Episode 194 – Être un homme trans qui a porté son bébé, Isaac

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Je n’ai jamais abordé ici les questions transgenre, je suis très honnête, je ne connais que peu ce milieu et les problématiques qui en découlent.

Alors quand Isaac, m’a contacté pour parler de sa parentalité trans, lui qui a porté son bébé, j’ai tout de suite accepté.

Nous sommes en juin et c’est l’occasion de célébrer la parentalité LGBTQ+ Isaac est née en tant que petite fille dans les années 90.

Dans sa vingtaine, il comprend au détours de rencontres qu’il n’est finalement pas une personne cis-genre mais bien une personne trans…

Arrive la trentaine et l’envie de construire une famille avec son compagnon lui aussi trans.

J’avais 1000 questions à lui poser. Comment fait-on pour mener une grossesse, comment on choisit celui qui porte le bébé, quel regard porte la société sur les hommes trans qui crée la vie, comment le personnel hospitalier se comporte avec une grossesse extra ordinaire ?

Il y a une centaine d’hommes trans qui ont donné naissance en France et forcément, rendre public cette parentalité demande du courage, parce que s’exposer c’est parfois malheureusement encore se mettre en danger.

Isaac est touchant et lumineux.

J’espère que cet épisode vous permettra de porter un regard plus juste sur ce que vivent les personnes trans dans notre société.

Je vous souhaite une très bonne écoute.

TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine Sarlat : Salut Isaac!

Isaac : Salut !

Clémentine Sarlat : Ça va, pas trop stressé?

Isaac :  Un peu, mais merci beaucoup de me recevoir, ça me fait très plaisir.

Clémentine Sarlat : Merci à toi parce que vraiment je voulais te le dire c’est toi qui m’as contacté via les réseaux sociaux pour me proposer ton témoignage et j’ai tout de suite dit oui évidemment parce que ta situation elle est extraordinaire elle est plutôt exceptionnelle dans la société française et donc merci parce que je pense ça demande du courage de venir témoigner, de s’exposer surtout qu’aujourd’hui c’est quand même filmé donc il y a ton visage. Je pense que c’est utile que tu témoignes, donc vraiment merci.

Isaac : Merci beaucoup.

Clémentine Sarlat : Et bravo d’avoir eu le courage de venir me dire, il faut que je raconte mon histoire, est-ce que tu veux bien? Alors d’ailleurs, on va commencer par ça. Est-ce que tu peux te présenter, nous raconter un petit peu comment ça s’est passé dans ton enfance?

Isaac :  Ouais, du coup je m’appelle Isaac, j’ai 30 ans passé et puis il y a un an j’ai donné naissance à un petit bébé à la maternité d’Elila. Je suis né au début des années 90 et j’ai grandi avec ma mère et mes deux frères. Et assez tôt, je pense que j’ai réalisé que j’aurais bien voulu peut-être être un garçon ou quelque chose comme ça. Et puis disons que la période de l’enfance, c’est une période où en tout cas, pour les personnes qui ont été assignées filles à la naissance, c’est une période où on a le droit, on a pas mal quand même de liberté. Donc moi, j’avais pas mal de liberté. Disons qu’il n’y avait pas tellement de différence fille-garçon entre ce que je pouvais faire et ce que les garçons pouvaient faire, donc finalement j’ai trouvé mon compte.

Il y avait quelques limites qui étaient quand même posées. Par exemple, il y avait la question du foot, parce que moi j’aimais bien tout ce qui était jeux de balles, jeux de ballons, tout ça. Moi j’adorais aussi jouer avec les polypockets, ça n’empêche pas. Mais voilà, j’aimais beaucoup jouer au foot, tout ça. Et par exemple, ma mère, ça c’est un truc Je voyais dans ses regards ou alors dans ses remarques que c’était un peu une limite. Je pouvais en faire mais elle le désapprouvait. Mais disons que c’était à peu près la seule limite à l’époque.

Clémentine Sarlat : Tu veux dire de jouer au foot?

Issac : Ouais, c’est ça. Je pouvais jouer au foot mais je voyais que c’était un truc que ma mère elle aimait pas trop. Vraiment, elle le disait. Moi j’ai rêvé d’aller faire du foot dans un club ou de ça.

Et puis d’ailleurs aux Etats-Unis, le foot c’est pas étiqueté de la même manière.

Clémentine Sarlat : Non, c’est beaucoup plus féminin là-bas.

Isaac :  Ouais, complètement. Mais en tout cas dans les années 90, C’était tout à fait différent. Et puis, comme j’avais envie de faire des sports de balle, ma mère m’a mis au tennis. Donc j’ai fait du tennis pendant un certain temps. J’ai pris goût, tout ça. Et puis, à la fin des années 90, moi je suis à la fin de l’école primaire, c’est l’affaire Amélie Mauresmo. Et moi là je me reconnais complètement dans Amélie Moresmo, enfin je peux complètement me projeter et chez nous on regarde les guignols de l’info et voilà elle est moquée, caricaturée et puis je vois que le fait de manquer de féminité on va dire pour une fille c’est quelque chose qui risque de m’exposer.

 Et puis, voilà, en grandissant, tout d’un coup, la liberté, elle devient un peu de plus en plus limitée en tant que personne qui a été assignée fille. Et il va y avoir des rôles un peu plus distincts entre garçons et filles. Et c’est des choses que j’intègre que j’intègre petit à petit. Par exemple, avant de rentrer en sixième, il y a un été où je joue encore au foot. Je pense que c’est une des dernières fois où j’ai joué au foot. J’étais au goal parce que j’aimais bien faire ça. Je reçois une balle dans la main et ça me blesse le poignet. Et voilà pendant 48 heures en fait je vais pas le dire à ma mère parce que je sais que ma mère elle va dire que j’aurais pas dû jouer au foot en fait et voilà il faut que je le cache en espérant que ça va passer mais bon finalement en fait ça passe pas et voilà on va aux urgences et en fait il apparaît que j’ai des os qui sont déplacés dans le poignet. Mais c’est ça, c’est qu’avec la fin de l’enfance, je commence un peu à intérioriser tout ce qui est normes de genre et puis qu’en fait, il va falloir que je commence à respecter davantage ce qu’on attend d’une fille. Et avec la sixième, l’entrée en sixième, ça commence à être vraiment beaucoup plus pesant. Et là, il y a une différence vraiment, il y a le groupe des filles, le groupe des garçons.

Et là, disons que petit à petit, en fait, je commence un peu à passer en sous-marin et puis un peu à m’éteindre, en fait. Et puis ça va durer comme ça pendant un peu toute l’adolescence, quoi, où je vais me conformer énormément aux normes de féminité, un peu avec des formes de dissociation aussi, ce qui fait que ça va aussi pas mal m’exposer à des violences sexistes, à des violences sexuelles, tout ça. Voilà, parce qu’il y a une sorte de dissociation un peu, quoi. Et voilà, l’adolescence passe et ensuite je quitte chez ma mère et puis je rencontre un groupe d’amis qui sont… Il y en a déjà qui sont queer dans ce groupe-là, enfin il y a deux personnes qui ne sont pas des personnes hétéros.

Et d’ailleurs c’est à cette période-là que j’apprends le terme de hétérosexuel parce que je ne connaissais pas ce terme auparavant. Et puis petit à petit, dans ce groupe, tout le monde va commencer à dire oui, moi je suis peut-être bi, je ne suis peut-être pas hétéro, tout ça, tout ça. Et je regarde ce groupe un peu de loin, je suis avec eux de temps en temps, mais pas tout le temps. Et puis petit à petit, je vais intégrer ce groupe-là, et je vais mettre en relation avec une des personnes de ce groupe-là, qui est aujourd’hui mon partenaire. Ça c’était quand j’avais la vingtaine. Et voilà, donc là c’est une période qui est hyper cool parce que je découvre plein de choses, je me dis mais comment j’ai pu passer à côté de tout ça? À ce moment-là c’était…

Du coup je mets avec une personne et du coup on est un couple lesbien, on va dire. Et voilà du coup, je découvre The L Word, toutes les choses que j’avais jamais entendues parler, je regarde les épisodes, tout ça. C’est un peu une période d’émerveillement quoi. Et puis après, vient la manif pour tous. C’est ça, j’ai le début de la vingtaine. C’est une période qui est super dure parce que les discours de la manif pour tous font écho à ma mère, même si elle n’était pas du tout à la manif pour tous. Mais elle était sensible à l’équilibre au sein de la famille, pour les enfants, tout ça.

Tous les discours autour des enfants, c’est un discours auquel elle est sensible parce que ma mère, elle est séparée, elle a divorcé deux fois et du coup il y a tout ce truc de comment faire pour que mes enfants ne soient pas traumatisés alors que j’ai divorcé, tout ça. Et donc voilà, ça fait qu’un peu paradoxalement, elle est sensible au discours de la manif pour tous. Et elle m’en fait part et elle me dit des choses un peu terribles régulièrement à cette période-là. Mais il y a des mobilisations qui se mettent aussi en place pour répondre à la manif pour tous, il y a des manifestations, tout ça.

Et là je croise des groupes, enfin des associations de personnes trans et là quand je les vois du coup je me dis ouais non mais en fait c’est ça en fait juste je suis trans quoi et en fait ce truc était venu quand j’étais tout enfant voilà je pense j’étais à la maternelle ou quoi et que j’avais un peu géré avec les normes de genre pendant l’enfance et puis après que j’avais juste mis en sous-main pendant l’adolescence, ben là en fait ça revient et après il va se passer un certain temps entre le moment où je me dis ok je suis trans et puis en fait le moment où je vais commencer à transitionner, à changer de prénom, il va se passer plusieurs années.

 Apprendre de la testo, voilà j’ai pris de la testo régulièrement je pense peut-être trois fois pendant un an et demi j’ai fait des coupures tout ça. Et puis la dernière fois, après j’ai arrêté parce qu’on a du coup décidé avec mon partenaire qu’on s’est décidé qu’on allait la voir un enfant, que c’est moi qui allais le porter et voilà.

