Cet épisode a été enregistré en live le samedi 8 février, pour notre premier évènement, vous avez donc le son qui diffère un peu, vous avez l’ambiance, les interactions et questions réponses.
C’était un moment privilégier et exceptionnel.
J’espère que vous prendrez autant de plaisir à l’écouter que l’on a pris de plaisir à le réaliser.
On va parler des dynamiques des relations entre frères et sœurs. On parle des différentes configurations, mais aussi des enfants uniques, et de familles recomposées.
Je vous souhaite une très bonne écoute.
🗣️ Au programme :
🎤 Introduction et remerciements (00:27 – 08:54)
👨👩👧👦 Relations fraternelles et ordre de naissance (08:54 – 17:54)
🧠 Impact du tempérament et de l’environnement (17:54 – 27:29)
📊 Études sur les fratries (27:29 – 36:52)
🚻 Différences entre frères et sœurs (36:52 – 47:50)
🎭 Gestion des conflits fraternels (47:50 – 56:36)
👪 Familles recomposées et handicap (56:37 – 01:09:02)
🔄 Évolution des relations fraternelles (01:09:02 – 01:18:47)
❓ Questions du public (01:18:47 – 01:27:01)
LIENS DE L’ÉPISODE
Frères et soeurs : Une histoire de complicité et de rivalité, Héloïse Junier
TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE
Clémentine
Laissez-moi deux secondes regarder quand même parce que waouh, elle est pleine la salle, c’est impressionnant. Je crois que je suis stressée pour une des premières fois de ma vie parce qu’il y a ma famille, il y a mes amis, il y a mon mari, il y a me copines, il y a mes cousins-cousines, il y a ma sœur, il y a du monde qui est là, il y a des fidèles auditrices et auditeurs du podcast qui sont ici ce soir. Je voulais vous remercier infiniment parce qu’on a fait les comptes et on sait qu’il y a beaucoup de Parisiens et Parisiennes qui sont descendus ici. Est-ce qu’on peut faire du bruit pour ceux qui ont pris le train et qui sont venus là ? Il y a aussi des Toulousains et des Toulousaines qui sont venus, je sais. Donc on peut les applaudir. Merci. Ça, c’était les gros contingents de ce soir. Mais il y en a, je sais, qui sont venus de toute la France. Il y en a même qui sont venus de l’autre côté de Nice. Je crois qu’il y en a même qui viennent du Nord-Est. Donc vraiment, merci infiniment. Je suis très touchée que vous ayez fait le déplacement. Est-ce que le son, ça va ? Jusqu’ici, ce soir, pour être avec nous. Ma première question, c’est est-ce que ça va ? Ouais ? Ça va ? Je sais, vous avez patienté dehors, il pleut un peu. Bienvenue à Bordeaux, pour celles et ceux qui connaissent pas. C’est pas toujours hyper sympa, le temps. On a eu un petit peu de rayon de soleil aujourd’hui.
Alors d’abord, je voulais commencer par dire merci à ma team, parce que si on peut être là ce soir, il y a Morgane, Anouck, il y a Pauline aussi. C’est pas grâce à moi, je le dis direct. C’est pas du tout ma zone de génie d’organiser quelque chose comme ça. C’est elles qui ont tout monté, qui ont tout fait, et donc vraiment merci. D’autant plus que c’était pas gagné. Pour être tout à fait honnête, depuis ce matin, j’ai passé toute ma journée au lit. Une petite photo pour vous montrer. Voilà, c’était moi ce matin. J’ai possiblement la grippe ou la gastro, donc au choix, je ferai pas de bisous et de câlins. Je vais rester loin sur la scène, mais après, on pourra s’amuser.
Mais j’ai beaucoup dormi aujourd’hui pour pouvoir avoir de l’adrénaline, donc comme quoi l’adrénaline et le maquillage, ça marche très bien quand on est malade. Il y a des retardataires, mais c’est Olivia, c’est une de mes meilleures amies. En même temps, Olive, si t’avais été à l’heure, j’aurais pas compris. Ça aurait pas été normal. Je voulais dire un très grand merci à mes cousins-cousines qui sont là, qui ont fait le déplacement, à mes meilleures copines qui sont là. Elles sont pas toutes là ce soir, mais elles sont dispatchées. Parce que je suis très touchée qu’elles puissent me voir sur scène. Elles ont été vraiment un socle pour moi depuis que je suis devenue maman. Je veux dire merci à mon mari qui est là, qui se cache derrière, qui a dû laisser nos enfants en pleurs. Elles n’étaient pas contentes qu’on soit là.
À tous mes potes, il y a même des gens de l’athlée ici que j’ai connus dans une autre vie, il y a 20 ans à peu près, j’ai vu ou non dans les participants. Il y a des invités à moi du podcast et notamment j’aurais dû dire bonjour à Marie et à Cédric, parce que Marie c’est ma première invitée, il y a 6 ans maintenant, Marie Kao qui a eu qui avait accepté à l’époque alors qu’elle ne savait pas du tout ce que c’était de bien vouloir répondre à mes questions. J’avais été chez elle à la maison, donc je suis très touchée qu’elle soit là ce soir. Ça va bientôt faire six ans que j’ai lancé ce podcast. Aujourd’hui, je suis vraiment honorée de pouvoir parler des frères et sœurs, notamment parce qu’il y a ma sœur qui est ici.
Je pense qu’elle ne s’attendait pas à ce que je l’affiche, mais si, je vais l’afficher un petit peu. Ma sœur, c’est ma petite sœur. Elle a toujours détesté que je dise que c’est ma petite sœur. Ça a été difficile l’adolescence entre elle et moi et on va en parler aujourd’hui justement sur ces relations entre les frères et sœurs. Oui, elle m’a cassé le doigt, je tiens à le dire. Oui, elle m’a piqué beaucoup mes fringues. Mais aujourd’hui, on est adultes et je pense qu’on est hyper proches. Si vous avez déjà testé d’élever vos enfants avec votre sœur ou avec votre frère, je trouve que c’est quelque chose de merveilleux. Donc merci d’être là. Merci d’avoir fait le déplacement.
Alors je vous disais, ce soir on va parler d’un sujet passionnant qui vous concerne sûrement si vous êtes là, parce que soit vous avez des frères et sœurs et vous avez envie de comprendre cette relation, soit vous avez des enfants plusieurs ou en projet et que vous posez des questions sur cette… Relation si particulière. Je vais vous expliquer, la soirée va se dédier en trois parties. On va avoir l’interview, donc il va falloir être concentré, ça va être un peu long peut-être, ou pas, ça va être très intéressant. Mais après, ne vous inquiétez pas, on va pouvoir faire la fête dans la deuxième partie. Vous aurez un verre offert, c’est Maison Giulia, vous ne connaissez peut-être pas, mais c’est un spiritueux sans alcool. Vous allez voir, ça sent bon la Provence, donc on pourra partager un verre.
Je suis désolée si je ne vous fais pas de bisous et de câlins, parce que vraiment, je n’ai pas envie de vous donner mes microbes et ensuite vous pourrez aller faire une dédicace si vous avez acheté les livres avec Héloïse et en dernière partie on va danser on va faire la fête avec Yasmine qui est là je pense qu’elle est derrière je sais pas où elle est mais on va bien s’amuser voilà elle est là merci Yasmine on va pouvoir profiter dans ce superbe lieu tous ensemble alors Je vais vous demander d’accueillir bien fort notre invitée de ce soir. Elle est là, elle est bordelaise d’adoption, on peut le dire. Maintenant, ça fait 8 ans qu’elle vit ici. Elle est docteure en psychologie. S’il vous plaît, Héloïse Junier.
Héloïse
Bonsoir tout le monde.
Clémentine
Allez, on s’assoit. Avant de commencer déjà, je vais vous faire participer un petit peu. Qui a des frères et sœurs dans la salle ? Ouh, attends, quand même, je me lève un petit peu. Quasi tout le monde, OK. Qui n’a que des sœurs ? OK. Qui n’a que des frères ? Non, pas moi du coup. OK. Qui a frères et sœurs ? OK, un tiers un peu, j’ai l’impression. OK. Qui est la grande ou le grand de la famille ? Qui est l’aîné ? OK. Qui est celle du milieu ou celui du milieu ? OK. C’était celui du milieu. Qui est le petit, la petite dernière ? OK. Pareil, je trouve que c’est plutôt équilibré. On a à peu près de tout. Qui a un seul enfant aujourd’hui ?
OK, donc vous venez, peut-être que vous avez des questions à vous poser sur cette relation-là, à venir ou pas. Qui a beaucoup d’enfants ? On va dire plus de trois. Plus de trois, c’est une grande famille, donc plus… Là, on n’est pas beaucoup, par contre.
On peut les applaudir ceux qui ont plus de trois enfants. Ce qui veut dire qu’en moyenne, qui a deux enfants ? Vous êtes à peu près, à mon avis, la grande majorité. C’est un grand classique, deux enfants. Très bien. Qui a plus de quatre enfants ? Non, OK. Qui a plus de trois ? Il y a mes cousins, là. OK. Donc il y en a qu’ont quatre enfants, ici. Vraiment. Bravo, on vous félicite. Pour en avoir trois, je sais que… Non, j’irai pas sur le quatrième. Donc je vous tire mon chapeau. OK, donc vous voyez ici, on est pas mal. Qui a des frères et sœurs en famille recomposée ? Demi-frères et sœurs ? Eh, pas mal, OK. On est dans les stats, je pense, de la moyenne nationale.
Donc vous voyez, ici, ça veut dire qu’on est toutes et tous concernés par cette relation de frères et sœurs. On se pose forcément des questions à un moment. Non, j’ai pas demandé qui est enfant unique ? Est-ce qu’il y a des enfants uniques ? Bien sûr, oui. Je t’ai regardé, Chloé. Je me suis dit que j’avais oublié cette config. Il y a des enfants uniques, très bien. Parce qu’on va parler de ça aussi. Beaucoup de clichés autour des enfants uniques. Alors, on est prêts ? Parce que cette… Ce sujet, on en parle beaucoup, tu l’as dit, tu en as écrit un livre entier d’ailleurs, aujourd’hui on est là pour ça. Il y a énormément d’études qui sortent sur le sujet, donc ça veut dire que ça intéresse les chercheurs.
On essaie de comprendre pourquoi, simplement déjà, comme tu le dis dans ton livre, c’est une relation qui dure très longtemps. Très longtemps, qui est la plus longue. Et avant de commencer, je voulais d’ailleurs avoir une pensée pour tous les frères et sœurs qui ne sont plus là aujourd’hui, parce que ça peut arriver aussi dans vos familles. Ça peut aussi arriver que vous ayez porté des enfants et qu’aujourd’hui, il en manque quelques-uns. Et je sais qu’on peut avoir une pensée pour ces gens-là. Donc c’est une des relations qui est très très longue, qui est celle la plus intense, parce qu’elle commence dès le début. Ce sont les gens qu’on connaît depuis le plus longtemps, qui vont rester potentiellement le plus longtemps avec nous. Et donc ma première question Héloïse, c’est que toi, tu es la dernière d’une grande sœurie.
Héloïse
C’est vrai.
Clémentine
Tu as trois sœurs, c’est ça ?
Héloïse
Trois grandes sœurs.
Clémentine
Ça fait quoi d’être la dernière ?
Héloïse
Je sais pas ce que ça fait, parce que j’ai jamais connu autre chose. Mais avantages et inconvénients, je dirais, comme toute configuration. Sachant que je suis la petite dernière. On m’a souvent fait dire, d’ailleurs, que tu es la petite dernière. On l’a souvent entendu. J’ai souvent expérimenté ça, oui. Moi, c’est la chouchoute, petite dernière. On va voir que c’est beaucoup plus complexe que ça.
Clémentine
Tu as eu cette étiquette d’être la chouchoute.
Héloïse
Je défends, en fait, les cadets et les cadettes parce qu’on nous prend souvent pour des chouchous, des petites derniers, mais en fait, c’est pas si facile que ça. Et on verra les inconvénients aussi de la position du petit dernier, oui.
Clémentine
T’as tous les aînés qui font pas trop.
Héloïse
Je parle que aux cadets, en fait. Les autres, non. C’est la bataille, c’est la bataille en fait.
Clémentine
Justement, on va parler de la position dans les fratries parce que ça aussi ça a été étudié. Alors dans ton livre, tu dis d’entrée, je vous préviens, que si on cherche une recette miracle pour qu’il n’y ait plus de conflits entre les frères et soeurs, c’est raté, c’est pas ici qu’on va trouver ça. Pourquoi ?
Héloïse
Parce qu’en fait, de manière générale, la fratrie, elle est profondément ambivalente. Et dans tous les cas, les conflits vont exister. Même dans les fratries qui sont dites vraiment consensuelles ou chaleureuses, il y a forcément des conflits. Donc l’objectif, d’ailleurs, du livre et de la vie en général, c’est pas d’arrêter tous les conflits. Vous n’y arriverez pas, personne n’y arrivera. Mais c’est en diminuer, et un, la fréquence, c’est déjà pas mal, et deux, l’intensité, dans le meilleur respect de chacun. C’est vraiment ça l’objectif.
Clémentine
Tu compares aussi ça un peu au couple, c’est-à-dire que c’est pas possible de vivre en couple sans un conflit.
Héloïse
Exactement, c’est une relation qui est vivante, donc de base elle est conflictuelle un minimum.
Clémentine
Donc elle peut être un peu difficile, elle peut être intense.
Héloïse
Elle peut être intense.
Clémentine
Pourquoi est-ce que tu t’es toi intéressée à cette thématique particulièrement ?
Héloïse
Alors pour deux raisons, déjà d’une part parce que j’ai moi-même deux filles et je galère vraiment, je galère à fond pour la régulation des conflits, c’est très compliqué. Et quand j’ai eu ma deuxième fille et je voyais que je galérais autant, je me suis dit, il y a des trucs que je ne sais pas sur la fratrie. Et clairement, pour être une meilleure maman, il faut écrire un livre. C’est la seule solution que j’ai vue dans ma position. Et surtout, cette relation de fratrie, si elle me fascine autant, c’est parce qu’elle est profondément, comment dire, hors normes. Déjà, c’est la plus longue d’une vie. Elle peut durer de 80, 90 ans. Elle est vivante, cette relation.
