Épisode 208 – Le coaching parental, quelle efficacité ? Solène Mignon

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Notre génération de parents fait face a beaucoup beaucoup d’injonctions concernant la parentalité et se retrouvent parfois dépourvus de solutions.

Pour les aider, un certain nombre d’entre eux, des femmes majoritairement, se laissent tenter par le coaching parental.

Arnaque ou réelle plus value ? Difficile de répondre de manière certaine à cette question.

Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte. En revanche, les fantasmes autour de cette pratique sont bien ancrés.

Solène Mignon, sociologue à l’université de Louvain en Belgique, a étudié pendant quatre ans le coaching parental sans jugement de valeur, mais pour comprendre cette pratique au niveau sociétal, anthropologique et pour mieux comprendre ses enjeux.

Dans cet épisode, Solène, qui vient tout juste de terminer sa thèse, revient sur les grands axes de cette étude et sur ses conclusions. 

Elle dresse un portrait très intéressant des pratiques parentales et des demandes de ceux-ci face à leur vulnérabilité.

Mais elle s’est surtout focalisée sur la formation de ses coachs, loin des dogmes et de l’image parfois tenace de gourous du marketing qui leur colle à la peau.

Alors, le coaching parental parvient il à combler un besoin présent chez les parents ? 
On en parle dans l’épisode.

 

🗣️ Au programme :

🎓 Introduction et contexte de l’étude (00:00 – 09:11)
🧠 Représentations de l’enfant et approches parentales (09:12 – 19:40)
👨‍👩‍👧 Méthodologie et observations de l’étude (19:40 – 31:42)
🎯 Pratiques et approches du coaching parental (31:42 – 41:47)
💡 Enjeux et critiques du coaching parental (41:48 – 53:43)
🤝 Conclusions et perspectives (53:43 – 01:00:49)

TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine Sarlat

Salut, Solène. 

Solène Mignon 

Salut. 

Clémentine Sarlat

Je suis ravie de te recevoir ici. Tu as fait tout le trajet depuis la Belgique, donc déjà un grand merci d’être là. 

Solène Mignon

Merci de m’avoir invitée. 

Solene Mignon

Clémentine Sarlat

On te reçoit sous un très beau jour parisien où il pleut pas du tout. Il fait pas du tout un temps automnal en plein été. Mais je ne vais pas être méchante, tu as l’habitude en Belgique du ciel bas et gris. Même si on adore les belges. Évidemment. Alors je t’ai invitée dans ce podcast parce que j’étais hyper intéressée par ta thèse et ce que tu as fait. Tu es sociologue aujourd’hui, mais tu as plein de casquettes, et tu vas nous expliquer ton parcours. Déjà, pourquoi est ce que tu as voulu être anthropologue, faire la philosophie aussi. Étudier la sociologie et faire de la recherche ?

Solène Mignon

Oui. Donc en fait, j’ai. Après mon lycée, j’allais dire mon secondaire, mais ça, c’est en Belgique. J’ai les codes de la Belgique. Après mon lycée, en fait, je suis partie en classe préparatoire aux grandes écoles, en section littéraire, et j’ai découvert en fait vraiment la philo à ce moment là. Et un de mes profs en fait m’a parlé de l’université de Nanterre qui était à l’époque qui venait d’ouvrir une licence en anthropologie, ce qui était assez récent. Et donc j’ai tenté cette licence que j’ai eue et j’ai continué en master dans une toute petite promo. On était une petite dizaine d’un master très spécial qui s’appelle donc anthropologie philosophie éthologie. Et donc c’était dirigé par un professeur à l’époque, je pense toujours Albert Piette, qui a une vision assez particulière de l’anthropologie, plutôt l’anthropologie existentialiste. 

Et donc c’est vraiment l’idée de dire qu’est ce que c’est en fait un être humain aujourd’hui, dans nos sociétés, dans nos cultures ? Qu’est ce qui fait qu’on est à la fois tous pareils et tous différents ? Quelle est notre individualité ? Et d’essayer de comprendre en fait surtout à travers le quotidien. Donc toutes les petits gestes banals, les choses qu’on fait en fait sans s’en rendre compte, la routine, etc. Comprendre, voilà. Qu’est ce qui crée un être humain ? 

Clémentine Sarlat

Donc c’est ça l’anthropologie, c’est l’étude de l’être humain ?

Solène Mignon

On peut dire ça, ouais. On peut dire ça Anthropos, l’être humain, ouais. 

Clémentine Sarlat

Et ça t’a tout de suite emballé d’aller gratter un peu derrière ce que ça veut dire ?

Solène Mignon

Ouais. Je trouvais ça passionnant. L’université de Nanterre est vraiment une université assez exceptionnelle là dessus parce que la qualité des enseignements est vraiment très chouette. On a des profs qui sont vraiment très spécialisés dans des endroits du monde, donc plutôt des africanistes. On a des personnes qui travaillent sur l’anthropologie de l’Europe, l’anthropologie urbaine, le hip hop, etc. Et puis on va avoir des gens qui travaillent sur les fantômes, sur les choses un peu qui sortent de l’ordinaire. Et donc c’est vraiment un enseignement complémentaire qui faisait vraiment sens pour moi.

Clémentine Sarlat

Et ensuite tu as basculé sur le statut de chercheuse et tu t’es intéressée en plus à la parentalité, donc un autre domaine. Pourquoi tu as voulu aller un peu plus loin et défendre une thèse et faire de la recherche ?

Solène Mignon

En fait, j’ai fait mon mémoire, enfin mon master en trois ans, et j’ai fait un mémoire où je suis partie un an sur le terrain, donc on appelle ça le terrain en anthropologie, donc on part étudier la vie des gens. Et je suis partie au Danemark dans une famille avec trois enfants. Et en fait j’avais le. Enfin, j’étais au pair en même temps, donc je m’occupais des enfants et en même temps je les observais, ce qui pouvait être un peu étonnant, mais voilà. Et c’est vraiment là que j’ai découvert la parentalité au jour le jour. Donc c’était des jumeaux de trois ans et une petite fille de six ans, qui était donc franco danois. Et oui, à travers, en fait, j’étudiais les pratiques quotidiennes du bonheur. Donc le Hügge, comme on dit.

Clémentine Salrat 

En français, on l’a écrit h y g e e pour les gens, parce qu’on ne dit pas Hugue, on dit ig.

Solène Mignon

Je ne sais pas trop comment bien le prononcer, mais oui. Et ça a été en tout cas la porte d’entrée sur la parentalité. Et puis quand je suis revenue, c’était en plein Covid. J’ai fini mon mémoire que j’ai défendu, et c’est là que j’ai entendu parler du projet ERC coaching rituals. Donc à l’université de l’Uclouvain Saint Louis, à Bruxelles, où j’ai rencontré mon futur directeur de thèse, donc Nicolas Marquis, un sociologue, et que j’ai vraiment découvert ce projet très intéressant, parce que je pense qu’on va y revenir, mais qui mêle plein de scènes différentes de la vie, et qui essayent vraiment de comprendre, en fait, qu’est ce qui se passe aujourd’hui, par rapport à ce coaching.

Clémentine Sarlat

Mais ça m’intéresse. Tu as quand même été au Danemark, donc il faut le savoir aussi dans le monde de l’éducation. Les pays du nord, les pays nordiques sont, on dit, je mets des guillemets, mais plus en avance que nous, ont une défense des droits des enfants plus ancienne. On aborde l’éducation de manière quand même radicalement différente, parfois. Tu en retiens quoi, de ton expérience là bas ?

Solène Mignon

Oui. C’est très intéressant, parce que, à l’époque, il n’y avait pas encore de petits enfants dans ma famille. Maintenant, j’ai un neveu de cinq ans, donc je peux un peu observer ce qui se passe. Mais c’est vrai que l’éducation des très jeunes enfants, c’était quelque chose qui était assez éloigné de mon quotidien. Donc je n’avais pas forcément de comparatif avec la France, mais j’en avais des représentations un peu collectives de l’enfant en France. Ce qui est intéressant, et c’est ce qu’on a étudié aussi dans le projet, dans cette 1ʳᵉ année du projet, c’est qu’on n’a pas la même représentation de l’enfant, et peut être on va y revenir, mais je peux en dire deux mots ici. 