Clémentine Sarlat : On va en parler. Là, tu m’as raconté de manière rapide tout ce qui s’est passé, qui est intense en 30 ans de vie, quasiment. Je vais te reposer plein de petites questions, mais tu vas pouvoir nous raconter. Tu dis qu’à la maternelle, déjà, tu savais que t’avais été assignée, t’étais pas dans le bon corps. Qu’est-ce que tu ressentais en tant que petite fille qui comprend qu’il y a fille, garçon, que t’aurais préféré être un garçon? C’est quoi? Quelle pensée est-ce que tu as à ce moment-là?

Isaac :  C’est pas très clair dans mes souvenirs, mais je sais qu’il y a des moments où je pouvais me dire que je préférerais être un garçon. Mais après, c’est par ailleurs des pensées que plein de gens peuvent avoir. Mais c’est pas quelque chose qui me rend spécialement triste parce que et j’ai un peu un champ de liberté et par exemple il y a toute une période où il y avait des déguisements d’Astérix dans la chambre de mon frère et pendant je sais pas un mois ou deux je me trimballe à être déguisé en Astérix chez moi et puis on a un tableau de tâches ménagères je raye mon prénom sur le tableau de tâches ménagères pour mettre Astérix bon voilà du coup c’est disons que ça…

Clémentine Sarlat : Tu trouvais des subterfuges pour pouvoir être autre chose que ce que tu étais à l’époque

Isaac :  C’est ça..

Ouais, et puis comme il y a aussi, possiblement c’est des expériences qui peuvent être aussi vécues par des personnes cisgenres. Cisgenres ça veut dire pas trans. Mais dans mon cas, c’est venu quand même de manière récurrente. C’était jamais clair, mais c’était pas clair parce qu’en fait, il n’y a aussi pas de visibilité et surtout, les personnes trans, on en parle peu. On parle plutôt des femmes trans, ou en tout cas, ça a été la majorité pendant plusieurs décennies. Donc en fait, je n’avais pas de mots à disposition pour capter en fait, c’était quoi Je sais pas, on va dire ma particularité, quoi. De la même manière que je découvre le terme hétérosexuel à 20 ans, bon bah je découvre le terme cisgenre beaucoup plus tard, bon ça c’est aussi plus récent comme terme, mais ouais, voilà.

Clémentine Sarlat : Mais de ce que tu racontes, t’avais internalisé très tôt, très vite, qu’il y a des rôles genrés dans la société, que jouer au foot c’est pas forcément bien vu, que jouer à la poupée ou prendre soin du bébé quand t’es une fille c’est ce qu’on attend de toi, que tes frères ont d’autres possibilités de jeu ou d’exploration que tu n’as pas, et vice-versa j’imagine. Et c’est ta norme en fait, c’est ça. Mais toi, t’es attiré par des activités qu’on dit plus… À l’époque surtout, masculine, aujourd’hui on a compris que c’était pas ça.

Isaac : 

Oui et puis c’est pas seulement des trucs d’activité, parce que effectivement j’aime bien jouer à l’extérieur tout ça, mais vraiment aussi j’aime bien jouer avec les polypockets, voilà je me vois dans la chambre à jouer avec les polypockets tout ça.

Clémentine Sarlat : Oui, c’est pas ça qui fait qu’on est trans.

Isaac :  Oui, c’est ça, c’est pas seulement les activités, c’est plus quelque chose que je peux ressentir et puis aussi quelque chose que je vois quand je dépasse certaines limites, les regards qui me disent là ça va pas et donc là c’est là où j’intériorise qu’il y a quelque chose qui va pas, qu’il y a quelque chose un peu de honteux, il faut pas être comme ça.

Clémentine Sarlat : Dans ta famille, c’était ces normes-là. Moi, dans ma famille, jouer au foot, c’était normal quand j’avais une fille, c’est pas grave. Mais toi, t’as grandi dans une famille qui a les traditions assez classiques, on va dire, où on a genré certaines choses, parce que c’est comme ça, sans vraiment se poser la question, j’imagine. T’as jamais posé de questions à ta mère, par exemple? Tu sais, les enfants, ils comprennent pas très bien ce qui est OK ou pas OK.

Isaac :  Mais je pense que si, parce qu’il y a pas longtemps, ma mère, elle m’a évoqué que… Je lui avais parlé de ça, mais je ne me souviens pas. Je pense que j’étais vraiment à la maternelle, mais elle me l’a évoqué tellement vite que j’ai compris qu’il ne fallait pas, même aujourd’hui, trop en discuter. Donc voilà, je n’ai pas de souvenirs de ça, mais ça m’a étonné quand elle m’a dit ça parce que je ne me souvenais pas. Et là, je me suis dit, je n’ai pas réussi bien à me cacher. C’est ça que je me suis dit quand elle me l’a dit.

Clémentine Sarlat : Ce qui veut dire que quand t’arrives dans la vingtaine, tu découvres qu’il y a les hétérosexuels, il y a les bi, il y a lesbiennes, il y a les homosexuels, bref, il y a tout un champ des possibles que tu n’avais pas imaginé. À aucun moment, tu te dis je ne suis pas née dans le bon-sexe? Ou c’est juste en côtoyant des personnes trans que là, tu dis oui, ça, c’est moi?

Isaac :  Je ne pense pas que c’est une conception que j’ai de me dire que je ne suis pas né dans le bon corps. Et c’est vrai que c’est souvent présenté comme ça et je pense que c’est aussi une manière de faire comprendre les choses facilement. Et puis en fait, c’est qu’on a des expériences de ressentis qui peuvent être différentes d’une personne à une autre. Moi, je ne me suis jamais vraiment dit que j’étais dans le mauvais corps. Il y avait quelqu’un qui disait que plutôt il avait fait des petites customisations. Bah moi c’est plutôt comme ça que je le vois, en mode il y a des gens ils font des tatouages, bon bah moi j’ai pris de la testo, j’ai fait une mammec’ et puis voilà quoi.

Mais c’est pas vraiment le mauvais corps, c’est bah en fait je préfère qu’on me genre au masculin et en fait s’il faut choisir je préfère plutôt du côté masculin quoi, c’est plutôt comme ça.

Clémentine Sarlat : Donc tu rencontres ton partenaire, en fait ça fait très longtemps du coup, c’est une histoire d’amour. 

Isaac :Ça fait hyper longtemps.

Clémentine Sarlat : Vous naviguez dans la vingtaine ensemble, dans le milieu queer, vous ne vous posez pas encore la question de savoir si vous voulez construire une famille ou est-ce que ça vient, comment ça vient cette question-là?

Isaac :  Moi au départ j’étais pas du tout chaud pour avoir des enfants parce que je rejetais ça parce que dans ma tête c’était associé au fait d’être une fille et puis en plus à l’assignation très forte qui pèse sur les filles d’avoir des enfants, il y avait ce truc Et après, quand je traîne dans les milieux féministes, tout ça, ça me fait beaucoup de bien parce que ça permet aussi de discuter, de faire du lien avec des gens qui ont vécu des violences comme beaucoup de personnes assignées filles à la naissance et pas seulement. Et je ne me souviens plus de la question.

Clémentine Sarlat : Comment vous décidez du coup de vous dire on veut faire une famille? Est-ce que tu disais que toi à la base c’était pas quelque chose que tu avais envisagé devenir parent? Parce que ça te renvoyait à la féminité.

Isaac :  Et puis à l’obligation qui pèse, qui est lourde et tout. Et à un moment donné, on a des amis, on se fait des amis à la fac parce qu’on va à la fac. Et puis il y a des amis, il y a une amie qui a déjà un enfant, il y a d’autres amis qui sont queers aussi et qui se disent qu’ils aimeraient bien avoir des enfants. J’évolue dans un groupe où en fait commence à y avoir un petit peu des enfants. Et ça me fait aussi voir une autre manière d’avoir des enfants.

C’est pas forcément une assignation qui me pèse et puis entre temps j’ai aussi transitionné donc l’assignation finalement je suis plus trop invité à avoir des enfants dans cette histoire donc ça met un peu de distance et du coup ça me fait aussi voir d’autres modèles et mon partenaire, on a quand même à ce moment là la fin de la vingtaine voir le début de la trentaine.

Clémentine Sarlat : Et vous avez transitionné en même temps?

Isaac :  Non, alors c’est toujours dur de savoir quand est-ce qu’exactement on date le début de la transition, mais moi j’ai commencé un petit peu avant et lui il a fait un petit peu après. Mais quasiment à la même période. Dans la deuxième moitié des années 2010, grosso modo, on a fait ça. Et mon partenaire, lui, il a toujours eu en tête, de ce que je sais, il voulait avoir des enfants. Et on a un peu réfléchi, moi j’ai réfléchi de mon côté un peu en silence, qu’est-ce que ça me fait si j’envisage ça. Et puis, on réfléchissait même à éventuellement que lui il ait des enfants sans que moi je sois le parent, tout ça. On était ouvert à pas mal de possibilités, même si c’est plus pratique de faire comme on a fait.

Et puis je voyais bien que j’arrivais pas trop à me décider et je me disais mais en même temps j’ai un peu envie, ça a l’air quand même d’apporter des choses cool et puis ça a l’air d’être des bons moments et donc je me suis dit ok vas-y on essaye.

Clémentine Sarlat :  Pour préparer cet épisode, on s’est appelé parce que j’avais plein de questions. C’est évidemment un monde que je connais pas du tout. Et tu m’as expliqué surtout qu’il y a aussi le fait qu’il y avait une loi, jusqu’à très peu de temps, qui vous demandait d’être stérilisé quand vous transitionniez, donc il n’y avait pas de possibilité au final de porter un enfant ou d’être parent, en tout cas par cette voie-là. Donc c’était avant de toute façon quelque chose qu’on n’envisageait pas. Donc il y a ça aussi qui a joué.

