Épisode 239 – Les mères, un enjeu politique : comment les défendre au plus haut niveau ?


Dans le cadre du podcasthon qui se déroule du 15 au 21 mars 2025, nous avons choisis de mettre en avant l’ONG Make Mothers Matter et nous en sommes très fiers chez la Matrescence !

Aujourd’hui, on parle d’un sujet essentiel, mais encore trop souvent invisible : la reconnaissance du travail des mères dans notre société. Derrière ce travail quotidien, souvent non rémunéré et pourtant fondamental, se cachent des enjeux de justice sociale, d’égalité et même de politique publique.

Mon invitée du jour, Afaf Abou nouadar, est la numéro 2 de Make Mothers Matter, une ONG internationale qui milite depuis 1947 pour faire entendre la voix des mères auprès des plus hautes instances, comme l’ONU et l’Union Européenne. 

Dans cet épisode, elle nous explique pourquoi il est urgent de reconnaître la valeur du travail des mères, comment la pandémie a aggravé les inégalités, notamment en matière de santé mentale et d’emploi, et pourquoi l’engagement des pères est un levier essentiel pour faire évoluer la situation. On parle aussi des actions concrètes menées par Make Mothers Matter pour faire bouger les lignes, de la nécessité d’adapter le monde du travail aux réalités des parents, et de ce que chacune et chacun d’entre nous peut faire pour soutenir ce combat.

Pour faire un don, c’est par ici.

🗣️ Au programme :

🎙️ Introduction et parcours d’Afaf (00:13 – 09:28)
👥 Rôle et importance de MMM (09:28 – 19:55)
🌍 Enjeux mondiaux et impact sur les mères (19:55 – 29:20)
💼 Défis professionnels et sociétaux pour les mères (29:20 – 38:46)
🚀 Actions et perspectives de MMM (38:46 – 48:26)



TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine

Bonjour Afaf. 

Afaf

Bonjour. 

Clémentine

J’ai ravi de te recevoir au micro de La Matrescence. Je crois savoir que c’est un exercice nouveau pour toi, le podcast. Donc bienvenue dans le monde du podcast. 

Afaf

Merci beaucoup. Et merci à toi de me recevoir. Merci à toi de nous avoir trouvés. Très contente d’être là. 

Clémentine

Alors, pour que les gens comprennent un petit peu qui tu es, parce que les gens adorent quand on écoute un podcast, savoir un petit peu à qui on a affaire. Est-ce que tu peux nous raconter ton parcours ? 

Afaf

Alors il commence à remonter mon parcours. J’ai grandi au Maroc, étudié en France, aux Etats-Unis, reparti au Maroc, revenu en France. Donc plutôt un parcours multiculturel. J’ai commencé par travailler dans le marketing après des études de gestion. Et je pense que très tôt, parce que j’ai aussi grandi dans un pays où les inégalités sont encore malheureusement très, très profondes. J’ai eu envie de travailler dans l’associatif, dans le milieu de la solidarité. Voilà, j’étais très sensible aux enjeux sociaux, assez rapidement. Et donc, j’ai pu m’investir dans une association à Casablanca, que j’ai accompagnée en fait. Il y avait juste les statuts qui étaient déposés et que j’ai monté entièrement avec une équipe. Dans le domaine de l’éducation, des cours de soutien scolaire pour des enfants issus de milieux défavorisés.

Et voilà, j’ai occupé ce poste-là pendant 8 ans, il est devenu énorme, et encore plus énorme depuis que je suis partie, parce qu’il y a aussi une autre personne qui l’a reprise et qui l’a encore fait grandir. Donc voilà, et puis depuis 4 ans je suis revenue en France, avec les mêmes aspirations, même s’il y a moins d’inégalités ici, il y en a quand même. Et là, voilà, j’ai rejoint Make Mother Matter depuis un an. Et sinon, je suis moi-même maman d’un enfant, d’un adolescent de 18 ans. 

Clémentine

Il ne va pas aimer. 

Afaf

Non, il ne va pas du tout aimer. De 18 ans. 

Clémentine

Un jeune adulte. 

Afaf

Un jeune adulte. Oui, par moments, il est adulte. 

Clémentine

C’est un passage. T’as vécu aussi aux Etats-Unis. T’as étudié là-bas ou t’as travaillé ? 

Afaf

Oui, aussi. J’ai étudié, j’ai fait un MBA aux Etats-Unis, mais ça remonte. 

Clémentine

Où ça? 

Afaf

À New York. Et j’ai fait mes études sinon à Paris avant. 

Clémentine

Et tu as étudié le marketing principalement là-bas ? 