Donc, lié à ça, ce qu’on a vu dans le projet, dans cette 1ʳᵉ phase, c’est qu’au Danemark, on va avoir un enfant qui va être dit compétent presque dès la naissance. Donc ça va être un enfant qui, de manière un peu innée, en fait, a déjà des connaissances sur le monde, a déjà des compétences. Et le parent va être là, un peu pour le guider et l’aider un peu à transformer ce potentiel caché. On pourrait y revenir, je pense. Il y a des textes, notamment d’un thérapeute familial qui s’appelle Yes Pergul, qui a écrit un espèce de best seller sur l’enfant compétent, justement, tu connais. Je vois. Et voilà qui explique que l’enfant a presque même une compétence existentielle où il comprend des choses qui peuvent se passer autour de lui, avec d’autres adultes, etc. Mieux que des adultes. 

Et donc il y aurait quelque chose aussi à apprendre, en fait, de ces comportements enfantins, etc. Voilà.

Clémentine Sarlat

Donc on n’est pas dans la même relation qui est très verticale en France en tout cas, où l’adulte a raison et l’enfant écoute et doit tout apprendre de l’adulte. Là on le voit quand même comme quelqu’un à part entière dans la société qui peut apporter quelque chose à l’adulte. Et c’est une relation dans les deux sens, juste ça déjà de point de départ, c’est que comment on voit l’enfant est différent.

Solène Mignon

Oui. Alors ce qu’on a observé en France et en Belgique francophone où l’étude s’est déroulée, c’est qu’aujourd’hui on a un peu deux modèles, modèles qui s’opposent, parce qu’on disait, les débats français sont très virulents, en Belgique, un peu moins, mais quand même un peu. Donc il y a deux représentations de l’enfant qui s’opposent aujourd’hui et qui font débat. Il y a d’un côté l’enfant roi, donc on va dire c’est l’enfant capricieux, c’est l’enfant qui a des pulsions, qui a des désirs, qui sait où appuyer pour énerver le parent, qui va faire des crises de colère, etc. Etc. Cette représentation là, elle est plutôt issue de la psychanalyse ÿousand, d’une représentation un peu traditionnelle de l’enfant qu’il faut éduquer, qu’il faut presque dresser. 

L’enfant roi aujourd’hui, une des représentations les plus, enfin, une des vulgarisations les plus importantes, c’est par exemple la figure de Caroline Goldman dans le débat public. Et puis face à ça, on a vu émerger il y a quelques années une représentation qui est un peu à l’extrême opposé, qui est ce qu’on a appelé nous l’enfant au cerveau immature, qui est une représentation qui est issue des neurosciences affectives et sociales, notamment par Catherine Guéguen que vous avez reçue je crois ici, et qui là va dire au contraire, l’enfant n’est pas capricieux. En fait l’enfant n’est pas responsable forcément de ses émotions, il est submergé par ses émotions parce qu’il ne sait pas comment gérer encore ses compétences, etc. Et donc il ne fait pas de caprices, c’est juste qu’il a un besoin en fait d’être rassuré, d’être compris. 

L’empathie va développer, donc il y a tout un langage, des jeux de langage sur les neurones miroirs, le cortex préféré frontal que le parent doit faire maturer, etc. Et donc ces deux visions là, elles s’opposent un peu. Et ce qui est intéressant, c’est que en fait, dans cette 1ʳᵉ année du projet, on a vraiment fait une analyse macro sociétale, environnement moral, voir ce qui se passait au niveau des débats publics, etc. Et puis ensuite on est allé voir les pratiques et en fait, ce qui est intéressant, c’est que dans les pratiques que j’ai pu observer, cette question, elle était moins importante, entre guillemets. Et elle se résolvait un peu toute seule en fait.

Clémentine Sarlat

Et c’est intéressant, ce que tu expliques là, c’est ton regard aussi de ce qui s’est passé, ce que tu as vécu au Danemark, où l’enfant est compétent, l’enfant fait partie entièrement de la société. Et nous en France, on a deux autres visions très opposées et on n’arrive pas à avoir un consensus finalement, que ce soit international où chaque société, chaque culture a un peu sa vision des choses. Et c’est pour ça que j’aime beaucoup le travail que tu as fait, parce que c’est aussi entre la Belgique et la France, on pourrait penser qu’on a deux pays très similaires. On est francophone en partie pour la Belgique, et donc on est le même, mais il y a quand même des différenciations en fonction de comment on évolue en tant que société. 

Donc si je reprends donc l’étude, vous l’avez commencé en 2020, elle a duré quatre ans, tu viens juste de la chlore il y a quelques semaines, et vous êtes intéressée au coaching parental pour une étude sociologique. Pourquoi est ce que vous avez été sur ce terrain là du coaching parental ?

Solène Mignon

Alors en fait, moi, j’ai rejoint le projet. Donc en septembre 2020. C’est un projet qui a été créé par le sociologue Nicolas Marquis. Donc en 2019. Donc le projet existait déjà quand moi je suis arrivée. C’est aussi ce qui m’a plu parce que je ne me sentais pas de refaire tout un sujet de thèse alors que je venais de clôturer mon master. Et en fait, le présupposé de ces réflexions à Nicolas, ça a été de réfléchir sur, ok, aujourd’hui on a des pratiques de coaching, on a des pratiques d’accompagnement dans trois scènes différentes de la vie la parentalité, l’éducation, l’enseignement, l’école et la santé mentale. 

Et donc en prenant ces trois scènes de la vie quotidienne, ou en tout cas habituelles, différentes, il s’est vraiment posé la question de est ce qu’il y a des perspectives à dresser, des comparaisons à dresser entre ces trois scènes, dans la façon dont on perçoit aujourd’hui un bon accompagnement. Donc un bon parent, un bon enseignant et un bon soignant. Qu’est ce que ça veut dire en fait, aujourd’hui, de réussir à bien accompagner un enfant, à soigner et un élève ? Donc ça a été un peu le point de départ. Et ce qui est intéressant, et ce qui m’a beaucoup plu dans cette démarche, c’était qu’on sortait en fait de la critique sociologique, dans laquelle on peut tomber un peu facilement de dire oui, mais les pratiques de coaching, c’est des pratiques néolibérales qui sont faites. 

C’est le marché de pauvres parents désespérés qui se font avoir par des gourous, il y a des dérives sectaires, etc. Etc. Ou au contraire, de dire ça marche, c’est super, c’est le futur. Il faut absolument se baser là dessus. Le regard, évidemment sociologique, se tient entre les deux et essaye de comprendre ce qui se passe sans porter de jugement ni d’évaluation. En fait, de comprendre dans quel monde est ce que le dans quelle société est ce que le coaching parental fait sens aujourd’hui ? Pourquoi est ce que des parents, surtout des mères, on peut y revenir. Une mère va décider de se tourner vers un coach, pourquoi est ce que ça fait sens pour elle ? Et qu’est ce qu’elle y trouve comme solution ? C’était un peu ça, les grandes questions.

Clémentine Sarlat

Oui. Donc on sort complètement de cette binarité ou tu es une bonne, ou tu es une mauvaise mère. Vous essayez de comprendre où est le besoin, à quoi c’est dû, et pourquoi on en arrive à ça aujourd’hui, dans la société en 2024 ? En tout cas dans les années 2020, parce que ça a pris plus d’ampleur ces dernières années. J’ai trouvé que c’était hyper intriguant, dans l’intitulé de votre. Votre étude, parce que vous mentionnez un moment que c’est. Ce coaching parental, il fait appel à à des actions rituelles spécifiques. Je lis. Aux sociétés libérales individualistes. Ça veut dire quoi, exactement ? Ça veut dire que c’est spécifique aux sociétés libérales. Oui. Qui s’inscrivent dans ce type d’économie ? Et qu’est ce que ça induit ?

Solène Mignon

Alors, en fait, c’est une façon de voir les sociétés aujourd’hui, qui est notamment issue des travaux du sociologue Alain Ehrenberg, qui est vraiment très important pour le projet. On pourra y revenir. Mais l’idée, c’est de dire que. On est aujourd’hui dans un monde capitaliste, libéral, voire néolibéral. Ça, c’est un peu du sens commun, entre guillemets. On le sait un peu tous. Et cette question de l’individualisme, elle est un peu prise différemment au sens sociologique qu’au sens commun. Donc ça va pas être de dire aujourd’hui il n’y a plus de liens sociaux, on est dans un effritement de la famille, on est dans un déclin de la société, etc. 

