au moment du Covid. C’est ça. Et est-ce qu’il y a une évolution? Je pense que oui, quand même. Mais tu vois, je trouve que l’entreprenariat féminin, pardon, c’est quelque chose d’assez récent, au final. Les jeunes générations ont moins de difficultés à se lancer. Après, là où est-ce que c’est vrai qu’il y a une différence qui est très forte, c’est que typiquement, par exemple, les femmes vont moins s’associer. Moi, c’est un peu ce que je remarque. Est-ce que c’est difficile d’avoir trouvé des clients? En fait, au final, pas trop, parce que je pense qu’elles ont besoin qu’on les comprenne. Tu vois, les motivations sont un peu différentes quand elles décident d’entreprendre. Là où, par exemple, un homme va…
Alors, effectivement, je fais beaucoup de généralité, mais en tout cas, c’est moi ce que je remarque. Là où est-ce que quand tu vas conseiller un homme, tu vas lui dire bah en fait tu vas optimiser financièrement parlant ta situation, mais il y a tel risque et pour le coup tu vas être moins protégé, lui ça va être ok pour lui. Une femme, la protection, en fait ça passe en premier et donc voilà, quitte à prendre moins de risques, préférer payer peut-être un peu plus par rapport à la situation. Parce que les motivations, encore une fois, elles sont différentes.
Clémentine Sarlat : Qu’est-ce que tu rencontres comme problématique dans l’entrepreneuriat féminin depuis que tu as commencé ta pratique? C’est quoi les thèmes avec lesquels les femmes viennent en te disant “j’ai besoin d’être sur ça?”
Estelle By : Ouais, alors un des gros sujets c’est tu sais la question du statut que tu dois choisir au moment où est-ce que tu te lances. Tu vas créer une entreprise et en fait tu sais pas trop ce que tu dois faire. Au début je comprenais pas trop pourquoi en fait elle venait vraiment pour le coup, pourquoi elle venait me voir. Et en fait, c’est en creusant, en les recevant en rendez-vous au fur et à mesure, j’ai compris qu’il y avait des sujets à la fois purement juridiques, d’être bien protégés. Typiquement : qu’est-ce qui se passe si je tombe enceinte? Est-ce que j’ai des indemnités journalières comme il faudrait? Comment je vais faire financièrement pour ne pas galérer? Parce que normalement, voilà, qu’est-ce qui se passe? C’est que normalement, moi, mon profil type, c’est des gens qui étaient auparavant salariés. Et en fait, derrière, parce qu’elles sont mamans ou bien elles ont un projet d’enfant, elles vont vouloir changer de statut, de se lancer dans l’entreprenariat.
Et les motivations, en fait, elles sont différentes parce qu’elles ne sont pas prêtes à faire, on va dire, le sacrifice d’être moins protégées, quelquefois. Donc, en général, les gens qui viennent me voir, en fait, les questions de statut sont beaucoup relatives forcément à la question de la protection de la personne. Voilà.
Clémentine Sarlat : Et donc, c’est quelque chose dont tu parles pas mal dans les médias, le fait qu’on a tendance parfois en tant que femme à ne pas voir assez grand et de choisir le premier statut qui vient qui est l’auto-entreprenariat. Et dans un article du Monde d’ailleurs, tu as dit que c’était une bombe sociale à retardement, ce statut-là, est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi et quelles sont les conséquences?
Estelle By : Oui. Alors, en fait, l’auto-entrepreneuriat, comme l’a dit Clémentine, ou bien ce qu’on appelle la micro-entreprise, en fait, techniquement, à date, aujourd’hui, quand tu te mets en micro, ça a l’air hyper facile. Donc, en gros, tu te dis “bon, j’ai besoin de facturer. En gros, voilà, comment je fais? J’ai trouvé mon premier client. J’ai vendu du jus de cerveau et je vais mettre en tant que freelance”. Donc, qu’est-ce que tu fais? Tu vas regarder très rapidement sur Internet. Tu vas sur le site on va dire des ursafs qui est dédié à l’auto-entreprise et en fait en trois secondes t’as un numéro SIRET. Et là, t’es content, tu peux émettre une facture. Le problème avec la micro, bon, c’est que, oui, les cotisations sociales, en fait, que tu vas devoir verser quand tu gagnes des sous, en fait, elles vont être moins importantes.
Mais qui dit cotisations moins importantes, dit protection moins importante. Donc, tu as des sujets, du coup, en fait, en termes de cotisation, ne serait-ce que pour tout ce qui est indemnité journalière ou bien derrière, on va dire, les cotisations aussi pour la retraite. Parce que ça, c’est une réalité. Parce qu’en France, en fait, on est sur un système de répartition. Pourquoi il y a-t-il… Pourquoi quand tu vas chez le médecin, il y a la Sécurité sociale, en fait, qui prend en charge une partie des frais. En fait, c’est financé de cette façon. Et en fait, ce système de solidarité et de répartition fait qu’aujourd’hui, quand tu tombes enceinte, justement, quand tu vas à l’hôpital, t’as pas besoin de payer, par exemple, 10 000 euros. Et ça, c’est un vrai exemple. J’ai eu une discussion la semaine dernière avec une expatriée, donc une femme.
Elle, elle a payé son accouchement 10 000 euros. Et nous, en fait, il faut se dire que les charges, ça sert à quelque chose parce qu’on a un peu ce biais quand on est entrepreneur de se dire “en fait, OK, c’est un manque à gagner, pour moi”. Donc, il faut que j’arrive à optimiser de la manière la plus efficace possible et je vais trouver quelque chose qui va me permettre de payer le moins de charges possibles. Et sur la micro, c’est vrai, comme les cotisations sont assises sur le chiffre d’affaires que tu vas faire, tu vas essayer de faire le moins de chiffres d’affaires possibles quelques fois en te disant “bon, c’est OK, comme ça, j’ai moins de charges qui vont sortir de ma poche”.
Sauf qu’à mon sens, c’est une erreur parce qu’en fait, tu vas te limiter à la fois donc en termes de plafond, tu sais, pour gagner plus bêtement et faire péter peut-être ton chiffre d’affaires parce que pour redonner les montants aux auditrices et aux auditeurs, en fait, quand tu es en prestations de service, on est sur un plafond à hauteur de 77 000 euros, tu vois. Et là, t’as plein de femmes parce qu’elles ont peur de la paperasse, elles ont peur d’aller voir un avocat ou bien voir un comptable, changer le statut. En fait, elles vont beaucoup se limiter et faire exprès typiquement de ne pas facturer plus d’argent.
En se disant, tous les ans, quand elles arrivent, tu sais, au mois de novembre et décembre, de se dire “bon, ben ok, j’attends 75 000 euros, bon, je vais, c’est pas grave, je fais courir la facture, en fait, un peu plus tard, et en fait, je la mettrai, voilà, dans ma comptabilité et j’enverrai la facture au client plus tôt en janvier”. Comme ça pour ne pas dépasser le plafond et éviter, on va dire, les embêtements administratifs pour ne pas avoir l’effort intellectuel de se dire je vais me renseigner pour passer sur un autre statut et sans doute être mieux protégé.
Et c’est sur la partie, et j’insiste sur la partie protection, que là il y a une véritable lacune parce qu’en fait Il ne faut pas rester en micro trop longtemps parce que, en tout cas à date telle que les choses sont faites, comme les cotisations sont très faibles, en fait, tu cotises extrêmement mal pour ta retraite.
Clémentine Sarlat : C’est ça la bombe à retardement sociale dont tu parles.