Afaf

Oui, j’ai fait de la gestion et puis avec une option marketing en particulier. Et ça m’a beaucoup plu, mon expérience dans le marketing. J’étais plutôt dans les études qualitatives. Il y a une dimension sociologique, psychologique qui m’intéressait beaucoup. Mais bon, au bout d’un moment, j’ai quand même fait le tour et je me suis rendu compte qu’en fait, ce qui m’intéressait là-dedans, c’était plus les gens que faire vendre des produits à des marques. 

Clémentine

Alors tu l’as dit, tu as intégré il y a un peu moins d’un an l’ONG Make Mother Matter, donc MMM, les trois M. Comment est-ce que tu es venue à t’investir dans une ONG ? 

Afaf

Comme je te disais déjà, par aspiration personnelle et puis quand je cherchais un emploi en arrivant, Je suis tombée sur Make Mother Matter et j’ai tout de suite été séduite pour le sujet. Comme on disait tout à l’heure, je ne pensais même pas que ça pouvait exister, une association qui ne s’occupait que des mères. J’ai été très agréablement surprise que quelqu’un ait eu cette envie et cette idée. Parce que vraiment, c’est un sujet qui est omniprésent et en même temps absolument impensé. Je veux dire, on connaît tous des mères, on a tous des mères. Et pourtant, on n’en parle jamais. Donc ça, ça m’a intéressée. Le côté plaidoyer m’a beaucoup parlé. Je venais du terrain plutôt. Et là, j’avais vraiment envie de toucher à cette autre brique qui est aussi essentielle. Parce que le terrain, c’est très, très bien. Il faut en faire.

Mais il est sans fin si on n’adresse pas le problème à la racine. Et donc, c’est un autre métier. C’est vrai que c’est plus long, on en parlera peut-être après, mais en tout cas c’est essentiel aussi. 

Clémentine

Et donc l’ONG, pour plein de gens une ONG c’est un concept un peu nébuleux, on ne voit pas trop à quoi ça sert, ce que c’est. Est-ce que tu peux nous raconter pourquoi ça a été créé cette ONG ? Make Mother Matters, parce que ça ne fait pas un an que ça a été créé, ça fait un petit moment déjà. Et qu’est-ce que vous défendez au quotidien ? 

Afaf

Alors, ça a été créé effectivement en 1947 et ça s’appelait le Mouvement Mondial des Mères. C’était un mouvement qui est né à l’UNESCO, qui a réuni toutes les mères après la guerre parce qu’elles estimaient qu’elles avaient un rôle et des choses à apporter à la société. Donc, tu vois, elles-mêmes s’étaient déjà mis dans cette… Avaient pensé leur… Tout ce qu’elles pouvaient apporter, tout ce qu’elles peuvent soutenir dans l’éducation, évidemment en première éducatrice des enfants, donc la société demain, mais tout ce qu’elles portent en elles et qui peut être utile. Et puis voilà, ça a évolué, le féminisme est passé par là, etc. Et depuis 2014, en fait, on a changé le nom et maintenant c’est Make Mother Matter. Et donc c’est une ONG qui est à l’international. On agit auprès des instances internationales de décision, à savoir l’ONU, l’UNESCO et l’Union européenne.

Et puis aussi au niveau national dans certains pays, en France et en Belgique. Après, il faut beaucoup de ressources humaines pour aller partout. Mais en agissant quand même, très haut, on peut aussi toucher. Quand une directive est votée en Europe, c’est 450 millions de personnes qui sont touchées à la fois. 

Clémentine

Donc toi au quotidien, ton travail est plus basé à Bruxelles ou à Genève ou à Paris? 

Afaf

Moi il est plus à Paris parce qu’en fait je dirige l’association et donc il y a plusieurs volets. Il y a évidemment le plaidoyer mais il y a des équipes qui s’occupent que de ça en permanence et qui sont elles basées à Bruxelles, à Genève, à New York. À Paris pour l’UNESCO. Moi, je m’occupe aussi du reste, du management, de la com, de la levée de fonds, des financements, de la recherche de financements. Et je ne sais plus quelle était ta question.

Clémentine

Non, si tu devais passer beaucoup de temps aux instances du coup, puisque à Genève il y a l’ONU, à Bruxelles il y a le Parlement européen. 

Afaf

Alors je n’y passe pas tout mon temps parce que comme je disais il y a des équipes, mais par exemple récemment je suis allée à Genève où j’ai été invitée par l’ONU Femmes et le Bureau international du travail. Pour célébrer la journée internationale du CARE. Et comme nous, c’est quand même notre cheval de bataille, le travail du CARE non rémunéré, tant mieux, on est repéré pour ça, on a été invité. Et donc je suis encore allée rappeler son importance et l’importance de le reconnaître. 

Clémentine

On va en parler bien plus longuement dans quelques instants. Mais juste pour que les gens comprennent parce que vraiment là on est dans un travail d’éducation à la compréhension à ce que c’est une ONG, à quoi ça sert au quotidien et pourquoi c’est important notamment pour les mères. Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi on a besoin d’une ONG telle que MMM pour faire du lobbying et défendre les mères ? Parce que le mot lobbying fait peur en France. 