Pas du tout, c’est plutôt individualiste en disant que c’est la valeur individue qui est la plus importante dans notre société. Voilà, c’est un peu la différence entre les deux. Il y a aussi les recherches d’Irène Terry sur cette question de hiérarchie des valeurs. Et voilà que l’individu en fait est au dessus. Mais ça ne veut pas dire que par exemple, la notion d’autonomie, qui est extrêmement importante, n’est pas en dessous. C’est à dire que c’est vraiment, c’est compris comme dans un sens global.

Clémentine Sarlat

Donc en fait ce n’est pas une notion égoïste de dire moi je veux tout d’abord avant les autres. C’est comme ça que fonctionne la société société. Alors qui a des besoins ? Comment tu le distingues ?

Solène Mignon

Disons qu’en fait je pense qu’il y a un peu deux choses. Il y a d’un côté le fait de dire ok, la valeur individue est la plus importante. En fait, pourquoi on dit ça ? Et ça, je reviens aux travaux d’Alain Ehrenberg, parce qu’on est dans une société aujourd’hui où on va nous dire, avec les médias, avec les relations qu’on a, etc. Avec la culture, la société dans laquelle on est, qu’on a en chacun de nous un potentiel caché, des ressources cachées qu’il faudrait développer, qu’il faudrait sortir au grand jour. Et alors il y a plein de façons différentes de réussir à sortir son moi, vous voyez, un peu ce moi authentique, le self, etc. 

Et qu’en fait le coaching est une des façons les plus rapides et les plus efficaces pour révéler ses compétences et ses capacités. Donc ça, c’est un peu l’idée, c’est pour ça que l’individu est au centre, parce que chaque individu est un peu vu comme extraordinaire, et chacun est unique et authentique et a quelque chose à apporter à la société à côté de ça. Du coup je pense qu’on sort vraiment de cette question de l’égoïsme qui est encore quelque chose de différent, parce que là ça se joue plus au niveau des représentations collectives et surtout ça a des conséquences sur les pratiques qu’on va faire ensuite avec les gens, d’où notamment, je spoile un peu la suite, mais pourquoi est ce que le coaching fait sens en fait aujourd’hui ? 

C’est parce que le coaching, une des définitions que j’ai retrouvées le plus, en tout cas dans ce que les coachs que j’ai rencontrés m’ont transmis, c’était de dire moi, en fait, je suis juste là pour l’autre personne. Moi, je ne suis pas en position de sachant, je ne suis pas en position. Justement on en parlait tout à l’heure, hiérarchique supérieure. Je vais venir comme un espèce de miroir pour refléter un peu ce que la personne a envie de savoir. Parce que la personne a déjà toutes les réponses en elle, et moi je suis juste là pour accoucher, faire accoucher de ces réponses là. Donc on est vraiment en fait dans une représentation de la maïeutique, donc de l’antiquité, mais une espèce de maïeutique émotionnelle. 

Ça c’est un peu moi qui ai trouvé cette expression, de dire qu’en fait, à travers les émotions, on va ressentir dans la relation avec le coach, on va pouvoir accoucher entre guillemets, de solutions pour notre quotidien, pour nos enfants, etc.

Clémentine Sarlat

Je trouve ça intéressant parce que votre étude s’est intéressée au coaching, mais de manière plus globale. Ce n’est pas le coaching parental, c’est le développement personnel dans nos vies à nous, qui peuvent toucher les parents. Donc tu disais, l’éducation et cette quête du soi dans le développement personnel qui est très liée à nos sociétés occidentales. Et aujourd’hui, quand je te parlais d’individualisme, je pense que c’est une grosse critique qu’il y a souvent, peut être de la part des générations au dessus de nous qui disent qu’aujourd’hui on est devenu très égoïste, qu’on ne pense qu’à nous. Est ce que dans votre enquête sociologique vous avez aussi découvert que, en fait Quand les individus vont bien, ils font du bien au reste de la société ?

Solène Mignon

C’est une question intéressante

Clémentine Sarlat

Tu vois, quand ils reprennent leur autonomie, ce pouvoir dont on va parler dans le coaching parental, ça a des répercussions bénéfiques pour l’ensemble de l’écosystème autour d’eux.

Solène Mignon

C’est une question qui est intéressante. Il y a eu un séminaire il n’y a pas si longtemps à Paris sur la question de la psychologiser ou politiser en fait ces questions de développement personnel, mais notamment de coaching, parce que c’est vrai que c’est une critique qu’on peut faire au coaching en disant ça dépolitise un peu la question de la parentalité, en disant les parents sont les seuls responsables, et c’est quand eux iront mieux que ça ira mieux. Bon, je ne suis pas tout à fait d’accord, parce qu’évidemment, il y a des ressources que le gouvernement peut mettre en place, que les communes peuvent mettre en place, etc. Des aides pour les parents. Donc voilà, je pense qu’il faut être quand même assez nuancé là dessus. 

Par contre, je pense que dans les parents que j’ai pu rencontrer en atelier de coaching, etc. Il y a parfois, souvent un soulagement sur leur pratique, et peut être qu’on y reviendra après. Mais c’est des parents qui vont pas très bien quand même. Ça, ça m’a vraiment surpris, parce que j’ai observé quelques cycles d’ateliers, donc à Bruxelles, avec deux coachs différents, et c’est vrai que c’était des parents qui arrivaient. Il y avait des parents de tout âge, donc de jeunes enfants de presque même bébé, jusqu’à des mamans qui avaient des enfants de 25 ans. Donc voilà, ça peut toucher quand même un grand nombre de la population. 

Et je me souviens notamment d’une maman qui avait une fille assez difficile, comme on dirait, qui avait du mal à communiquer avec elle, une jeune fille adolescente, et qui se mettait vraiment à pleurer pendant les ateliers, alors qu’on se connaissait pas vraiment, et qui avait vraiment besoin de ressources et de soutien. Et je pense que ça, c’est quelque chose qui est mis un peu de côté quand on pense au coaching parental, on voit souvent dans les représentations, le côté marketing, le côté réseaux sociaux, le côté je te donne des conseils, 10 conseils pour endormir ton bébé, etc. Derrière, il y a des vraies personnes, en fait, que ce soit les parents ou que ce soit en fait les coachs que j’ai rencontrés.

Clémentine Sarlat

Comment est ce que ça s’est déroulé. Alors tu peux nous raconter un peu ce travail d’enquête pendant quatre ans, donc tu as rencontré des parents, tu as été dans des ateliers. Vas y, donne nous une petite inside.

Solène Mignon

Donc on a commencé par cette étude un peu macro, comme je disais, de représentation de l’enfant, donc au Danemark, France, Belgique et aussi au Royaume Uni. Donc là, on a plein de séminaires en ligne, gratuitement, si vous voulez, sur YouTube et sur le site du projet. Et donc l’idée, ça a été de comprendre un peu cet environnement moral dans lequel se transformaient les pratiques d’accompagnement, notamment de la parentalité. Et puis ensuite, moi, je suis allée sur le terrain, comme on dit, donc à la rencontre des gens, où j’ai déjà en fait suivi une formation pour devenir accompagnatrice parentale, donc en Belgique. 

Donc c’est une formation où j’étais observatrice, mais en fait où je participais assez naturellement aussi aux ateliers, donc sur presque un an. Et puis à côté de ça, j’ai observé deux ateliers de parents sur Bruxelles. Donc c’est des ateliers qui durent entre 2 h 30 et 4 h. C’est des cycles, soit de quatre séances, soit de huit séances. Donc avec un coach et avec une petite dizaine de parents. Donc la formation à l’année, il y avait une quinzaine de participantes, à peu près 15. Oui, une petite vingtaine. Et c’était vraiment intéressant, parce que déjà, je me rendais compte qu’il y avait des parcours très différents qui amenaient au coaching parental. Beaucoup de femmes, parce qu’en fait, j’ai rencontré un homme coach, sur la vingtaine de coachs, hors participante à la formation que j’ai rencontrée, et donc, c’est beaucoup. 