Estelle By : Exactement. Pour moi, ça vient de là et du fait que (après, il y a plusieurs sujets, ce n’est pas que lié) quelquefois, il y a aussi la motivation pour quoi tu vas te lancer dans l’entrepreneuriat. Et quelquefois, je le vois auprès de certaines clientes. En réalité, elles n’ont pas le temps disponible pour se lancer dans l’entrepreneuriat de manière, on va dire, sereine. En fait, ça va être… Alors, autant quand t’es salarié, peut-être que tu vas négocier un temps partiel. Et dans l’entreprenariat, quelquefois, moi, ce que je remarque, c’est que, comme elles n’ont pas vraiment de temps disponible, c’est de l’entreprenariat, mais un peu… Tu vois, à temps partiel aussi, quand il y a un problème au niveau des… Bah je sais pas, t’as un enfant qui tombe malade à l’école, t’es la première en fait sur la liste en fait, t’es la personne à appeler.
Donc au final, tu te retrouves en fait à travailler, on va dire, à moitié. Alors je ne dis pas que… sinon il faut avoir un système on va dire d’automatisation qui te permette de vendre des choses, d’écorreler on va dire ton temps de travail au fait de gagner de l’argent. Mais voilà, moi je constate que quand même quelquefois ça peut prêter un peu à confusion.
Il y a eu tout un discours, même moi je l’ai eu un moment, tu vois, d’empouvoirment donc des femmes “oui bah voilà, mets-toi en micro, tu seras plus libre, tu pourras tout avoir, t’occuper des enfants, voilà, il n’y a pas le sujet d’avoir des comptes à rendre en fait à un boss en étant salarié pour pouvoir aller partir plus tôt et chercher tes enfants en cas de problème”. Mais je pense qu’en fait, c’est un peu comme un miroir aux alouettes. Donc c’est là qu’il faut faire un peu attention. C’est une discussion, je pense, à avoir en fait avec son conjoint ou sa conjointe. Parce qu’au final, il ne faut pas qu’au final, ça vienne un peu au détriment, on va dire, à la fois de manière de tes finances au final, et surtout la bombe à retardement d’être plus pauvre.
Parce que si tu ne cotises pas, même quand tu as une micro, il faut cotiser suffisamment pour valider ton système de trimestre. Si tu ne cotises pas suffisamment, ce qui est calqué sur ton chiffre d’affaires, si tu ne fais pas suffisamment de chiffres, tu ne valides pas du trimestre. Donc ce qui veut dire qu’au final, les années où est-ce que tu ne vas pas beaucoup travailler parce que tu es à moitié dans l’entreprenariat et en réalité beaucoup avec les enfants, ça va faire que du coup tu ne vas pas forcément cotiser comme il faut. Tu vas partir à la retraite beaucoup plus tard, et quelques fois quand tu commences à vieillir, à 60, 65 ans, t’as peut-être plus l’énergie nécessaire pour pouvoir travailler, ce qui fait que derrière, il y a un vrai sujet de vivre dans la précarité, quand t’es une femme.
Donc voilà, ça c’est un peu moi ce que je constate et que je me dis que ça peut être un vrai souci. Je sais qu’on vient de fêter, tu sais, les dix ans de la micro-entreprise. Donc…
Clémentine Sarlat : Donc en fait, on n’a pas le recul encore nécessaire, c’est-à-dire qu’on ne sait pas toute cette génération de femmes, sauf pour celles qui ont commencé une micro-entreprise vers 50 ans, mais ce n’est pas la majorité, j’imagine. On ne sait pas encore sur le long terme ce que ça fera d’être resté 30 ans en régime de micro-entreprise.
Estelle By : C’est exactement ça. Alors moi, quelquefois, j’ai aussi des clients qui viennent me voir ou qui m’envoient clairement, en fait, elles m’envoient des messages ou des mails en m’expliquant “voilà, en fait, ça fait dix ans que je suis en micro et en fait, je suis allée faire un tour sur le site de la retraite”. Alors, je vous conseille vraiment aux unes aux autres, en fait, les entrepreneurs qui nous écoutent de le faire parce que c’est très intéressant de justement de voir, en fait, ce qu’a fait le passage du salariat à l’entrepreneuriat sur la question de la retraite. Et en fait, j’ai reçu une ou deux fois des mails de personnes en me disant « ça fait dix ans, je suis allé regarder ». Et en fait, je me rends compte que pendant dix ans, je n’ai pas suffisamment cotisé.
Donc là, c’est quand même assez violent. Et souvent c’était forcément très concomitant avec la maternité. Voilà. Donc on n’a pas le recul, mais à mon sens, avoir une discussion avec son conjoint et aussi derrière s’éduquer financièrement parlant. Parce que moi je considère qu’aujourd’hui… parce que c’est d’une manière générale, en fait, quand tu te lances dans l’entreprenariat, il ne faut pas s’attendre à avoir une retraite aussi bonne qu’un salarié. On le sait. Sauf que beaucoup oublient cette composante.
Quand tu vas te lancer, tu vas juste voir la partie : je suis extrêmement libre, je peux faire ce que je veux de mon emploi du temps, c’est moi qui décide de ce que je vais faire, voilà. Puis au final, si derrière tu prends pas tes dispositions pour faire des investissements, que ce soit sur des assurances-vie ou bien acheter des apparts, des biens immobiliers, la retraite peut être un problème.
Clémentine Sarlat : En fait, toi, ce que tu conseillerais, c’est plus si on a cette volonté de passer du salariat au fait d’entreprendre, c’est de voir la micro-entreprise comme un tremplin, comme une passation entre ces deux statuts, pour voir un peu où on en est au début, mais ne pas rester dans ce statut-là à long terme.
Estelle By : Oui. Alors, ce qu’il faut savoir aussi, c’est que sur ce statut, en fait, à l’origine, quand il a été créé, c’était vraiment quelque chose pour, tu sais, pour faire des sides, en fait. Des projets type je suis retraité. Et en fait, ce que je vais faire, c’est que je vais arrondir mes fins de mois parce que je suis encore en bonne santé. Et comme je suis très bricoleur ou bien j’aime bien donner des coups de main à des personnes, je vais pouvoir facturer des choses. Donc au début, le plafond était beaucoup plus bas. Et en fait, alors je crois que ça fait un petit moment, je crois que dans les années 2015-2016, en fait ils ont augmenté le plafond.
Donc ils ont doublé, donc là où est-ce que c’était 77 000 euros. Les 77 000 euros dont je t’ai parlé tout à l’heure, en fait c’était deux fois moins. Donc ce qui fait que les gens aujourd’hui du coup se disent bon bah parce que 77 000 euros, ils ont l’impression que c’est beaucoup d’argent. Donc sur une année, si tu fais une comparaison avec par exemple le salariat, même si tu enlèves en fait les 23% de cotisation sociale. Donc tu vas te dire “bah en fait au fond c’est ok, donc je peux vivre très bien, il n’y a aucune problématique”. Non. En fait, c’est très bien si tu décides à côté de prendre cet argent, de le placer et te dire “qu’est-ce que j’en fais”.
Pour moi, c’est vraiment se mettre aujourd’hui en micro et ne pas, enfin même entrepreneur d’une manière générale, et ne pas s’éduquer financièrement parlant. C’est un vrai sujet. Et sortir, oui, sortir rapidement de la micro parce que quelquefois, on n’a peut-être pas la volonté, on n’a pas cette éducation financière, mais à minima sortir de ce statut pour pouvoir cotiser plus. Donc derrière, ça veut dire peut-être te mettre au réel en entrepreneur individuel. Donc là, tu vas cotiser plus, créer une société pour être en EURL ou bien en SASU. Là, parce que en SASU, tu vas être donc pour être un peu plus technique. En gros tu vas avoir un statut au sens de la sécurité sociale, tu vas être assimilé salarié. Donc tu vas cotiser certes beaucoup plus, mais on va dire il faut le prendre comme des charges incompressibles pour pouvoir mieux cotiser pour ta retraite.