Afaf

Oui absolument. Alors d’ailleurs nous on l’appelle pas lobbying, on l’appelle plaidoyer. C’est le mot qui est utilisé dans le milieu associatif beaucoup ou advocacy. Pourquoi est-ce qu’on a besoin d’une ONG comme MMM ? Parce qu’en fait, à cause des normes encore, des normes de genre qui sont encore très fortes, et où la femme est essentialisée, en tout cas, elle a été essentialisée en tant que mère. Aujourd’hui, on est passé aussi par le rejet de la maternité. Maintenant, on revient à quelque chose entre les deux. Et du coup, c’est un mot qui est presque tabou, qui n’est jamais utilisé dans les institutions internationales. 

Clémentine

Le mot mère ? 

Afaf

Oui, on trouve le mot femme, évidemment. Mais jamais le mot mère. Et comme si c’était ce que je te disais, un peu un impensé, un peu un tabou. Parce qu’aussi, on a besoin d’une ONG comme celle-là parce que le rôle de la mère a changé. Évidemment, on a plusieurs rôles aujourd’hui et le monde autour n’a pas changé. C’est-à-dire qu’on est passé de mère au foyer ne travaillant pas à des mères qui travaillent. C’est ce qu’ils appellent le double shift ou la double journée des mères. Mais rien autour n’a évolué, ni les politiques publiques, ni le rôle des pères, par exemple, même si ça commence à changer heureusement, ni la société, ni le monde du travail, évidemment. Donc oui, on a besoin de rappeler qu’on est là et qu’on ne peut pas tout porter.

Et puis parce qu’on est aussi, nous les mères, je pense qu’on a tendance à beaucoup prendre sur nous, à trouver ça normal aussi de tout porter. Et puis il y a beaucoup d’injonctions en fait sur les mères. On doit être une mère parfaite, une professionnelle parfaite, une conjointe parfaite. Et on l’a intériorisé. Et en fait, ça a quelques impacts quand même sur la santé physique et la santé mentale des mères. Et je ne parle pas ici que de la France, je parle aussi du monde entier et le rôle des mères est encore plus difficile dans certains pays. Parce qu’on doit encore aujourd’hui faire des choix entre une carrière et s’occuper de ses enfants. Comme si c’était quelque chose de nouveau. Mais je veux dire, avoir des enfants, tout le monde en a toujours eu.

Et je vois pas pourquoi est-ce qu’on pourrait avoir à choisir. Je veux dire, les pères ne choisissent pas. Parce que tous les choix qu’on fait ont des conséquences que des fois c’est très pénalisant sur la carrière, sur la participation au marché du travail, sur les salaires, les retraites. Tout ça, ça a un impact. Donc il faut aussi le rappeler. Être mère au foyer aujourd’hui, c’est quand même pas du tout valorisé. Or, il y a des femmes qui ont envie de s’occuper de leurs enfants. Et ça aussi, il faut le rappeler. Elles devraient pouvoir avoir le choix, en tout cas. Et puis enfin, parce que ce dont on parlait avant, que ce travail du CARE, le travail non rémunéré, il n’est toujours pas reconnu, pas valorisé et pas distribué. Et ça, on le rappelle tous les jours. 

Clémentine

Pourquoi est-ce que, je parle en France mais je pense que c’est un ressenti universel, on a du mal à faire valoir notre force en tant que mère et à se considérer comme une entité politique à part entière qui a du poids ? 

Afaf

Alors tu as raison, je crois que c’est pas propre à la France. Parce que autant les mères sont différentes, autant elles ont aussi beaucoup de choses en commun. Et c’est ce que je disais tout à l’heure en fait, c’est que les normes de genre sont tellement puissantes que… Qu’en fait, on n’a pas, nous, le sentiment que l’on porte beaucoup. On culpabilise, on a envie de bien faire. Et on n’a pas pris conscience, en fait, que ce qu’on fait a de l’importance. Après, les pères aussi, ils peuvent le faire. Mais là, je trouve quand même que c’est encore beaucoup les mères qui le portent, que c’est important, que ce n’est pas simple. Et oui, on ne se rend pas compte de tout ce qu’on peut apporter à la société. Et je pense qu’on ne s’est pas organisé, enfin voilà, on n’en prend pas conscience.