Isaac :  Oui, c’est ça. En fait, il y a un peu… 

Cléméntine Sarlat :C’est quand la loi? 

Isaac : C’est 2016. Il y a un peu plein de choses qui étaient contre l’idée qu’un jour je puisse avoir un enfant. Et puis, il y a cette loi qui a changé, du coup c’est fin 2016, donc elle a été appliquée en 2017, où pour changer d’état civil, que ce soit le prénom ou le M ou le F sur la carte d’identité ou les papiers, il n’y a plus besoin d’avoir été stérilisé, il n’y a plus besoin d’apporter des documents médicaux qui apportaient la preuve irréversible que la transition elle était définitive. Et dans le définitif en fait, en pratique, ce qui se passait c’était la stérilisation en fait.

Clémentine Sarlat : Donc c’était ligature des trompes chez les femmes ? C’était quoi ?

Isaac : Alors pour les mecs trans c’est hystérectomie.

Clémentine Sarlat :

Oui, on a enlevé l’utérus.

Isaac : Et donc ça, c’était la preuve que c’était irréversible, ce qui n’a pas de sens en vrai, parce que quand on prend de la testo, on a des effets qui peuvent être irréversibles. 

Clémentine Sarlat : On n’est pas moins femme parce qu’on n’a pas d’utérus.

Isaac : Oui, il y a plein de choses qui ne vont pas dans cette histoire, clairement. Moi j’ai changé de prénom, je ne sais plus, j’ai attendu, ça a duré un certain temps de mon côté parce que Voilà, pour plusieurs raisons. Et du coup, j’ai changé de prénom en 2019 et après, c’était du coup, je pouvais… Voilà, j’avais toujours mes organes reproducteurs, tout simplement. Donc ça a pu être possible. Et ça, effectivement, c’est… Voilà, c’est des luttes qui ont été menées pendant plusieurs années et qui ont fait qu’aujourd’hui, on peut avoir des enfants.

 Et pourtant, avoir des enfants, ce n’est pas du tout une expérience qui est rare pour les personnes trans, parce qu’il y avait des estimations qui étaient faites par un orga’ au niveau européen qui s’appelait Transgender Europe et il disait qu’il y avait possiblement une personne trans sur cinq qui était parent donc c’est une expérience qui est courante en fait parmi les personnes trans mais en fait ce qui est nouveau avec cette loi c’est qu’en fait il y a des gens qui deviennent parents après avoir transitionné ou après avoir pris des hormones et c’est ça qui est nouveau.

Clémentine Sarlat : C’était avant de transitionner, les gens avaient déjà eu des enfants et puis ensuite ils passaient à une deuxième vie au final. Alors qu’aujourd’hui, vous êtes dans votre vie que vous avez choisie et on vous autorise, malheureusement je dis ça mais, vous avez la possibilité de faire comme vous avez envie.

Isaac :  C’est ça qui est nouveau. Et puis en plus, il y avait aussi l’expérience d’Ali Aguado qui avait médiatisé la naissance. Et puis le fait… Ce n’était pas la naissance qui l’avait médiatisé, c’était le fait qu’il avait été le premier personne trans à être reconnu père et à avoir donné naissance. C’était sur ça qu’il voulait visibiliser. Et du coup, il a fait des… Des entretiens à Radio France, tout ça. Et moi, je les ai écoutés avant même de me décider. Et voilà, il y avait aussi un chant des possibles qui, tout d’un coup, était là.

Clémentine Sarlat :Parce que c’est ça aussi, c’est que vous défaussez le chemin, il y a très peu de représentativité. Tu vas nous en parler après, ce que tu as créé et ce que ça représente. Parce que je t’ai demandé, en France, ça correspond à combien de personnes, hommes trans, qui donnent naissance, qui portent leur bébé? Et tu m’as dit qu’il y a moins de 100, une centaine de personnes, c’est ça à peu près?

Isaac : Oui, je pense qu’on n’est pas beaucoup pour l’instant, mais c’est que, de toute façon, on n’est pas beaucoup en tant que tel après. Il y a aussi des statistiques qui disent qu’il y a beaucoup de gens qui ne transitionnent pas parce que, selon les contextes politiques, c’est plus ou moins risqué de transitionner.

Clémentine Sarlat : C’est pour ça que je parle de la France. La France, ça représente très peu de naissances, donc c’est pas comme si tu en croises tous les jours et que c’est facile d’avoir accès à cette information, de comment c’est possible, ce qu’on fait…

Isaac : Oui, et puis d’échanger entre nous, parce que vraiment c’est ça que moi je trouvais difficile, c’était que… J’avais une expérience qui était particulière et puis je me sentais plus à l’aise, plus en confiance de parler de grossesse, de après, du postpartum, tout ça avec d’autres mecs trans parce que c’est des moments où on est vulnérable et on n’a pas envie d’entendre des gens qui vont nous mégenrer ou des choses comme ça, donc on a envie d’être compris, sans passer par cinquante chemins ou sans se dire ok bon c’est pas grave, machin. Donc c’est pour ça que c’est cool de pouvoir discuter entre nous et tout quoi. Mais on n’est pas beaucoup, oui clairement, mais on est de plus en plus parce que c’est possible et puis il y a des gens qui ont fait des comptes Instagram aussi.

Clémentine Sarlat : Il y a eu la couverture du magazine, comment il s’appelle? En Angleterre.

Isaac :  Oui, celui qui a fait Seahorse Dad, qui est journaliste.

Clémentine Sarlat : Un homme trans qui est enceint, avec un ventre, exposé. Comment c’est le nom du magazine? J’ai regardé juste avant de venir. Enfin bref, on mettra le lien. Visuellement, on a vu ce que c’était déjà, juste de voir un homme trans qui porte un bébé.

Isaac : Et puis on commence un peu à être passé, c’est plus tellement la période où c’est le tout début, parce qu’il y avait genre Thomas Beatty je crois, aux Etats-Unis dans les années 2000, qui était passé en secret story je crois en France, et son secret c’était d’avoir porté son enfant justement. Mais là maintenant ça devient plus banal quoi vraiment.

Clémentine Sarlat : Donc alors si on reprend ton histoire avec ton partenaire, vous avez transitionné à peu près en même temps on va dire, donc vous décidez de fonder une famille, comment ça se passe? Parce que est-ce que vous décidez, il y en a un qui le porte, pas l’autre? Est-ce que vous voulez de manière naturelle ou est-ce que vous voulez finalement adopter? C’est quoi la discussion autour de la construction de votre famille?

Isaac :  Bah alors déjà la question de l’adoption on l’a écartée parce que étant deux personnes trans et en plus du coup voilà on est perçu comme un couple gay on n’allait jamais arriver en haut des listes donc voilà Et puis, finalement, ça fait pas vraiment sens pour nous d’adopter, puisqu’on a la capacité de créer des enfants. Donc, ça serait plutôt absurde. Mais après, ça serait absurde. Après, il y a des gens, ils préfèrent et tout. C’est pas pour juger quoi.

Clémentine Sarlat : Mais vous vous aviez la possibilité.

Isaac :  Mais nous, on s’est dit, voilà, on peut le faire. Donc, bon, on va le faire, quoi. Et comment on a choisi? Pour la personne qui allait porter, on s’est dit, c’est qui la personne la plus âgée? C’est moi. Donc, du coup, c’est comme ça qu’on a décidé.

Clémentine Sarlat :  D’accord! Est-ce que tu serais plus mature ?

Isaac :  Non, c’est juste que si jamais on en voulait plusieurs…

Clémentine Sarlat : Toi aussi t’as l’horloge biologique, du coup. Cette injonction.

Isaac :  Bah oui, de toute façon, t’es un mec trans, je suis traversé complètement par le sexisme et tout ça, clairement. Donc en fait, c’était assez simple. On s’est juste dit, voilà, qui c’est le plus âgé? C’est moi, donc…

Clémentine Sarlat : C’est intelligent et logique, ce que vous avez fait.

Isaac :  Donc voilà, on a fait ça.

Clémentine Sarlat : Et tu t’es dit, ouais, cool, OK, je me vois porter un enfant?

Isaac :  Non, vraiment, je n’arrivais pas à visualiser. Mais il y avait ce truc où je n’arrivais pas forcément à décider. Comme je n’arrivais pas à décider, je me suis dit bon, mais quand même, là, ça va, je suis bien entouré. Même si je ne suis pas certain, je vais le faire. Mais de me projeter, non, je ne voyais pas très bien. Jusqu’au moment où on nous a dit OK, là, c’est les trois mois sont passés de grossesse. C’est là que tout d’un coup, je me suis dit OK, Bon, ça va vraiment arriver. Mais voilà, pendant toute la période d’avant, c’est bon, on va faire un essai. Si ça se trouve, ça ne va pas marcher, tout ça. Bon, ça a marché du premier coup, tout ça.

Clémentine Sarlat : Et donc, tu peux nous raconter quand même, parce que je pense qu’il y a plein de gens qui ne se rendent pas compte de ce que ça veut dire faire un enfant. Il y a les méthodes à l’anciennes. Vous n’êtes pas allé en FIV ou en PMA ?

Isaac :  Ben non, parce que c’est ça, dans le sens où c’est pas des parentalités qu’on va favoriser, au contraire c’est plutôt des parentalités qui sont plutôt empêchées. Donc avant il y avait la stérilisation, donc là c’était assez clair. Mais aujourd’hui, par exemple pour la PMA, dans le cadre hospitalier, qui s’est passé pour le couple de femmes, et pour les femmes seules, Donc nous on pourrait y avoir accès, parce que moi j’ai pas changé d’état civil, j’ai toujours un 2 sur ma carte, mais parce que les personnes qui ont changé leur état civil et qui ont un 1 ne peuvent pas faire la PMA.

Clémentine Sarlat : Donc au nom de la sécurité sociale tu es toujours assignée femme.