Clémentine Sarlat : Alors, on va faire un cas concret. Imagine, je suis une jeune femme, j’ai pas encore d’enfants, mais j’entreprends, je commence à avoir du succès et je vais passer… J’étais en micro-entreprise et je vais passer en salarié, entrepreneure, en société. J’ai les projets quand même d’avoir des enfants. Ça serait quoi la meilleure disposition pour être le mieux protégée, comme tu dis?
Estelle By : Moi, quand quelqu’un vient me voir et qu’elle est dans cette situation, je lui conseille de se mettre en SASU. Parce qu’elle n’a pas encore d’enfant, mais en prenant l’hypothèse où sa boîte tourne bien quand même, elle se rémunère comme il faut, donc elle va se rémunérer pendant un certain temps, on s’assure, mais de manière très correcte. Et c’est vrai que les IJ peuvent être beaucoup plus, les indemnités journalières, quand en gros tu vas être en congés maternité, elles vont être beaucoup plus importantes. Tu vois, je crois, si je ne me trompe pas, c’est 80 euros de la journée.
Donc ce qui va peut-être pas atteindre, on va dire, peut-être ton niveau de vie, parce que tu peux faire le calcul, 80 fois, on est à 2000 euros et quelques, voilà, c’est ce que la sécurité sociale, en fait, va te verser, peut-être. Mais qui va venir compenser, on va dire, ta paire de revenus, en tous les cas, partiellement. Mais c’est toujours mieux que dans les autres statuts. En tout cas, c’est le statut qui est le plus protecteur si tu as la volonté de faire des enfants derrière. Voilà, donc après moi je considère que c’est aussi des arbitrages à faire parce quelquefois tu te dis bon bah voilà moi je suis aujourd’hui en micro, je vais changer.
Quand t’annonces en fait les cotisations que tu dois verser parce que tu veux te verser une rémunération en tant que présidente de ta SASU, bah en fait tu te dis j’ai quand même des efforts de développement à faire parce qu’il y a quand même du chiffre que tu vas devoir intégrer. Donc en plus pour pouvoir payer tes URSAF. Donc ça voilà, mais après à mon sens c’est une manière comme une autre quand même de te protéger parce que c’est la réalité aujourd’hui vu l’injonction très forte aussi devenir mère. En fait à un moment ou à un autre si tu n’as pas d’enfant bon c’est peut-être pas dans l’immédiat mais peut-être que ça peut être intéressant déjà d’être dans les bonnes et pas te dire, au final, je touche pas suffisamment parce qu’il y a une problématique de statut.
Clémentine Sarlat : En revanche, si on a déjà eu des enfants et qu’on veut se lancer dans l’entreprenariat, là, on peut faire un choix différent.
Estelle By : Oui, là, tu peux faire un choix différent. C’est vrai que moi, j’aime bien tes cas un peu concrets comme ça, parce que c’est vrai que c’est des questions qu’on me pose aussi. Et vraiment, pour le coup, moi, ce que je conseille, c’est que t’as déjà eu tes enfants, Au final, peut-être payer trop de cotisations, ce n’est peut-être pas super. On peut optimiser d’une meilleure façon. Peut-être qu’on peut être à la place gérant majoritaire d’une URL, parce que là, tu vas être travailleur non salarié au sens de la Sécu et pas assimilé salarié. Tu vas payer moins de cotisations. Mais en fait au final tu vas moins, on va dire, cotiser mais au final si l’idée c’est de se dire je veux me protéger pour le congé maternité et que tu ne veux pas d’enfant, c’est pas grave.
Clémentine Sarlat : Soit tu ne veux plus avoir d’enfant ou tu n’as pas de projet d’en avoir du tout, là on peut changer de statut. Mais ce que tu dis aussi beaucoup c’est “ok on change ce statut-là et on cotise moins, donc on a moins de protection, ce qui ne veut pas dire qu’on ne pense pas”, et tu parlais de cette éducation financière, à l’avenir et à la retraite. Donc on investit différemment pour pouvoir se protéger plus tard.
Estelle By : C’est ça. Alors moi, vraiment pour le coup, pour moi, c’est même pas discutable. Enfin, en gros, cette histoire d’éducation financière. Parce que, en fait, de ce que je remarque, c’est que souvent les gens étaient salariés avant. Donc en fait, au final, quand tu y réfléchis, c’est un système assez paternaliste au final. C’est que, en fait, ton employeur va cotiser pour toi, pour ta retraite, parce que si tu t’amuses à regarder une fiche de paye avec, tu sais, ton brut…
Clémentine Sarlat : Toutes les soustractions après.
Estelle By : Voilà, toutes les soustractions et puis en fait, tu sais, ce que doit payer ton employeur au final en termes de cotisation, tu te rends compte qu’il a fait énormément d’efforts financiers pour que derrière toi, à 64, 65 ans, quand tu prends ta retraite, en fait, au final, tu vas te retrouver quand même avec une partie des cotisations parce que tu auras suffisamment cotisé. Donc, qu’est-ce qui se passe une fois que tu n’as plus ton patron pour te payer? C’est-à-dire que toi, de ton côté, tu dois un peu te prendre en main. Un peu, c’est même beaucoup, se prendre en main et te dire comment je fais si je change de statut? Et que derrière, en fait, je n’ai plus ce système paternaliste pour m’aider à cotiser et m’assurer de cette retraite.
Après, tu vois, ça c’est lié à l’actualité, je pense que tu vois typiquement les jeunes ont bien compris qu’avec les différentes réformes de la retraite qu’il y a eu aujourd’hui, beaucoup ne comptent plus sur ce système de retraite. Et c’est pour ça que ça devient extrêmement important et même très pressant que beaucoup de femmes s’emparent vraiment du sujet des finances personnelles et a fortiori surtout quand tu es entrepreneur avec un E parce qu’il y a des vrais sujets sur l’éducation financière qu’on n’a pas aujourd’hui en France.
Clémentine Sarlat : Et qui ont un impact.
Estelle By : Bien sûr qu’il y a une véritable répercussion même sans parler d’entrepreneuriat, ça peut être ne serait-ce que négocier un salaire, tu vois, c’est très bête. Donc moi je pense que c’est ça, parce que c’est très beau l’entreprenariat féminin de se dire, tu sais c’est un peu comme si on te disait “bon en fait c’est la solution à tous tes problèmes”.
Clémentine Sarlat : C’est pas faux.
Estelle By : Ouais, tu vois, c’est un peu la solution à tous tes problèmes et que, en fait, tu vas continuer à gagner de l’argent tout en pouvant aller chercher tes enfants, on va dire, à 16h30. Mais quand même, tu vois, tu as un sujet de se dire “non, c’est pas aussi simple”. Il y a quand même des éléments un peu à mettre en place et un des gros piliers pour moi, c’est quand même l’éducation financière et aussi parce qu’il y a s’éduquer et derrière, passer à l’action. Tu vois, acheter des biens, investir, en tout cas investir en fait d’une manière générale.
Clémentine Sarlat : Et tu vois, c’est marrant quand tu parlais de ce système un peu patriarcal ou du salariat. Moi, je me suis fait la réflexion, donc quand j’ai eu mes filles, il y en a une que j’ai eue en tant que salariée et les deux autres en tant que micro-entreprise et ensuite en tant que chef d’entreprise. Et j’avais halluciné de voir que tout est plafonné pour nous les femmes. Tu vois, quand tu es chef d’entreprise et que tu gagnes bien ta vie finalement, que tu fais… Mais en fait, tu ne peux pas être indemnisée à la hauteur de ce que tu gagnes. Et j’avais contactée des mutuelles en disant “mais vous prenez pas la différence”. “Ben non, c’est pas une maladie, madame”. Et en fait, ils se renvoient tous la balle en disant, “nous, on vient pas combler le congé maternité surtout”.