Chaque mère toute seule est dans sa sphère privée, dans sa sphère familiale et se dit pas mais c’est quand même bien ce que je fais. On n’a pas envie d’être des héroïnes, mais juste reconnue pour ce qu’on fait. Et ça, on ne l’a pas encore. Et puis peut-être aussi quelque chose de plus français cette fois-ci, c’est que peut-être, oui, comme je disais tout à l’heure aussi, la famille, la mère, ça fait aussi référence à des valeurs conservatrices. Et je pense qu’on a encore un petit peu de mal, peut-être en France, à parler de ça. L’image de la mère au foyer, etc. Dès qu’on parle de mère, en fait, on pense qu’on pense à la mère qui est à la maison, qui s’occupe de ses enfants, qui fait des tartes. Et peut-être que ça aussi, ça biaise un peu la lecture. 

Clémentine

Donc on ne la voit pas comme une mère qui peut lutter, qui peut avoir du pouvoir, qui peut changer le monde, qui pourrait avoir un impact sur la société en fait. C’est ça que tu dis ? 

Afaf

Oui, c’est que comme je disais, en fait, on a encore du mal à dire le mot mère. Donc c’est la femme. Qui est aussi mère. Et oui, c’est une réalité, c’est une femme qui est mère. Mais sauf qu’il y a quand même une espèce d’intersectionnalité et les chiffres le montrent. Quand tu es mère, ce n’est pas la même chose que quand tu es une femme sans enfant. Au niveau, par exemple, de ta progression dans ta carrière, il y a une grande différence. 

Clémentine

Comment est-ce que MMM travaille pour faire entendre la voix des mères auprès des instances institutionnelles et associatives ? C’est-à-dire comment vous mettez en valeur ce sujet-là et est-ce que vous êtes entendus ? 

Afaf

Oui, heureusement qu’on est entendus. Je te disais tout à l’heure qu’on est régulièrement invité sur nos sujets, sachant qu’on est la seule ONG dans le monde spécialisée et qui ne parle que des mères. Alors c’est vraiment le travail de plaidoyer dont je te parlais tout à l’heure, qui est vraiment un moteur silencieux, qui est là pour apporter du changement systémique. Et donc comment on travaille ? On est constamment dans les instances, on répond, on propose, on répond à des contributions orales, écrites, à l’ONU, à l’Union Européenne, à l’UNESCO, on initie aussi, on rencontre les députés européens, les commissaires, on lance nos sujets, on répète beaucoup aussi, pour être écoutés. En fait, c’est vrai que les gens ne se rendent pas compte de l’importance de ce travail-là et pensent que les choses changent du jour au lendemain ou que les changements se font de manière spontanée.

Mais évidemment, ce n’est jamais vrai. Toutes les grandes lois qui ont changé le monde, je ne sais pas, l’abolition de la peine de mort ou le droit de vote des femmes, ce n’est pas né en une journée. C’est des décennies de travail, d’ONG, de militants, de chercheurs, de journalistes. Donc, c’est un travail vraiment de longue haleine, mais nécessaire. Et puis, on est toujours très contentes quand on voit les résultats. Et il y en a. Mais pour te dire que, par exemple, introduire le mot mère dans les textes de l’ONU, c’est une bataille et on a réussi à la gagner. Mais ça a été un travail. 

Clémentine

Même à l’ONU, parce qu’on pourrait se dire, allez, dans le Parlement européen, des endroits qui sont un peu plus conservatrices, comparé à l’ONU. 

Afaf

Oui, on va parler de femmes, mais pas de mères. 

Clémentine

Pour quelles raisons tu penses ? Pourquoi c’est un impensé dans ces structures-là ? 

Afaf

Je t’avoue que c’est dur de comprendre. Parce que peut-être aussi que, voilà, on ne veut pas séparer les groupes non plus les femmes des mères mais je trouve que c’est une erreur parce que… 

Clémentine

L’un n’empêche pas l’autre. 

Afaf

Oui absolument. 

Clémentine

On n’est pas en lutte les unes contre les autres. 

Afaf

Pas du tout, pas du tout. Et on respecte tous les choix évidemment. Donc voilà. Et puis nous, on a choisi quand même ce sujet-là puisqu’on nous dit aussi, mais pourquoi les mères et pas les pères ? Mais si, les pères aussi. Mais nous, on parle des mères, mais on invite les pères. 

Clémentine

Créez le MFM. 

Afaf

Donc voilà, on participe à des événements, on organise des événements, on forme des alliances, des coalitions. On participe à des projets européens où on va toujours introduire la vision plus spécifique des mères. Et puis, nous, on a un réseau de 50 associations dans le monde, des associations de terrain, là, pour le coup, qui nous font remonter le vécu, les expériences des mères, les besoins, les attentes, les bonnes initiatives aussi qui sont portées ou développées dans certains pays. Et on représente en fait aussi toutes ces mères-là du monde entier auprès de ces instances-là. Et on les met en avant, on partage leur travail. Ça a toujours beaucoup d’impact parce que, étonnamment, dans ces sphères, on est un peu loin aussi du quotidien, du réel et du vécu.