Isaac :  Oui, c’est ça, j’ai un 2, tout simplement. Et du coup, je pourrais, mais

Clémentine Sarlat :  Parce que juste le 1 et le 2, tout le monde n’a pas la référence, je te le dis.

Isaac :  Oui, c’est que les cartes vitale elles sont faites avec des 1 et des 2, et puis en fait, il y a des… Un peu des paniers de santé qui sont remboursés pour ceux qui en ont un et puis des autres paniers de santé qui sont remboursés pour les deux, grosso modo.

Clémentine Sarlat : C’est intéressant parce que je pense qu’on ne s’en rend pas compte.

Isaac :  Oui, la sécurité sociale est complètement genrée. Voilà, par exemple, suivi gynécologique, si on change d’état civil, ça fait un peu bugger la Sécu. Maintenant, la Sécu commence un peu à être habituée. Mais, qu’est-ce qu’on disait?

Clémentine Sarlat : Pardon, je t’ai coupé. Vous cherchiez un moyen parce qu’il n’y aurait pas de PMA?

Isaac :  Oui, mais voilà, le signal qui est lancé en 2021 sur les personnes qui ont changé d’état civil et qui ont un 1 non pas accès, ça donnait un peu… C’était pas très rassurant de se dire on va débarquer, voilà moi j’ai une barbe, enfin… Clairement, je suis perçu comme un mec. Je me suis dit que je n’allais pas être bien reçu dans les espaces hospitaliers. Et puis, surtout que le monde de l’hôpital, c’est un endroit où les personnes trans peuvent être assez maltraitées de manière générale. Et c’est un des enjeux de mobilisation depuis super longtemps. Donc, on se dit, nous, on ne veut pas être stressé. Et puis, Et puis il y a aussi ce truc de pourquoi est-ce qu’il faudrait passer par le monde médical alors que, en plus le monde médical, ça voulait dire qu’on aurait eu un donneur anonyme.

Parce qu’à ce moment-là, c’était pas encore passé, je pense. Maintenant, il y a le truc semi-anonyme. Et nous, on s’est dit qu’on voulait pas un donneur anonyme. Voilà, on voulait que l’enfant puisse… Puisse connaître qui était son géniteur, tout ça. Encore, ça c’est des choix personnels. Et donc on se met en quête de gens autour de nous qui seraient d’accord de nous donner leur gamète. Et puis là encore on a eu beaucoup de chance, on a demandé à une personne qui a dit ok, alors que c’est souvent difficile. Donc voilà on a fait ça, et puis ça a marché. Mais sachant que c’est des pratiques qui sont interdites, qui sont pénalisées, tout ça, parce que ça s’appelle de la manipulation de matériel génétique.

  Alors, quand les hétéros ils le font, personne ne le sait parce que tout le monde présuppose qu’on ne l’a pas fait. Mais si nous on le fait, les gens ils savent que c’est comme ça qu’on a fait de la manipulation du matériel génétique. On dirait qu’on est un peu Frankenstein, mais voilà, c’est vraiment très basique. Je pense que tout le monde le fait à un moment ou à un autre. Et donc voilà, on fait comme ça, et voilà, ça marche. Et du coup c’est un ami avec qui on a discuté, on a pris le temps de discuter auparavant, voilà, comment on allait faire, quelle était sa place, de son côté qu’est-ce que ça lui faisait, comment il se projetait, tout ça, tout ça, ça a été des… On a un peu contractualisé en fait, d’une certaine manière quoi.

Mais on n’a pas fait de documents écrits, parce qu’en fait s’il y a un document écrit de sa part, même si lui il serait complètement d’accord de faire ça, de dire qu’il ne souhaite pas être reconnu le parent de l’enfant, ça serait une preuve qu’il serait contre mon partenaire pour pouvoir l’adopter. Bref, c’est tout un dédale juridique, en vrai c’est pas…

Clémentine Sarlat : Parce qu’aujourd’hui, vous n’êtes pas marié?

Isaac : Non.

Clémentine Sarlat : Donc l’adoption, c’est une étape plus difficile?

Isaac :   Normalement, le mariage, ça ne s’est pas changé. Même en étant marié, il n’y a pas de filiation. 

Clémentine Sarlat : Il faut quand même aller devant le juge

Isaac : . Ouais, c’est ça. Et voilà, donc c’est un peu, c’est plein de trucs juridiques et vraiment, moi c’est pas du tout ma passion ce genre de choses, mais par la force des choses, on doit passer du temps aussi. De toute façon, la manière dont sont traités souvent des personnes trans pour faire des choses assez basiques, voilà, avant c’était encore plus compliqué, mais c’est juste des galères administratives qu’on nous demande de faire. Et c’est ça. Du coup, maintenant, il n’y a plus de la stérilisation, mais il y a vraiment ce truc de nous faire galérer. Par exemple, il y a des trucs qui peuvent être injustes. N’importe quel homme cisgenre pourrait reconnaître mon enfant comme étant le père.

On ne va pas faire de test ADN. Et puis, il y a la présomption de paternité. Donc, on va dire, OK, ça doit être lui, le père. Et puis, mon partenaire, par contre, non. Il faut faire plein, plein de procédures, blablabla. Voilà, donc c’est du temps. Vraiment, quand t’as un petit enfant, t’as vraiment autre chose à faire que de faire ça. Et voilà, on a fait quelques papiers auparavant pour un peu sécuriser les choses. Mais voilà, il faut qu’on se lance là-dedans parce que… Parce que la flemme quoi, franchement.

Clémentine Sarlat : Donc alors, tu tombes enceinte, enceint on dit !

Isaac : C’était bien prévu, je ne suis pas tombé comme ça par hasard.

Clémentine Sarlat : On dit, tu dis tu tombes enceint, je tombe enceint.

Isaac :  Moi je dis le début de la grossesse.

Clémentine Sarlat : C’est vrai que ce n’est pas très beau de dire tomber en plus. En tout cas, ça marche. La grossesse commence. Et donc là, explique-nous. Pour être suivi médicalement, quand on est un homme trans et qu’on porte un bébé, est-ce qu’il y a des endroits qui sont trans-friendly, on va dire, ou qui sont mieux armés, qui ont la capacité de bien vous accompagner sans vous mégener, comme tu dis, sans vous juger, et en vous donnant les soins qui sont nécessaires à une grossesse pour qu’elle aille au terme ?

Isaac : La manière dont on a commencé, c’est qu’on connaissait une médecin généraliste que moi j’avais déjà vue auparavant et qui avait une spécialité gynéco. Elle était super loin, je pense qu’elle était à une heure et demie en transport de chez nous. Mais voilà, on avait un bon contact, donc en fait on a fait le début de suivi de grossesse là-bas. Et puis… Moi vraiment j’aimais trop aller là-bas, elle était super sympa, elle était déculpabilisante et tout, voilà vraiment, voilà je la remercie. Et après au bout de 2-3 mois je pense qu’elle a dû nous dire, bon voilà la naissance ça va se passer où, au Lila, ok bon bah du coup il vaudrait mieux que vous alliez faire le suivi là-bas.

Moi j’avais pas du tout envie parce que en tant que personne trans, comme plein de personnes, on a très souvent des mauvaises expériences avec les pros de santé. Donc moi je vais jamais chez le médecin sans savoir si ça se passe bien, s’il m’a été recommandé ou pas. Je vais plus jamais à l’improviste. J’ai pu aller à l’improviste mais non, plus jamais. Mais je savais que les Lilas, il y avait du coup Ali qui y avait été et que ça s’était bien passé. Donc j’avais quand même… C’est pour ça qu’on a choisi d’aller aux Lilas, même si pareil c’est loin de chez nous, c’est à une heure en transport en commun. Mais c’était un endroit qu’on savait qu’ils avaient déjà reçu plusieurs, pas seulement Ali, de personnes trans et que ça s’était bien passé.

Mais tout en sachant ça, il y a quand même toujours ce stress de est-ce que ça va bien se passer? Parce que ça arrive aussi qu’on recommande des personnes qui en fait là ça se passe pas bien et tout. En tout cas, il y a toute une stratégie un peu de repérage et puis aussi un peu d’évitement. Donc on arrive au Lila, dont on avait entendu parler, et on a fait du coup tout le suivi là-bas. Et au début on était super méfiants, franchement. C’était au premier rendez-vous. On est sortis, on s’est demandé avec mon partenaire, bon qu’est-ce qu’on en pense, tout ça, tout ça. Et puis en fait, après le suivi c’était tous les mois. Donc voilà, il fallait un peu se déter à aller faire une heure de transport tous les mois.

Mais au fur et à mesure des mois, ça se passait de mieux en mieux. Je voyais que je pouvais faire confiance un peu plus à chaque fois et tout et puis voilà quand j’y pense vraiment ça me fait super chaud au cœur.

Clémentine Sarlat : En plus c’était il n’y a pas longtemps.

Isaac :  Non c’était il n’y a pas longtemps et puis elles ont en fait elles ont contacté une orga pour faire une formation sur les personnes trans, la sage-femme qui nous suivait. Et du coup, c’était de leur propre initiative, donc c’était encore d’autant plus rassurant, parce que moi j’avais hyper peur de la naissance. En plus, ma mère est sage-femme, elle a exercé pendant super longtemps, et puis à partir des années 2000, elle racontait souvent que les conditions à l’hôpital, elle ne pouvait plus travailler comme avant. Et puis j’étais au courant des violences obstétricales. Je me suis dit, en plus je suis une personne trans, vraiment, la naissance, ça commençait un peu, voilà, j’étais un peu stressé quoi. Et du coup, là il y a la formation qui est mise en place.

Il y a un peu aussi une culture particulière, au-delà d’essayer de ne pas être surplombant avec les personnes, tout ça, et puis c’est aussi une association, enfin c’était une association, mais en tout cas il y a un truc où il y a davantage de personnel, donc ça fait aussi que la formation, elle a aussi bien marché, et puis ça a pu bien se passer, aussi parce qu’en fait il y avait plus de personnel, donc il y avait aussi plus de temps. La naissance, elle a eu lieu huit jours après le terme et le déclenchement, ça a été progressif. Pendant trois jours, on m’expliquait, il y a ça, tu peux faire ça, qu’est-ce que tu en penses? Et du coup, ça n’a pas été pressé et avec les différentes options que j’ai pu choisir.