Soit des enseignantes qui sont à mi temps ou à tiers temps, ou à quart temps, qui en fait recherchent du sens dans des pratiques, ou qui se rendent compte qu’il y a une affinité, pendant les réunions de parents, par exemple, et que là, elles peuvent apporter un soulagement ou des ressources à ce niveau là. Ou alors ça va être des métiers plutôt tertiaires, d’aide aux personnes, ou secrétaire médical, ou. Voilà. Et presque à chaque fois, enfin, il y a un peu les deux cas de figure. Il y avait soit des gens qui étaient en burn out professionnel, ou en épuisement, ou en fatigue, ou ennui, etc. Ou en bore out, donc le contraire, voilà. Soit des gens qui étaient contents dans leur travail, mais qui cherchaient plus de sens. 

Donc c’était vraiment ça qui les a amenés au coaching parental, parce qu’en réalité, ça, c’est aussi une autre croyance. Je pense que ça rapporte beaucoup d’argent, le coaching parental. Moi, les coachs que j’ai rencontrés, elles ne font pas que du coaching parental, comme je disais, elles sont enseignantes. Il y en a certaines qui sont psy, aussi. Psychologues. À côté, il y en a beaucoup qui gardent en fait leur activité principale et qui font du coaching en activité complémentaire. 

Clémentine Sarlat

C’est ça, ce que j’allais dire. C’est loin des clichés de ce qu’on peut avoir comme représentation du coach parental qui veut se faire de l’argent sur le dos des parents, de leur détresse, et qui n’a comme but que de gagner cet argent et devenir riche. Alors que comme toi, tu es en train de l’expliquer. Leur motif principal, à la base, c’est d’aider et de trouver du sens.

Solène Mignon

Oui. Après, moi, j’ai. C’est une toute petite enquête que j’ai fait, donc plein de. Attention au trigger warning, etc. Mais c’est possible qu’il y ait des dérives sectaires, évidemment, c’est possible qu’il y ait des gens qui profitent de la vulnérabilité des parents, voilà. Moi, c’est pas celles et ceux que j’ai rencontrés. Il y a vraiment une idée aussi de. Voilà. Pas forcément de reconversion professionnelle, comme je le disais, mais vraiment de retrouver du sens. 

Et ce qui est intéressant, c’est qu’il y a donc ce domaine professionnel, mais il y a aussi le domaine personnel, c’est à dire qu’en fait, elles sont presque toutes mamans et elles ont presque toutes vécu soit une grossesse, soit un accouchement, soit un post partum assez compliqué. Et ça vient aussi. Donc ce désir d’accompagner les parents, ça vient aussi d’un. D’un moment où elles mêmes, elles se sont senties seules, elles se sont senties vulnérables. Il y en a beaucoup qui me disaient: Mais moi, je n’étais pas au courant, en fait, qu’il y avait tout ça qui existait dans ma petite province, dans le Brabant wallon ou je ne sais où en Belgique. On m’a pas donné beaucoup d’informations. Et je me suis rendu compte en fait, après, que j’aurais pu faire. 

Et ça et ça et ça, et que j’aurais pu avoir une doula et que j’aurais pu. Enfin, voilà, plein de choses. Donc je pense que ça vient aussi un peu de ce sentiment assez personnelle et intime. Et puis il y a aussi quelques cas de figure où là, dans l’enfance, dans leur propre enfance, il y a eu des maltraitances, où il y a eu des choses qui ont résonné en elles et qu’elles ne veulent pas se voir reproduire. En fait, dans la société,

Clémentine Sarlat

Est ce que dans le coaching parental, tout le monde suit un peu la même mouvance ? C’est toujours étiqueté coach de la bienveillance, de l’éducation positive, ou est ce que tu as rencontré un panel qui sont voilà. À d’autres affinités avec le courant éducatif ? 

Solène Mignon

C’est vraiment intéressant parce que comme je le disais, donc on a beaucoup de débats publics assez virulents. Voilà Caroline Godman qui dit le contraire de Catherine Guéguen, et puis lendemain, Isabelle Filliozat et puis enfin, voilà, les gens se déchirent un peu et en réalité, quand j’ai rencontré des coachs et que je parlais un peu de parentalité bienveillante, voilà, qu’est ce que c’est pour toi la parentalité positive ? Non mais moi je fais pas de parentalité positive, c’est trop extrémiste. Moi mon truc c’est mettre des limites à l’enfant. Et puis au contraire, j’en avais qui me disaient la parentalité bienveillante, c’est mettre des limites à l’enfant. 

Et puis au contraire, j’en avais qui me disaient moi, le seul coach homme que j’ai rencontré, qui lui se détachait un peu de ça, qui est aussi psychologue et qui disait voilà, moi je viens plutôt de l’idée de remettre en fait l’autorité parentale au centre et que l’enfant obéisse aux parents. Mais en réalité toutes ces différentes expressions, elles se regroupent en fait dans la pratique. C’est ce que je trouvais intéressant parce que je me rendais compte que souvent ils se positionnaient un peu les uns aux autres en disant moi je ne fais pas ça, moi je fais plutôt ça, etc. Et en fait ce qui se passait dans les ateliers de coaching était un peu la même chose à chaque fois, avec des styles différents, et c’est ça en fait qui plaît ou qui plaît pas d’ailleurs aux parents. 

Mais dans la pratique, je n’ai pas observé des choses extrêmes en disant voilà, par exemple il faut faire ça, il faut faire ça, il faut pas faire ça, il ne faut pas faire ça. En fait le coach va vraiment. Enfin, les coachs que j’ai rencontrés en tout cas, s’adaptaient vraiment beaucoup aux parents. Par exemple sur la question du time out, donc qui est revenu un peu dans les débats récemment, j’ai pas rencontré de coach qui disait il faut absolument faire ça, ou, il faut absolument faire ça. Et c’est ce qu’on a développé notamment dans un article récemment avec Nicolas Marquis. Ce qui les intéresse eux, les coachs, c’est vraiment la pratique, c’est vraiment la pragmatique, c’est vraiment revenir à qu’est ce qui se passe en fait au quotidien ? Et comment est ce qu’on fait avec un enfant ? 

Quand on a un enfant en face de soi, ce n’est pas se positionner dans des débats théoriques. Et donc en fait en le faisant ce qu’on a développé comme idée, c’est de dire qu’ils cherchent un espèce de juste milieu entre des extrêmes, donc entre l’autoritarisme et le laxisme, entre la fermeté et la bienveillance. Et donc en fait c’est très difficile parce que l’idée derrière ça, ça va être de dire que c’est chaque parent qui a sa boussole de son propre juste milieu. Donc c’est là que la sociologie est intéressante, parce qu’on se rend compte que ce juste milieu, il est créé par des représentations collectives, culturelles. Par exemple, la violence ça va être dans un extrême qu’il ne faut pas faire. Mais là encore on va se dire mais qu’est ce que c’est une violence envers les enfants ? 

Parce que ce n’est plus que les violences physiques, et heureusement il y a les questions d’humiliation, violences émotionnelles, etc. Qui sont encore un peu trop floues. Et donc là aussi on va avoir des justes milieux entre baffer son enfant, voilà, c’est le pire, lui donner un surnom un peu ridicule, il y a des parents qui le font encore parce qu’ils se disent pour moi, c’est pas pour moi, dans ma boussole entre guillemets intérieure, c’est encore ok. Et puis d’autres qui vont dire non, ça c’est à rejeter, quoi. Et donc en fait c’est ça qui est compliqué. 

Et le coach en fait va vraiment être très flexible face aux parents, parce que lui va agir comme un espèce d’agent de ce juste milieu en disant voilà un peu ce qu’il ne faut pas faire à l’extrême, mais en fait le parent le sait déjà inconsciemment ou dans son éducation. Mais il va y avoir une petite marge, comme un petit cercle entre guillemets. Où il ne faut pas toucher les bords, mais à l’intérieur de cercle là, c’est aux parents, entre guillemets de savoir où aller, quoi faire, etc.