Et donc voilà, à la fois du plaidoyer, à la fois représenter d’autres associations et à la fois mobiliser. Ça, c’est notre travail aujourd’hui. C’est plus mobiliser les mères autour de nous, toutes les mères, pour justement prendre cette place dont tu parlais tout à l’heure. C’est toute notre place au niveau de la vie citoyenne. 

Clémentine

Est-ce que tu as une idée d’exemple d’impact que vous avez pu avoir ? Je me posais la question, est-ce que vous pouvez faire changer une loi ? Est-ce que vous pouvez avoir une incidence, une influence ? Comment ça se passe ? C’est au niveau européen, pas français ? 

Afaf

C’est au niveau européen, ça peut être au niveau français quand c’est possible. Mais en tout cas, on participe aussi au niveau français. L’équipe qui s’occupe de la France est invitée, auditionnée par le Sénat régulièrement ou par le Parlement. Alors, comment on influence ? En fait, évidemment, ce n’est pas un travail qu’on fait seul, jamais, mais on contribue largement. Par exemple, la directive conciliation vie personnelle, vie professionnelle, qui a été adoptée à l’Union européenne en 2019, MMM y a largement contribué. Et donc, elle a été adoptée. Ça veut dire que les pays membres doivent l’implémenter. Et c’est tout ce qui concernait le congé paternité, le congé parental, l’aménagement du temps de travail. Et donc ça, c’est une vraie réussite. On a beaucoup milité pour ça.

La directive sur la transparence des rémunérations qui a été adoptée aussi en 2023, qui doit aussi être transposée dans les pays en 2026 et qu’on va veiller aussi. On fait ça aussi. On moniteur pour voir ce que ça a été transposé et implémenté parce qu’il y a des choses qui sont votées. 

Clémentine

Qui ne passent pas, qui passent à la trappe. 

Afaf

Les pays ont peu aussi peuvent adapter et donc on peut revenir derrière. Et ça, cette dernière directive sur la transparence des rémunérations, qui vise donc à promouvoir l’égalité salariale dans tous les pays et la transparence surtout, on va en voir les résultats bientôt. Récemment, très récemment, en 2024, en juin 2024, il y a une résolution, la première résolution sur le CARE qui a été adoptée à l’ONU. Et ça, c’est vraiment… On a beaucoup travaillé dessus. Pas les seuls, évidemment, mais… Et qui reconnaît enfin l’importance pour la société de ce qu’on appelle le CARE et de l’importance de le valoriser, de mettre en place des politiques publiques pour le soutenir. C’est parce que c’est encore un travail, évidemment, qui est porté essentiellement par les femmes, que ce soit du… Qu’il soit rémunéré ou non rémunéré. 

Clémentine

Juste pour préciser, le CARE, c’est le prendre soin de l’autre. Ça peut être dans le milieu médical ou comme métier. Et donc c’est majoritairement des femmes qui sont en charge du CARE dans les sociétés industrielles. 

Afaf

Et c’est des métiers qui sont évidemment très mal rémunérés, pas reconnus du tout et occupés par des femmes. 

Clémentine

Et donc quand là vous allez militer auprès de l’ONU sur ça, sur ce travail du CARE, qui est un travail essentiel puisque c’est un travail invisibilisé, qui soi-disant coule de soi et repose sur les épaules des femmes, est-ce que vous êtes entendue ? Est-ce que c’est compliqué ? Est-ce que c’est encore un impensé ? Parce que ça sert, mine de rien, à une partie de la population qui n’a pas à le faire. Comment c’est reçu ? 

Afaf

On est la variable d’ajustement. 

Clémentine

C’est un mot que je sors tellement souvent dans mon foyer.

Afaf

Les femmes, effectivement, en plus dans certains pays, c’est un travail énorme et rentant. Qui est à la croisée des enjeux environnementaux, sociaux, sociétaux, aller chercher de l’eau ou aller chercher du bois ou s’occuper de ses enfants. Tout ça, ce sont les femmes qui le font. 

Clémentine

Parce que oui, je disais que c’est un travail du CARE dans les sociétés industrielles où c’est rémunéré parce que quand même, nous, on a au moins une partie de rémunération si on prend le soin. Mais il y a plein de sociétés dans lesquelles les femmes font un travail invisible gratos pour tout le monde. Comme tu disais, elles cherchaient l’eau. 

Afaf

Ici aussi, il y a le travail invisible à la maison avec les enfants. 

Clémentine

Mais là, on est même sur de la survie de la société. 