Donc ça, ça a été un moment aussi qui était super important. Et après, si il y a eu question du suivi après la post-naissance, enfin juste après la naissance

Clémentine Sarlat :J’a i encore plein de questions. Donc tu dis, je trouve ça quand même beau de me dire que les sages-femmes, elles ont voulu se former pour t’accompagner au mieux, parce que ça te bénéficie à toi, mais ça bénéficiera à d’autres personnes plus tard, parce que ça veut dire qu’elles ont vraiment pris en compte qui tu étais et tes besoins spécifiques. Tu t’es senti… T’étais méfiant, j’ai bien compris au début. Tu t’es sentie…

 Après, je vais pas te mentir, je pense qu’on est plein à avoir le monde médical, des fois, avec cette peur de ne pas être traité à la hauteur de ce qu’on mérite, comme être humain, et qu’on a fait une grande campagne avec Anna Roy sur la maltraitance que les sages-femmes ont envers les patientes, et les patients, mais dû au système, donc tu n’es pas seule dans cette situation. Tu t’es sentie en sécurité, pour pouvoir accoucher correctement?

Isaac :  Franchement, je me suis senti super bien. La question de la sécurité, j’avais peur des violences. Je m’étais dit au départ que je ne voulais pas prendre la péridurale.

Parce que je voulais pas qu’il y ait le médecin qui rentre tout ça et parce que j’avais eu des ligaments croisés cassés il y a un certain temps et j’avais eu une péridurale pour reconstruire les ligaments croisés donc je savais à quoi ça ressemblait et j’avais trouvé ça un petit peu stressant déjà de fait de pas bouger et tout donc là je me disais oh waouh pas bouger alors que genre parfois il y a des voilà ça va faire super mal je me demandais comment j’allais pouvoir tenir Donc voilà, j’avais cette idée-là, et puis à un moment donné quand même, au moment de la naissance, je me disais à mon partenaire, waouh, mais là je crois que je vais pas pouvoir tenir et tout, tant pis quoi.

Et puis mais j’avais toujours quand même ce stress quoi, j’avais pas envie qu’il y ait un médecin, voilà, ou une autre personne qui vienne, tout ça. Et du coup en fait il y avait, et en fait juste la naissance elle s’est passée juste avec la sache-femme qui, finalement j’ai pas pris la péridurale, Et voilà, juste, elle me disait des trucs. Franchement, j’écoutais juste tout ce qu’elle me disait. Et franchement, elle m’a donné trop de force. Mon partenaire, il pouvait me dire des trucs rassurants, mais franchement, dans ma tête, j’étais en mode genre, non, mais toi, tu sais rien, quoi.

Mais vraiment la sage-femme, je sais pas, j’étais genre un peu envoûtée quoi et du coup ça m’a fait tenir et après il y a même la sage-femme qui me suivait, elle avait fini ses consultations et du coup à la fin de la journée en fait elle est montée en salle de naissance et voilà et puis ça s’est terminé comme ça.

Clémentine Sarlat : Elle est venue te soutenir, donc t’as eu du vrai soutien.

Isaac :  Et du coup j’étais tranquille, j’avais ramené mon petit tapis de sport, du coup la naissance était sur le tapis de sport et tout, voilà. C’était vraiment cool quoi. 

Clémentine Sarlat : Est-ce qu’il y a des choses que les… Tu vois si jamais là il y a des pros de santé qui nous écoutent, qui n’ont jamais été confrontés à un homme trans et qui potentiellement un jour ça le sera et qui veulent faire bien les choses, est-ce qu’il y a des spécificités dont on doit savoir ou ça change rien, c’est juste qu’il faut être attentif à bien vous genrer comme tu disais?

Isaac : Bah ouais, c’est ça en fait, je pense que dans le milieu de la naissance, le principal enjeu, moi j’avais peur d’être… Ça peut paraître étrange et un peu idiot, mais vraiment moi tout ce que je voulais c’était être bien genré, qu’on me parle au masculin, c’était juste ça.

Clémentine Sarlat : Mais c’est pas étrange. 

Isaac : Mais c’est qu’autour de la naissance, du coup, tout est genré au féminin parce qu’il y a une majorité de femmes, tout ça, et puis voilà l’histoire. Et donc ça demande un peu une gymnastique d’utiliser des mots qui ne vont pas être genrés ou de genré au masculin. Mais en fait, moi je dirais que c’est là, c’est tout.

Clémentine Sarlat : Ok, tu vois je pense que c’est un monde inconnu pour plein de gens et juste de dire le respect pour vous ça correspond à ça et rien que de faire ça, ça va redescendre aussi dans l’anxiété que tu peux avoir face au monde médical et c’est à porter tout le monde. De dire il au lieu de elle, d’utiliser des mots qui sont adaptés à ce que tu vis. Donc c’est plutôt cool parce que ça ne demande pas de savoir particulier. Parce qu’il n’y a pas que les sages-femmes qui sont là à l’hôpital pour la naissance. Il y a tout un corps de métier, il y a plein de gens. Donc tous ces personnages juste savent ça. Juste ok, ça c’est hyper important pour eux.  C’est cool, on a déjà gagné. 

Isaac : Et c’était trop touchant aussi parce que du coup il y avait le carnet de santé de l’enfant après qu’ils nous ont donné du coup au Lila quoi. Et pour tous les trucs qu’ils ont remplis, ils avaient mis du Blanco sur le mère et tout, voilà. C’était gentil, c’était touchant.

Clémentine Sarlat : Et donc ton bébé est né, et il se passe quoi ?

Isaac :  Il se passe quoi? J’ai l’impression de partir un peu dans l’espace pour plusieurs mois, clairement. Qu’est-ce qui se passe? Déjà, je suis vraiment content de comment la naissance s’est passée, parce que c’était une appréhension. Je suis super soulagé, et le matin quand je me réveille et qu’il y a le bébé qui est à côté de moi, je suis genre… J’ai un bébé! Et vraiment, je ne sais pas, je suis content, tranquille, il fait beau en plus, c’est le mois de juin, tout ça. Moi je suis un peu sur un petit nuage, je suis fatigué, très fatigué, je suis très content de remanger parce que la fin de grossesse je mangeais que du bouillon parce que j’avais plus de place pour mettre autre chose.

Et donc voilà je suis fatigué et puis on rentre à la maison, c’est une amie qui vient nous chercher. Et là du coup le premier mois ça se passe  bien. Le truc chiant c’est qu’il n’y a pas pu avoir de suivi à la maison pour après la naissance. 

Clémentine Sarlat : Vous étiez trop loin?

Isaac :  Oui et puis on avait contacté des personnes autour de chez nous et puis il n’y avait personne qui répondait. Du coup, ça a été un peu l’épreuve parce qu’il a fallu prendre la voiture et c’était la canicule avec le bébé qui avait genre trois jours, moi qui étais un peu au bout du rouleau et tout. Donc ça, ça a été le truc un peu intense et puis il a fallu le faire deux fois. La première semaine après être rentré à la maison, j’étais un peu explosé.

Mais après, je me suis reposé. Mon partenaire avait pris un mois de congé. Et puis on avait des amis qui nous avaient cuisiné des choses. On avait le congélateur qui était plein de choses à manger. Le premier mois, c’était vraiment cool. Et après il y a eu le retour au travail. Alors autant on avait anticipé le premier mois après la naissance quoi, et autant l’après, le retour au travail, bon là ça a été un moment qui a été un peu dur. Du coup mon partenaire il a repris le travail et il travaillait quatre jours par semaine. Mais voilà, les moments où il partait travailler et que j’allais passer du coup la journée seule avec le bébé, là c’était un peu terrible.

Parce que c’était aussi un peu de la naïveté, parce qu’on avait déjà préparé beaucoup de choses, mais je m’étais dit, ça va être les vacances d’été, tout le monde va être là. Et en fait, non, les gens étaient soit partis en vacances, soit au travail, mais ils n’étaient pas dispo. Et aussi à ce moment-là, moi je n’étais pas entouré par ma famille parce que J’ai des relations compliquées avec ma famille, avec ma mère même, pour être plus explicite. Et puis c’est souvent sur les mères qu’on compte, après la naissance en tout cas, c’est elles qui peuvent se rendre dispo, c’est elles qui savent tout ça. Et à ce moment-là, moi c’était pas envisageable. Je rigole parce que…

Pendant le premier mois je pense que vraiment tous les soirs au moment où le soleil à peu près se couche je pleure et puis j’ai juste trop envie de voir la sage-femme qui m’a suivie et j’ai trop envie d’avoir une petite figure parentale qui va me gratter la tête et qui va me dire ça va aller et tout et voilà j’avais besoin d’un parent pour me soutenir et vraiment j’ai complètement fait un transfert sur la sage-femme qui m’a suivie.

Clémentine Sarlat : Tu sais que les doulas sont faits pour ça aussi, pour épauler, avoir ce soutien moral et matérialiste, physique d’être présent toi.

Isaac :  Oui, mais déjà c’est un coût, et nous on n’a pas de très gros salaires, après ça aurait pu être un investissement, mais c’est un investissement, c’est quand même dommage devoir faire des investissements pour ça. Why not? Mais on ne connaissait pas… On n’avait pas de doula qui aurait pu faire ça. Enfin, en tout cas, pas de retour avec des personnes trans, tout ça.

Clémentine Sarlat : J’ai fait un petit appel, s’il y a des doulas qui sont familières du milieu trans et qui sont présentes, envoyez-nous un message parce que même pour toi d’avoir les contacts, je sais que c’est important d’avoir confiance et de savoir qu’il y a des gens qui peuvent vous épauler et qui ont le savoir, la connaissance autour du milieu.