Elle est ce qu’on appelle émotionnellement désinhibée, c’est-à-dire que ce sont des émotions qui sont très fortes, qu’elles soient positives, négatives, et en une minute vous pouvez connaître plein d’émotions différentes hyper fortes, plus que dans un couple encore en fait tellement c’est désinhibé. En plus c’est une relation qui est intime, parce que du coup elle est en cohabitation pendant des fois 15 ans, 20 ans, 25 ans, donc il y a plein de côtés très hors normes, et surtout ce qui me fascine, c’est que c’est une relation qui est indestructible. C’est-à-dire quel que soit le conflit qui vous oppose à votre frère ou votre sœur, le degré de violence que vous pouvez atteindre, lendemain, ça restera votre frère et votre sœur. Donc les enfants expérimentent plein de choses qu’ils ne feraient jamais avec un enfant de l’école, par exemple, ou un cousin ou une cousine.
Clémentine
Parce qu’ils savent que lendemain, de toute façon, ils vont se réveiller, il ou elle sera toujours là.
Héloïse
Et sera toujours là. C’est vraiment un terrain de jeu incroyable, dans tous les sens du terme. En couple, c’est pas ça. En couple, t’as rien d’acquis, en fait. Jamais rien d’acquis. Là, c’est acquis pour la vie, en fait. Bon, avantage, inconvénient.
Clémentine
Je sais pas si c’est bien. En tout cas, on ne demande pas à avoir des frères et sœurs. On a cette relation-là, ils sont là dans notre vie, donc on n’a pas vraiment le choix, on doit composer avec, et c’est ce qui fait tout le sel de cette relation, c’est ça que tu dis. J’ai pas posé la question, mais qui a une super entente avec ses frères et sœurs adultes ?
Héloïse
Et qui ne le supporte pas ?
Clémentine
Allez-y, si vous ne supportez pas.
Héloïse
Vous n’êtes pas filmée, c’est bon, c’est anonyme.
Clémentine
Toi, t’as pas une jumelle ? C’est vrai qu’en plus, on n’a pas demandé. Il y a des jumeaux et des jumelles ici. Je sais, il y en a au moins deux pairs que je connais. Non, il y a des… Pas mal. Morgane a une jumelle qui travaille avec moi. Elle est là, je crois, Audrey. OK, il y a des… C’est encore… On va en parler. C’est un autre type de relation, les jumeaux et jumelles. On ne peut pas garantir qu’on va s’entendre toute notre vie avec les frères et les sœurs après. Mais en tout cas, enfant, c’est ça que tu dis, c’est une relation avec laquelle on doit composer quoi qu’il arrive. Donc, ça nous apprend à devoir naviguer autrement, puisqu’il y a une permanence.
Héloïse
Il y a une permanence. Et du coup, tout ce qui est conflit, peut-être qu’on en parlera plus tard, mais les conflits, généralement, quand nos enfants se disputent, on se dit, ils se disputent encore, on entend crier, on se dit, j’aurais dû avoir qu’un seul enfant, ça aurait été plus simple. En fait, les conflits sont source d’apprentissage énorme chez les enfants.
On apprend à être en désaccord, on apprend à trouver des compromis, on apprend à dire quand je dis ça, ça fait mal à l’autre, quand je fais ça, l’autre est content, donc on apprend des relations sociales profondément parlant dans la fratrie et les disputes notamment sont des vrais vecteurs d’apprentissage des compétences sociales et émotionnelles et si en plus, on verra tout à l’heure, on les régule bien en tant que parents, ben voilà, l’apprentissage est démultiplié, donc faut voir ça comme des moments d’apprentissage, on les vivra beaucoup mieux ces conflits.
Clémentine
Ouais, là je pense qu’il y a plein de parents qui se disent, ah ouais, il faut le voir.
Héloïse
En tout cas, sur un plan pur psychologique, c’est vraiment source de plein de choses.
Clémentine
Au niveau sonore, ce n’est pas la sensation qu’on a.
Héloïse
C’est clair. Dans l’apprentissage, parfois je mets des boules quiet tellement c’est dur. C’est vrai que c’est dur.
Clémentine
C’est clair. Quand on devient parent de plusieurs enfants, donc on compose notre fratrie, on peut souvent être surpris de capter que nos enfants, ils sont extrêmement différents. C’est vrai que quand on a un seul, on n’a pas de référence, donc on ne sait pas trop si c’est son caractère, si c’est le développement normal. Quand on en a plusieurs, on se rend compte que là, chacun réagit différemment. Comment est-ce que c’est possible, sachant qu’ils évoluent dans la même famille, avec les mêmes parents, à la même époque, plus ou moins, pour qu’il y ait autant de différences ?
Héloïse
C’est une vraie bonne question. En fait, on remarque que ce qui fait un être humain, enfant ou adulte, c’est le fruit de beaucoup beaucoup de facteurs qui sont endogènes, liés à l’être humain lui-même, on va voir quoi, et exogènes, liés à l’environnement. Et l’un des facteurs qui explique que les enfants ne sont pas les mêmes alors qu’ils ont les mêmes parents, la même maison, les mêmes conditions de vie, il y a l’ordre de naissance. Ce n’est pas pareil d’être le premier, le deuxième, le troisième ou le quatrième. Il y a aussi le tempérament. Chaque enfant est né avec un tempérament qui lui est propre. Le tempérament, on nait avec, on l’évalue très bien dans la recherche vers 6 mois de vie environ. J’aime bien parler de ça parce que les parents se les éclairent beaucoup.
C’est comme s’il y a des enfants qui ont un tempérament qui est très réactif, d’autres qui sont moins réactifs. C’est un cerveau qui est plus ou moins réactif au stress. Et quand vous avez un enfant avec un tempérament très réactif, on appelle ça dans la recherche hautement réactif, Il va avoir un cerveau très réactif au stress, il va être moins consolable, il va faire plus de colère plus souvent, il va moins sourire, il va être plus dur à challenger et donc du coup ça va impacter forcément la relation de fratrie et forcément ce qu’il est lui et forcément sa personnalité plus tard qui va se construire vers l’âge de 20-25 ans, se stabiliser.
Donc il y a le tempérament, il y a aussi la génétique parce que à moins d’être jumeau monozygote, on a un bagage génétique qui est commun avec le frère et la sœur et on a un bagage génétique qui n’est pas commun. Il y a aussi, on voit l’âge des parents. Pareil, avoir un enfant à 20 ans, c’est pas comme avoir un enfant à 40 ans, donc il y a aussi une variabilité, donc il y a plein de facteurs. Et l’un des facteurs aussi que je trouve intéressant, c’est ce qu’on appelle les expériences non partagées. C’est-à-dire que les frères et sœurs, au quotidien, ils partagent plein de choses, on est d’accord ?
Mais au fur et à mesure de leur croissance, et puis surtout quand ils vont aller à la crèche, ou à l’école, ou chez la SMAT, ou plus tard, ils vont avoir plein d’expériences non partagées, c’est-à-dire ce qu’ils vont vivre en dehors de la famille, et ça aussi, ça va les impacter, et ça va faire ce qu’ils vont devenir plus tard, ou ce qu’ils sont sur le moment. Donc il y a plein de choses, finalement, qui nous échappent et qui font que chaque être humain est unique, pour le meilleur et pour le pire.
Clémentine
Est-ce que c’est quelque chose que tu vois souvent dans ta pratique, que les parents sont étonnés que leurs enfants ne se ressemblent pas au niveau du caractère ?
Héloïse
Mais oui, d’ailleurs je me souviens d’une fois en consultation, il y avait un papa qui m’avait dit, je ne comprends pas parce que la grande nous ressemble, mais la petite ne ressemble à personne dans la famille. C’est vrai qu’on peut se poser d’autres questions. Mais il était pas dans le genre, j’ai été, pas du tout, mais quoi que.
Clémentine
Il s’est fait flouer.
Héloise
Ça se trouve, il l’a pas dit.
Clémentine
Il dit, j’ai pas signé pour ça. J’avais demandé deux mini-nous.
Héloïse
Même on s’attend à ce que nos enfants nous ressemblent. Non, il y a un peu de ça quand même. Et en fait, c’est vrai que des fois, on est étonné de voir qu’ils nous ressemblent pas. C’est pas nos valeurs, même physiquement. Et c’est vrai que des fois, ça étonne les parents. Son papa, il était vraiment étonné sur ce plan-là. Et il ressemblait pas non plus à la mère. Donc calmons-nous, quoi.
Clémentine
Tu veux dire que les gens préfèrent se dire ok c’est la copie conforme de moi même si ça m’agace au plus possible que de se dire je comprends pas d’où vient cette personne ?
Héloïse
Ben ouais exactement c’est ça. En tout cas de manière empirique dans les familles que je rencontre c’est ce qu’ils me disent ouais. C’est fou hein.
Clémentine
Ça les rassure.
Héloïse
Ça les rassure parce qu’ils savent ce que c’est en fait. T’as quelqu’un qui te ressemble, tu sais ce que c’est, tu sais qu’elle a tes défauts donc tu sais les… Les réguler, tu sais comment ils vont évoluer à l’âge adulte en fait. Mais quand c’est quelqu’un qui ne te ressemble pas, c’est vraiment quelque chose qui peut les déstabiliser. Vraiment sur le plan, soit physique, soit sur le plan psychologique. Les deux plans, j’entends bien.
Clémentine
Il y en a ici qui sont surpris. À qui les enfants ressemblent ? Si vous avez des enfants, est-ce que vos enfants vous ressemblent ?
Héloïse
C’est une bonne chose ou pas ?
Clémentine
Qui a des enfants qui ne la ressentent pas du tout ? Moi j’en ai un, sur les trois j’en ai.
Héloïse
Ok.
Clémentine
Même deux caractères ? Qui le vit très mal ? Personne.
Héloïse
Ils n’osent pas. Ils sont tout tranquilles. Ils le diront à leur psy.
Clémentine
Donc ça, ça fait partie aussi de potentiels conflits entre frères et sœurs, le fait qu’ils ne se ressemblent pas, qu’ils ne se comprennent pas, qu’ils s’affrontent, qu’ils ne réagissent pas de la même manière.
Héloïse
Alors, ce que je vois dans les conflits, effectivement, il y a ce côté qui ne se ressemblent pas, mais dans tous les cas, les conflits existeront, de manière générale. Mais par exemple, dans la fratrie, quand on a les recherches, les indicateurs qui vont augmenter ou diminuer la fréquence des conflits dans une fratrie, il y a le tempérament qui revient. Si vous avez un des deux enfants, ne serait-ce qu’un seul, un des deux ou des trois ou des quatre, j’oublie les familles nombreuses, mais qui a un tempérament plus réactif, qui a un cerveau réactif au stress, vous avez un nombre de conflits dans la fratrie qui va largement augmenter par rapport à une famille classique. Donc ça, c’est la loterie, chers amis, c’est la loterie. La parentalité, c’est une question de chance et de génétique de base. Donc là, ça va augmenter.
Et on voit aussi qu’il y a d’autres facteurs qui influencent vachement les conflits. Alors ça, ça ne va pas nous faire plaisir à personne, c’est l’entente conjugale, le degré d’entente conjugale. Et en fait, plus les parents se disputent proprement, c’est-à-dire les gères des accords, les compromis avec l’intelligence, tout ce qu’on ne fait pas le samedi soir quand on est trop fatigué, quand on se dispute proprement, quand on a une bonne entente conjugale et qu’on sait résoudre des conflits, des compromis devant les enfants, ça diminue aussi la fréquence des conflits. Donc, en tant que conjugale, c’est un des facteurs de risque. Et celui que je préfère, le plus dur à gérer, c’est le degré d’injustice.
C’est-à-dire que si l’un des enfants sent lésé, si l’un des enfants sent victime d’injustice, c’est l’un des facteurs les plus puissants qui va augmenter, et un, la fréquence des conflits, et deux, la violence des conflits. Et ça, il faut faire vachement attention, mais on en reparlera tout à l’heure. C’est dur. C’est un challenge d’être parent. Quel métier ?
Clémentine
Qui, si un enfant se dit, quand elle décrit ça, qu’il y a un tempérament réactif ? Moi, sur les trois, j’en ai.
Héloïse
Moi aussi.
Clémentine
C’est dur.
Héloïse
OK.
Clémentine
Qui sont les heureux qui n’en ont pas du tout ?
Héloïse
Il y en a ils en ont pas.
Clémentine
Ici, il y a une de mes meilleures amies qui a ça. Je lui dis toujours, t’as un bébé licorne. Je ne comprends pas ton enfant.
Héloïse
Un bébé licorne. Mais comment a-t-elle fait ?
Clémentine
Un enfant qui dort, qui dit rien.
Héloïse
Il y a vraiment un facteur chance là-dedans. Un facteur loterie, quoi. C’est pas pour nous démoraliser.
Clémentine
Ma sœur elle parle de tirage de boules, il y a la boule noire, la boule blanche, la boule multicolore. Donc là on y est pour rien, en gros.
Héloïse
Il faut dire ça. Il naît comme ça. Après c’est en lien, des fois les recherches mettent ça en lien avec la grossesse, c’est hyper horrible pour les parents d’entendre ça, mais des fois c’est aussi la génétique, il y a plein de facteurs qui vont faire un tempérament, mais c’est vrai qu’en tout cas il naît avec, une fois qu’il est là. Il est là. Par contre, la bonne nouvelle, quand même, il faut préciser, sinon on va tous déprimer, on va tous finir sous Lexomil avant 23h.
La bonne nouvelle, c’est qu’en fait, quand on voit dans les recherches que quand on a un enfant, vraiment, tempérament très, très réactif, on voit que quand l’environnement familial, il est bienveillant, calme, empathique, il a un style démocratique, c’est-à-dire non violent, en gros, eh bien, ça vient diminuer la réactivité de son tempérament et ça diminue le risque d’anxiété, parce que ces enfants-là sont sujets plus que les autres à l’anxiété.
Clémentine
Alors dans ton livre, tu dédies un chapitre entier aux mythes et aux réalités qui concernent les frères et sœurs et je pense qu’on a toutes et tous en nous des clichés très forts sur comment se comportent les aînés, comment se comportent ceux du milieu, les derniers, aux dernières de la fratrie, les enfants uniques. Est-ce que tu peux me dire lesquels t’ont le plus marqué de mythes ?