Afaf

Absolument, absolument. Et est-ce qu’on est écouté ? Oui, parce que heureusement, on n’est pas les seuls à en parler. Aujourd’hui, c’est quand même un sujet qui prend de plus en plus de place. Je t’avoue qu’il y a 15 ans, de ce que me disent les équipes qui sont là, c’était un sujet dont personne ne parlait. Donc, tu vois, ça avance lentement, certes, mais ça avance. Et à l’ONU, c’est des résolutions, donc il n’y a pas de loi derrière, forcément. En revanche, c’est mettre des sujets au centre du débat. Aujourd’hui, on parle du CARE. C’est façonner aussi le langage et éveiller les consciences, autour de certaines notions, dont celle-ci. Et même si ça prend du temps, oui, on est écouté. 

Clémentine

Parce qu’au final, quand ça arrive à l’ONU, c’est quand même une institution, c’est quand même un endroit qui est respecté. Donc derrière les gouvernements, en tout cas la société en général, se dit que si l’ONU est en train de passer des résolutions ou de s’en occuper, c’est que Potentiellement dans pas longtemps, ça va arriver. 

Afaf

Oui, exactement. Et puis ils signent ces résolutions. 

Clémentine

Oui, bien sûr. Les pays sont obligés. 

Afaf

Alors, obligés, non, mais en tout cas, ils signent. Donc ça aussi, on peut quand même aller les voir. Il nous est arrivé d’aller voir certains pays pour leur dire vous avez signé et là, vous n’avez pas du tout respecté vos engagements. On ne peut pas les forcer, mais en tout cas on peut alerter. C’est vraiment mettre la lumière sur les sujets qu’on pense importants. Et puis ce travail, de toute façon, il est vraiment à la racine de toutes les inégalités. C’est pour ça qu’il est central pour nous. Parce qu’en fait, quand on décortique ce travail non rémunéré des mères, c’est à cause de ça que dans de nombreux pays, il y a un impact économique énorme pour les femmes, parce que c’est du temps où elles ne travaillent pas.

C’est du temps où elles ne peuvent pas chercher, elles ne peuvent pas avancer au niveau de leur carrière. C’est du temps aussi où elles ne peuvent même pas aller à l’école dans certains pays où on estime que, de toute façon, c’est leur rôle. Donc, elles n’ont pas besoin d’aller à l’école. Ça perpétue complètement les inégalités de genre et les stéréotypes d’une génération à l’autre. Donc, ça ne fait pas avancer du tout ce sujet-là. Ça réduit aussi les interactions sociales. Les mères sont enfermées, encore plus dans certains pays. Comme je disais, on parle du monde entier. Et puis, ça a un impact énorme sur la santé de ces femmes, que ce soit physique ou mentale. On va bientôt sortir une étude qu’on a menée auprès de 10 000 mères européennes.

Et on mesure l’impact sur la santé mentale de tout ce travail que les mères effectuent, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur. Et on a quand même 50% des femmes de notre échantillon qui nous disent qu’elles souffrent de problèmes de santé mentale. C’est énorme. C’est énorme. Et encore aujourd’hui, et en Europe. Et des jeunes mères, comme des plus âgées… 

Clémentine

Une femme sur deux, une mère sur deux… 

Afaf

Déclare avoir eu, soit souffrir d’anxiété, soit de dépression, soit de burn-out, soit les deux à la fois ou les trois à la fois. 

Clémentine

On a la comparaison avec des pères, par exemple ? 

Afaf

Non, hélas, on n’a pas d’études, on n’a pas fait notre enquête sur les pères, mais c’est vrai qu’on s’est posé la question et puis j’espère que la prochaine fois, on pourra le faire. Mais oui, ce serait bien de voir. Après, il y a des chiffres, je pense, qui existent et c’est un petit peu moins quand même. 

Clémentine

Est-ce que depuis 2019, 2020, le Covid, l’enfermement des familles dans leur sphère intime où là, il y a eu une explosion des inégalités, où on le sait, ça a accentué le travail du CARE et en tout cas des mères qui ont essayé d’ajuster leur vie, de leur vie pro et la vie à la maison. Est-ce qu’il y a un peu plus de recherche ou en tout cas de d’envie de contribuer à réduire ces inégalités au sein du foyer parce qu’on en a un peu plus pris conscience ? Tu sens un changement depuis cette ère-là ? 

Afaf

Toujours dans notre étude, on sent quand même que la jeune génération participe un peu plus, les jeunes pères participent un peu plus. C’est vrai que le sujet quand même a été un peu plus central, encore plus depuis le Covid. Mais c’est changer des mentalités en fait, c’est changer des pratiques, c’est changer des comportements, donc c’est long. On va dans le bon sens, mais c’est encore long. 

Clémentine

Ça ne peut pas prendre 3-4 ans. 

Afaf

Ça ne peut pas prendre 3-4 ans ? Oui. 

Clémentine

C’est une génération, c’est ça ? 