Clémentine Sarlat

Et c’est intéressant ce que tu dis, parce qu’il y a aussi là tu parles des individus. Mais j’imagine que vous avez remarqué aussi qu’en fonction des sociétés, il y a des choses acceptables et d’autres non. En Suède, où la convention des droits de l’enfant a été adoptée il y a très longtemps, plus de 40 ans, contre les violences physiques, en tout cas, c’est inimaginable de pouvoir donner une petite tape en tant que société. En France, on n’en est pas encore à cette notion là. Donc il y a aussi, on est emprunt aussi de ce qui est ok au sein de notre écosystème,

Solène Mignon

Complètement, complètement. Et on n’a pas parlé du Royaume Uni, mais on a aussi étudié cette représentation de l’enfant, notamment des travaux passionnants de l’université de kent, donc le Parenting culture studies, qui eux ont beaucoup de travailler sur la parentalité paranoïaque. Donc c’est un des titres de livres. Donc c’est des sociologues qui sont très engagés. En France, on dirait que c’est un peu des essayistes, mais voilà, dans le domaine anglophone, ils sont sociologues, mais donc c’est des gens qui, vraiment eux prennent position. 

Il y a par exemple 1 livre qui s’appelle de Jenny Bristow, qui s’appelle Standing up to super nanny, donc vraiment, voilà. 

Clémentine Sarlat

Et en France, elle est à la télé. 

Solène Mignon

Voilà, c’est ça. Et là ça va vraiment être de dire à la fois littéralement et de manière symbolique, il faut arrêter de faire rentrer les coachs dans l’intimité des familles, parce que les parents en ont marre et que c’est pas à l’état et que ce n’est pas au marché du coaching de dire quoi faire aux parents. Et puis on a aussi un autre ouvrage qui est assez passionnant, de John McVarish, des neuroparenting. Donc là c’est un peu nous, ce qu’on a avec les neurosciences affectives et sociales, mais ça va être l’idée de montrer à quel point. Est ce que le discours politique anglais est normé par les neurosciences ? 

Jusqu’au 1ᵉʳ ministre, alors c’était dans les années 2006 2008, je crois. Mais de dire que voilà, dans les discours publics, on va montrer même des photos de cerveau d’enfants négligés à côté d’un enfant en bonne santé, pour montrer quelles sont les pratiques derrière à faire ou à ne pas faire, etc. Et donc il y a vraiment un peu un lobby, entre guillemets on peut le dire, des neurosciences au Royaume Uni face à ça. Et donc je me suis un peu égarée, je crois.

Clémentine Sarlat

Non, non, on disait, tu vois, dans la représentation de ce qui est ok ou pas en fonction de la société, là. En plus, ce que tu as étudié au Royaume Uni, c’est que il y a des gens qui prennent position, donc ils donnent des directives. Il y a des gens qui prennent position, peut être ce dont on manque aussi en France.

Solène Mignon

Et oui, c’est ça, j’y arrivais par un chemin détourné, mais j’y arrivais. Mais c’était de dire que. Alors on a eu ça aussi, malheureusement aussi en Belgique et en France, fin des années, j’allais dire quatre 20 10, fin des années quatre 20 10, début des années 2000, mais notamment avec l’affaire Dutroux, ou au Royaume Uni avec beaucoup d’affaires en fait assez sordide de maltraitance, d’agression et d’assassinat, en fait d’enfants où il y a eu ce qu’en Angleterre on peut appeler le stranger danger. Donc l’idée de dire dans chaque adulte réside un potentiel danger, un potentiel prédateur, et donc il faut absolument protéger les enfants aussi des adultes. 

Ce qui fait qu’aujourd’hui, par exemple, on a des restrictions pour les adultes qui travaillent dans les écoles, où on va regarder en Angleterre par exemple, comment on appelle ça, s’ils sont allés en prison ou pas casier judiciaire. En France aussi, oui. Voilà donc cette vérification qui par exemple pour ces sociologues de l’université de Kent va presque trop loin. Et ça rejoint un peu ce que je disais sur la parentalité paranoïaque, qu’il faut arrêter de croire justement qu’on est dans un monde où les adultes veulent absolument du mal aux enfants, et où en fait on ne peut plus faire confiance aux voisins, on ne peut plus faire confiance même à sa famille, parce qu’avec tous les cas d’inceste qui sont remontés ces dernières années années, on voit aussi que ça, c’est quelque chose dont on parle assez peu, mais qui est encore très présent et en France. Et donc voilà, donc en fait on change aussi en changeant la représentation, on change évidemment les comportements qu’on va avoir avec l’enfant.

Clémentine Sarlat

Les pratiques qui sont au sein de chaque société, donc de chaque culture. Toi, dans ton suivi, tu t’es focalisé plus sur les coachs ou tu as aussi eu une grosse partie sur les parents et pourquoi ils viennent solliciter du coaching parental ?

35:00

Solène Mignon

J’ai plutôt étudié les coachs parce que je trouvais justement que leur parcours était intéressant. Cette vision un peu croisée du parcours professionnel et du parcours personnel, je trouvais ça intéressant parce que je pense que c’est quelque chose qui se développe de plus en fait dans nos sociétés, il y a un espèce de mal être au travail, il y a un mal être un peu personnel, et donc on va essayer de potentiellement par le travail, réussir à venir réparer des choses aussi de sa vie personnelle. Donc ça, je trouvais ça intéressant. J’ai moins rencontré de parents aussi, parce que pour des soucis logistiques, de disponibilité tout simplement, c’est ça aussi le monde de la recherche. 

Des fois ça se passe pas comme c’était prévu. Mais ce que je trouvais intéressant c’était qu’en fait ce qu’on demande aux parents, c’est aussi ce qu’on demande aux coachs. Et c’est pour ça que j’ai aussi travaillé, observé cette formation pour devenir professionnelle du coaching, accompagnatrice parentale, parce que je trouvais intéressant de voir que dans cette formation on travaillait beaucoup sur les émotions, on travaillait beaucoup sur les compétences socio émotionnelles, comme on les appelle, psycho sociales, etc. Et on travaillait beaucoup en fait sur. Enfin l’idée c’était de dire: pour être une bonne coach, ou en tout cas une coach à l’écoute, empathique, etc. Il faut savoir c’est quoi ses limites, c’est quoi les sujets sur lesquels on ne peut pas travailler, c’est quoi ses propres problèmes qu’on a avec ses enfants et qu’on a envie de discuter ou pas. 

Et donc en fait c’était très introspectif. Cette formation qui était aussi très émouvante, ça je ne m’y attendais pas forcément. Voilà, c’est un groupe qui a créé vraiment une belle alchimie. Et c’était aussi un moment un peu refuge pour ces participantes de passer comme ça quelques week-ends par mois, de réfléchir en fait aux croyances par exemple qu’on a sur soi, sur ses enfants, pour pouvoir en fait après les voir chez les parents. Donc il y a vraiment une espèce de symétrie que je trouvais intéressante. Donc finalement j’ai peu rencontré de parents à la suite de cette formation, mais en fait les participants de qui étaient là étaient toutes mères, donc il y avait un peu cet échange qui se faisait quoi.

Clémentine Sarlat

Est ce que tu as été surprise pendant ces quatre années de recherche ? 

Solène Mignon

Ouais, j’ai été surprise. J’ai été surprise parce que en fait ça m’a touchée à un niveau personnel à plein de moments, parce que comme je le disais dans la formation, il y avait …moi j’ai pas d’enfant. Je sais, c’était important de le dire, mais il y avait plein de moments donc voilà où il fallait réfléchir sur ses croyances, sur le monde, donc pas forcément besoin d’être parent pour le faire. Voilà. Quand tu étais petite, tu croyais, tu te disais quoi des adultes ? Tu te disais quoi de la société ? Tu te disais quoi du travail ? Quand tu étais adolescente, quand tu étais jeunes adultes, etc. Etc. Il y avait plein de moments comme ça. 

Et puis j’ai beaucoup été touchée en fait par les participantes, par les coachs qui étaient là, parce qu’il y avait vraiment une vulnérabilité assez forte et oui, on était à chaque fois, c’était comme un espèce de groupe de parole en fait, ça devenait en fait pendant les pauses, pendant le 12 h, etc. Un groupe de parole où on suivait en fait la vie de ces personnes au fur et à mesure. Et c’est vraiment ça qui m’intéresse. Moi dans l’anthropologie en fait, c’est de me dire mais la personne que j’ai en face de moi, elle a une vie que je trouve tout à fait. Incroyable, même si elle ne pense pas que c’est incroyable. Mais il y a une beauté dans le banal et dans le quotidien. Ouais. Il y a une poésie en fait, dans les choses qu’on ignore parfois.