Héloïse
Je dirais que le mythe qui m’a le plus marqué, en plus c’était un double mythe et sur le coup je ne m’y attendais pas vraiment. C’était souvent on dit en fait oui les enfants, l’aîné il est plus conformiste, le cadet, moi, du coup tous les cadets plus rebelles, plus créatifs et du coup bizarrement mais paradoxalement n’ayant pas encore avant étudié le sujet je me conformais un peu dans cette étiquette là et quand j’ai commencé à plonger dans la littérature scientifique pour essayer d’écrire mon livre tout simplement j’ai vu que c’était l’un des plus gros mythes c’était ça en fait on voyait il y a une étude qui est de 2015 je crois faite par un laboratoire new-yorkais sur plus de 20 000 individus qui a démontré qu’il n’y avait aucun impact sur la personnalité de l’enfant.
C’est-à-dire qu’on soit premier, deuxième, troisième, ça ne définit en rien notre personnalité et c’est complètement faux de penser que les aînés seront plus conformistes et les cadets seront plus rebelles et plus créatifs. Par contre, il y a quelque chose que je ne savais pas, parce que je suis allée plus loin dans le sujet, je me suis dit mais il y a quand même un truc différent, c’est pas pareil d’être premier, d’être deuxième, d’être troisième, une expérience qui est différente. Et en fait, ce qui était dans la recherche très démontré par contre, c’est qu’on n’est pas les mêmes parents, ça je ne savais pas, avec le premier, avec le deuxième et avec le troisième. Et moi je pensais être équitable, juste, et en fait je me suis fait remarquer que j’étais pas du tout comme ça.
Et en fait l’aîné, et ça m’a vraiment beaucoup fait réfléchir par rapport à la fratrie que j’ai à la maison, L’aîné de fratrie, il est souvent plus sujet à la pression des parents, à la pression parentale. En fait, il se prend dans sa tête tous nos idéaux parentaux. Les idéaux de réussite scolaire, de développement, de politesse. C’est le premier enfant donc lui, les chercheurs parfois l’appellent le brouillon quand même. Je salue ce soir les brouillons qui nous écoutent.
Clémentine
Qui sont les brouillons ce soir ?
Héloïse
Nous, les cadets, on n’est pas brouillons, mais on va voir qu’on a d’autres inconvénients. Et donc on est tellement en train d’expérimenter, de tester des trucs sur lui, que certains… C’est pas moi qui l’appelle comme ça, mais certains chercheurs l’appellent le brouillon. Et en fait, du coup, ce qui est terrible, donc là je pense vraiment aux aînés, c’est que les aînés, de par la pression qu’on leur met, ils sont plus punis, par exemple, dans les recherches on voit ça. Ils ont 48% de risque de plus de souffrir d’anxiété. Par rapport aux cadets et 35% de plus de risque de souffrir de dépression par rapport aux cadets.
Clémentine
Est-ce qu’on peut s’applaudir les aînés s’il vous plaît ?
Héloïse
C’est fou hein ! Mais c’est vrai que… Mais par contre on pourrait se dire c’est bienles cadets et en fait non ! Non, parce que les cadets, eux, la chance, la malchance qu’ils ont… La chance, c’est qu’ils sont moins la pression, parce que les autres, ils ont essuyé les plâtres, les parents, ils sont plus mûrs quand ils arrivent au niveau du cadet. Mais l’inconvénient, c’est que les parents investissent beaucoup moins le cadet, vraiment beaucoup moins, parce qu’on a moins de temps, en fait, parce qu’on met tous les paquets sur l’aîné, les photos sont plus souvent prises sur l’aîné, on se focus sur l’aîné.
Le cadet, il se laisse un peu grandir tout seul, mais du coup, on voit qu’à l’âge de 2 ans, ils ont un moins beau niveau de langage que les aînés, ils ont une moins bonne réussite scolaire, âge adulte, ils ont parfois des moins bons revenus, et ils ont une moins bonne situation professionnelle. Les cadets. Et je suis cadette. Parce qu’on est moins stimulés.
Clémentine
Après on peut le dire.
Héloïse
On a du mérite.
Clémentine
Tu l’écris beaucoup dans le livre. Ce sont des recherches qui ne reflètent pas toutes les réalités. C’est une moyenne. Tout le monde ne rentre pas dans ces cases-là, mais ça donne une indication. Parce que sinon, je sais que là on est tous en train de paniquer.
Héloïse
Tous en PLS. Je vois tout le monde qui est en infarctus.
Clémentine
Nos aînés vont tous avoir un QI ici, et nos derniers, non. Donc ceux qui cherchent à avoir un deuxième enfant se disent en fait, non pas du tout.
Héloïse
Mais même le QI ! Le QI aussi est un peu plus important chez l’aîné que chez le cadet. C’est fou le QI. Pourtant je crois pas que ma sœur soit plus intelligente que moi.
Clémentine
En lisant ton livre quand même, j’ai trois enfants assez rapprochés, et donc t’expliques bien que c’est pas une configuration idéale d’avoir des enfants assez rapprochés en tout cas sur les études au niveau du QI. Je me suis dit, c’est ma dernière quand même.
Héloïse
C’est vrai que c’est, bah ouais. C’est à moins de temps de les stimuler individuellement en fait.
Clémentine
Du coup, depuis une semaine, je lui parle beaucoup plus.
Héloïse
Mais c’est ça le truc, c’est intéressant, effectivement. Du coup, il faut compenser, tu vois.
Clémentine
Parce qu’elle explique dans le livre que du coup, on laisse un peu nos derniers et dernières avec les grands frères et grandes sœurs. Parce qu’en fait, ça nous fait un petit peu de pause. Mais sauf qu’ils n’ont évidemment pas le même niveau de langage que nous. Ils ne vont pas les stimuler de la même manière que nous. Donc forcément, c’est un reflet.
Héloïse
Bah c’est ça !
Clémentine
Et du coup, d’avoir 3 ans dans pas longtemps, je me dis bon allez, il me reste encore un petit peu ça, 3 ans je suis pas trop…
Héloïse
Les bases sont posées quoi, t’es… T’as une semaine. T’as une vraie pression.
Clémentine
Mais c’est intéressant ce que tu dis sur le QI.
Héloïse
Du coup c’est un point de vigilance en fait, c’est vraiment un point de vigilance. Faut pas penser que les aînés grandissent, pardon, les cadets grandissent tout seuls, au contraire ils sont plus vulnérables, donc c’est un point de vigilance, faut les stimuler. Et si en plus vous voyez qu’ils sont en difficulté par rapport aux aînés, ne banalisez pas cette difficulté là, stimulez-les d’autant plus ces années-là. Ces cadets-là, pardon. Je vais y arriver. Stimulez les cadets. Voilà, bref. Faut pas les laisser tout seuls non plus avec les grands.
Clémentine
Est-ce que t’as été surprise aussi sur le fait de… Attends, je t’en avais donné plusieurs. Les écarts d’âge. Oui, ça m’intéressait, ça.
Héloïse
Ouais, l’écart d’âge. Ça, c’est une vraie question. En fait, il n’y a aucun écart d’âge qui est idéal, clairement. Ça, c’est bien sûr. En fait, on voit que les écarts d’âges de moins de… Ça va pas te plaire, là. N’écoute pas.
Clémentine
Je le sais.
Héloïse
De moins de quatre ans, on voit que ça augmente les conflits, ça augmente la rivalité, ça augmente forcément parce que l’enfant, il a trois ans, il a un petit frère qui naît, il est encore complètement pas fini, immature, complètement en pleine croissance. Le petit chou, forcément, c’est plus dur pour lui, donc la rivalité est beaucoup plus forte. Par contre, l’avantage, et en plus, du coup, le développement cognitif peut être plus impacté parce qu’il y a moins de stimulation. Plus longtemps, l’enfant est seul avec son parent. Plus il sera stimulé et plus, du coup, il a un potentiel de réussite scolaire et de développement cognitif qui est favorisé, ce qui est logique.
Mais par contre, l’avantage d’un écart d’age de moins de 4 ans, et c’est là qu’on se dit merveilleux, ils ont plus de complicité, ils jouent plus ensemble et ils ont plus d’intérêts communs encore en grandissant. C’est ce qu’on voit du moins dans les recherches. Bien sûr, il n’y a aucun facteur prédictif, il y a plein aussi de configurations différentes. Mais c’est ce qu’on voit pour les moins de 4 ans.
Clémentine
Donc l’écart d’age… Comme tu dis, de toute façon, il n’y a pas de configuration idéale. On fait tous comme on peut. Mais on sait quels sont les avantages d’avoir des frateries rapprochées ou serrées et quels sont les inconvénients. Est-ce que le nombre d’enfants, ça joue ?
Héloïse
Le nombre d’enfants par rapport à quoi, spécifiquement ?
Clémentine
Est-ce que ça a un impact sur le développement de l’enfant d’avoir à partir de trois, deux, trois ? Qu’est-ce que dit la recherche sur le nombre d’enfants dans une fratrie ?
Héloïse
C’est un moment hyper compliqué parce que j’ai consacré un chapitre à la famille nombreuse et c’était l’un des chapitres les plus durs à écrire parce qu’en fait… Qui c’est qui est famille nombreuse ici déjà ? Vous n’osez même plus lever la main.
Clémentine
Qui a beaucoup d’enfants ?
Héloïse
Trois enfants et plus. Vous êtes très courageux. Vous êtes des queens et des kings. Bravo à vous. Alors dans la recherche, en fait, ce qu’on voit, et je fais attention parce que ma sœur a quatre enfants, donc elle me surveille quand je parle de familles nombreuse. En fait, dans la recherche, ce qu’on voit, c’est que selon le modèle qu’on appelle de dilution des ressources, Et ce qui paraît en même temps complètement logique, plus on a d’enfants, moins il y a de ressources parentales par enfant. Ressources financières, ressources de temps, ressources d’espace, ressources de matériel, ressources de ce que vous voulez. Et du coup, effectivement, ça risque d’impacter individuellement les enfants. Alors, pas l’aîné qui a des fois 2-3 ans tout seul. Lui, là encore, il s’en sort bien toujours l’aîné. Vous voyez, les aînés, c’est ce que je me disais depuis le début.
C’est eux les favoris. Mais en fait c’est plus les numéros 2, ceux qui sont au milieu en fait. Numéro 2 il est plus impacté et numéro 3 il peut l’être aussi mais comme lui généralement il a du coup les parents c’est le dernier en liste, il va être plus stimulé que celui qui est numéro 2. Mais en tout cas c’est tellement des fois impactant après tout dépend du modèle social, il y a plein de facteurs, que certains chercheurs parlent quand même, disent en tout cas que grandir dans une famille nombreuse serait un, accrochez-vous, handicap social. Je sais, c’est fort. D’ailleurs, je l’ai dit la semaine dernière sur Instagram, je me suis fait dégommer par les familles nombreuses. Je disais, mais c’est pas moi qui le dis. Enfin, moi, je fais le relais de la recherche, je suis personne, moi. Mais ils m’en ont voulu.
En fait, apparemment, plus on a des enfants dans une fratrie, plus on diminue la chance qu’ils accèdent à un statut de cadre à l’âge adulte. Enfin, c’est très documenté dans la sociologie. Et ça impacte, du coup, individuellement leur niveau de langage et leur potentiel, du coup, parcours scolaire. Mais je m’arrête là, parce que sinon, tout le monde… Voilà. Vigilance, une fois de plus. Voilà, on sait, maintenant, ça dépend des familles.
Clémentine
Mais en fait moi je me dis j’ai tiré le gros lot avec mon mari qui est fils unique. T’as eu tout le temps d’être développée.
Héloïse
Clément est fils unique, tu es fils unique Clément ? Oui d’accord.
Clémentine
Il y a des enfants uniques attends. Les enfants uniques, c’est tout l’inverse. Non mais c’est bien parce qu’on va parler des clichés après autour des enfants uniques.
Héloïse
Ça sera votre moment à vous.
Clémentine
Il y en a pas mal. Pourquoi est-ce qu’on a autant de clichés autour des enfants uniques ? Ça nous dérange de voir…
Héloïse
Figure-toi dans une étude américaine, ils avaient interrogé des américains dans la rue au micro-trottoir, et en fait pour 3% seulement des personnes interrogées, une famille avec enfant unique, c’était une famille dite idéale. Seulement 3% des personnes interrogées. Et en fait, je pense que la famille type dans notre culture occidentale actuelle, effectivement, c’est beaucoup d’enfants. Et encore, quand on va voir de l’autre côté, dans les familles de sociétés dites collectivistes, en Chine, en Japon, encore en Chine non, mais en Inde par exemple, dans plein de cultures, avoir deux enfants, c’est très très peu, c’est pas assez en fait. En fait, c’est vraiment une norme qui est culturelle. Dans notre culture à nous, elle a un peu l’idéal et toute la société est faite pour avoir deux enfants. Et dans d’autres sociétés, on est fait pour avoir 4 ou 5 enfants.
Donc ça c’est très culturel, c’est arbitraire, ça dépend des générations, ça dépend des époques aussi.
Clémentine
J’imagine que celles qui ont… Qu’un enfant ressente cette pression d’avoir plusieurs enfants… Vous la sentez la pression, celles qui ont un enfant ?
Héloïse
C’est dur, hein ? Et on vous dit, le deuxième, il arrive quand, le deuxième ? C’est ça, hein, tout le temps ? Ouais, je sais, c’est affreux. Du coup, j’en ai fait un deuxième. La pression étant telle… Ouf, c’est vrai que c’est une vraie pression. Tu l’as sentie, la pression, t’as dit, d’accord, je capitule.
Héloïse
On le sent, la pression.
Clémentine
Vous sentez pas la pression ? Les regards… Quand est-ce que tu lui fais un petit frère ? Oui, on dit ça souvent aux familles qui ont un seul enfant.
Clémentine
Et d’ailleurs, on dit un petit frère. Tu vois, on va préférer avoir un garçon.
Héloïse
Et oui, d’ailleurs, on en parlera des filles garçons. Effectivement.
Clémentine
Justement, on va parler du sexe des enfants parce que ça aussi, c’est un des points d’attention dans ton livre, qui là, moi aussi, m’a beaucoup surpris sur les études. Alors, on le sait, il manque des millions et des millions de petites filles parce qu’il y a une vraie discrimination dans le monde à la naissance. Ça, c’est une réalité. C’est mieux de naître garçon malheureusement encore aujourd’hui, même parfois dans nos sociétés, je pense que ceux qui ont que des filles peuvent témoigner du fait qu’on leur dit souvent « alors le petit garçon il vient quand ? » alors qu’on peut juste être très heureux avec des filles. Mais ce qui ressort de ce que toi tu écris c’est que les petits garçons sembleraient être plus vulnérables finalement, enfin les petits garçons hommes plus tard, au sein d’une fratrie, des frères et sœurs.