Et je dis “mais attends, mais ce serait un truc auquel les hommes sont confrontés. Jamais de la vie, il n’y aurait un plafond à 80 euros par jour d’indemnités”. Parce qu’en fait, les femmes, elles sont aussi perdantes quand elles prennent le risque de faire un enfant en même temps qu’elles ont leur boîte. Il faut bien comprendre qu’il y a un moment, elles sont un peu perdantes. Alors, sur le long terme, c’est un choix de famille. Comme tu dis, il faut en parler en famille. Il y a des fois des conjoints qui compensent. Il y a des arrangements familiaux à faire. Je veux dire, au niveau sociétal, l’entreprenariat est quand même très organisé de manière masculine.
Estelle By : Oui, tout à fait.
Clémentine Sarlat : Et la maternité est un impensé dans l’entreprenariat où tu te heurtes à des plafonds et t’es là “mais attends, si je suis une entrepreneuse qui a vachement de succès, je fais quoi en fait?”. Je prends mes finances personnelles et je me verse mon salaire.
Estelle By : En fait, tel que c’est fait aujourd’hui, c’est ce qu’on va te demander. C’est que tu dois prendre tes précautions en amont et te dire “pour compenser…” parce que si ton niveau de vie requiert plus que le plafond de 2000 euros dont on vient de parler, c’est que tu dois t’organiser, on va dire, financièrement. Mais c’est vrai que quand tu… Moi j’aime bien ta réflexion parce que c’est vrai que je n’y avais jamais pensé d’un point de vue, on va dire, un peu patriarcal. Mais c’est vrai que tu te rends compte que c’est un appauvrissement en fait.
Clémentine Sarlat : Mais bien sûr!
Estelle By : Donc ce qui veut dire que tu vois, il faut être assez logique et même de manière assez concrète, c’est que les femmes vont s’appauvrir alors qu’elles sont entrepreneures et que pour le coup déjà tu as la charge émotionnelle, en plus tu te rends compte qu’il y a une charge financière derrière parce que justement pour compenser tout ça, et qui fait que ben non, c’est clairement pas… Et ça serait clairement un impensé pour un homme. Moi j’aime bien aussi prendre sur ce sujet, tu vois. Ce que je trouve fou aussi, c’est la réflexion que je m’étais faite dernièrement, c’est que prenons par exemple… C’est une image que j’ai donnée une fois en fait à une cliente et c’est vrai qu’elle avait trouvé ça assez bizarre. Prenons quatre entrepreneuses. Elles sont enceintes, elles sont dans une même pièce.
D’un point de vue humain, elles vivent la même expérience de grossesse. Mais bizarrement, à cause du statut, elles ne vont pas toucher la même chose. Elles vont devoir changer, tu sais, un moment à un autre, en fait, leur manière de fonctionner. L’une parce qu’elle se saura… En fait, elle aura bien pris ses dispositions. En fait, pour le coup, elle aura moins compensé financièrement parlant. Une autre, en fait, elle va se dire “ben j’ai pas du tout choisi le bon statut et qu’il y a un vrai sujet derrière. J’ai même pas mis de sous de côté”. Et en fait, pour elle, ça va être la merde. Enfin, il faut dire ce qui est. Et voilà pour l’autre peut-être que ça va être un peu entre les deux.
Et au final tu te rends compte quand même que c’est hyper étrange sur une expérience d’un point de vue humain de manière assez universelle en fait au final pour les femmes de se dire pourquoi il y a cette inégalité de traitement quand tu veux devenir maire et que, au final, t’es traité différemment d’un point de vue sociétal, encore une fois, comme tu viens de le dire. Et c’est quand même assez… Moi en tout cas, à la fois ça me révolte et je trouve quand même, c’est vrai que c’est pas hyper logique quand on y repense. Voilà, et c’est vrai que… En fait quelque part c’est assez déprimant parce que tu te rends bien compte qu’il y a plein de choses qui ne sont pas faites, adaptées pour l’entrepreneuriat féminin.
Clémentine Sarlat : Mais tu vois ça va avec ce que tu disais où on nous a vendu l’entrepreneuriat pour notre génération. Comme de l’émancipation, comme cette liberté, comme cette possibilité de tout avoir. Ce qui est un leurre, il faut quand même se le dire. Il y a toujours un moment où tu vas faire des concessions sur quelque chose. Parce que aussi ces statuts-là n’ont pas été pensés, comme tu le dis, à la base, pour pouvoir permettre aux femmes de gérer leur carrière en même temps que l’arrivée de leurs enfants. Oui, au final, c’est pas ça le but premier, ni de l’entrepreneuriat, ni de la micro-entreprise. C’est faire de l’argent.
Estelle By : Oui. Exactement, c’est tout à fait… Et en fait, c’est penser de telle manière à faire de l’argent. Alors que je pense qu’avec cette vague d’entrepreneuriat féminin, nous, on l’a un peu, tu sais, remixé à notre sauce. Tu vois, en se demandant comment on peut faire. Un moment à un autre. Il y a des sujets que je ne maîtrise pas. En plus, c’était un impensé de se dire à un moment, comment concilier ce congé maternité avec le fait d’être déjà entrepreneur. Ou bien d’avoir, voilà, d’être déjà à la tête d’une entreprise au final, et donc on fait un espèce de mixe. Mais bon, ce que moi je… Ce que je trouve profondément injuste, c’est justement cette perte financière, tu vois, qui n’est pas… Pour moi c’est un non-sens.
Et puis en fait, moi ce qui me saoule aussi, c’est que tu sais, on appelle ça un congé maternité, mais en fait c’est en rien un congé, tu vois.
Clémentine Sarlat : C’est une pause dans la carrière.
Estelle By : Exactement. Et puis surtout, quelques fois, quand tu sais, en reprise de travail chez les indépendantes et chez les solos et les entrepreneures avec un E, en fait, elles vont travailler après avoir accouché au bout d’une semaine. Parce qu’en fait, justement, il y a cette problématique aussi de trésorerie. C’est un moment extrêmement dur. En plus, on te pénalise, tu vois, d’un point de vue même d’organismes sociaux. En fait, c’est ça le sujet. Donc, il y a vraiment un truc un peu de se dire… Ouais, c’est pas ultra évident. Et encore une fois, oui, ça te montre que c’est pas l’image hyper glamour qu’on pouvait te renvoyer à un moment ou à un autre sur l’entrepreneuriat féminin.
Clémentine Sarlat : Et puis, il y a aussi des chefs d’entreprise qui ont des salariés à gérer, à manager et qui vont du coup aussi faire le choix de même pas se mettre en congé maternité, de s’arranger comme elles peuvent avec leur temps et voilà, de faire cette pause là, on va dire. Parce qu’il y a cette liberté quand même, quand tu es dans l’entrepreneuriat, de faire ce que tu as envie. Mais du coup, ce n’est pas pour rien qu’il y a un congé de trois mois. C’est la fatigue, c’est se remettre de cet événement, c’est prendre soin de son bébé, d’avoir créé ce lien.
Et c’est vrai que tout est mélangé dans les sphères entre la maternité et l’entrepreneuriat et ce n’est pas évident parce que J’ai la sensation que tu vois qu’on est cette génération qui avons un peu essuyé les peaux cassées, qui essayons de trouver notre sauce, comme tu dis, de remixer, et que c’est pas encore très clair, très bien défini, ni par la loi, ni par la société.
Estelle By : Alors moi j’ai vu passer quelque chose, tu vois, dernièrement, en gros ils sont en train de, ils vont revoir, là je crois à partir du 1er juin, en fait ils vont augmenter les cotisations sur une partie donc des gens qui étaient en micro-entreprise, tu vois, sur un certain nombre de métiers. Tu vois, en fonction de la caisse de retraite, en gros, c’est les micro-entrepreneurs qui ne sont pas affiliés à la CIPAV. Donc en gros, voilà, il faut voir. Donc est-ce que ça vous concerne ou pas, donc vous regarderez. Ils vont augmenter en fait le pourcentage de cotisations. À mon sens, en fait, c’est pour aussi mieux protéger ça. Et puis en fait, chez les juristes, comme ça fait dix ans que ça existe la micro, il y a aussi un truc de se dire, ils aiment bien un peu faire des espèces d’études.