Clémentine Sarlat

Donc tu t’es attaché à ce groupe au final, et tu as suivi leur évolution de coaching. Est ce que ça a démystifié aussi pour toi l’idée que tu te faisais du coaching parental ? Tu n’as pas d’enfant. Mais je pense qu’on a tous plus ou moins. Tous et tous plus ou moins une image de ce que ça renvoie qui parfois très mauvaise presse. Et tu l’as dit, le côté gourou. Est ce que toi, ça a changé un peu ta vision ?

Solène Mignon

Oui. C’est vrai qu’en arrivant. Bon, j’avais les outils et les méthodes de l’anthropologie, donc j’avais quand même un regard un peu objectif, même si bon, l’objectivité dans la science sociale. Mais ça, c’est un autre débat. Mais voilà, moi, mes références de coaching parental, c’était super nanny, c’était vraiment. Je connaissais pas grand chose d’autre, quoi. Je connaissais un peu Isabelle Filliozat, parce que maman était enseignante et que voilà, elle s’intéressait un peu à qu’est ce que c’est un enfant ? C’est quoi les besoins de l’enfant, etc. Mais en fait, je ne savais pas vraiment ce que c’était. En fait, j’avais super nanny. 

Et puis j’avais le coaching entreprise, donc un truc très néolibéral. Rendement, efficacité, être la meilleure version de soi même, voilà pour profiter à la société capitaliste. Donc c’était pas vraiment une très belle image que j’en avais. Évidemment, j’ai retiré un peu cette paire de lunettes quand j’ai commencé à faire les recherches, mais. Mais oui, c’était un monde que je connaissais pas du tout.

Clémentine Sarlat

D’accord. En fait, du coup, tu l’as découvert avec des yeux assez neufs. Oui, oui. Sans avoir trop d’a priori sur ce que ça voulait dire. Est ce que ça impliquait ? Non, sûrement aussi parce que t’as pas d’enfants, comme tu n’avais pas de problématiques à résoudre, tu t’es pas trop posé de questions. Moi, j’ai voulu te recevoir parce que je trouvais ça vraiment intéressant. Comme tu l’as dit, en France, c’est très clivant, tout est toujours tout noir ou tout blanc. Il y a ce qui ont raison ceux qui ont tord. Donc c’est difficile de trouver le juste milieu. 

J’ai la profonde conviction qu’on doit respecter les enfants, qu’on doit faire au mieux pour les protéger. Mais comment est ce qu’on se respecte soi même aussi ? Et parfois, on a besoin d’aide. J’ai personnellement assisté à des ateliers Faber et Mazlish, notamment, et j’avais adoré ces moments là, comme tu l’as retranscrit. Tu vois, c’est ce moment, on peut déposer nos émotions avec d’autres parents, où on peut comprendre le vécu des autres. Et j’avais trouvé que c’était hyper pertinent, les ateliers qu’on faisait, parce qu’il n’y avait pas de. Tu dois faire comme si. Comme ça, on vient chercher ce que toi, tu penses. On t’explique quand même comment fonctionnent les émotions, comment on accueille une émotion. Et c’est la 1ʳᵉ fois de ma vie où j’ai appris à accueillir une émotion. C’est en atelier à la parentalité, avec du coaching, mais bref, on l’appelle comme on veut, et c’est quand même. Je trouvais des compétences primordiales qu’on devrait apprendre à l’école, au final, et qu’il m’a fallu devenir mère et aller dans ces ateliers là. Donc je l’ai jamais vu d’un mauvais œil. Mais je comprends cette notion qu’on a de se dire les gens sont là que pour se faire de l’argent. Et sur cette vulnérabilité, parce que, comme. Tu l’as dit, ça doit forcément exister. Est ce que via votre étude, vous pouvez dire que ça a des bénéfices pour la relation parent-enfant, ou est ce que vous n’êtes pas du tout intéressé à ce pan là ?

Solène Mignon

Oui. Je pense qu’il y a deux choses. Le regard sociologique ne donne pas d’évaluation. En tout cas, celui du projet ne donne pas d’évaluation de bonnes pratiques, pas de bons points, etc. On essaie vraiment d’observer ce qui se passe et de comprendre ce qui se passe. Donc c’est difficile de donner un feedback là dessus. Après, il y a des parents qui sont plus ou moins réceptifs. En fait, c’est un peu ça, malheureusement, entre guillemets. 

Le principe, c’est que ce qui est quand même important, je pense de dire, c’est que ces pratiques de coaching parental, comme on en parle depuis le début, elles vont plus parler à une catégorie, une classe sociale de la population qui est plutôt la classe moyenne supérieure. Qui, en fait, sait déjà de quoi on parle avant de venir en atelier de coaching a le temps, à l’énergie et a surtout l’argent, parce que c’est quand même des pratiques qui sont payantes, souvent assez chères. Donc alors je dis ça et en même temps, les coachs que j’ai rencontrés, certaines se spécialisent notamment dans des maisons de femmes à Bruxelles, où là, elles vont donner un accompagnement gratuit, etc. Mais c’est des problématiques qui sont complètement différentes. Et ça, c’est pas des choses que moi, j’ai pu observer. 

Parce que là va se jouer aussi la prise en compte d’une culture différente. Et comme on l’a dit tout à l’heure, à chaque culture, chaque représentation de l’enfant, chaque comportement parental, etc. Et donc là, il faut aussi s’adapter à ce qui est bien vu ou mal vu dans une autre culture que la sienne, pour que la personne en face de soi comprenne en fait, et soit ne se braque pas ou soit dise mais voilà. Pourquoi est ce que tu me dis comment éduquer mes enfants ? Moi, je sais très bien le faire et elle sait probablement très bien le faire. Donc voilà, il y a ce point là. Mais donc il y a cette idée de se dire que ça vient aussi répondre à une attente des parents et surtout à une attente des mères. 

Le profil un peu typique des parents que j’ai pu observer, donc c’est principalement que des femmes. Les hommes qui étaient présents étaient toujours présents en couple hétérosexuel, donc avec leur femme, parfois un peu traînés de force, mais ça, c’est autre chose. Mais donc ça va être en fait des femmes qui ont entre 30 et 50 ans. Il y en avait un peu plus âgées, un peu plus jeunes, mais voilà, on va dire, on va faire un peu à la louche. Et ces femmes là, en fait, c’est un peu l’ouvrage d’Isabelle Filliozat, j’ai tout essayé. En fait, elles avaient tout essayé. 

Elles avaient lu 150 livres sur la parentalité positive bienveillante, elles avaient participé à des conférences, des ateliers, et en fait, c’était un peu ce surplus d’informations qui devait, entre guillemets, être traité, parce qu’elles se rendaient compte qu’il y avait un écart énorme entre ce qu’elles voulaient être et ce qu’elles étaient au quotidien. Et là, en fait, le coaching, comme j’ai pu observer, va justement venir travailler sur ces croyances, comme on disait, ces représentations de dire mais voilà pourquoi est ce que tu penses qu’une bonne mère, c’est une mère qui ne dort pas et qui ne fait que s’occuper de ses enfants du jour au matin, et qui met ses besoins au 2ᵈ plan. Pourquoi est ce que ce ne serait pas d’engager une nounou ? Parce qu’en fait t’as pas le temps de le faire pour x ou y raison. 

Donc c’était un peu de dire, de réfléchir en fait à des représentations assez ancrées dans la personne, souvent qui viennent de sa propre enfance, de sa propre éducation. Et donc voilà, ça c’est un travail qui nécessite qu’il y ait déjà une réflexion importante du parent et que le parent soit déjà un peu réceptif à ce genre de pratiques. Après il y a des parents qui ont besoin de plus, enfin, les parents que j’ai rencontrés, qui avaient besoin de plus de théories par exemple, qui se raccrochaient assez fort aux neurosciences affectives et sociales parce que ça leur donnait un peu des balises de ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire et des choses à se dire. D’accord, scientifiquement c’est prouvé qu’il faut plutôt faire ça parce que ces effets sont là, etc. Donc voilà, je pense que ça dépend aussi de l’attente qu’on peut avoir. 