Héloïse
Oui, alors en fait, de manière générale, ça c’est un sujet qui est hyper glissant, qui est très polémique. Il faut savoir que pour avoir beaucoup étudié la prévalence filles-garçons dans les recherches, que ce soit en neurobiologie, en psychologie, en sciences du comportement, c’est vrai qu’ils paraissent de manière générale hors fratrie, j’entends, plus vulnérables que les filles sur le plan du stress, sur le plan des comportements. Ils sont plus à risque de troubles du neurodéveloppement, ils sont plus à risque d’échecs scolaires, plus à risque à l’âge adulte d’homicide, d’infanticide, de fratricide. On sait que les hommes ont une vulnérabilité endogène. C’est horrible, c’est pas votre moment les hommes, c’est pas votre moment. Et en fait, ça m’avait toujours fascinée cette prévalence fille garçon, parce qu’il y a plein de facteurs qui expliquent ça et qui en même temps, il n’y a jamais un facteur unique.
Et dans la fratrie, cette vulnérabilité du garçon ressort mais de plein fouet. Et on voit, d’ailleurs, comme c’est un sujet qui est polémique, j’ai pris directement, pour ne pas faire d’erreur tellement je suis sensible, aux contre-attaques éventuelles, j’ai pris les résultats de recherche récents sur la vulnérabilité des garçons dans les fratries. Et on voit par exemple que les frères aînés, alors pareil, c’est pas des catégories qui sont fermées, c’est des facteurs de risque, c’est pas parce que vous avez un frère aîné qu’il est forcément comme ça. Dans les recherches, c’est que des populations en général, on étudie dessus, mais c’est pas des caractères prédictifs.
Mais dans les frères aînés, on voit qu’ils sont plus motivés que les filles à dominer le reste de la fratrie, ils sont plus dans la compétition, ils sont plus exposés au risque d’exercer plus de pression sur les plus jeunes, frères et sœurs, ils sont plus facilement agressifs physiquement envers leurs petits frères et leurs petites sœurs, ils sont moins dans l’entraide. De manière générale, attention il y a plein de cas individuels, ne paniquons pas.
Clémentine
juste qui n’a que des garçons ?
Héloïse
On pense à vous, c’est votre moment. L’avantage c’est qu’à l’âge adulte, ils gagneront 20% de plus à compétences égales. Vous pouvez bien trouver des avantages Clémentine. Les sœurs aînées sont plus soucieuses que les garçons d’entretenir des bonnes relations avec les plus jeunes. Elles sont plus motivées pour éviter les disputes. Elles sont plus conciliantes et coopératives. Dans les recherches toujours. Elles sont plus enclines à adopter des comportements prosociaux. Alors ça veut dire quoi ? Ça veut dire tout ce qui est comportement d’aide, d’entraide, d’empathie, de prendre soin de l’autre. Elles sont plus sympathiques de manière générale et elles sont plus enclines à prodiguer des soins et apporter leur aide au reste de la fratrie. C’est ce qu’on voit dans les tendances générales. C’est pas ma faute, je vous assure. Moi je fais que relais des recherches. Je suis scientifique pure et dure, aucune fantaisie.
Clémentine
Du coup qui a une soeur, enfin une fille aînée qui est dans votre…? Il y a du monde quand même.
Héloïse
C’est pas mal. Moins pour le salaire. Elle sera plus pauvre à l’âge adulte qu’un homme à compétences égales, ce qui est quand même fou.
Clémentine
Et c’est mieux pour l’entente de la fratrie.
Héloïse
En plus, c’est souvent l’aîné qui a une influence forte sur l’ambiance de la fratrie. Donc si l’aîné est une fille, il y a plus de chance qu’il y ait une meilleure ambiance en général et qu’il y ait moins de conflits.
Clémentine
Tu vois Eva, je parle à ma sœur. T’es contente d’avoir une grande sœur ?
Héloïse
Non mais c’est incroyable quand même, je pense pas que c’est à ce point là. Et alors la dernière recherche quand même, c’est la plus belle, enfin la plus belle, la plus… 2020, hyper récente, sur 18 000 enfants quand même âgés de la naissance jusqu’à 16 ans. Grosse, grosse étude, ils ont bossé des stats. Et bien les garçons qui ont une petite sœur, alors qui c’est qui a une petite sœur ici ? Qui est un garçon en haut et une petite sœur en bas ? Enfin en dessous. Voilà, vous avez plus de chance parce que les garçons qui ont une petite sœur ont plus de chance d’avoir une personnalité plus agréable, plus sociable en grandissant, d’être plus coopératif. Attention, à l’âge adulte, de posséder un emploi qualifié, de réussir à mettre de l’argent de côté, ils sont allés jusque là, d’être satisfaits de leur vie à l’âge adulte, d’avoir confiance en eux, ils ont plus de chances aussi de ne pas devenir fumeurs. Et ouais, c’est pas moi qui le dis.
Clémentine
Donc merci aux grandes sœurs.
Héloïse
Donc merci aux petites sœurs. Non, c’est ici, ils ont une petite sœur.
Clémentine
Donc merci aux petites sœurs, c’est ça.
Héloïse
Il se fait d’une fille dans la fratrie pour qu’apparemment les relations s’améliorent et ça impacte positivement le reste de la fratrie. C’est quand même incroyable. Je suis désolée, vraiment, c’est pas ma faute. Je fais que… D’ailleurs, ce qui est fou, selon l’ONU, il y a 1,5 million de filles chaque année qui sont décédées à la naissance ou dans le ventre par sélectivité du sexe, justement, parce que les filles ont moins la côte, paradoxalement. Ouais, c’est fou.
Clémentine
Il y a un sujet tabou, dans lequel tu vas un plein dents dans le livre, qu’on aborde très peu dans la société, parce que ça met très mal à l’aise, forcément. C’est le favoritisme qu’on peut ressentir envers un de ses enfants. Déjà, est-ce que c’est réel ? Est-ce que vraiment, le mythe de l’enfant préféré ? Ou est-ce que c’est tellement tût qu’on ne sait pas vraiment ?
Héloïse
Alors, non seulement c’est réel, mais c’est tellement réel qu’il s’en est devenu un courant de recherche. Enfin, vraiment un courant de recherche. Il y a même une jeune turque d’ailleurs, dont j’ai traduit un questionnaire, dans le livre, qui a fait sa thèse de doctorat sur ce qu’on appelle le favoritisme parental. Et en fait, 65% des mères et 70% des pères auraient un enfant qui favorise plutôt qu’un autre. Mais c’est tellement tabou que ce n’est même pas conscientisé. Et il y a plein de familles, moi quand j’interroge, du coup j’ai fait le livre, j’interroge mes copains, copines, amis, avec mes questions vraiment de psy relou qui vient à chaque fois poser les mauvaises questions. Et en fait, quand je leur pose des questions, quand j’observe leur interaction avec leurs enfants, je vois qu’un favoritisme… J’ai un oeil hyper aiguisé.
Et quand je les interroge sur ça, ils disent mais non, c’est pas possible. Moi, je suis hyper équitable. L’équité, c’est un pilier de la parentalité. En fait, on s’en rend pas compte. Mais beaucoup d’entre nous, la majorité, 65% c’est beaucoup, favorisent un enfant plutôt qu’un autre.
Clémentine
Donc c’est réel.
Héloïse
Et en fait je pense que souvent, le problème c’est qu’on parle d’enfant préféré de manière générale, on parle d’enfant favorisé dans la recherche, et je pense que les parents ne savent pas ce que c’est en fait que favoriser un enfant plutôt qu’un autre, on s’en rend pas compte. En fait c’est des trucs qui sont tout fins, c’est par exemple, il y a un enfant qu’on va plus facilement consoler quand il est triste ou en pleurs, il y a un enfant qu’on va plus facilement gronder en cas de comportement inadapté, Il y a plein de choses assez fines qui vont marquer une préférence pour un enfant plutôt qu’un autre.
Il y avait même dans le questionnaire de la jeune fille que j’ai traduit dans le livre, la question de, après l’école, il y a un enfant qu’on va peut-être plus facilement, comment dire, interroger sur comment c’est passé pour toi aujourd’hui à l’école. Il y a un enfant qui va plus investir dans la scolarité. Il y a toujours un enfant qui se décroche, qui se détache du lot ou des deux enfants qu’on va plus favoriser. D’un côté, on va plus les porter de l’affection, de l’attention, de l’écoute, de la tolérance. Et l’autre enfant, qui est moins favorisé, lui, on va plus lui mettre le cadre, plus le… Être moins tolérant, être plus coercitif envers lui, plus le punir, et être beaucoup moins coopératif et conciliant.
Clémentine
Pourquoi est-ce qu’on fait ça ?
Héloïse
Parce que je pense que l’équité, c’est très difficile, en fait. Même tout ce qui est neutralité, je pense que la neutralité existe vraiment, mais en tout cas, je pense qu’être équitable, c’est difficile. Et après, on voit que dans les recherches, ce qui est mis en évidence, c’est que les familles qui sont plus à risque d’être dans le favoritisme parental, il y a plein degrés, il y a des degrés minimes, il y a des degrés plus importants, c’est les familles avec un écart d’âge important entre les enfants, on peut voir ça plus les familles d’un écart d’âge important, les familles monoparentales ou les familles nombreuses, les familles où il y a une mésentente conjugale aussi, on peut voir que ça augmente le risque de favoritisme parental.
Clémentine
Est-ce que c’est aussi lié au fait que parfois, justement, on parlait des enfants qui nous ressemblent, il y en a qui viennent nous déclencher plus que d’autres, donc on a plus de mal avec eux ?
Héloïse
Probablement.
Clémentine
Ou parce que leur tempérament n’est pas en adéquation avec nous ?
Héloïse
Il y a un peu de ça. Après, de manière vraiment empirique sur le terrain, ce que j’ai vu dans les familles, c’est que, par exemple, s’il y a un enfant dans la fratrie qui est plus, comment dire, challengeant qu’un autre, genre problématique, tempérament très réactif, ou trouble du neurodéveloppement, un handicap, je ne sais quoi, le parent va passer tellement de temps en fait, parce qu’il a besoin l’enfant, il a besoin d’avoir plus l’attention de son parent, tellement de temps avec lui, tellement de moments de fort partagé, de moments d’émotions comme ça très très très intense, que ça peut créer un lien plus facilement avec cet enfant là, paradoxalement tu vois, plutôt qu’avec un autre enfant.
Clémentine
Je ne vais pas vous demander si vous en avez ou pas, c’est trop tabou.
Héloise
C’est hyper gênant. Là on réfléchit, on se dit peut-être que je fais un peu de favoritisme avec l’un ou l’autre. Qu’est-ce qu’on peut faire pour essayer de rééquilibrer la balance et les relations ?
Héloïse
Déjà, interroger les enfants, vos enfants, vraiment, dès demain. Est-ce que tu as l’impression que je favorise plus l’un ou plus toi ? Déjà d’interroger sur leur ressenti. Ça, il l’exprime quand même plutôt pas mal, je trouve. Dans le livre, il y a un questionnaire pour les enfants, justement, sur s’ils sentent lésés ou pas. Il y a un questionnaire qui est fait par la chercheuse turque. Et après, soi-même, dans la famille, en parler avec le coparent. Ça, c’est vachement important aussi. Rendre le truc conscient. Si on sent qu’il y a quelque chose, si on sent qu’on est un peu dans le favoritisme, si on sent qu’on n’est pas équitable, après avoir parlé de cette soirée-là, tout ça, en parler avec le coparent et après, voir un peu pourquoi est-ce qu’on va plus favoriser un enfant plutôt qu’un autre.
Est-ce qu’il nous rappelle, nous, quand on était petits ? Est-ce qu’il est plus gratifiant parce qu’il sourit plus, il fait plus de câlins ? Qu’est-ce qui fait que cet enfant-là, il déclenche chez nous quelque chose de particulier ? En tout cas, communiquer, conscientiser et communiquer autour de ça.
Clémentine
En gros, ce n’est pas d’éradiquer parce que potentiellement, ce n’est peut-être pas possible, mais c’est d’en avoir une rééquilibrée.
Héloïse
Généralement, quand on en a conscience, dans les familles, je remarque, quand on en a conscience, c’est conscientiser. Les deux coparents sont OK pour se dire qu’il y a effectivement un problème d’équité. Ça se rééquilibre vachement rapidement par la suite, parce qu’ils les aiment, en fait. On aime nos enfants, vous êtes d’accord ? Donc, en fait, oui, je pense que c’est quelque chose acquis. Mais donc, ça se fait plus naturellement par la suite.
Clémentine
Est-ce qu’une relation entre frères et sœurs sans violence, sans agressivité, ça existe ?
Héloïse
C’est beau ce que tu dis. J’aimerais tellement que ça existe. Alors, en fait, ce qui est intéressant de voir, c’est que d’ailleurs, il y a une chercheuse qui est toulousaine. Je ne sais pas ce qu’il y a de Toulouse ici.
Clémentine
Il y a des Toulousains et des Toulousaines.
Héloïse
C’est qui les Toulousains ici ?
Clémentine
On vous vois si, ils sont au fond.
Héloïse
Les Toulousains, il y a une chercheuse qui est à l’Université de Toulouse qui a fait beaucoup de travaux sur la fratrie. Elle s’appelle Olivia Troupel. Elle a lu mon livre, elle est hyper sympa. Je salue Olivia si elle nous entend. Cette chercheuse a créé une classification des fratries. C’est vraiment intéressant. Elle a vu qu’il existait quatre types de fratries. Vous allez dire dans quelle catégorie la fratrie à la maison. Elle a vu que les fratries les plus communes, c’est 65 % des fratries, C’est les fratries qui sont dites contrastées. C’est la majorité des fratries. Et ces fratries-là, elles ont des hauts moments d’agressivité, de disputes, des désaccords, et des hauts moments, du coup, aussi, de jeux, de complicité et de moments de chaleur dans la fratrie. Donc il y a autant de l’un que de l’autre.