Parce que qu’est-ce qui se passe aujourd’hui? Parce qu’en fait, en gros, la micro, c’est juste un régime d’entreprenariat micro-social et micro-fiscal. Micro-social dans le sens où est-ce que tu vas moins cotiser. Mais au final, bon en fait un peu pour voir ce qui peut se passer à nouveau et modifier un certain nombre de choses parce que d’un point de vue sociétal, il se passe des choses et ça fait aussi partie de l’ubérisation du travail parce que t’es un peu dispo quand tu veux de part tes enfants, dispo quand tu veux, parce que tu es freelance et que tu vas vendre, je sais pas, trois jours par semaine. Voilà, parce qu’en fait, quand moi je parle d’ubérisation, je parle pas, tu vois, du mec qui fait du Deliveroo. En fait, cette ubérisation, on la voit aussi chez les freelance, beaucoup les femmes. Et oui, c’est… Et là, en fait, où est-ce qu’il y a un vrai sujet, c’est la précarisation.
Clémentine Sarlat : C’est ça dont il faut être vigilant.
Estelle By : Oui, tout à fait.
Clémentine Sarlat : Par rapport à l’entrepreneuriat.
Estelle By : Oui, tout à fait.
Clémentine Sarlat : Que ça ne devienne pas une précarisation des femmes sur le long terme et qu’on n’ait pas vu voir venir cette vague qu’on va prendre un peu de pleine face.
Estelle By : Oui, exactement.
Clémentine Sarlat : Il y a un autre sujet aussi, et ce n’est pas forcément que de l’entrepreneuriat, mais pour vous, les avocates, les métiers en libéral, vous êtes confrontées à la même chose, finalement? Ou c’est encore des statuts bien particuliers qui sont mieux protégés?
Estelle By : Alors, en fait, ce qu’il faut savoir, c’est que puisqu’on a beaucoup parlé de la retraite, en fait, ce qui se passe aujourd’hui, c’est que sur les… Tu sais, c’était le sujet, là, au moment de la réforme, est-ce qu’il faut uniformiser les régimes? Nous, aujourd’hui, sur les avocats, non. Globalement, t’es pas non plus ultra bien protégé. C’est pour ça que d’une manière générale, à partir du moment où est-ce qu’en fait tu vas te lancer dans l’entrepreneuriat, ce qu’il faut c’est prendre tes dispositions à titre personnel et derrière faire tes investissements pour t’assurer à un moment ou à un autre en fait, de pouvoir vivre comme il faut au moment vers 65 ans. Oui, oui. Et est-ce qu’il y a une différence? En revanche, oui. Alors, nous, c’est encore un autre sujet. Mais en fait, pour moi, c’est encore un autre sujet.
Si tu vois les disparités de revenus, tu vois, ça c’est aussi encore un autre problème. Voilà, pas forcément… Alors qu’il y a aussi la maternité, parce que voilà, on est aussi pénalisé parce que d’une certaine manière on va se mettre à notre compte. Les enfants, en fait, ça prend du temps d’une manière générale. Et en fait, il faut être sûr de pouvoir avoir le temps de te dédier à ton activité. Je suis vraiment beaucoup revenue sur le truc de l’entreprenariat, c’est un truc un peu d’empouvoirment, tu peux vraiment tout faire.
Si quelquefois c’est pas viable, que ce soit en termes d’organisation personnelle, avec ce qui se passe chez toi, ou bien c’est trop dur d’un point de vue, parce que tout le monde n’est pas fait pour l’entreprenariat aussi, parce que si ça te met dans une situation de stress, ou par exemple ça ne te dit rien de t’éduquer d’un point de vue financier, parce qu’en fait c’est la panacée pour toi, en fait c’est ok. Mais il ne faut pas te dire à tout prix “Bah en fait comme tu as tous tes copains, toutes tes amies à peu près de ton âge en fait, tout le monde se lance un peu dedans de cette façon, en fait avoir un job de salarié c’est pas mal parce qu’en fait tu as le droit du travail qui est là en fait pour te protéger.
T’as pas à négocier les prix avec tes clients, on cotise pour toi avec le système paternaliste dont on vient de parler, et en fait c’est tout aussi bien. Il n’y a pas de sujet de…”. Donc il y a cette volonté, c’est pas qu’un… Voilà, c’est un peu un miroir aux Alouettes encore une fois, mais je pense qu’il y a d’autres considérations à prendre derrière. Et de se dire “bon ben en fait, est-ce que je suis vraiment faite? Est-ce que je suis prête aussi potentiellement à faire ces sacrifices?”. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’au début, si c’est concomitant par exemple avec la maternité, à mon sens, il faut aussi accepter que potentiellement tu vas faire moins de chiffres.
Ça c’est, moi, tu vois, typiquement à titre personnel, en fait, je pense avoir vécu un mini-burnout un peu comme ça parce que je pensais pouvoir tout gérer. Et en fait, je me suis rendu compte qu’à un moment que je commençais à me rendre malade, parce qu’en fait je n’atteignais pas mes objectifs, à cause typiquement d’un enfant qui n’a pas dormi pendant 11 mois. Donc quand tu ne dors pas, tu ne peux pas être efficace. Et en fait, j’étais trop dans cette injonction peut-être, tu vois, de se dire bon en fait c’est pas grave, tu peux tout faire, voilà, même s’il dort pas, donc comment ça se fait que t’as pas réussi en fait à atteindre ses objectifs et tout. Et c’était extrêmement dur à vivre. Et aujourd’hui, en fait, je suis plutôt sur un…
Je pense qu’il faut être beaucoup plus bienveillant envers soi, tu vois, quand tu te lances dans l’entreprenariat, et te dire, potentiellement “c’est vrai, je peux faire moins de chiffre”. Mais là où est-ce qu’il ne faut pas que ça devienne, il y a une limite, c’est qu’il ne faut pas que ça devienne, on va dire, trop récurrent, un peu dans le temps. Parce qu’en réalité, tu as un mi-temps dans l’entreprenariat et que tu ne cotises pas suffisamment, etc. Pour toutes les raisons qu’on vient d’évoquer.
Clémentine Sarlat : Il y a beaucoup de considérations à prendre en compte avant de se lancer. Et il faut aussi dire, les études, elles ont montré que malheureusement, un des effets pervers de l’entreprenariat et de la micro-entreprise, déjà sur le plan financier, mais aussi sur la répartition des tâches ménagères, est très défavorable aux femmes, puisque du coup, potentiellement, elles télétravaillent, elles sont depuis la maison et elles vont faire beaucoup plus de tâches ménagères, de tâches liées à la maison, à la charge éducationnelle, de la santé aussi des enfants, au détriment de leur entreprise. Donc, en fait, c’est tout est déséquilibré à leur insu, en fait.
Estelle By : Oui. Oui, oui. Enfin, moi, je…
Clémentine Sarlat : Tu vois, il n’y a pas que l’aspect financier. C’est plus pervers que ça, en fait.
Estelle By : En fait, oui, c’est beaucoup plus subtil. Et surtout, parce qu’en fait, tu vois, ce qui est hyper étrange, c’est que tu peux dire bon, attends, on est en 2024, il y a quand même pseudo égalité. Pourquoi je devrais demander à mon mec si c’est possible que je me lance? Je me disais que ce n’était pas du tout une décision qu’on doit prendre à deux. Mais en fait, comme de manière naturelle, ce qui requiert le soin incombe souvent, dans un couple hétérosexuel, à la femme, bah en fait si! Tu es obligé d’avoir cette discussion avec ton plus un, pour savoir qu’est-ce qui va se passer si derrière je me lance ou je suis déjà lancé, je veux faire, j’ai un projet d’enfant avec toi mais comment ça va être possible parce que déjà je travaille 50-55 heures pour ma boîte.