Afaf

Oui. Oui. Mais voilà, on voit une petite différence en tout cas dans les pays européens, au sein en tout cas du foyer, des hommes qui participent beaucoup plus, qui s’occupent de leurs enfants, qui ont envie. Et puis on continue à les inviter parce que c’est… C’est très beau, c’est très riche. C’est intéressant. Pour l’enfant, pour son développement, c’est important aussi. C’est un travail de longue haleine. 

Clémentine

Est-ce que tu as la sensation que parfois la connotation autour du mot mère est assez péjorative ? Négative mais plus où on n’est pas prise au sérieux ? Tu le ressens ou est-ce que ça a changé cette vision-là de la maternité ? 

Afaf

Je ne sais pas si on n’est pas prise au sérieux, c’est que je pense que les gens ne s’en rendent pas compte, en fait. C’est juste qu’on ne se rend pas compte de tout ce qu’on fait. Mais même ce qu’on disait, même nous, je ne suis même pas sûre qu’on se rende compte de tout ce qu’on fait. Je ne pense pas qu’il y ait de malveillance, c’est juste que… Ça s’est fait comme ça. Et en fait, la société… Attends, nous, on a eu une enquête où il y a quelqu’un qui a dit une phrase qu’on utilise souvent et qui est très parlante. La société souhaite que les mères travaillent comme si elles n’avaient pas d’enfants et que les mères s’occupent de leurs enfants comme si elles ne travaillaient pas. Et on la trouve très vraie. Et effectivement, je pense que c’est normal. 

Clémentine

Cette phrase est beaucoup sur les réseaux sociaux depuis quelques années. Elle illustre tellement le paradoxe, les attentes envers nous. 

Afaf

Quand tu reviens au travail, c’est comme si rien ne s’était passé. Tu dois reprendre ton poste exactement de la même manière, travailler de la même manière. 

Clémentine

Oui, comme tu dis, c’est un impensé alors que notre monde vient de changer radicalement. 

Afaf

Il n’y a rien à aménager. Oui, c’est quand même assez incroyable. Mais je t’avoue que je suis la première à le réaliser aussi. Et même quand moi j’ai eu mon enfant, je ne me suis même pas rendu compte, par exemple, que j’étais en dépression post-partum. Alors que je voyais bien que je n’allais pas bien, mais je me disais bon, c’est juste la fatigue, s’occuper d’un enfant, la responsabilité, la transformation, etc. Et reprendre le travail, ça a été super dur. Et j’ai même, j’ai vraiment pas réussi. D’ailleurs, j’ai tenu une année et puis je me suis de nouveau réarrêtée parce que c’était trop difficile d’allier les deux. Et après, chaque mère est différente. Mais en tout cas, même moi, je ne me suis pas dit, c’est parce qu’il s’est passé quand même quelque chose d’énorme là. Et puis j’ai eu tendance à me dire que c’était de ma faute. 

Clémentine

Classique. 

Afaf

Voilà. On est très forte pour ça. 

Clémentine

Quand je te posais cette question de la vision un peu péjorative des mères, c’est que parfois on est relayé, comme tu disais, on a un imaginaire de la mère qui s’occupe du foyer, qui gère ses petites affaires dans la vie intime, dans la sphère familiale, mais qui ne peut pas avoir ce pouvoir à l’extérieur, qui ne peut pas avoir d’impact. Est-ce que tu vois dans des sociétés qui sont quand même très patriarcales, on n’a pas senti, on est encore dirigé par des générations qui n’ont pas évolué avec des femmes qui étaient indépendantes parce que juste déjà, elles n’avaient pas le droit ni d’avoir un compte en manque ou de divorcer quand elles le voulaient. Est-ce que tu sens quand même qu’il y a une vision qui change de ça ? 

Afaf

Oui, oui, ça change. Ça commence à changer. Je te disais, oui, effectivement, il y a encore quelque chose de péjoratif qui peut être attaché à ces mots-là. Mais ça dépend des pays aussi. Par exemple, je vois qu’en Royaume-Uni, il y a quand même beaucoup de mères qui se mobilisent. Il y a des mouvements de mères qui prennent la parole, qui font des marches, des campagnes. Si, les choses commencent vraiment à changer et je pense qu’on est sur la bonne voie. Il y a des initiatives comme la tienne. C’est quand même des sujets qui prennent de plus en plus de place. On parle de charge mentale, on parle de conciliation vie professionnelle, vie personnelle, de… Oui, je pense qu’on… Ça bouge. 

Clémentine

Est-ce que les Pays du Nord sont des meilleurs élèves sur ces sujets-là ? Est-ce que tu le vois ? 

Afaf

Alors oui, sur certains aspects, oui. Sur d’autres, encore une fois, dans notre étude, pas forcément. Sur quoi, par exemple ? Alors, les résultats ne sont pas encore sortis. 

Clémentine

Parce qu’on les prend beaucoup en exemple. 