Donc c’est des fratries qui sont contrastées, et c’est la majorité. On pourrait se dire que c’est le style de fratrie qu’on rencontre partout, mais en fait non. Il y a un deuxième style de fratrie qu’on appelle les fratries consensuelles, les fratries de rêve. C’est-à-dire qu’il y a très peu de conflits, et il y a beaucoup de coopérations et de complicités. Celle-là, ce n’est pas ce que j’ai à la maison.
Clémentine
Je n’en ai pas non plus.
Héloïse
On a raté un truc, Clémentine. Nous, on a les montagnes russes. Comme tu as dit, les premiers.
C’est quand même 20 % des fratries. 20 %, c’est quand même 2 sur 10. Sinon, on n’est pas en bluff. Quand on fait les questionnaires, il y a un truc. Il y a un troisième style de fratrie, là par contre elles sont beaucoup plus alertantes. C’est des fratries qu’on appelle conflictuelles, où il y a beaucoup d’agressivité, de tensions, de disputes, mais il y a très peu aussi de convivialité, de complicité, de jeu et d’entraide. Donc en fait, ces fratries-là, c’est quand même 9% des fratries, et c’est des fratries qui doivent nous alerter, parce que du coup, si on voit que nos enfants se disputent, c’est une chose, sont plus ou moins violents, c’est une chose, mais il faut qu’il y ait toujours, pour compenser, des temps dans la journée, dans la semaine, dans l’année, où ils sont complices et ça va bien.
Ça va mal tout le temps ou trop souvent, s’il n’y a plus l’équilibre entre les deux, c’est qu’on bascule dans les fratries conflictuelles, et du coup, les enfants peuvent être impactés par cette fratrie. Parce qu’on voit que ça impacte vraiment la vie de l’individu, de l’enfant, et même quand il grandit.
Clémentine
Tu parles dans ton livre de l’agressivité qu’il y a dans les fratries, et tu expliques qu’il y a un pic d’agressivité, ça je l’ai découvert, tu vois, à un certain âge.
Héloïse
Ouais. Effectivement, c’est les travaux du Canadien Richard Tremblay qui nous indiquent qu’entre la naissance et la mort de quelqu’un, le pic d’agressivité, c’est-à-dire que l’âge où on sera le plus agressif, c’est l’âge de 2-3 ans. C’est l’âge des crèches. D’ailleurs, je salue les pros de la crèche, si elles sont là. Petite enfance, asthmates, elles savent très bien, c’est une véritable boucherie dans les sections. Parce que j’en ai fait, des crèches, je peux vous dire, les touffes de cheveux dans la main, les tapes. Après attention, c’est pas la meme agressivité que chez l’adulte. C’est pas intentionnel, ils veulent pas faire mal, c’est pas la violence, c’est pas la méchanceté, rien de tout ça. C’est juste pour arriver à un but, ou satisfaire un besoin. N’empêche qu’ils font mal, ils font très mal.
Et ils y vont vraiment, parce qu’ils ont aucune inhibition à cet âge-là encore.
Clémentine
Donc par exemple une fratrie où il y a des enfants très rapprochés quand ils arrivent vers 2-3 ans, c’est carnage ?
Héloïse
C’est chaud bouillant, c’est chaud bouillant. C’est vrai que c’est chaud bouillant.
Clémentine
Mais c’est ce que tu expliques, c’est qu’il y a ce pic vers 2-3 ans, dont on peut tous témoigner, si on a des frères ou sœurs qui ont été en collectivité, mais qu’en revanche, ça doit nous alerter quand il y a toujours beaucoup d’agressivité vers 7, 8, 9 ans. Là, ce n’est pas normal.
Héloïse
Normalement, l’agressivité, dans les trajectoires qu’on voit développementales des individus, elle pique de 3 ans, elle augmente vers 1 an, pique de 3 ans et ça diminue vers 4 ans. Donc si a 5-6 ans… Alors attention, pas à la maison. Oui, en fait, c’est ça. 7-8 ans, votre enfant, il tape son frère ou sa sœur, c’est OK, c’est normal. Mais s’il le fait à l’école, c’est pas normal, c’est ça aussi. Ça dépend si c’est milieu familial ou extra-familial. Sinon, tout le monde va être en panique, là, parce que… Comme ils se tapent tous à la maison, c’est vrai. Non, mais c’est vrai, il faut préciser, quand même. Donc si l’enfant manifeste autant d’agressivité qu’avant, physique, en dehors de la maison, vers 7, 8 ans, c’est qu’il y a vraiment quelque chose qui va pas, en fait. C’est qu’il a besoin d’aide.
Vous, vous avez besoin d’aide en tant que parents. Mais à la maison, c’est normal qu’il se tape. Après, il y a se taper et se taper. Il faut pas en plus trop de violence. Tout dépend de la fréquence, en fait. Il y a des moments qui compensent. C’est vraiment.
Clémentine
Avant que tu nous expliques ce qu’on peut mettre en place pour faire diminuer la fréquence des disputes, j’aimerais que tu nous expliques pourquoi c’est si dur pour nous, les parents, de voir nos enfants se disputer et avoir autant d’agressivité les uns envers les autres.
Héloïse
En fait, c’est une réponse qui est hyper personnelle et c’est vraiment juste un point de vue d’intuition, mais j’ai l’impression que comme on aime énormément nos enfants, on les aime, on les aime, c’est les personnes qu’on aime le plus sur Terre, et de voir qu’un enfant va taper un autre enfant, donc taper quelqu’un qu’on aime très fort, et que c’est quelqu’un qu’on aime déjà très fort qui tape quelqu’un qu’on aime très fort, je trouve que ça bouscule vachement nos repères et notre… Je sais pas, ce qu’on s’était peut-être profondément imaginé de la fratrie. Moi, je vois plein de parents, par exemple, qui ont un aîné, qui est là, l’aîné, fille ou garçon, les mamans sont enceintes, par exemple, et elles ont toujours cette…
Elles me disent souvent, avec beaucoup d’émotion, cette satisfaction de se dire, regarde, il aime déjà son petit frère, sa petite sœur, mais elle sait pas encore ce qui va se passer par la suite. Généralement il déchante, toujours à un moment donné il déchante, mais il aime déjà très fort. Regarde comme il est, c’est tellement mignon, c’est comme dans mes rêves, ça va devenir les meilleurs amis du monde. Je dis mais je te préviens, ça va changer au bout d’un moment. Soit à la naissance ça change, soit vers dix mois quand il commence à bouger, soit à trois ans, à un moment donné ça va changer et c’est normal en fait. Mais il y a cet élan, ce fantasme, cette idée, ce mythe que les enfants vont être les meilleurs amis du monde.
Tout ce qu’on n’a peut-être jamais vu peut-être à l’âge adulte avec nos frères et sœurs, je sais pas, mais c’est profondément ancré en tout cas en chacun de nous. Il y a des illusions qui se fait en chacun de nous aussi, plus ou moins grandes.
Clémentine
Mais parce qu’on se dit aussi, on fait un petit frère, un petit tiers pour l’aîné. Alors qu’en fait, eux, ils sont pas du tout…
Héloïse
C’est pour nous, comme ça, ils sont culs. Tu rigoles ou quoi ? Quand ils jouent ensemble, on est tranquilles, comme ça.
Clémentine
C’est vrai. Ça, c’est un vrai point, quand même. Les familles nombreuses, on va pas se mentir, ils nous déchargent un petit peu, les aînés, parce qu’ils prennent en compte…
Héloïse
Bah oui, c’est cool.
Clémentine
Les petits.
Héloïse
Quand ils sont pas là, on sent la différence. On doit s’occuper des plus petits.
Clémentine
C’est pour ça que le dernier parle plus.
Héloïse
Je suis le dernier.
Clémentine
Qu’est-ce qu’on peut faire concrètement pour diminuer les conflits entre les frères et sœurs ? Parce qu’on ne fait pas bien, on a pas les bons codes.
Héloïse
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c’est qu’on sait exactement ce qu’il faut faire pour diminuer largement les conflits. La mauvaise nouvelle, c’est que c’est super dur à appliquer et que moi-même, j’y arrive une fois sur cinq.
Clémentine
Donc… Prenez des notes, mais ça ne servira à rien.
Héloïse
Mais vraiment, il paraît que ça marche très bien. Les études sont unanimes.
Clémentine
Il paraît.
Héloïse
Moi, je n’y arrive pas. C’est vachement difficile. Il faut rester calme. Alors déjà, juste une chose. Quand on réagit, tout va se passer. Enfin, la grande partie du travail, du job de parent, pour améliorer les relations dans la fratrie, se passe dans la manière de réagir à leurs fameux conflits. On a dit conflits, sans apprentissage, moments clé, opportuns, c’est là qu’il faut mettre le paquet. C’est pas simple. Et en fait, dans les recherches, déjà, en introduction, je voulais dire que dans les recherches, on voit très bien que quand les parents réagissent les conflits de manière coercitive, punitive, hyper rigide, on voit que ça a tendance, avant même que l’enfant ait un an, à abîmer la relation dans la fratrie, à augmenter les conflits et à limiter les temps de complicité en dehors des conflits, vraiment avant même que l’enfant ait un an de vie.
Donc ça impacte très fort la relation de fratrie et la fréquence des conflits et la violence des conflits également. Le côté coercitif. Maintenant, comment faire ? Ça c’est la bonne nouvelle. Alors le comment faire, ça a été énormément documenté et on voit qu’il y a deux manières de réagir au conflit. La manière la plus instinctive, intuitive qu’on fait tous quand on est fatigué, que je fais aussi quand je suis très fatigué, c’est la manière qu’on appelle un peu justicière. Le qui a tort, qui a raison. D’accord ? Genre votre enfant tape sur la tête de l’autre enfant, vous arrivez comme ça, avec votre bâton de justicier, vous dites, toi t’as tort, toi t’as raison, on blâme celui qui a tort, on défend celui qui a raison, et en faisant ça, l’un des enfants ressort forcément un peu lésé de la manière dont c’était traité.
Donc il est hyper vénère et ça risque d’augmenter les conflits dans les 10 minutes qui suivent l’interaction. Mais clairement, on fait ça, c’est intuitif, on est en colère, et on se déchaîne sur l’enfant à ce moment-là parce qu’on est en colère, on se décharge. Vous êtes d’accord ? Ouais. Et en fait, c’est pas ça qu’il faut faire. Ça, c’est une stratégie que les chercheurs qualifient, et c’est fort comme mot, mais vraiment, ils ont des mots forts, les chercheurs, destructrices. Je ne sais pas ce qu’ils ont.
Clémentine
Qui est un parent destructeur ? Ils n’osent pas regarder, ils n’ont pas osé dire.
Héloïse
Le pire quand même, c’est que ma fille aînée m’a sortie une fois, elle m’a dit, je gérais mal le conflit dans la fratrie, elle m’a dit non maman, il ne faut pas être comme ça, il faut être beaucoup plus cool avec les deux. Elle dit tu fais l’inverse de ce que tu dis dans tes livres. Mon dieu, je dis mais t’as raison ma fille, mais elle a raison, elle a carrément raison, c’est elle qui me m’éduque en fait. C’est l’aîné, voilà c’est la plus intelligente forcément. Mais n’empêche que, donc ça c’est pas la bonne méthode et clairement plus vous le faites, plus on se tire une balle dans le pied, c’est clair et net. Maintenant, je suis comme vous, je mets dans le groupe parce que je ne sais pas faire.
Et alors, la manière vraiment de faire qui est favorable sur vraiment tous les plans de la fratrie, et même sur l’ambiance dans la maison, et même sur l’ambiance conjugale, parce que moi, dans nos enfances, on se dispute plus longtemps que notre conjoint, qui a la vie quand même plus détendue, c’est l’approche que les chercheurs qualifient de constructive. Et clairement, on n’adopte pas la position de justicier, mais la position de médiateur. On arrive, alors je vous dis un peu le schéma, vraiment le monde idéal, vous êtes reposé, vous êtes frais, vous avez eu 6 mois de thalasso cap ferré, vous avez un mari de rêve, une femme de rêve, vous êtes heureux de votre vie, vous avez un boulot incroyable, des revenus magnifiques, vous êtes au top de votre forme, aucun Lexomil en 40 ans, rien !
Vous arrivez, vous êtes calme, vous dites, mes enfants sont en conflit ! C’est vraiment une très bonne journée pour vous.
Clémentine
Qui a déjà dit ça ? Tiens, c’est cool !
Héloïse
Ça arrive une fois sur cinq. Je change vraiment une grosse boite d’atarax avant pour me détendre. Et donc vous l’avez arrivé, vous mettez à hauteur d’enfant. J’ai toujours mis un conflit à hauteur d’enfant, sachez-le. Quand on est en hauteur, ça marche pas. Il faut se mettre à hauteur d’enfant. Ligne du regard horizontal. Je vous décris tout, après vous faites ce que vous pouvez à la maison. Je ne vous donne pas de conseils parce que je ne sais pas faire moi-même. Vous arrivez là et après vous mettez une main sur chaque enfant et en fait l’idée c’est de ne pas arriver avec le qui a tort qui a raison mais de dire que tous les deux ont une difficulté qui traverse le moment.
Vous mettez des mots, c’est vachement dur, vous mettez des mots sur chacun genre tu vois regarde Mathéo là il est triste parce que tu l’as pris son jouet. Regarde t’as vu son visage il est triste, il pleure, il est pas bien. Toi aussi t’es pas bien, t’es en colère parce qu’en fait il t’a insulté de vieilles chaussettes juste avant. Je comprends. C’est pas simple pour toi, et puis vraiment, je suis tellement dévouée à ce que ça se passe bien entre vous. Alors que bon, vous étiez pas du tout dévoués à ça juste avant. Et là, à ce moment-là, chacun met des mots sur les émotions de l’autre. On essaie de susciter l’empathie de chacun, c’est ça en fait. On suscite l’empathie de chacun, parce qu’ils ont une empathie qui est là, véritable, profonde, mais il faut juste la réveiller à ce moment-là.
Et ce qui est intéressant, c’est de choisir, de faire en sorte qu’ils choisissent soit eux-mêmes un compromis, soit vous proposez une solution, en disant, écoute, là, comme vous n’avez pas d’idée, je propose, toi tu prends le jouet pendant cinq minutes, on met un petit chrono, parce qu’ils n’ont pas de son du temps, ils sont tout petits. Toi, et après, c’est toi qui le prends. Dès que ça sonne, hop, tu le prends, et inversement. Est-ce que cette solution vous convient à tous les deux ? Et là, vous croisez les doigts pour qu’ils disent oui. Sinon, vous devez trouver une autre solution, un autre compromis. Et en fait, l’objectif du conflit, vous avez gagné le conflit si vous avez réussi à faire en sorte que les deux enfants sortent du conflit avec la sensation d’avoir été traités avec équité.