Enfin, il y a un moment à un autre, il y a quand même cette discussion qu’on doit avoir parce que C’est vraiment lié à la société hétéronormée et qui fait que, en fait, comme le soin incombe à la femme, t’as pas le choix à un moment ou à un autre. Si toi tu veux te “désinvestir”, entre guillemets, de cette partie soins pour te dédier à ton activité professionnelle, voilà, il faut quand même un peu…
Clémentine Sarlat : Il faut que le partenaire prenne le… Il comble, parce que les enfants ne vont pas s’occuper de ça.
Estelle By : Voilà, exactement, surtout quand ils sont tout petits.
Clémentine Sarlat : Donc ça doit être une discussion à deux. Parce que c’est là où le temps que tu as imparti à ton entreprise, que tu n’as pas dédié à tes enfants, il faut bien que le deuxième parent prenne le relais.
Estelle By : C’est ça, tu vois, et c’est pour ça que c’est drôle, mais c’est drôle. Enfin, oui et non, c’est que tu te rends compte aussi que ça change. Tu m’aurais peut-être interrogé il y a deux ans, tu vois, j’aurais été très extrême en me disant “non, mais attends, il n’y a aucune raison. Mais en fait, non, c’est beaucoup plus subtil”. Et que, en fait, et c’est aussi, tu vois, en voyant les femmes à moi qui venaient me voir en fait sur la question juridique du choix de statut et je me rendais compte parce qu’en fait très vite je leur pose des questions du style “voilà comment vous gagnez des sous, ok, combien de chiffre d’affaires vous faites” parce que tu sais tu as l’histoire du plafond.
Et donc après je pose des questions de plus en plus intimes du style “bah en fait combien d’argent vous faites, c’est quoi votre chiffre d’affaires, combien de jours vous travaillez” et là je me rends compte en fait au fur et à mesure que certaines ne travaillerait peut-être pas autant qu’il faudrait pour qu’il y ait un bon système de protection ou bien d’être purement et vraiment dédié à l’entrepreneuriat. Après, je peux comprendre qu’il y ait des choix personnels, mais il faut que ton choix soit éclairé.
Clémentine Sarlat : Exactement. C’est des phases de vie, si tu sais que tu te mets en pause pendant ce temps-là et qu’après tu pourras dédier du temps à ton entreprise et que c’est 2, 3, 4 ans, peu importe combien c’est, mais que, comme je te disais, c’est une phase transitoire. C’est ça que tu trouves qui est très important à avoir en tête. Ça ne doit pas rester de cette manière-là.
Estelle By : Oui, ça ne doit pas rester de cette manière-là parce que… Sauf si t’as pris vraiment tes… Alors, soit t’as de l’argent, en fait, chez toi et qu’en fait, il faut… Moi, c’est vraiment la sécurité financière. Tu vois, enfin, vraiment, si je dois mettre sur l’entrepreneuriat féminin, pour avoir maintenant des clients depuis un petit moment et avoir un cabinet qui est axé entreprenariat féminin, pour moi c’est vraiment la sécurité financière. Et le problème c’est que j’ai plein de clientes, tu vois, qui viennent me voir et en fait cette question de sécurité financière elle est toujours un peu palpable, c’est vraiment la question, tu vois, comment on fait?
Que ce soit à cause du régime matrimonial “ok je me marie”. Et après tu vois, tu te retrouves à traiter aussi des questions, ouais mais tu comprends, moi avec mon mari ou bien avec mon mec, je suis à 50-50 alors que là je viens de me lancer dans l’entrepreneuriat, enfin tu vois c’est des choses… Quand même ultra…
Clémentine Sarlat : Intime. C’est de la sphère intime, c’est sûr.
Estelle By : C’est de la sphère intime et quelquefois je me sens un peu démunie moi dans mon exercice en fait de la profession. Ce n’est pas mon travail.
Clémentine Sarlat : C’est pas ton champ de compétences.
Estelle By : Voilà.
Clémentine Sarlat : Mais ça rentre en compte.
Estelle By : Exactement. Ce qui fait que je pense que quand même il y a un vrai sujet de se dire bon il faut quand même en parler et en fait c’est un comme un contrat. Tu vois tu dois le dealer avec ton mari parce qu’en fait la réalité c’est que tu vas te lancer dans un projet qui va te prendre du temps. À quel moment tu te dis que l’entreprenariat ça ne va pas te prendre du temps? C’est impossible, ce n’est pas viable. Et puis en fait, si on doit le comparer au salariat, quelquefois le salariat c’est : tu fermes la porte de ton employeur, tu déposes, tu sais, ta charge professionnelle et mentale, en fait, chez ton employeur. Quand tu es entrepreneur, ça ne se passe pas comme ça.
Clémentine Sarlat : Ce serait trop bien.
Estelle By : Ce serait trop bien quand même, hein, Clémentine. Mais non, en fait, ce qui se passe, c’est que tu continues souvent à cogiter sur ce qui va se passer. En fait le week-end t’es là sans être là parce qu’en fait t’as envie de noter sur un bout de papier en fait des idées que t’as. Voilà, en fait t’es tout le temps dans cette espèce de rôle en fait, comment faire pour développer ta clientèle, faire plus de business. Donc il y a un vrai sujet quand même, et puis quelques fois ben… C’est des impondérables. Je peux prendre mon exemple, moi je suis indépendante, mais une des manières aussi c’est de faire du networking, tu vois, de trouver des clients. Donc le soir par exemple, moi mes enfants sont un peu plus grands, ils ont 7 et 5 ans, mais ça peut être un sujet, tu vois, comment faire pour garder…
Clémentine Sarlat : Oui, ils ne se gardent pas tout seul encore, on n’y est pas là.
Estelle By : Voilà, on n’y est pas encore. Non, je ne suis pas encore une mère indigne, tu vois.
Clémentine Sarlat : Non mais il y a un âge où on peut, il faut le dire. C’est pas être une mère indiqne que les enfants se gardent tout seuls?
Estelle By : Oui mais c’est intéressant parce que… ce que tu viens de dire, parce que “est-ce qu’ils peuvent se garder tout seuls”. J’ai aussi eu des exemples dans mon entourage de femmes, par exemple, des avocates, donc qui sont aussi des indépendantes, des entrepreneurs. En fait, je pense qu’elles dédiaient énormément de leur temps quand leurs enfants étaient petits. Aujourd’hui, ils sont un peu plus grands, donc c’est des consoeurs qui sont un peu plus âgées. Et en fait, maintenant, leur cabinet va extrêmement bien. Parce qu’en fait, tu vois, elles ont même acheté des locaux. Elles sont déchargées de ça parce que le piège c’est de se dire que tu n’auras pas besoin, en fait que tu vas pouvoir tout mener de front et ça je pense que c’est extrêmement dur parce que tu te retrouves dans un espèce de…
Tu sais t’es en mode survie. Tu vois le mode survie qui est hyper violent parce que ton enfant ne pleure pas, il veut pas dormir et en fait… ou sinon le soir toutes les nuits ça ne le fait pas, il faut deux heures pour l’endormir et en fait lendemain tu dois être au taquet parce que tu as une audience ou tu dois rappeler un super client pour conclure un gros deal. Tu vois c’est quand même extrêmement difficile. Je pense que c’est des choses aussi à prendre en compte.
Clémentine Sarlat : Mais de savoir qu’un jour ça peut passer.
Estelle By : Exactement.