Clémentine Sarlat 

Les parents qui viennent en consultation sur du coaching, c’est des séances individuelles ou c’était que des séances de groupe que tu as suivi ? 

Solène Mignon 

Moi j’ai observé que des séances de groupe. Encore une fois, un peu par souci méthodologique et pratique, du fait que c’était beaucoup plus compliqué d’entrer en contact avec des coachs qui voulaient bien que je sois là en séance individuelle, parce que c’est toujours compliqué d’avoir une troisième personne qui observe et qui prend des notes pendant que le parent se livre sur des choses assez intime. 

Donc j’ai observé des séances de groupe et c’est vrai que ça vient jouer avec ce qu’on disait tout à l’heure de ces sociétés libérales individualistes, puisque justement là c’était comme je le disais, c’est presque des groupes de pair aidance, donc des groupes de soutien, en fait de parents. Et un des coachs que j’ai rencontrés me disait voilà, moi mon rôle c’est un peu de m’effacer à certains moments. Et quand un parent arrivait par exemple avec une problématique, je ne sais pas, mon enfant de quatre ans ne veut plus manger. Enfin, on ne veut plus manger ce que je lui donne à manger, il veut manger qu’autre chose. Il y avait toujours un moment un peu d’intelligence collective où le coach demandait aux autres Ok, bon, ceux qui sont passés par là, ceux qui ont des ados, qu’est ce que vous faisiez à l’époque. 

Qu’est ce qui a marché ? Qu’est ce qui n’a pas marché ? C’est un peu du test, de l’expérimentation. C’est un mot qui revient assez souvent en fait, il n’y a pas de formule magique, il n’y a pas de baguette magique, ça se saurait. Et donc c’est un peu à chacun de tester des choses mais qui reste dans encore une fois cercle un peu ou cette limite entre les deux extrêmes. Mais en fait c’est assez compliqué. Et ce que je voulais dire tout à l’heure, ça m’est revenu, c’est que ça peut déboussoler beaucoup de parents en fait, parce que comme je le disais, il y a des parents qui arrivent et qui sont vraiment en situation de vulnérabilité. On n’a pas parlé du burn out parental, mais beaucoup étudié en Belgique, 

Clémentine Sarlat 

On l’a fait avec Isabelle.

Solène Mignon

Et donc oui, c’est des parents qui sont vraiment en souffrance profonde et qui arrivent et qui sont déboussolés, qui ne savent vraiment plus quoi faire, quoi, qui sont presque là à se dire mais vraiment j’ai envie de tuer mon enfant, donc il faut me le retirer presque ou quoi. Là les coachs ne vont pas forcément avoir une réponse qui va satisfaire le parent parce qu’ils vont leur dire en fait la réponse est en toi. Et moi je vais t’aider à la donner. Quand quelqu’un est en situation de vulnérabilité à ce point là, il n’a pas forcément envie. Et d’ailleurs dans d’autres situations, on peut y penser dans notre quotidien, on n’a pas forcément envie que la personne en face dise mais tu es forte, tu es courageuse, tu es résiliente, tu as toutes les solutions en toi. 

Et moi je suis juste là pour t’aider à les faire sortir quoi. Donc voilà, il faut. C’était quelque chose qui revenait aussi souvent, c’est que comme c’est un statut très particulier qui n’est pas forcément réglementé, on a aussi une représentation un peu du coaching dans un espèce de truc pas trop professionnel, un peu amical, un peu etc. Et les coachs que j’ai rencontrés essayaient vraiment de dire voilà, c’est pas une amie qu’on rencontre, c’est soit un patient, soit un client. Il y avait un peu les deux écoles qui le disaient comme elles le voulaient. Donc il faut essayer de créer comme une alliance en psychologie, donc en séance de psy et avoir cette distance de Thérapeute qui peut être compliquée, voilà. Créer un peu cette distance pour essayer justement de rappeler à la personne que c’est quand même un service, parce qu’on est quand même là dedans, mais un service qui potentiellement peut quand même aider le parent, quoi.

Clémentine Sarlat

Parce que j’imagine, la critique principale envers aussi le coaching parental, c’est qu’ils ne sont pas psy, même si tu as dit qu’il y en a, et tu es psy aussi. Et donc ils n’ont peut être pas toutes les compétences pour pouvoir gérer des situations extrêmes ou difficiles. Mais en même temps les psys peuvent pas, ils font pas de coaching, ils font pas d’aide à la parentalité. Donc c’est très compliqué pour nos parents. Finalement, on sait plus vers qui se tourner.

Solène Mignon

Tout à fait. On a organisé le 4 juin dernier une journée d’études avec pas mal de coachs et de… Isabelle Roskam était là notamment. Et en fait c’est vrai qu’à la fin de la journée on se disait mais en fait c’est un peu injuste pour les parents parce que on leur dit n’allez pas voir des coachs parce que c’est des charlatans qui vont vous extorquer, etc. Et qui vont jouer sur vulnérabilité. 

Mais en même temps, comme vous avez dû en parler avec Isabelle Roskam, quand un parent va très très mal, aller voir un psy pour dire en fait j’en peux plus de mon enfant, c’est aussi très difficile. Et c’est une parole qui est très difficile aussi à dire de dire en fait mon enfant n’a pas de problème, mais c’est moi qui ai un problème avec mon enfant. Donc en effet, c’est des parents qui se retrouvent assez isolés, quoi. Et donc je pense que ça, c’est très important de se rendre compte aussi que derrière ce cynisme un peu qu’on a envers ses coachs parentaux, c’est un peu aussi des agents de 1ʳᵉ ligne. Alors encore une fois, dans des catégories de parents plus aisées, mais qui viennent en fait recevoir des choses parfois très lourdes. 

Ce que les coachs que j’ai rencontrés mettaient beaucoup en avant, c’était la collaboration avec d’autres professionnels de santé, notamment des psychologues, mais aussi tout ce qui était un peu plus ésotérique, parce qu’il y a une part aussi du coaching qui se revendique de ça. Donc tout ce qui est doula accompagnement, bon, ça c’est plutôt au tout début de l’enfance, mais voilà des soins paramédicaux, médicaux, quel que soit en fait ce que le parent souhaite quoi, et travailler en réseau, ça c’est vraiment quelque chose qui était important pour eux, quoi, pour elle.

Clémentine Sarlat

En fait, quand je t’entends parler, je dis ouais, c’est injuste. Et c’est mettre le parent en porte à faux et dans une situation qui est insolvable. Oui, mais en fait on a des besoins, donc oui, on va aller voir des coachs, ça coûte quand même de l’argent. Donc ceux qui sont éliminés d’entrée, ceux qui n’ont pas les moyens, la solution, c’est aussi que les gouvernements s’emparent de cette problématique de la parentalité. J’avais une question pour toi où tu as intitulé un article tous les parents ont besoin d’être soutenus parce qu’il y a une mutation de la famille. Ça veut dire quoi concrètement ? C’est qu’aujourd’hui, on vit dans une société où on peut plus compter sur la famille, comme avant ? Tu disais le délitement c’est caricatural, mais est ce que c’est pas un peu la réalité aussi ?

Solène Mignon

Oui, c’est intéressant cette citation. Donc tous les parents ont besoin d’être soutenus. C’était une coach qui m’a dit ça et je me suis dit c’est marrant parce qu’en fait avant, c’était pas du tout ça. Le principe du gouvernement, c’était d’aller aider des familles précarisées, des familles monoparentales, où là on allait dire voilà, il y a un besoin spécifique qui fait que le parent peut être défaillant, il y a un parent en prison, il y a un parent en extrême pauvreté. Et en fait l’État doit un peu intervenir pour gérer cette parentalité. 

Aujourd’hui, avec la commission des 1000 1ᵉʳˢ jours, notamment co dirigée avec Isabelle Filliozat, on est vraiment dans cette idée de dire que même le parent qui a un bon revenu, qui a une belle maison, un jardin, qui peut avoir une nounou, etc. Il a le droit d’aller mal. Et ça c’est vraiment la revendication, notamment d’Isabelle Roskam et du burn out parental, c’est de dire voilà, tous les parents ont le droit d’exprimer une souffrance, ça je trouve que c’est important. Mais il ne faut pas que ça cache, entre guillemets, la souffrance des parents plus précaires. Il ne faut pas qu’il y ait de compétition en fait entre les différentes classes sociales. Je pense que c’est des besoins qui sont très différents et qu’il faut venir y répondre de manière gouvernementale. Pourquoi pas.