S’il y en a un des deux qui sent lésé, vous êtes foutus. C’est vraiment ça.
Clémentine
Mais comment tu fais quand t’as donné que tu préfères ?
Héloïse
Et bah là t’appelles ton psy. C’est ça qui est dur en fait. C’est qu’il faut être à contre-courant des fois de ton intuition première quoi.
Clémentine
J’ai souvent entendu dire que dans ces moments-là il faut être en position de journaliste sportif.
Héloise
C’est ton métier en plus !
Clémentine
Oui mais je sais pas bien faire apparemment ! C’est-à-dire de tendre le micro et dire qu’est-ce qui s’est passé aux deux et ne pas impliquer l’un et l’autre. Quand ils ont l’âge de verbaliser évidemment. Mais de pouvoir accueillir l’histoire qu’il y a eu. Et je trouve que la métaphore elle est sympa de dire comme si j’étais journaliste sportive.
Héloise
J’adore cette idée.
Clémentine
Et après on fait ce que t’as dit.
Héloïse
J’essaierai demain matin si tu veux. Je te dirai. C’est une bonne idée, c’est une bonne image.
Clémentine
Mais moi ça m’a mis une pression de dingue quand j’ai lu qu’il fallait faire ça parce que je me suis dit c’est mon métier mais en fait j’arrive pas moi.
Héloïse
T’as vu on est mauvais quand on est à la maison.
Clémentine
C’est dur.
Héloïse
C’est vrai. On se met une pression comme ça je pense et on a comme ça du coup.
Clémentine
Et comment tu fais ? Je donne un exemple concret parce que là je vois il y en a qui ont des petits bébés aussi enceintes parce qu’il y a une différence entre un conflit entre deux enfants qui ont 5 à 7 ans qui verbalisent les choses et un petit qui a 3 ans qui découvre son petit frère ou sa petite sœur et boum qui fait un petit coup parce que ça, ça arrive quand même très régulièrement.
Héloïse
Alors ça c’est un très bon exemple. C’est vrai qu’ils sont agressifs, c’est normal. Ils sont en pic d’agressivité à 2-3 ans. Je pense qu’on banalise énormément ce que ça fait d’avoir un petit frère, une petite soeur qui arrive dans un domicile. Imaginez, ils sont seuls avec leurs parents. Ils vont vivre une expérience, mais pour certains ça va être traumatogène, pour d’autres ça va être juste profondément désagréable. Mais il va quand même perdre l’exclusivité de ses parents. C’est fou quand même quand on y pense. C’est une expérience qui est quand même très douloureuse. Et c’est pas étonnant que chez certains ça provoque des réactions qui soient très très fortes. Ce qui serait contre-productif à ce moment-là, quand l’aîné, fille ou garçon, tape le petit frère ou la petite sœur, ce serait de blâmer l’aîné.
C’est dur, mais ce serait vraiment contre-productif, parce que si vous blâmez l’aîné, vous le cadrez. Vous dites, voilà, ça c’est interdit, tu peux lui faire des caresses, t’es pas content, tu peux serrer les poings, tu peux dire je suis pas d’accord, tu vas me dire si tu veux, si tu vas pas, tu vas me dire que t’es en colère, que tu souffres. Mais viens me voir. Mais ça, c’est interdit. Vous posez l’interdit, mais après, surtout, ne pas le blâmer, ne pas le punir et ne pas le charger davantage. Sinon, en fait, vous tirez une balle dans le pied. Plus l’aîné souffre, plus il va être dur avec son petit frère, sa petite sœur. Ça, c’est clair et net. Donc c’est ça qu’il faut réussir vraiment à se dire. C’est pas qu’il est jaloux, c’est qu’il est en détresse en ce moment. Comment je vais l’aider ? Mais bon, c’est dur.
Clémentine
Tu veux dire qu’on leur donne des sentiments qui ressemblent pas vraiment de jalousie, c’est autre chose ?
Héloïse
C’est pas de la jalousie en tant que telle, c’est plus un sentiment d’insécurité. En fait, nous, les psys, on dit que quand un enfant accueille un petit frère ou une petite sœur, il va réactiver son système d’attachement. Et du coup, il va chercher avec désespérance, vraiment, comme ça, ce contact avec la figure d’attachement principale. Souvent, la mère, on est moins dispo, on est moins présent. Ça peut être le père aussi. Souvent, c’est la mère qui reste plus souvent dans la maison, donc c’est souvent elle la figure d’attachement principale. Et en fait, plus ils recherchent, plus on se dit, c’est trop, j’ai pas le temps, j’engage mon petit frère à m’occuper. Et plus ils recherchent et plus c’est un cercle vicieux. Et on perd en qualité de relation.
Et plus la relation perd de qualité, plus il va être potentiellement dans l’agressivité envers le petit frère et la petite soeur. Et c’est dur.
Clémentine
Et puis souvent, à ce moment-là, on se rend compte que si on a un bébé qui n’a pas de problématiques particulières, c’est peut-être plus facile d’avoir un bébé à gérer au quotidien que les grands qui demandent beaucoup d’attention. Et du coup, aussi, nous-mêmes, on est pas très enthousiastes dans la relation quand on vient juste d’avoir un tout petit bébé.
Héloïse
En plus, souvent, généralement, ce qui se passe dans beaucoup de familles, c’est que quand il y a un enfant qui naît, la mère s’occupe de l’enfant qui naît, souvent, et le père s’occupe de l’aîné, en fait. C’est le cas d’une famille hétéroparentale C’est comme ça que ça se passe. Donc du coup, moins on s’occupe de l’enfant, plus il réclame, plus il va attaquer potentiellement, pas sûr, mais l’enfant qui est né, ouais.
Clémentine
Un bon cercle vicieux.
Héloïse
C’est un bon cercle vicieux, ouais. C’est compliqué l’humain.
Clémentine
Alors dans ton livre, tu abordes aussi l’impact sur les enfants d’avoir un frère ou une sœur porteur de handicap. C’est vrai que c’est un sujet dont on parle très peu, parce que ça a une répercussion sur la fratrie dans son ensemble.
Héloïse
Et oui, c’est vrai que, d’ailleurs c’est un chapitre qui m’a aussi beaucoup touchée, étant donné que j’ai une fille qui est concernée par un trouble du neurodéveloppement. Effectivement, ce qu’on voit dans les recherches, c’est que quand un enfant a une situation de handicap, quel que soit le handicap, vraiment, qu’il soit mineur, majeur, quel que soit le handicap, on va voir qu’on va passer beaucoup de temps à prendre soin de lui, ce qui est sûr, à accompagner ses parents, parce qu’être parent d’un enfant en situation de handicap, c’est beaucoup plus challengeant qu’avoir un enfant qui n’a pas de handicap, ça c’est clair et net. Mais du coup, on va laisser de côté complètement le côté frère ou sœur de l’enfant en question.
Et on voit que les enfants, qui sont frères et sœurs de l’enfant en situation de handicap, sont considérés, dans la recherche aujourd’hui, comme des jeunes aidants. Vous voyez, on parle d’aidants pour les parents, quand nos parents sont âgés, et en fait, ce sont des jeunes aidants. Et on voit que leur sommeil est plus impacté, leur santé mentale peut être impactée, on va moins s’occuper d’eux. Ils vont avoir moins de parents pour eux, parce que forcément, le paquet va être mis pour l’enfant qui a plus besoin que lui. Et du coup il y a pas mal de choses qui peuvent vraiment le toucher et qui va être complètement minimisé par les parents parce que forcément les parents ils sont complètement sur des dimensions qui sont beaucoup plus urgentes à gérer en fait.
Et donc c’est vraiment des enfants dont il faut prendre compte en fait et ne pas banaliser leurs émotions.
Clémentine
Quand tu as écrit ce chapitre, tu le dis que ça t’a coûté parce que ça rajoutait un petit peu de stress sur le dos des parents qui sont déjà dans des situations difficiles devoir gérer des frères et sœurs qui ont des particularités.
Héloïse
Mais c’est horrible, c’est une double peine en fait. Je me suis dit que j’allais… C’est ça en fait, quand j’ai écrit le chapitre pour connaître le handicap dans la famille, pour connaître ces enjeux-là. Déjà, avoir cet enfant en handicap, c’est tellement douloureux, c’est tellement difficile. Mais si en plus, il y a une autrice, une psy qui arrive avec son bouquin et qui en plus leur dit, de toute façon, tu as ton autre enfant aussi, ne l’oublie pas, lui aussi, il souffre, il a des besoins aussi peut-être que tu n’estimes même pas. C’est vraiment une double peine que j’ai l’impression d’infliger. C’était très difficile à écrire, effectivement.
Clémentine
Alors aujourd’hui, dans nos sociétés, on a des familles qui prennent des formes complètement différentes de ce qu’on attend d’une famille avec papa, maman, deux enfants. Et donc, il y a toute cette dimension de famille recomposée qui devient de plus en plus courante, mais qui a beaucoup de challenges et de défis. Qu’est-ce qu’on sait des études sur les familles recomposées ?
Héloïse
Alors déjà ils sont 9%. Une famille sur 10 aujourd’hui recomposée selon les dernières statistiques, c’est quand même du coup pas négligeable effectivement. Alors ce qui est fou, alors pareil c’est pas facile parce que c’est beaucoup de mauvaises nouvelles, c’est qu’en fait ce qu’on voit c’est que… Alors qui est concerné par une famille recomposée ici ? Quel des enfants je veux dire du coup… D’accord ok. Voilà 10%. Alors là vous êtes un peu en dessous des stats. Ce qu’on voit, c’est que déjà on sait qu’une relation frère et sœur biologique classique, c’est hyper compliqué, c’est challengeant, c’est marqué par les contrastes, l’ambivalence. Mais alors quand c’est des demi-frères, demi-sœurs, quelle que soit la configuration, ça augmente de manière exponentielle les difficultés, les challenges, les rivalités et conflits dans la fratrie.
On voit que la seule présence d’un demi-frère ou d’une demi-sœur à domicile augmenterait par deux le risque de dissolution de la famille comparé à des frères et sœurs biologiques et on voit que les moments, les conflits, les difficultés scolaires, les difficultés de troubles du comportement sont majorés quand il y a un frère, demi-frère ou demi-sœur à domicile ou belle-mère ou beau-père à domicile.
Clémentine
Encore une fois, on vous le dit, ce sont que des recherches.
Héloïse
Des tendances générales, sinon on va tous se jeter dans la Garonne.
Clémentine
Est-ce qu’on sait pourquoi, par contre, ça remet ces challenges ?
Héloïse
L’hypothèse des chercheurs, c’est que plus on a un patrimoine génétique en commun avec quelqu’un, et plus on serait proche de la personne. C’est une des hypothèses. Ça n’a pas été consensuel, mais c’est une des hypothèses. C’est une hypothèse qui est d’ailleurs la plus fréquente en matière de frères et sœurs biologiques, parce qu’on voit que les jumeaux monozygotes ont des fois plus d’ententes que les jumeaux dizygotes par exemple, ou que les frères et sœurs biologiques. Donc c’est une hypothèse qui est quand même pas mal éprouvée, mais qui n’est pas encore consensuelle. Mais surtout, il y a un point qui m’a beaucoup marquée dans ces travaux sur les familles recomposées. Il y a une étude, qui date de 2006 je crois, qui portait sur des enfants Ils ont demandé à des enfants dessiner leur famille. Bon, truc classique.
Faites-le à la maison demain, vous allez voir, il y aura des surprises. Et en fait, ils ont vu que 87 %, 87, c’est énorme, % d’enfants qui étaient en famille recomposée ne dessinaient pas leur demi-frère ou leur demi-sœur sur le papier. 87% Oui, c’est énorme. Et à l’inverse, seulement 5 % des enfants ne dessinaient pas leur frère ou leur sœur biologique. C’est fou, donc faites le test demain, c’est un bon indicateur, vraiment très bon indicateur. Et notre recherche 2003 qui avait montré que les pré-adolescents avaient plus de mal à reconnaître l’odeur de leur demi-frère, leur demi-sœur que l’odeur de leur frère et sœur biologique. Donc faites un test demain. On sent les t-shirts mouillés, on dessine la famille, c’est un grand moment quoi.
Clémentine
Mais là tu parles en plus de mi-frères et sœurs biologiques aussi, parce qu’on peut partager le même ADN.
Héloïse
Ou par alliance.
Clémentine
D’accord, ça change rien si on partage quand même un peu de patrimoine génétique.
Héloïse
Alors on voit que ça peut améliorer le fait que ce soit biologique, parce que cette idée de patrimoine génétique commun, mais pas forcément, c’est toujours très challengeant en fait.
Clémentine
Donc c’est un vrai défi d’avoir une famille recomposée.
Héloïse
Et sur le coup, vraiment, si vous avez une famille recomposée à la maison, essayez d’améliorer le lien dans la fratrie. C’est difficile, mais c’est parce que la communication, par l’empathie, l’équité, on voit que plus les parents sont équitables. Et c’est super dur d’être équitable avec des enfants qui ne sont pas forcément les vôtres, en fait. Plus ils sont équitables envers toute la fratrie, plus ça améliore le lien. Et aussi, essayez plus de faire des jeux de coopération, moins des jeux de compétition. Essayez de faire des moments de temps partagés, des souvenirs communs partagés, des moments forts. Je parle d’une journée à Disneyland de Paris, des émotions fortes. On sait que les émotions fortes créent des souvenirs communs qui favorisent la création de liens entre les enfants. Donc il y a pas mal de choses qu’on peut faire. Mais c’est vrai que ça reste un challenge, en fait. C’est un challenge de base, en fait.
Clémentine
Tout à l’heure, on en a parlé, on va bientôt terminer cette interview, des enfants uniques. On n’est pas rentrés en détail. Est-ce que tous les clichés qu’il y a autour d’eux, c’est que ce sont des gens égoïstes, que ça fait partager, on se sent désolé qu’ils n’aient pas grandi avec des frères et sœurs. Est-ce que ça reflète la réalité ?