Clémentine Sarlat : Toi tu vois tes consoeurs plus âgées, tu te dis “bon…”.
Estelle By : Oui, tout à fait. Et là où est-ce que je trouve difficile, et c’est pour ça que je voulais aussi te le dire, parce qu’en fait comme nous on est un métier un peu corporatiste, on connaît énormément d’avocats, donc qui est une catégorie d’entrepreneurs un peu à part, mais en fait c’est une profession libérale. Et c’est vrai que le problème c’est que tu vois typiquement les freelancers qui se lancent aujourd’hui, elles n’ont pas trop de modèles. Tu vois, il y a aussi une problématique de modèle, de rôle modèle, de “bon, qu’est-ce qui va se passer pour moi? Ok, je me suis lancé à un moment, c’était horrible parce que j’avais mes enfants en bas âge à gérer”.
Et en fait, dans l’entreprenariat, tu sais souvent, quand tu as des copines qui ont des enfants, tu leur dis souvent “bon, je sais que c’est dur en ce moment, mais tu vois, ça va passer”. Et en fait, pour l’entreprenariat, quand tes enfants sont petits, je t’assure qu’aussi, ça peut passer derrière.
Clémentine Sarlat : C’est sûr.
Estelle By : Donc en fait, c’est aussi de se dire “comment faire aussi pour concilier les deux”. Mais je pense que oui, comme l’entrepreneuriat féminin est extrêmement, on va dire, récent, la question du rôle modèle se pose. Et puis ceci d’une manière plus générale, le modèle de l’entrepreneuriat. Tu vois, c’est l’entrepreneuriat d’un homme qui n’a pas besoin, il a zéro charge mentale. Au niveau des chiffres, c’est la croissance extrême depuis toujours parce qu’en fait, chez lui, il y a quelqu’un pour tout gérer. Non.
Clémentine Sarlat : Ça, ce n’est pas notre rôle modèle à nous.
Estelle By : Voilà, ce n’est pas notre rôle modèle à nous. Mais du coup, c’est un peu plus difficile pour nous parce qu’on doit un peu faire un peu comme pour…
Clémentine Sarlat : La débrouille.
Estelle By : Voilà, c’est la débrouille, un peu à notre sauce, le mix, comment on peut faire? Oui, et puis, et encore une fois, si vous nous écoutez, pour moi, c’est vraiment la question de la sécurité financière parce qu’il y a aussi ce biais un peu bizarre. Tu sais, souvent, moi, j’ai des femmes qui viennent me voir. En fait, elles ont l’impression que quand tu te mets dans l’entrepreneuriat, il n’y a rien qui peut les protéger. Vraiment, mais genre rien du tout. Rien du tout, du tout.
Clémentine Sarlat : Elles vont y aller à poil, “c’est pas grave”.
Estelle By : Exactement, “c’est pas grave”, on y va. Parce qu’en fait, dans ton entourage, t’as tellement de gens qui t’ont dit, en général, tous salariés ou bien fonctionnaires, “mais pourquoi tu fais ça? C’est tellement risqué”, voilà. Mais en fait, quelques fois, t’as tellement envie de faire ce truc, et comme tu t’es pas renseignée en amont, t’as l’impression qu’en fait, il y a zéro droit. Je sais plus, j’en discutais avec… Pareil, là, il y a deux semaines, il y a une entrepreneure que, voilà, en discutant avec elle était convaincue qu’elle n’avait pas le droit de congé maternité. Non. Bien sûr qu’il y en a un, certes pas aussi élevé que si tu étais salarié, mais il en existe bien un. En fait, c’est pas tout ou rien, c’est beaucoup plus subtil.
Et clairement, il faut aller voir des avocats ou des comptables ou d’autres professionnels qui s’y connaissent, justement pour se saisir de ces questions, parce que sinon, tu ne peux pas savoir. Tu restes dans une espèce de truc un peu flou. Et moi je trouve qu’en fait vraiment pour le coup pour les femmes, c’est extrêmement important parce qu’en fait on est moins riches.
Clémentine Sarlat : Oui, statistiquement.
Estelle By : Statistiquement on est moins riches, on a moins d’argent. Donc en fait, c’est pas forcément hyper intuitif d’aller voir un avocat parce que c’est cher, mais en fait comme on a moins d’argent et en fait on peut moins se permettre de le perdre.
Clémentine Sarlat : Et en fait, c’est un investissement utile sur le long terme.
Estelle By : Exactement.
Clémentine Sarlat : Qu’on omet de faire au début parce qu’on se dit “ça va être trop d’argent, je n’ai pas la possibilité de le consacrer à la structuration et la protection”.
Estelle By : Oui, tout à fait. Alors que pour moi, c’est une erreur parce qu’en fait, alors ça, c’est d’une manière générale, ce n’est pas que lié aux femmes. Mais tu vois, les stats, c’est quand un entrepreneur en France aujourd’hui, crée sa boîte pendant deux ans, c’est 60% d’entrepreneurs qui ne vont pas voir un professionnel du droit ou du chiffre.
Clémentine Sarlat : J’en fais partie. Sauf le comptable, parce que tu n’as pas le choix.
Estelle By : Oui, le comptable, tu n’as pas le choix. Tu ne vas pas te renseigner.
Clémentine Sarlat : Mais ça m’a pris trois ans. 60% ! Ça va, je me sens moins seule.
Estelle By : Et quelquefois, je me suis rendue compte aussi, parce que comme je fais énormément de com sur les réseaux sociaux et voilà j’ai aussi un podcast tu vois mais à mon échelle pas comme celui de la Matrescence comme Clémentine, évidemment, en fait tu te rends compte que en fait les gens sont quand même intéressés par leurs droits au final. Parce que mais jusqu’à présent il y avait plein de gens, en fait les gens ça ne les intéresse pas de traiter tu sais de l’entrepreneuriat féminin parce que Il y a un aspect un peu comme ça, où est-ce que tu sais… Je dis pas que je suis précurseure, parce que c’est pas forcément le cas, mais tu te rends compte que quand même, beaucoup…
Je pars du principe que quand les gens se posent des questions, c’est quelque part, il y a quand même un vrai besoin, tu vois. Parce que, et encore une fois, comme c’est quelque chose d’extrêmement récent, en fait, rien n’est pensé pour les femmes. Il y a aussi un truc un peu comme ça…
Clémentine Sarlat : Je crois que quand on devient entrepreneur, on s’en rend vite compte. On se dit, “ok, d’accord”.
Estelle By : C’est quand même ultra violent. Oui, c’est pour ça que d’une certaine manière, alors c’est vrai, ça va vous rajouter de la charge mentale parce qu’effectivement, se dire à un moment ou à un autre, je pousse la porte d’un avocat, c’est dire qu’il faut que j’ai déjà cette démarche en fait de le faire. C’est une charge mentale en plus. Ça prend du temps.
Ça coûte de l’argent, mais au final, tu vois, moi je dis toujours, bon bah en fait dans les faits, à chaque fois que j’ai reçu quelqu’un, tu vois, en consultation pendant une heure et demie, en ressortant, certes il n’y a rien de palpable, mais moi en fait tous mes clients, clientes en tous les cas, elles étaient ultra contentes parce qu’elles étaient là “oh mais j’ai appris plein de choses, je suis extrêmement heureuse parce qu’en fait j’avais jamais vu d’avocat”. Et en fait, je me rends compte à quel point c’est important pour nous de nous protéger en tant que femmes. Voilà, la sécurité financière parce qu’il y a tellement d’incidences, parce qu’il ne faut pas s’appauvrir. Il ne faut pas devenir entrepreneure pour s’appauvrir.
Clémentine Sarlat : Non, ce n’est pas le but.
Estelle By : Non, ce n’est pas le but, mais malheureusement…
Clémentine Sarlat : C’est la réalité parfois.