Isaac : Et c’est vrai, le truc de préparer le retour au travail, si on avait su, on serait mieux organisé.

Clémentine Sarlat : T’inquiète, t’es pas le seul. Je pense qu’on est beaucoup à s’être pris un petit mur et à se dire en fait c’est ça, ok. Il faut s’organiser différemment. Tu verras si jamais vous faites un deuxième, vous serez dans d’autres contextes.

Isaac :  Oui c’est ça, mais il y aura un deuxième auquel on sera prêt à préparer. Mais c’est toujours un peu choquant de voir à quel point c’est une expérience si commune et que tout le monde se prend un mur.

Clémentine Sarlat : On est d’accord. Et j’ai juste une question parce que je ne t’ai pas posé cette question. Quand tu étais enceint visiblement, je te le dis, la grossesse, est-ce que tu as vécu des discriminations? Est-ce que vous êtes des populations beaucoup plus sensibles à l’animosité des gens?

Isaac :  On vit plus de violence en général.

Clémentine Sarlat : Est-ce que là d’avoir une apparence d’homme avec un ventre rond, tu as été exposé à des choses difficiles? 

Isaac : J’ai surtout anticipé les choses qui pouvaient se passer. C’est souvent des trucs d’anticipation et du coup de se protéger. Moi j’avais ça en tête. J’avais ça en tête et c’est pour ça que par exemple j’allais pas demander à ce qu’on me laisse la place assise dans le bus ou des choses comme ça parce que je préférais juste rester debout quoi parce que j’avais peur qu’on m’agresse ou des choses comme ça mais Et en fait aussi au bout d’un moment, quand c’est devenu plus visible, bon déjà heureusement c’était pendant l’hiver, donc gros manteau… 

Clémentine Sarlat : Et t’es menu quand même ! Donc je pense que t’as pu cacher un peu, c’est ça?

Isaac :  Ouais, il y a ça, puis de mettre des pulls, gros manteau, tout ça quoi. Et puis je pense que vers la fin, il y a aussi ce truc où l’espace public était juste pas pratique s’il n’y avait pas de priorité qu’ils pouvaient mettre, donner pour m’asseoir, faire les courses ou tout ça. Donc au bout d’un moment je suis juste resté chez moi en fait. Et voilà. Mais bon après je me sens bien chez moi et tout mais c’est vrai que j’avais une amie qui souvent à la fin dans les dernières semaines pouvait me proposer d’aller au parc et tout et à chaque fois je refusais parce que c’était stressant en fait. Parce qu’au début ça se voit pas trop on peut dire voilà je sais pas que j’ai un gros ventre ou quoi bon mais au bout d’un moment.

Clémentine Sarlat : C’est pas le ventre de la bière.

Isaac :  Oui c’est ça, une fois j’ai croisé le regard de quelqu’un, tu vois que les gens ils captent. Et puis je trouvais que c’était difficile aussi dans le cadre du voisinage, parce que autant des gens que je ne vais jamais revoir, s’ils sont au courant un brief instant. Moi ce que j’avais peur c’était que le voisinage soit au courant et qu’il y ait des gens mal intentionnés dans le voisinage. C’était surtout ça, c’était vraiment le côté proximité du domicile où en fait c’est l’endroit où je me sens bien, où on va rester. Et c’était ça plus que… 

Clémentine Sarlat : Pour pas qu’ils captent que tu es trans en fait, et que potentiellement tu portes un enfant

Isaac :  C’est ça. Et puis aussi pour avoir du calme parce que j’avais pas envie que les gens, même sans que ce soit des agressions physiques, j’avais pas envie que les gens viennent me faire part de ce qu’ils pensaient de la situation. Vraiment j’avais pas envie, j’étais juste dans ma bulle.

Clémentine Sarlat :Ça peut être très intrusif quand on porte un bébé, de toute façon, le regard des gens, ils ont l’impression que ça leur appartient. Qu’ils ont envie de touché ton ventre. Quoi qu’il arrive, c’est comme si porter un enfant concernait toute la société. Mais par contre, une fois qu’on a l’enfant, ça ne concerne plus personne. Là, on n’est plus du tout épaulés. Est-ce que le fait, une fois que t’as accouché et que voilà, vous avez de votre vie à trois, là c’est plus facile de ressortir à l’extérieur parce qu’un couple gay qui aurait un enfant, aujourd’hui on peut considérer que c’est un tout petit peu plus accepté et qu’il y a moins de regards malveillants, donc là c’était plus facile pour vous?

Isaac :  Au début quand on est ressorti, après je ne suis pas sorti beaucoup juste après la naissance, mais quand on sortait, les gens ils nous regardaient, mais pas de manière mal intentionnée, mais ils nous regardaient donc on sentait regardé. En même temps moi j’étais trop fier de sortir avec mon bébé franchement. Mais on nous regardait parce qu’on était deux gars avec un tout petit bébé et on voit pas des hommes avec des si petits bébés parce que souvent ils vont les avoir adoptés. Alors que le nôtre il était minuscule, vous voyez qu’il venait de naître. On intriguait beaucoup. Une fois je me promenais avec une pote, qui est une femme, et c’est à elle qu’on a dit félicitations alors que c’était moi qui portais le bébé. Donc à la fois ça m’a fait un peu rire et à la fois c’était un peu rude.

Et en même temps, je ne pouvais pas demander autre chose. Je ne voulais pas que les gens le sachent pour me protéger. Et en même temps, c’est des périodes où on a besoin de réconfort et des félicitations. Moi, je trouve que ça passe bien. Donc, quand ça a été dirigé vers une autre personne, ça a été un peu difficile.

Clémentine Sarlat :  Oui, toi t’avais ta fierté de parent, de j’ai eu un bébé et c’est pas vers toi que c’est dirigé.

Isaac :  Oui, et puis d’avoir donné naissance moi vraiment, je trouve que c’est un peu une épreuve de haut niveau. J’avais l’impression d’avoir fait un truc incroyable et puis par ailleurs ensuite d’être un peu quand même en convalescence.

Clémentine Sarlat :Oui, t’avais besoin de tout l’amour, de ressentir. Mais c’est vrai, t’as raison, on est un peu sur ce credo-là quand on vient de donner naissance. On se prend un peu, moi, pour une déesse, tu vois, avec cette sensation d’être… De planer un peu pas au-dessus des gens, mais dire j’ai quand même fait un truc de ouf les gars, j’ai sorti un être humain de mon corps.

Isaac :   Bah oui, et je trouve que c’est d’autant plus que, voilà, c’est pas vraiment reconnu, je trouve, en tout cas, c’est pas…

Clémentine Sarlat :  C’est pas valorisé, c’est ce que je te disais. Quand on a préparé l’épisode, on a parlé de ce terme-là, le réarmement démographique, dont a parlé notre cher président. Et tu disais, nous en fait on ne fait pas partie durant un moment démographique, personne n’en vit et nous on est des enfants, donc on ne vous valorise pas du tout dans cette parentalité-là.

Isaac :  Ben oui, la dernière fois j’ai entendu quelqu’un qui disait que la grossesse c’était un moment valorisé et je me suis dit est-ce que j’ai raté quelque chose parce que moi je ne l’ai pas du tout vécu comme ça. Mais c’était pas non plus un truc que j’avais honte et tout, mais bon, clairement, c’était pas valorisé. Oui, c’est sûr que les politiques natalistes, elles s’appliquent pas vraiment à nous. C’est naze les politiques natalistes, mais nous, on est plutôt les gens à qui on va décourager d’avoir des enfants. Et ouais, voilà.

Clémentine Sarlat : La parentalité découragée. Devenir parent, ça bouscule plein de choses, le couple, la hiérarchie dans la famille, au travail comme tu l’as dit. Est-ce que ça vous a rapproché plus tard avec ta famille ou c’est toujours compliqué le fait que tu aies eu un enfant? Avec tes frères, avec ta mère?

Isaac :   Ben disons qu’ils n’étaient pas au courant de la grossesse et je leur ai dit trois semaines après la naissance tout ça j’avais réfléchi et voilà je me disais que c’était la meilleure chose à faire et je pense que c’était vraiment une super décision de faire ça parce que j’avais besoin d’être dans ma bulle et j’étais pas prêt à discuter de savoir ce que les gens pensent tout ça vraiment je sais très bien ce que les gens ils peuvent penser en tout cas pas tout le monde mais j’ai idée grosso modo donc j’avais pas envie et je connais ma famille. J’ai pas mal douté de ce choix, je me suis dit mais est-ce que c’est une bonne chose? Et après coup, je suis content d’avoir fait ça. Et en fait, oui, ça a reconfiguré les relations, je trouve, avec ma mère.

Parce qu’en devenant parent, déjà, je pense que moi, j’ai l’impression de m’être un peu enraciné en devenant parent. Et du coup, j’arrive mieux à poser des limites et du coup c’était plus facile pour moi de poser des limites à ma mère et c’était aussi plus facile de les faire respecter. Et j’ai l’impression que le fait d’être devenu parent de l’autre côté pour ma mère c’était aussi plus facile de respecter mes limites. Dans le sens où j’étais plus crédible, j’étais plus cette espèce d’ado problématique alors que vraiment j’étais pas du tout ado problématique. S’il en existe, j’en sais rien mais bon voilà. Mais voilà, j’étais cet ado problématique qui n’est pas qui n’est pas conforme. Et du coup, ce que je dis, ce que je fais, c’est pas bien. Et là, maintenant, elle est davantage dans la retenue, donc c’est vraiment cool.

Et ça fait que pour moi, c’est plus simple de la voir. Donc en fait, cette naissance, elle a complètement reconfiguré les relations avec ma mère. Et pour le mieux, c’est pas parfait encore, mais par rapport à ce que ça a été, pour moi, on n’était pas loin de la cause perdue. Et quand je dis ça, Voilà, c’est vraiment très dur de mettre des distances avec sa mère, c’est jamais un plaisir. Mais voilà, moi j’étais prêt aussi à passer à autre chose parce que dans la vie il faut avancer quoi. Mais pour le coup c’était complètement inattendu, en tout cas j’avais pas pensé que ça pouvait faire ça. Et du coup ça se passe beaucoup mieux aujourd’hui avec ma mère.