Héloïse
Tout à fait. Je pense à Clément. C’est ton moment. Ce qui est fou en fait, c’est qu’il y a déjà des psy, il y a près d’un siècle, qui parlaient d’une maladie en soi, le fait d’avoir aucun frère et soeur. Il y a même un psychologue, j’ai oublié le nom, peut-être parce que j’ai fait un tri sélectif dans ma tête, qui disait justement que les parents qui choisissaient d’avoir un seul enfant, imposaient des dommages psychologiques à leur enfant. Donc en fait, on revient de ça quand même. On revient quand même d’un long terreau d’idées reçues, de préjugés, de la part des psychologues aussi. Je veux dire, ce n’est pas que de la part du grand public. Et effectivement, en fait, dans la recherche, on voit que c’est complètement déconstruit.
Ça fait vraiment plusieurs décennies de recherche qu’on a déconstruit, enfin, ils ont déconstruit l’idée que l’enfant unique est plus égoïste ou moins sociable. On voit qu’il n’est pas moins sociable, on voit qu’il n’est pas plus égoïste, on voit qu’il n’est pas moins apte à partager qu’un autre enfant, pas du tout. Ça dépend plus du style d’éducation, de ses parents, des enfants qu’il fréquente aussi. Il y a une tranche de vie où on développe énormément de compétences sociales et émotionnelles, c’est la tranche des 3-5 ans. Et donc si l’enfant, pendant 10 ans, reste avec ses parents dans une montagne, il ne voit personne, il y a des parents autoritaires, il ne fréquente aucun enfant, peut-être qu’effectivement, si l’enfant unique, il morflera plus que les autres, mais sinon, il n’y a aucune prédiction pour ça.
Par contre, l’avantage des enfants uniques, c’est qu’ils sont vachement vachement stimulés par leurs parents. Et donc, ils ont plus de chances d’avoir un meilleur QI, d’avoir un meilleur système scolaire, social, professionnel, et d’avoir des revenus plus élevés à l’âge adulte. Surtout dans les milieux favorisés. Alors là, les parents mettent le paquet.
Clémentine
Alors bim, la prochaine fois qu’on vous dit un petit deuxième, vous lui sortez tous les…
Héloïse
En fait, tout avantage inconvénient en fait, on s’en sort plus quoi.
Clémentine
Mais c’est vrai qu’il y a… Moi la première, d’avoir cette sensation que les enfants uniques auraient potentiellement été plus égoïstes, on sait pas pourquoi, parce qu’ils ont pas partagé leur petit camion à deux ans. Alors c’est basé sur rien comme…
Héloïse
Non c’est vraiment basé sur rien. Sur le coup, ça a vraiment été complètement déconstruit, mais entièrement déconstruit. Mais ce qui est dur, c’est qu’autant ces préjugés, ils existent pas en fait, enfin ils existent pas, ils sont pas vérifiés, mais autant ils existent dans la vraie vie et on voit que les enseignants, souvent dans les recherches, on voit que les enseignants perçoivent moins bien les enfants uniques dans une classe et que même les… c’est marrant parce que j’avais un témoignage d’enfant unique qui me disait, peut-être que tout ça c’est faux, il me disait, mais en tout cas moi, je sens ça comme un handicap parce que les gens, quand j’en dis que je suis unique, souvent ils ont une petite mou comme ça, ils font… Comme ça. L’impact, par contre, de ces préjugés, il est bien réel. C’est ça qui est dur, en fait. Rien que pour ça, c’est compliqué pour eux.
Clémentine
On va terminer sur une question, c’est est-ce que les relations passé l’adolescence changent ? Est-ce que les frères et sœurs restent très soudés ou est-ce que, au contraire, la vie fait qu’on s’éloigne ?
Héloïse
Alors ça c’est vraiment une belle question, d’ailleurs je pense que c’est la question qui va réjouir tout le monde parce qu’on se dit c’est jamais fini, mais en fait effectivement quand on étudie la relation fraternelle sur l’ensemble d’une vie, de l’essence à la mort, on voit en fait que c’est une relation qui est profondément vivante et qu’elle n’arrête pas d’évoluer, il n’y a rien de figé. C’est pas parce que les enfants ne s’entendent pas à 4 ans qu’ils ne s’entendront pas à 50 ans. Et en fait on voit qu’il y a plusieurs étapes dans une vie. Alors la première, l’étape qu’on appelle un peu la lune de miel, c’est quand les enfants ont environ 9 ans. Ils sont souvent à la maison, ils sont plus régulés, ils jouent beaucoup ensemble, pas mal d’intérêts communs, ils sont très contents, tout ça.
Vers 11-12 ans, il y a un début de ce qu’on appelle les expériences non partagées, où les enfants, vers 11-12-13 ans, entrent en adolescence, donc quand ils vont avoir un problème, ils vont plus se confier à leurs copains, copines, qu’à leurs frères ou sœurs. Et après, ils augmentent en âge, tout ça, premier enfant, premier emploi, on voit que le fait d’avoir un premier emploi, ça va commencer un peu à écarter les liens parce que du coup on est moins disponible pour appeler le frère ou la sœur. Souvent on se déplace à l’autre bout de la France parce qu’on a notre conjoint à suivre, notre conjoint à suivre. Donc les liens peuvent un peu se séparer. Par contre s’il y a un veuve, s’il y a un veuvage, si quelqu’un perd son mari, divorce, perd son travail, là ça resserre les liens.
Donc c’est pas mal, il y a un petit veuvage et ça repart dans la relation fraternelle au moins. Ou un petit temps partiel subi, si on a les recherches en voie. Et après ça continue, ça continue, ça continue. Alors là, beaucoup moins drôle mais quand même utile, au décès du premier parent, quand l’un des parents décède, donc quand ce sera nous, quand on va décéder, on voit que les liens se resserrent considérablement. Parce que drame partagé, souffrance partagée, ça va beaucoup mieux. Par contre, héritage partagé, bah non justement, quand le deuxième parent décède, alors là c’est la guerre quoi. Souvent problème d’héritage et en plus il n’y a plus de tronc commun, la colonne vertébrale n’est plus là, donc s’ils sont encore ensemble c’est vraiment par choix, s’ils se fréquentent encore. Et donc là souvent les liens se distendent.
Par contre la bonne nouvelle, et je veux dire on va se raccrocher à ça toute la soirée parce qu’il n’y a eu que des mauvaises nouvelles ce soir, C’est que vers 70 ans, les liens s’améliorent vachement. Les parents sont morts depuis longtemps, donc plus problème de rivalité. Les enfants sont grands. On sent la mort se rapprocher. Et du coup, on peut avoir des relations apaisées. Et là, on se rapproche en dernière ligne droite de nos frères et sœurs.
Clémentine
Donc vivement nos 70 ans.
Héloïse
Non, leurs 70 ans. Nous on sera morts plus de 70 ans. Donc le meilleur est à venir, mais on sera morts pour… On verra pas ça. C’est tellement dommage.
Clémentine
Parce que c’est vrai que je pense qu’on fait aussi un peu des enfants avec l’idée de se dire, quand ils seront grands, j’espère qu’ils auront une relation hyper proche. Moi, à la première, ça me fendrait le cœur que mes trois filles ne se parlent pas, ne se calculent pas. Mais en fait, on n’a aucune prise sur ça.
Héloïse
Si, si tu fais des cousinades. Si tu fais en sorte que tes enfants se voient juste pour les enterrements et les mariages, c’est pas top. Si tu crées des occasions de se rencontrer, se revoir, se fréquenter, ça occasionne du coup plus de liens communs et plus de liens forts.
Clémentine
Donc les parents adultes, avec leurs enfants adultes, ont un rôle à jouer dans la bonne entente familiale.
Héloïse
Oui, et même la manière dont ils parlent de leurs enfants, aux autres. La dernière fois j’étais en interview avec une journaliste du Monde qui m’avait dit qu’elle avait interviewé un adulte dans son article sur les frères et sœurs. C’est un article sur les enfants préférés.
Clémentine
Cet article est sorti aujourd’hui.
Héloïse
Dans le Monde ? Oui c’est vrai ? Mais tu suis toute l’actualité toi ! T’es forte Clémentine ! On dirait que tu es dans les médias quoi ! Cette journaliste parlait justement d’une expérience où l’homme en question avait un statut d’ingénieur, c’est un bon métier mais c’était pas autant que le frère qui était pilote de ligne. Et en fait c’était deux frères dans la fratrie et du coup quand la mère parlait de ses fils, et c’est quand même hyper fort, elle disait quand elle parlait de ses fils à quelqu’un d’autre, elle disait non c’est pas le pilote, c’est l’autre. Et du coup lui disait c’est l’autre, il dit moi je suis l’autre depuis dix ans. Et donc même à l’âge adulte, tu vois, on a du boulot à faire en tant que parents. L’équité, elle est aussi importante à l’âge adulte en fait.
Clémentine
C’est vrai.
Héloïse
Si tu veux pas être l’autre…
Clémentine
J’ai mes cousins, cousines ici qui savent, dans nos familles, on a nos parents qui ont été managés par notre grand-mère quand même bien comme il faut pour se faire monter des fois les uns contre les autres. C’est vrai qu’en fait, on a encore de l’impact.
Héloïse
On a encore… Jusqu’à la mort, on a un rôle à jouer en fait. Ne banalisons pas notre rôle.
Clémentine
Donc c’est bien, tout ce qu’on a appris aujourd’hui va nous servir jusqu’à… Loin dans la relation de nos enfants.
Héloïse
C’est clair.
Clémentine
Uniques, recomposés.
Héloïse
Après, rien n’est figé. Pas de panique.
Clémentine
Merci, Héloïse, d’avoir répondu à mes questions. Maintenant, je vais vous donner la parole. On vous a sollicité par mail. Il y a 3 personnes qui ont répondu pour poser une question. Est-ce que ces 3 personnes sont toujours d’accord pour poser ou est-ce que vous avez d’autres questions ? J’ai le micro. Je vous donne les noms parce que je peux vous dénoncer celles qui ont… Des questions à poser. Est-ce qu’il y a Linda, Stéphanie ou Anne qui veulent poser ces questions ? Est-ce que vous êtes là ? Il n’y a plus personne d’un coup. Si, allez viens. Attends, j’amène le micro.
Public
Bonjour, merci. Moi, je suis dans le cadre de la famille recomposé. Il y a mon fils, Jules, qui a 9 ans, et ma belle-fille, Louise, qui a 9 ans aussi. Ils ont exactement le même âge. J’ai compris qu’ils étaient dans l’âge où ils devaient être potes.
Héloïse
La lune de miel.
Public
C’est pas forcément toujours le cas. Et du coup ma question c’était plus forcément moi et mon fils et une petite fille qui n’est pas ma fille mais que j’essaie d’aimer évidemment comme je peux mais c’est toujours un peu complexe et du coup j’ai quand même en tête qu’il faut quand même que je favorise, enfin en tout cas que j’ai pas la même relation et du coup je sais pas comment gérer cette différence entre les deux qui est forcément innée, génétique, tout ce qu’on veut, mais du coup au quotidien ça fait un peu deux clans à la maison et du coup on essaye de, voilà, et donc ma question c’est comment est-ce qu’on peut, mais j’ai compris que tu avais déjà donné des clés tout à l’heure.
Héloïse
Mais en fait, déjà, tu peux dire que tu pourras jamais gommer les différences d’élan que tu as pour les deux enfants. Dans tous les cas, tu auras un élan plus fort pour ta fille. Ça, c’est ta fille ou ton fils ? Ton fils, pour la belle-fille, et c’est tout à fait normal. Mais après, du coup, effectivement, comme on a dit, on va peut-être faire un résumé, c’est intéressant. Au maximum, crée des temps de plaisir partagé entre eux. Il faut absolument éviter le côté clan dont tu parles, c’est intéressant. Ce côté clan, c’est un terrain glissant, je pense. Fais au maximum comme une unité, crée une unité autour de cette famille. Faites des temps de plaisir partagé, des temps d’émotions fort partagées. Limitez au maximum les temps de jeux de compétition comme on peut faire souvent. Faites des temps de coopération.
Par exemple, les clans qui pourraient être intéressants, ça peut être un clan enfant contre un clan adulte, dans un jeu par exemple. Faire un jeu où chacun gagne ou perd, mais en tout cas c’est les enfants contre les adultes, pour créer le lien entre eux. Et après effectivement, il faut vachement réfléchir à tout ce qui est équité. Tout ce qui est conflit, comment tu résous les conflits, comment tu accompagnes ton fils ou ta belle-fille dans les conflits. Il faut faire attention de ne pas, parce que c’est vraiment ces moments-là qui sont très délicats en fait, de ne pas en favoriser un plutôt qu’un autre.
Mais du coup ça demande vraiment que tu travailles toi-même sur la relation que tu as aussi du coup avec cette belle-fille, et qui n’est vraiment pas simple, parce qu’elle doit être acquise, elle n’est pas innée par essence même en fait.
Public
Je pense que mon mari arrive à faire ce truc de ne pas faire le justicier, mais c’est dur. Et c’est vrai que ça marche.
Héloïse
Ça marche super bien. Il y arrive du coup ?
Public
Il a réussi, il les a laissés gérer leurs conflits, ça a très bien marché. Ils pensaient que le problème était ailleurs, et en discutant entre eux, ils ont trouvé leur solution tout seuls. Et il n’y avait plus de conflits. Tout le monde était content, mais c’est les rares fois où ça marche.
Héloïse
C’est compliqué. Mais sinon, après, les interroger… Enfin, normalement, dans une fratrie classique, les interroger, comment tu te sens par rapport à ton frère, c’est quoi pour toi un frère, c’est quoi pour toi une belle sœur, c’est quoi pour toi une demi-frère, une demi-sœur ? Les interroger sur ce qu’ils ressemblent par rapport à l’autre, et de quoi ils auraient besoin, peut-être aussi, pour être plus proches encore. En plus, à 9 ans, ils peuvent vachement élaborer, c’est intéressant quand même. Et demain, tu fais sentir le t-shirt de l’un à l’autre, et tu fais dessiner la famille aux deux. Et là, les surprises. Tu verras ce que tu as comme boulot à faire.
Public
Je pense que j’en ai beaucoup. Merci beaucoup.
Héloïse
Avec plaisir.
Clémentine
Est-ce qu’il y a une autre question ?
Héloïse
Allez-y, profitez.