Estelle By : Beaucoup, je pense que c’est… Tu vois, encore une fois, on n’a pas le recul parce que c’est récent. Mais oui, il faut faire attention. Et surtout qu’on vit plus longtemps.
Clémentine Sarlat : J’ai une dernière question, tu l’as très rapidement évoquée tout à l’heure. Là, on a beaucoup parlé de quand on est en couple, donc c’est vrai que c’était très orienté sur les couples plutôt hétérosexuels dans les disparités. Mais si on se marie et qu’on a une entreprise, à quoi on doit faire attention? Est-ce que le régime matrimonial a une importance?
Estelle By : Voilà, ouais. Alors ça, c’est une super question.
Clémentine Sarlat : C’est la dernière question, c’est Jackpot.
Estelle By : Mais en plus, c’est super important comme question, en fait, Clémentine. En fait, tu vois ce qu’on nous vend encore une fois, le couple hétéronormé… En fait, c’est l’amour, tu vois. L’amour, en fait, dépasse tout, les galères. En fait, ce qui est à toi et à moi, tu vois, c’est toutes ces choses un peu. On a tous été biberonnés par des comédies romantiques, évidemment. Oui, il y a un vrai sujet parce que typiquement, aujourd’hui, ce qu’il faut savoir, c’est que les gens, lorsqu’ils veulent se marier, ils n’ont pas le réflexe d’aller voir un auteur. De la même façon, tu vois, qu’ils n’ont pas le réflexe d’aller voir un avocat quand ils créent une entreprise.
Et il y a des vrais sujets, parce que si typiquement, je vais te donner un exemple, tu te maries par exemple, tu fais pas de contrat de mariage en communauté légale, derrière tu crées ton entreprise sans changer de régime matrimonial, ensuite tu divorces, là, la valeur de la moitié de la boîte revient à ton conjoint. Donc, parce que tu es sous le régime de la communauté. Donc oui, il y a un vrai sujet et c’est, moi c’est dans mon exercice, j’ai déjà vu des sujets un peu comme ça, et c’est pas hyper sympa parce que tu vas découvrir, on va dire, derrière qu’au final il y a la moitié de la valeur de ta boîte, admettons qu’elle vaut, je sais pas, 500 000, tu demandes le divorce, il faut que tu rendes 250 000 euros en fait à ton ex-mari. Oui, c’est un fait.
Donc ça, on peut le changer. Sachez qu’on peut aussi le changer parce qu’en fait c’est pas parce qu’on est aujourd’hui mariés sous le régime de la communauté, parce qu’en fait si on a des auditrices en fait qui sont mariées sous le régime de la communauté, qui paniquent, en fait il n’y a rien d’inéluctable. Il faut aller voir un notaire, et se renseigner comment on peut faire pour liquider la communauté. Et en fait, là, on peut repartir sur une base de j’ai fait un contrat de mariage. Parce que tu vois, en gros, le schéma qu’on a souvent, c’est bon, si tu rencontres ton conjoint tôt, tu te maries vers 25, 26 ans, mais tu n’as peut-être pas un projet d’entrepreneuriat d’abord. Donc, en fait, c’est rarement concomitant, on va dire.
Ensuite tu te poses pas forcément la question et tu te dis bah j’ai ce super projet, 7 ans après tu vois t’as 35 ans, un peu moins de 35 ans, tu vas pas forcément te poser la question. Mais bon, en fait, au final, oui, il y a un vrai sujet. Et c’est pour ça que, encore une fois, ne pas aller voir un professionnel du droit pour monter sa boîte, parce que je sais qu’il y a plein de solutions aujourd’hui qui te permettent de créer assez facilement, on va dire. Mais il faut quand même se renseigner, parce qu’on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Et je pense que le sujet, c’est que, tu sais, t’as une vision hyper romantique du couple. Voilà “non, pourquoi tu veux faire un contrat de mariage? J’ai l’impression qu’en fait tu ne m’aimes pas”.
Mais en fait ça n’a rien à voir c’est aussi une façon aussi de se dire “bon je me renseigne parce qu’en fait tu peux très bien prendre rendez-vous chez le notaire derrière rien signé”, mais au moins tu seras prévenu et tu comprendras en fait les implications en cas de divorce par exemple, et le coupler en fait avec l’entrepreneuriat parce qu’en fait si ta boîte elle vaut extrêmement cher ou qu’elle marche très très bien, bon t’as quand même un sujet de dire est-ce que c’est ok ou pas.
Et par ailleurs pour revenir sur ça, tu parlais donc des femmes entrepreneures, par défaut, beaucoup de chefs d’entreprise, donc là, des hommes, souvent, comme ils sont déjà chefs d’entreprise, en revanche, ils te font bien comprendre, avant de te marier, qu’il faut passer chez le notaire pour se mettre en séparation de biens.
Clémentine Sarlat : Eux, ils ont déjà cette éducation autour de ça.
Estelle By : Exactement. Donc souvent, parce qu’en fait, chez les hommes, faire appel à un avocat, c’est beaucoup plus naturel, un avocat ou bien même le notaire, tu sais, de famille qui va te conseiller, parce que l’idée, c’est de préserver un peu le patrimoine, donc à la fois professionnel, donc ta boîte, mais également perso. Il y a une histoire en fait de transmission qui se crée, alors que nous les femmes, quand j’en parle à chaque fois, personne n’est au courant.
Clémentine Sarlat : C’est en mode “tout ce qui est à toi est à moi”.
Estelle By : Voilà, exactement. Tu vois la question de tout ce qui est patrimonial, en fait, encore une fois, c’est beaucoup de biais, un peu comme ça, tu ne vas pas toucher à l’argent. Souvent, c’est “les femmes, elles ne vont pas faire les déclarations de revenus”. Tu vois, s’il faut vendre un bien, c’est toujours l’homme qui va aller gérer le patrimoine. Et c’est aussi lié un peu à ça. Et en gros, c’est pour ça qu’on va retomber sur nos pattes, mais en gros, ça fait partie de l’éducation financière. Donc la question du régime matrimonial, il faut la traire à cette question d’éducation financière.
C’est pour ça que si vous n’en avez pas et que vous êtes entrepreneure ou que vous comptez vous lancer : oui. Enfin, il faut trouver un moyen, renseignez-vous sur ce qui peut se passer en cas de décès, parce que c’est là aussi qu’on liquide la communauté, ou en cas de divorce, parce qu’en fait c’est ultra important.
Clémentine Sarlat : Et dernière question, si on est en micro-entreprise, ça joue aussi ou ça n’a rien à voir là pour le coup?
Estelle By : Oui, bien sûr que ça joue.
Clémentine Sarlat : Donc c’est la même chose?
Estelle By : C’est la même chose.
Clémentine Sarlat : La moitié appartient au mari ou à la femme?
Estelle By : Oui, tout à fait. Parce qu’en fait, tu te retrouves c’est ce qu’on appelle, en fait, tu es entrepreneur individuel. Donc, en gros, c’est un peu comme tu as ton patrimoine, en fait, au final. Là, il n’y a aucune différence. C’est vraiment… Voilà, donc la question du régime matrimonial, il faut être ultra vigilant dessus et aller voir des professionnels du droit. Enfin, voilà.
Clémentine Sarlat : Merci beaucoup Estelle, j’ai l’impression qu’on a abordé quand même un large panel de sujets.
Estelle By : Oui, alors beaucoup de sujets, mais moi en tout cas, oui, pour moi, c’est très important parce que c’est encore une fois, c’est votre sécurité financière qui est en jeu. Donc, il ne faut pas hésiter à aller consulter les pros.
Clémentine Sarlat : Merci à toi.
Estelle By : De rien.
Clémentine Sarlat : Je suis ravie de t’avoir reçu.
Estelle By : Merci. Merci.