Clémentine Sarlat :  En fait, c’est comme si elle te voyait maintenant comme toi qui tu es adulte et qu’elle peut relationner avec toi.

Isaac :  Mais ça, ma mère, elle a eu beaucoup ce truc de favoriser ses principes par rapport à la relation. Et puis, au bout d’un moment, un peu tard malheureusement, elle a capté que si elle mettait ses principes avant la relation allait malheureusement se terminer.

Clémentine Sarlat :  Donc tu lui as fait éclater ses principes. Tu y a as été au bulldozer.

Isaac :   Oui, c’est sûr qu’elle voulait une fille avec des choses bien. Mais en même temps, je dis ça, mais franchement, être une femme séparée dans les années 90 et tout, ça ne devait pas être simple, donc je comprends aussi.

Clémentine Sarlat : Surtout si tu me dis qu’elle était sage-femme, elle devait travailler en décalé, ça a dû être pas évident, ça c’est sûr. Mais ça n’empêche pas que toi t’as ton vécu d’enfant et que c’est pas simple. Quand ton bébé il est né, tu vois je dis ton bébé parce que vous n’avez pas voulu le genrer, c’est ça? 

Isaac : On s’est dit ça sert à quoi de genrer le bébé, c’est un bébé, enfin vraiment ça me paraissait un peu absurde aussi de dire c’est une fille, c’est un garçon alors que vraiment c’est juste une tête de petit bébé trop mignon. Et oui du coup on s’est dit qu’on allait utiliser l’attraction le pronom iel. Et on a fait ça la première année, j’ai dit. Et à la crèche ou chez le médecin, si l’enfant était genre elle on n’allait pas reprendre les personnes parce que…

Clémentine Sarlat : C’est plus simple.

Isaac :  C’est plus simple et parce que, bon, on n’a pas trop envie d’être scruté davantage qu’on peut l’être et tout. Par ailleurs, à la crèche, ça se passe vraiment très bien. Donc ça, c’est quand même hyper encourageant.

Clémentine Sarlat : C’est chouette parce que quand même, je tiens à dire, je trouve que tu dépeins une ambiance qui est sereine et même si vous avez… Je me rends compte de l’énorme charge mentale que c’est pour toi de tout le temps anticiper, de tout le temps être dans la prévision de ce qui peut se passer ou pas de tous les scénarios, vous avez été bien entouré quand même. Que ce soit à l’hôpital ou tu dis la crèche là, ça veut dire qu’on progresse, on accepte quand même plus de différences. 

Isaac : Oui, oui, et puis il y a des bulles, il y a des endroits où ça se passe… En fait, la difficulté, c’est qu’on ne sait un peu jamais à quelle sauce on va être mangé.

Clémentine Sarlat :  Mais c’est une énergie de malade. Quand je t’entends parler, tout ce que tu as dû mettre en place pour pouvoir être en sécurité, c’est déjà assez dur comme ça de fabriquer un humain, d’être en post-partum. Toi, tu anticipes toutes les configurations possibles pour te protéger, c’est ce que j’entends tout à fait, et tu as raison. Mais je pense que les gens qui vont écouter vont se rendre compte de ce que ça veut dire.

Isaac :  C’est vrai que moi, c’est ma vie, je me rends plus spécialement compte qu’on passe notre temps à mettre des choses en place et tout. Mais c’est vrai que quand ça se passe bien après, on est un peu infiniment reconnaissant, alors que ça devrait être normal.

Clémentine Sarlat :  Mais je trouve ça juste cool de pouvoir montrer que vous l’avez fait, vous êtes différent, mais que ça va quoi. Tu vois, même s’il y a plein de problématiques et que ce n’est que ton expérience, il y a sûrement des gens pour qui ça s’est mal passé, mais je trouve ça chouette que… Tu vois, on est un an après la naissance de ton bébé et t’as un gros oeil et je sens que c’est…

Isaac :   Franchement, d’un côté ça a été une année super dure, j’ai l’impression qu’elle a duré 50 ans parce qu’il y a tellement eu de périodes différentes et tout. En même temps j’ai l’impression que la naissance c’était il y a deux semaines quoi.

Clémentine Sarlat : Ça s’appelle la parentalité. On a une dissociation avec le temps.

Isaac :  Mais ça m’a apporté plein de trucs et j’aime trop la relation que j’ai avec l’enfant et tout. Parce que je savais pas comment ça allait se passer. Il y avait des chances que ça ne se passe pas bien aussi. Et quand je découvre que ça se passe bien, même s’il y a eu plein de choses difficiles, vraiment je suis trop content.

Clémentine Sarlat :  Et toi aujourd’hui tu te considères père ou parent? Comment tu te définis?

Isaac :  Moi je me définis parent. Je n’utilise pas le terme de père mais encore ça vraiment il y aura d’autres personnes trans qui vous diront que…

Clémentine Sarlat :  Et ton compagnon pareil?

Isaac :   Oui, enfin je pense. En tout cas il n’y en a aucun des deux qui se fait appeler papa mais en fait c’est qu’on a…

Clémentine Sarlat : Alors vous vous faites appeler comment ?

Isaac :   On a choisi qu’il y en aurait, si c’est soit les deux qui se font appeler papa, soit aucun, parce que s’il y en a un qui s’appelle papa et l’autre non, ça fait un peu, il y en a un parent qui est légitime et puis l’autre qui l’est moins, donc c’était tout ou rien. Moi, vraiment le faire père et papa, ça me renvoie à mon propre père, voilà, et vraiment j’étais en mode, enfin je m’identifie, je veux pas être cette personne, je m’identifie pas à lui. Et puis ça fait pas sens, enfin pour moi par rapport à mon vécu, voilà ça fait pas sens quoi. Donc moi mon nom c’est Tadzig, donc qui est papa en breton, c’est juste voilà une autre forme de papa mais qui est voilà, en tout cas moi je trouve ça, j’aime bien ce nom.

 Et mon partenaire c’est Dada, donc voilà.

Clémentine Sarlat :  Facile à dire pour un bébé. Tadig, ça va être dur.

Isaac : Ouais, on l’entraîne, on l’entraîne.

Clémentine Sarlat : Tu sais que ton enfant ne dira pas ton nom d’abord.

Isaac :  Je sais, je sais, c’est pas grave. J’aime trop quand le bébé essaye de répéter les syllabes de Tadig. 

Clémentine Sarlat : Tadig, c’est costaud quand même. Tu t’es pas facilité la tâche ! .

Isaac : C’est pas grave.

Clémentine Sarlat : Aujourd’hui tu te sens parent, à part entière, parce qu’aux yeux de la société c’est quelque chose, mais toi, dans ton être?

Isaac :  Ouais, là franchement, le jour de ces un an, j’ai ouvert la porte de l’immeuble avec la poussette, et je me suis dit, c’est le premier jour où ça me paraît normal que j’ouvre la porte avec un enfant, et que ce soit le mien. J’ai longtemps été surpris d’être parent, et maintenant je suis surpris d’avoir un enfant de un an, mais je pense que ça, ça durera toute la vie. Franchement, je pense que j’ai complètement endossé ce rôle, cette identité même de parent. Et après c’est une bonne surprise parce que je ne savais pas comment ça allait être. Ça c’est un des trucs qui a complètement changé avec la naissance, c’est que tous les centres d’intérêt qui se décalent et tout. Et maintenant, j’aime trop tout ce qui tourne autour de ça. J’avais quand même beaucoup écouté les podcasts de la matrescence avant.

Mais ça, ça fait partie des choses aussi d’être un peu une nouvelle personne et d’avoir des intérêts que je n’aurais jamais imaginés. Et puis, je n’aurais jamais imaginé aussi avoir autant de plaisir à être parent.

Clémentine Sarlat : Du coup, le mot matrescence ne va pas te parler en tant que tel, mais le concept, tu vois ce changement d’identité, d’être bouleversé, tu l’as ressenti?

Isaac :  Waouh, mais tellement! Et même en ayant écouté le podcast, j’étais pas encore prêt à la puissance de ce que c’était. Et ça a été vraiment puissant, mais de manière positive, même si c’est pas toujours simple et tout, mais j’ai l’impression d’avoir un peu à partir de l’enfance, d’avoir un peu dissocié de qui j’étais, de ce que j’aimais, tout ça, tout ça. Et puis, petit à petit, de recoller les morceaux et d’être un peu revenu dans mes baskets. Donc ça, c’est hyper cool.

Clémentine Sarlat : C’est trop chouette en fait. Toi qui ne voulais pas forcément être parent, finalement ça t’a ramené à qui tu es toi au fond.

Isaac :  J’aurais jamais imaginé.

Clémentine Sarlat :  Ça arrive souvent quand même, j’ai l’impression. Tu vois, la matrescence, c’est un peu ça au final. C’est qui je suis au fond de moi en fait? Je suis parent mais je suis quoi d’autre? C’est quoi le quoi d’autre?

Isaac :  Ouais, c’est complètement ça aussi pour moi.

Clémentine Sarlat : Il y a un thème dont on n’a pas parlé, c’est à l’intérieur du milieu LGBTQ+, comment est-ce que tu te situ, parce que on l’a évoqué toi et moi au téléphone, c’est pas vraiment un sujet qui est très évoqué, comme dans les milieux féministes pendant un long moment, être parent c’était pas vu comme quelque chose de forcément positif ou en tout cas dans lequel on s’intéresse. Aujourd’hui, le milieu, c’est quelque chose dont vous parlez.