Public
Je pense que je suis juste à côté. Vas-y, on enchaîne. Je suis Stéphanie, c’est elle qui posait la question. On va rejoindre celle de Anne et on ne s’est pas concerté ni pour la question ni pour poser la question. J’ai vu passer sur les réseaux sociaux qu’une bonne entente entre les enfants était en grande partie basée sur l’éducation que les parents leur donnent. En partie, tu as déjà répondu aux questions, mais est-ce que tu as d’autres tips que les jeux coopératifs ?
Héloïse
Oui, en fait, c’est vrai que tu as raison de le préciser, j’ai oublié de le dire tout à l’heure, mais effectivement, l’un des facteurs de chance d’avoir une bonne entente dans la fratrie, c’est d’avoir un style d’éducation démocratique. Tu sais, tu as plusieurs styles d’éducation, le style d’éducation autoritaire, c’est le style classico-classique en France, c’est basé sur les punitions, sur les humiliations, les fessées, les claques, enfin c’est le style très autoritaire en France, qui représente une grande partie de la population, et en fait on voit que le style autoritaire va augmenter massivement, la fréquence des conflits, parce qu’en fait, les enfants sont tellement sous stress, sous pression, avec un style autoritaire, que du coup, ils vont être moins tolérants à la frustration, et plus en tension les uns par rapport aux autres, dans la fratrie.
Et le style qui est mis à mettre en évidence, et qui est a privilégier, c’est l’éducation classique, non violente, qu’on appelle le style démocratique, et clairement, c’est le fait de poser un cadre, mais sans violenter les enfants, et dans le respect de leurs besoins, et de leurs personnes, et de leurs droits. Et on voit que ça crée des familles où il y a un meilleur climat, une meilleure coopération et moins de tensions adultes-enfants et moins de tensions entre enfants aussi. Mais c’est challengeant aussi. Clairement, moi le mardi soir je suis autoritaire, mercredi matin je suis démocratique, dimanche soir je suis permissive parce que je travaille. Donc bon, on fait ce qu’on peut quoi. Mais c’est l’idéal, clairement.
Public
Merci.
Héloïse
Je t’en prie.
Clémentine
Alors, est-ce qu’il y a d’autres questions ? J’ai vu là-bas. Est-ce que vous pouvez faire passer le micro ? Est-ce que tu es Linda ? Non, même pas. Il restait une Linda qui avait posé des questions.
Public
Je suis Carole et je voulais écrire hier un mail et je n’ai pas pu le faire. Je suis maman de trois garçons qui ont 2 ans et demi, 4 ans et demi et 6 ans et demi.
Héloïse
Bravo, franchement. Respect.
Public
Ma question est un peu complexe, j’en ai bien conscience. Mon aîné a un TDAH et mon second est ultra sensible. Autant dire que ça ne fait pas bon ménage. Il y a le côté très invasif du plus grand et le côté qu’il faut protéger du moyen.
Héloïse
Bien sûr.
Public
Je voudrais des conseils sur les neuro-atypies. Comment gérer ces neuro-atypies au sein d’une fratrie aussi petite ?
Héloïse
Je connais bien le TDAH pour en avoir un moi-même. Quand un enfant avec un TDAH, et encore puisque c’est un garçon, parce que TDAH chez les garçons, ça peut s’exprimer plus par de l’impulsivité, de l’agressivité physique, je pense que c’est ça. C’est plus moteur en tout cas, les filles ça peut être plus de la rêverie, en tout cas les garçons c’est plus challengeant dans une fratrie. En plus si c’est l’aîné, il va du coup un peu donner le tempo de la fratrie, c’est un peu le chef d’orchestre d’une fratrie, donc ça peut être challengeant un peu les rapports dans la fratrie.
En fait ce qui est intéressant de voir c’est que déjà par rapport à la neuroatypie, dans tous les cas et d’une manière générale pour toutes les fratries, quand on veut améliorer aussi la relation d’une fratrie, l’entente, il faut mettre le paquet sur l’aîné, parce que c’est l’aîné qui donne le tempo de la fratrie. S’il y a un enfant, que vous devez encourager, valoriser, essayer de travailler la relation. C’est vraiment l’aîné, c’est lui, d’ailleurs jusqu’à l’âge adulte, qui va impulser plus la fratrie que le cadet ou le benjamin. Donc du coup, avec un enfant TDAH, tu peux être dans ta relation à lui très challengé, très en difficulté. J’imagine que tu dois avoir des moments très forts où tu te dis mais je ne sortirai jamais.
Le conseil vraiment que je peux te donner, c’est de garder toujours le lien à l’enfant et assurer un maximum de qualité de relation. Le cadre est important de le mettre en place, quand il déborde du cadre, il faut le recadrer. Mais faire en sorte qu’il ne sente pas lésé et qu’il y ait toujours un lien de qualité avec lui. Et après, tu peux travailler avec lui sur comment il est avec son frère, ses sœurs, comment il perçoit ses frères et sœurs. Mais en tout cas, plus tu arriveras à garder la relation avec lui, plus il sera apte, en fait, à aborder sereinement ses frères et sœurs. Je ne sais pas si je suis claire.
Public
Si tout à fait
Héloïse
Tout le système, en fait.
Public
Est-ce que peut-être prendre le biais d’un professionnel pour… je ne sais pas si ca existe des thérapies de fratrie ?
Héloïse
C’est une très bonne idée, pour les enfants qui ont une neuro atypie, quels qu’elles soient, TSA, autisme, TDAH, c’est de faire venir à la maison un éducateur ou une éducatrice spécialisée. Qui est dans le système familial, qui observe les relations, qui arrive à conjuguer les fratries, qui assiste aux conflits par exemple.
Public
C’est très compliqué en tant que parent parfois.
Héloise
En fait on perd pied, c’est très difficile, c’est le handicap, c’est très compliqué. Mais sur le coup, l’éduc-spé à la maison, si elle est vraiment bien formée, elle peut être extrêmement aidante. Et en fait elle va elle-même modeler un peu les comportements de l’aînée à la maison, elle va assister aux conflits, elle pourra donner des astuces.
Et même tout ce qui est, alors ça c’est encore un champ à part qui peut servir à tout le monde cette pièce, tout ce qui est gris de comportement, alors ça paraît très scientifique mais c’est très utile, si vous avez des conflits à la maison qui arrivent souvent, ou alors des comportements d’un de vos enfants qui vous préoccupent, l’aîné ou le cadet, Benjamin, qu’importe, vous notez, enfin je sais pas si vous connaissez les grilles de comportement, ça parle à quelqu’un ou pas ? Non ? Truc de psy, vous êtes pro de la petite enfance c’est ça ? Oui c’est pour ça, elle est dans le domaine. En fait, c’est une grille où, dans une première colonne, c’est hyper utile pour analyser, prendre du recul. Première colonne, on marque le contexte. Quelle heure il était ? Est-ce qu’ils avaient faim ? Pas faim ?
Ils étaient combien dans la pièce ? Deuxième colonne, on va noter qu’est-ce qui s’est passé exactement. Le comportement de l’enfant qui va pas ou le conflit. Donc avec manière hyper opératoire, descriptive. On n’interprète pas du tout. La colonne d’après, on va noter comment nous, adultes, on a réagi. Parce que notre réaction est super importante. Et après, on note comment les enfants ont réagi. Et en fait, à force de faire ça, on va voir que souvent, les conflits arrivent souvent à 18h, avant le moment du repas, du soir. Ça arrive souvent avec les mêmes enfants. Quand on réagit trop fortement, ça augmente les conflits. Il y en a plein dans la soirée après. Donc on apporte de l’objectivité. C’est ce que l’éduc spé fera sans doute à la maison aussi.
Public
Merci.
Héloïse Avec plaisir. Merci.
Clémentine
Est-ce qu’il y a une dernière question ? Ouh là, d’un coup, il y en a plein. Allez, deux dernières. Juste devant et après ici. Tu peux relever la main ? Ouais, OK.
Public
Bonjour, je m’appelle Fanny, et moi, j’ai une question concernant la gestion des conflits des enfants adultes.
Clémentine
Ah ouais ? T’as déjà des enfants adultes ?
Public
Non, mais moi-même, je suis en conflit, donc je suis l’aînée d’une fratrie de 4, et je suis en conflit avec ma soeur, la numéro 2. Et je reproche à mes parents de s’immiscer dans ce conflit. Mais je ne sais pas s’ils le font bien ou pas.
Héloïse
Ça dépend comment ils s’immiscent dedans, en fait. Ça dépend s’ils sont en position de médiateur ou de justicier. C’est pas la bonne position, c’est ça ?
Public
Non, ils sont en justicier, oui.
Héloïse
Ben ouais, c’est ça. En fait, le problème, c’est que, effectivement, c’est vraiment ça. Vraiment, toute la vie, finalement, c’est la même chose. Mais si les parents se positionnent en justicier, mais que les enfants aient 40 ans, 50 ans ou 10 ans, c’est pareil. Ça va augmenter la rivalité, la tension, et du coup distendre un petit peu plus le lien, en fait. Le mieux, ce serait que les parents ne s’investissent pas dans le… Soit ils sont médiateurs, soit ils ne s’immiscent pas dans le conflit, mais c’est dur de les modeler à cet âge-là aussi, je ne sais pas combien d’années ils sont, mais…
Public
Oui, en fait, ils hébergent actuellement ma soeur avec qui je suis en conflit, donc c’est très difficile pour eux, je pense, d’avoir la bonne… Enfin, il n’y a pas de bonne version, mais d’avoir les deux versions, et c’est vrai que moi, je leur reproche ça de… Voilà.
Héloïse
En fait ce qui est fou, c’est qu’à l’âge adulte, nos rivalités qu’on a connues, qu’on a expérimentées en petit, elles rejaillissent en fait, à n’importe quel moment. C’est jamais acquis en fait, et la rivalité, elle demeurera jusqu’à la fin, enfin jusqu’à 70 ans en vrai. Après c’est l’une de miel, nouvellement.
Public
Donc il doivent bosser encore un peu
Héloise
Donc en fait, il faudrait vraiment que les parents… Tu sais quoi, tu vas leur offrir mon livre, je te fais une dédicace pour eux, pour tes parents. Franchement, je pense que même à leur âge, ça va leur être hyper utile. C’est sûr que la situation est déséquilibrée, en fait, de base, donc les rivalités, se réactivent. C’est compliqué. Après, je pense qu’en termes de…
Ce que tu peux faire, c’est parler de tes émotions, mais à part parler de toi, ce que tu ressens et essayer de créer un lien avec ta sœur, si les parents alimentent, c’est plus compliqué.
Public
Ça va passer. Ça va passer, c’est juste que je ne sais pas comment ils doivent réagir.
Clémentine
Ils te restent 35 ans à attendre.
Héloïse
C’est difficile.
Clémentine
Merci beaucoup. Dernière question ici. Est-ce que tu peux relever la main ? C’est toi qui as la dernière question. Et après, on va boire un coup, je vous promets.
Public
Bonsoir, Aude. Moi, c’est aussi une question plutôt en tant qu’adulte. Est-ce qu’il y a des études ou des choses qui ont été vues ? Quand le premier… Enfin, moi, on est trois dans la famille avec mes frères et soeurs. Je suis la seule à avoir des enfants, la première à en avoir. Et est-ce qu’il y a des études, justement, sur les liens adultes ? Moi, je me suis sentie vraiment mise à part, en fait.
Héloïse
Quand t’as eu ton enfant ?
Public
Moi j’ai des enfants, les autres n’en ont pas. Est-ce qu’il y a des choses justement là-dessus qui ont été vues ou pas vues ? Est-ce que ça resserre les liens ?
Héloïse
Non, c’est marrant parce qu’en fait le fait d’avoir un emploi, enfin je suis désolé avec les emplois, mais un emploi justement à temps plein, le fait d’avoir un enfant ou d’être en couple ou d’être marié, ça a tendance à distendre les liens si la personne en face ne vit pas la même chose que toi au même moment en fait. Après, c’est pareil, c’est tendance générale, mais effectivement. Mais par contre, si jamais après, ton frère, ta sœur a un enfant, ça a tendance sans doute à vous rapprocher. Sauf si le style éducatif est trop différent. Auquel cas, tu as les conflits qui vont apparaître. Et des vrais. Mais oui. En tout cas, effectivement, c’est un facteur de distanciation.
Parce que c’est une expérience forte que tu vis, qui est non partagée, et du coup, qui a moins de résonance de l’autre côté. Ouais, c’est fort. Mais c’est pas figé. Vraiment. 70 ans, à 79 ans… Tout de suite, les corsages. Ouais.
Clémentine
Donc on refait une conférence dans 35 ans, et normalement, tout le monde ici devra dire, bon, ça se passe plutôt bien avec mes frères et sœurs. Et maintenant, on doit gérer les conflits de nos enfants qui auront, eux, 35 ans. Exactement, déjà.
Héloïse
Il y a du boulot avant.
Clémentine
Merci infiniment, Héloïse. Est-ce qu’on peut l’applaudir bien fort, s’il vous plaît ?
Héloïse
Merci. Et merci à toi pour tes questions.
Clémentine
Et je voudrais vous remercier infiniment, vraiment, encore une fois, d’être venue ce soir jusqu’ici. Peut-être que vous venez d’un peu plus loin, en Aquitaine, que vous avez pris un bus, un train, peu importe, le vélo, la trottinette. Mais vraiment, ça me touche énormément que vous ayez fait le déplacement jusque ici avec moi ce soir, dans cette froide nuit de février. J’avoue, on aurait pu choisir le mois de mais tu sortais ton livre maintenant, donc on n’a pas trop eu le choix dans la soirée de février. Vraiment, si je m’étais dit il y a 6 ans qu’on pourrait remplir une salle pour parler d’éducation, ce qui n’est pas quelque chose à la mode, de voir qu’il y a aussi des papas ici. Vraiment, j’ai envie de vous remercier de venir, de participer à ce genre d’échange parce que…
On se bat à contre-courant pour vous inclure le plus possible. Même si mon podcast s’appelle La Matrescence et parle à la base de maternité, l’éducation, ça nous concerne toutes et tous. Donc, je suis très touchée de voir que vous êtes là et vous êtes impliquée. Donc, merci. Et maintenant, on va profiter, on va s’amuser et on va avoir le temps de discuter en off. Donc, vous pourrez peut-être poser vos questions à Héloïse. Et la séance de dédicaces, elle est là-bas. Merci encore infiniment. À tout de suite.