Il y a des maisons d’accueil, il y a des maisons d’écoute, mais qui sont encore assez stigmatisées. Et je pense que c’est aussi pour ça que le coaching plaît, parce qu’on est pas dans du pathologique. Le parent qui va passer plutôt du développement personnel, c’est plutôt, voilà, ça peut être un spécialiste parmi tant d’autres que le parent a pu voir.

Et donc il y a moins cette Idée de dire voilà, ça va mal et je dois exprimer une souffrance, et plutôt de dire je travaille sur moi et je vais essayer devenir une meilleure version de moi même.

Clémentine Sarlat

C’est pas étiqueté non, j’ai un problème, je suis défaillante.

Solène Mignon

Moins quoi. Ouais, ouais. 

Clémentine Salrat

Et puis tu parles des parents précaires, on le sait, les plus précaires, c’est les mères célibataires. Il y en a énormément aujourd’hui qui ont accès à pas grand chose, qui subissent de plein fouet tout ça, qui peuvent pas exprimer cette souffrance là aussi, qui ont en plus pas vraiment le temps d’aller se faire accompagner, puisqu’il faut faire garder l’enfant en attendant. Donc c’est encore un autre point. Est ce qu’il faut, dans des conclusions que vous avez eues au bout de quatre ans, réglementer cette profession pour que ça ait plus de sens et peut être plus de poids ? Comment est ce que c’est vu, perçu par ceux qui en font ?

Solène Mignon

C’est une question difficile. Parce qu’on a vraiment des écoles différentes, on a alors en France, il y a quand même la formation d’Isabelle Filosa qui dure trois ans, donc qui est la formation la plus longue pour devenir. Alors je ne sais pas s’il est intitulé, c’est coach parental, accompagnant parental, etc. Mais en tout cas, voilà, cette formation là. Qui coute très cher. Et voilà, trois ans, c’est quand même beaucoup. C’est un investissement, c’est un investissement quand on a des enfants, voilà c’est un peu le problème, c’est qu’on a des formations qui peuvent être deux semaines, comme des formations d’un an, de trois ans, des choses, enfin, c’est vraiment compliqué. Je pense qu’à l’Ucl, elles ont créé une formation plutôt orientée psychologie, sur l’accompagnement de la parentalité. Pourquoi pas ? Ça peut être une piste de passer par ces canaux là. Ça veut aussi dire qu’il y a un investissement à ce moment là de la personne, de coûts et d’énergie. Je pense que de manière globale, oui, il y a une poussée vers une réglementation justement pour éviter ces dérives sectaires, ces dérives extrêmes qui peuvent encore exister. Mais c’est un métier qui se vit tellement différemment de coach en coach, qu’à mon avis, ce serait compliqué d’avoir une base qui soit assez ouverte pour que tout le monde s’y retrouve. Par exemple, au niveau des doula, je sais qu’il y a une convention qui a été signée en Belgique, que c’est quelque chose, en tout cas, Belgique francophone de très réglementation, voilà.

Clémentine Sarlat

En France non. Elles le demandent pour la plupart que justement, il y ait cet encadrement. Mais au final, c’est comme un peu les psy, il y a une. Il y a un encadrement et après, chacun en fait ce qu’il veut de ses connaissances et de ses compétences. En psychologie, quand on devient psy. Tu vois, tout le monde a un profil différent, des courants de pensées différentes, et pourtant, ils n’ont pas du tout la même formation, chacun en fonction de l’université. Mais bon, il y a un cadre qui est là et qui permet un peu de légiférer. 

Solène Mignon

Oui. Je pense qu’il y a très fort cette idée que la psychologie, c’est quand même une science, ou en tout cas, que c’est quand même quelque chose de sérieux. Là où le coaching, c’est quand même plutôt, vu comme on va dire au mieux, quelque chose qui découle un peu du développement personnel fait par des femmes. Pour des femmes, quoi. Donc, il y a aussi ce truc très critique de. C’est un truc de femme, voilà. De l’émotionnel, etc. Qui est quand même assez critiqué, encore aujourd’hui, malheureusement, quoi. 

Clémentine Sarlat

Alors, j’ai une dernière question, si tu dois conclure. Ça fait quatre ans que tu as travaillé là dessus. Tu viens juste vraiment, la semaine dernière, de clore ce chapitre de ta vie. Tu retiens quoi de cette étude ? Qu’est ce qui ressort le plus ? 

Solène Mignon

Bonne question. Je pense que c’est un peu un truc bête à dire, peut être, mais qu’on mériterait quand même d’arrêter de juger les gens un peu trop facilement. Et que ce serait bien d’essayer de comprendre en fait, ce qui se passe dans la vie des gens. Et que c’est un peu trop facile. Comme on le disait tout à l’heure, de blâmer notamment des coachs, parce qu’elles profitent entre guillemets, d’un système néolibéral, etc. Et de pas blâmer le système en lui même, qui est injuste et qui est plein, voilà. Qui est pétri de défauts et d’injustices. Surtout pour les parents les plus précaires. 

Clémentine Sarlat 

Surtout pour les femmes, en plus. 

Solène Mignon

Surtout pour les femmes. On est sur un truc sur les complètement, oui. Il y a un espèce de mépris aussi très masculin de ces pratiques de coaching. D’ailleurs, c’était drôle parce que le seul coach homme que j’ai rencontré était très. Je sais pas trop comment dire ça, mais avait une posture, vraiment de père de famille. 

Clémentine Sarlat

De sachant. 

Solène Mignon

Ouais. Mais pas de sachant. Pas de sachant, un peu de patriarche qu’il assumait, mais qui en même temps était très à l’écoute et très bienveillant et très dans l’émotion, quoi. Donc je trouvais ça intéressant parce que ça aussi, ça plaisait à certains parents plus qu’une femme. Donc voilà, je m’égare.  

Clémentine Sarlat

Donc ouais. Ta conclusion, c’est que. On juge beaucoup une pratique alors que c’est la société qui nous demande finalement d’aller vers ces pratiques là et qui sont des réels besoins pour des parents en souffrance, pour des mères en difficulté qui cherchent des réponses à leurs questions. Et il faut pas nier que ça aide des familles.

Solène Mignon

Ça peut aider. Ouais, ouais, tout à fait. 

Clémentine Sarlat

Donc on ne peut pas avoir ce regard noir ou blanc. 

Solène Mignon

Mais non, ça, c’est les sciences sociales. On est toujours dans la nuance à l’extrême, mais 

Clémentine Sarlat

C’est pour ça que c’est intéressant. On peut pas diaboliser cette pratique sous prétexte qu’il y aurait un aspect financier derrière. Et en même temps, quand l’État ne joue pas son rôle pour former les parents et les soutenir, il y a bien un moment où on doit se tourner vers des solutions payantes pour pouvoir essayer de trouver des solutions tout court. 

Solène Mignon

C’est ça. Exactement. 

Clémentine Sarlat 

Est ce que tu as quelque chose à rajouter par rapport à tout ce qu’on a dit ? 

Solène Mignon

Non. 

Clémentine Sarlat

On a fait le tour de tes quatre ans, je pense, en 1 h, comme quoi tu as pas soutenu ta thèse, mais tu viens pas encore. Mais merci beaucoup, Solène. C’était passionnant de t’entendre. Je trouve ça génial que des sociologues s’intéressent à la parentalité en vrai, parce que Isabelle Roskam le fait très bien. Et je vous invite à aller écouter son épisode sur le burnout parental en 2020. Je vous mettrai le lien. Mais on a un peu laissé seul dans cette aventure qui est très intense, difficile, magnifique. Mais on a besoin que même la science s’y intéresse, même que les universitaires viennent jeter un oeil. Il y en a de plus en plus. Ça commence un peu à bouger quand même. Et je tiens à dire que tu as précisé qu’il y avait une formation à l’université de Louvain, donc ça veut dire aussi pour le coaching parental. Ça veut dire aussi que. On peut trouver des choses sérieuses et bien faites dans ce monde là. Merci. 

Solène Mignon 

Avec plaisir. Merci.

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