Isaac :  Je dirais que c’est assez similaire à ce qui se passe du côté des milieux féministes. Et puis les milieux LGBTQ et les milieux féministes, ils sont très imbriqués. Donc il y a des évolutions qui sont concomitantes. Et je discutais avec une femme lesbienne qui a 70 ans et qui disait qu’elle avait élevé un enfant. Et du coup, c’était des choses dont elle ne parlait pas, mais c’était dans les années 80, un truc comme ça. Aujourd’hui c’est des sujets dont on parle, et puis en fait c’est qu’il y a des gens aussi qui se projettent tout simplement à être parents. Après avant il y avait des gens aussi qui étaient déjà parents, mais il y a des choses qui ont changé de la même manière, et donc ça reste… C’est pas un sujet qui est très politisé.

Et c’est pas un objet de mobilisation, la parentalité, alors que les femmes lesbiennes,  cisgenre, elles ont des enfants depuis très longtemps et d’ailleurs elles étaient même mobilisées sur ça il y a des décennies et tout.

Clémentine Sarlat :  Mais… Pas dans le milieu trans alors?

Isaac :   C’est que c’est nouveau. Oui c’est ça, à la fois c’est nouveau et à la fois c’est un peu, je pense que c’est peut-être pas considéré comme une priorité, ce que je peux entendre par milieu, mais en même temps peut-être on peut faire coexister les problématiques. Mais voilà, je pense que… Il y a cet intérêt aussi pour nos parcours parmi les personnes trans et du coup c’est aussi important avec d’autres personnes trans qui ont porté leurs enfants ou qui ont eu leurs enfants après leur transition pour des femmes trans de raconter nos histoires et c’est des histoires que les plus jeunes ils ont envie d’entendre. Et c’est pas du tout pour inciter à être parent ou quoi, parce que l’idée c’est d’avoir le choix. Mais c’est bien d’avoir le choix de ne pas être parent ou de l’être.

Et c’est cool de pouvoir se poser la question et de se dire que c’est une possibilité et que voilà, maintenant on a le choix et ça c’est un truc hyper nouveau. Donc il y a de l’intérêt, je dirais, surtout du côté des plus jeunes.

Clémentine Sarlat :  Et c’est ce que tu m’as expliqué, t’as créé un groupe Whatsapp ou un groupe en ligne pour pouvoir échanger entre vous parce que, comme tu dis, vous avez des expériences uniques au final et de ne pas sentir seul, on sent toutes, nous seules en post-partum  

Isaac : Oui, j’imagine complètement. 

Clémentine Sarlat : Donc c’est universel, comme tu disais, cette expérience-là. Mais bon, il y a des choses auxquelles nous, en tant que femmes cisgenres, on n’est pas confrontés par rapport à toi, à ce que tu as vécu. Et c’est toujours plus agréable d’avoir d’autres gens qui disent, je te comprends, je sais, je vis la même chose.

Isaac :   Oui, c’est plus simple, c’est plus facile. Et oui, c’était vraiment juste peu de temps après la naissance que j’ai lancé un groupe en ligne voilà, on est plusieurs dessus. C’est les gens qui ont eu un début de grossesse, éventuellement qui ont eu soit des IVG, soit la grossesse elle a été interrompue, ou d’autres, du coup la grossesse elle a été à son terme, avec du coup des gens qui ont des enfants. J’ai fait ça parce que j’avais trop besoin d’échanger avec des personnes qui allaient pouvoir me comprendre. J’ai pas mal regardé des documentaires avec des femmes cisgenres et tout, ça m’a vraiment apporté plein de choses, mais il y avait un truc dont j’avais besoin à ce moment-là. Je me suis déter, franchement je ne sais pas comment à monter ce groupe, à faire la charte, bref, j’avais trop envie de faire ça, ça me faisait trop du bien d’imaginer que ça puisse exister. Et voilà, du coup j’ai rencontré des gens, il y a des gens dans différents endroits de France, et il y a des gens qui sont à Paris ou dans le coin, et donc ça permet aussi de se rencontrer. De soutenir, genre par exemple, je sais pas, ton bébé il est malade, il a des RGO ou des trucs comme ça, bon bah ça peut être des discussions comme ça, genre qu’est-ce que vous faites, ou alors des discussions autour de comment vous genrez votre enfant, tout ça. Et voilà, qu’est-ce que tu aimerais dans l’idéal, mais comment tu dois gérer Voilà les contraintes de ce monde, voilà.

Et puis plein de réflexions autour des enfants parce que l’idée de ce groupe aussi c’est de faire du lien entre les parents mais c’est aussi de faire du lien entre les enfants et que les enfants en fait ils se rencontrent et que parce que voilà les enfants ils vont grandir dans des contextes particuliers tout ça et on sait enfin bon après de toute façon dès qu’on est stigmatisés les enfants ils grandissent toujours dans des contextes stigmatisants. Puis quand on est une petite fille on grandit dans un contexte stigmatisant. Mais oui, l’idée c’est que les enfants puissent échanger. Et du coup, là on a des bébés qui se rencontrent déjà, donc c’est rigolo. Mais l’idée c’est que ça puisse durer.

Et puis il y avait aussi toute la question de la mobilisation autour des Lilas qui était aussi d’avoir un endroit où les personnes trans elles sont bien accueillies, qu’elles puissent perdurer. C’était dans l’idée que les personnes trans et puis aussi tous les queers, toutes les meufs cis qui ne sont pas hétéros qui vont avoir des enfants. D’avoir des endroits où il y a le temps, où les gens vont faire attention aux configurations et à ça. C’est des endroits qui sont précieux. Donc il y avait à la fois préserver cet endroit pour les futurs parents queer et trans et puis créer un réseau entre parents trans qui ont porté et puis après faire des petits événements à droite à gauche pour pouvoir répondre aux questions des plus jeunes qui se posent des questions.

Clémentine Sarlat : J’ai une dernière question. Auquel je viens de penser, ça t’as fait quelque chose d’avoir une petite fille ?

Isaac : On a eu une discussion sur est-ce qu’on veut savoir le sexe qui va être assigné à la naissance ou même il est assigné déjà même avant la naissance. Et on s’est dit oui, non, oui, non. En fait moi j’étais assez clair sur oui je voulais savoir, mon partenaire à la base il ne voulait pas savoir. Et puis voilà on a discuté. Et moi j’avais envie de savoir parce que bon ben en fait le monde il va pas être pareil pour une petite fille, pour un petit garçon. Moi j’ai pas les mêmes représentations même si voilà j’ai enfin évolué dans les milieux féministes. Même avec tout ça il y a toujours des choses des attendus, des craintes, et puis ça rejoue tellement l’histoire familiale, tout ça.

J’avais besoin de savoir pour pouvoir me préparer et pour ne pas être surpris au moment de la naissance. Donc moi, c’était plus ma volonté. Moi, je voulais savoir pour pouvoir me préparer et ne pas rejouer des choses qui se sont rejouées à différents endroits dans ma famille pour que ça se passe bien avec l’enfant.

Clémentine Sarlat :  Donc vous avez su pendant la grossesse?

Isaac : Oui, du coup on a demandé quand on nous l’a proposé.

Clémentine Sarlat : Parce que mine de rien, toi et ton compagnon, vous êtes née fille. Donc là, vous avez une petite fille. Est-ce que ça t’a bouleversé de te dire, ça va être une petite fille aussi? Qu’est-ce que ça t’a renvoyé?

Isaac :  Moi, franchement, ce que ça m’a renvoyé, c’est mon histoire familiale et le fait que du côté, dans la lignée des filles et des femmes de cette famille, ça se passe tout le temps mal entre les mères et les filles. Et du coup, je me suis dit, OK, qu’est ce qui fait que ça cloche comme ça et que du coup moi je suis pas une fille mais je suis inscrit dans cette lignée et voilà qu’est ce que je vais faire pour voilà pour pas que ça se reproduise ces problèmes quoi.

Clémentine Sarlat :Dans plein de familles, la lignée Murphy, elle est particulière.

Isaac :  Oui, il y a un truc particulier à cet endroit-là.

Clémentine Sarlat : C’est sûr, tu n’es pas le seul. Mais tu vois, ça t’a fait plaisir de savoir ou tu as eu besoin de te préparer?

Isaac :  Oui, j’ai eu besoin de me préparer. 

Clémentine Sarlat : Au final, tu t’en fichais.

Isaac :  Pour moi, ça n’a pas vraiment d’importance. Ça n’a pas d’importance en soi, c’est juste que les expériences dans le monde vont être différentes. Parce qu’élever un petit garçon, une petite fille, même si on veut faire attention aux questions de genre, ce n’est pas aux mêmes endroits que ça se pose.

Clémentine Sarlat : De toute façon, on vit à l’école, tu peux rien maîtriser.

Isaac :  Oui, clairement. Du coup, c’était un peu pour anticiper, mais en tant que tel, franchement, ça ne me fait ni chaud ni froid.

Clémentine Sarlat : Donc finalement, ce n’était plus une question.

Isaac : C’est un petit bébé, je suis trop content. Enfin c’est plus un bébé maintenant.

Clémentine Sarlat : Merci beaucoup Isaac d’avoir raconté ton histoire. Est-ce que tu penses qu’il y a quelque chose qu’on a oublié qui serait important?  On a dit plein de choses là !

Je pense qu’on a défriché et expliqué aux gens qui viennent nous écouter ce que c’est ton expérience et comment ça se passe. J’ai la sensation, moi, juste en t’écoutant, que je sais beaucoup plus de choses que je nen savais avant. Est-ce que tu veux dire quelque chose?

Isaac :  Non, je pense pas. Attends, je pourrais regarder !

Clémentine Sarlat :  Vas-y, regarde tes notes. T’es hyper studieux.

 Isaac : Non, franchement, je pense que…

Clémentine Sarlat :  On a dit tout ce qui était important.

Isaac :  Ouais, je pense. Tout ce qui était surligné en jaune.

Clémentine Sarlat :  Merci beaucoup, vraiment.

Isaac : Merci infiniment aussi, franchement. C’est vraiment super utile d’avoir ce podcast.

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