Afaf

Sur la santé mentale, pas forcément. Pas les meilleurs non plus. Peut-être qu’il y a d’autres paramètres. 

Clémentine

Il fait nuit tôt chez eux. 

Afaf

Il y a plein de paramètres différents. Je veux dire, c’est multifactoriel. Mais en tout cas, nous n’en avons pas toujours. Et même chez eux, il y a encore quand même des inégalités de genre. Mais je pense qu’on va… Et puis je crois que les femmes aussi, les jeunes mères sont différentes. De toute façon qu’il va falloir faire avec. Et la société va devoir s’adapter parce qu’elle n’aura pas le choix. 

Clémentine

Oui, parce qu’on revendique plus de choses aujourd’hui. 

Afaf

On revendique plus de choses. 

Clémentine

On a accès à plus d’informations. 

Afaf

Absolument. Il y en a qui n’ont plus envie d’avoir d’enfants aujourd’hui. En tout cas, la question se pose parce qu’elle envoie aussi le coup. Donc tout ça va faire qu’on va être obligé de bouger. 

Clémentine

C’est vrai que souvent, en France, on a utilisé un terme un peu particulier de réarmement démographique par le président de la République pour avoir fait des calls avec des gens au gouvernement pour essayer de comprendre pourquoi est-ce qu’aujourd’hui il y a plus de femmes qui admettent ne pas vouloir d’enfants, qui sont dans cette logique-là. Il n’y a pas que le volet écologique. Moi j’étais assez frappée de voir qu’ils réalisaient pas que pour plein de femmes de ma génération ou comme nous qui travaillons, il y a aussi des inégalités de genre qui jouent, c’est-à-dire dans nos couples on se rend bien compte de la pénalité de devenir mère et qu’aujourd’hui on n’a plus envie d’accepter ça.

Il y a évidemment le fait que c’est difficile de trouver des places en crèche, qu’il y a un aspect économique, il y a plein, mais il y a tout ce volet-là de se dire mais moi, je n’ai pas envie devoir subir la maternité et que ça me ralentisse. Et je crois que pour l’instant, ça, c’est un impensé des politiques publiques. 

Afaf

Oui, complètement. Et évidemment, il y a des études qui le montrent, il y a de la recherche qui montre ce dont tu parles, la pénalité. Les stats sont claires, le coût d’être mère. Toujours dans les études, t’as au moins 50% des mères qui changent leur rythme de travail. Donc, ça veut dire moins bien, moins payé. En plus, il se trouve que le travail à temps partiel, c’est pas toujours des postes très valorisés, ni bien rémunérés. Donc oui, ça a un coût, ça te ralentit. Et quand tu as fait ça pendant 5 ans et que tu veux revenir sur le marché du travail, soit on dit que t’as été inactive, soit tu dois recommencer dès le départ. Enfin, les deux d’ailleurs. Donc oui, beaucoup de jeunes femmes n’ont pas envie de porter ça toutes seules.

Oui, c’est pour ça que je te dis que je pense que les hommes… Nous on dit tout le temps qu’on est allé sur le terrain des hommes depuis longtemps maintenant, enfin depuis, ces 50 dernières années on va dire. Et on les appelle à venir sur notre terrain aussi, à la maison et avec les enfants. Et voilà que c’est un voyage intéressant aussi. 

Clémentine

C’est tellement fort ce que tu dis parce qu’on passe notre vie, je pense si vous êtes une femme, vous écoutez à à s’adapter au monde des hommes sans le réaliser. Je pense qu’aujourd’hui, on commence à prendre conscience de ça et que le voyage inverse est très rarement fait. Les hommes passent jamais de temps à essayer de s’adapter à nous, essayer de nous comprendre et essayer de voir ce que c’est, la réalité. Et est-ce que ça, à travers MMM ou à travers d’autres projets qui sont mis en place, Comment on fait en fait ? 

Afaf

C’est vrai qu’on est allés sur ce qu’on appelle la redistribution de ce travail du CARE, qui doit être redistribué effectivement et pris en charge par les pouvoirs publics, mais aussi dans la sphère familiale. Il est redistribué, on a les grands-parents, on a l’aide familiale, mais on appelle les pères. 

Clémentine

À un moment, ils sont peu au centre. 

Afaf

Oui, un petit peu. Mais moi, je vois qu’ils commencent quand même un petit peu à le réaliser. Alors pas partout, pas tout le temps. Mais c’est vrai que oui, ni le monde du travail ne s’adapte alors que pourtant, il y a évidemment un changement de rythme tout de suite. Quand tu deviens mère, ta vie change complètement. Et que c’est en plus, ce n’est pas pour la vie. C’est juste des moments où il faut que la société comprenne. C’est une dizaine d’années peut-être, une douzaine selon les mères. Et que la vie professionnelle, elle dure 40 ans. On a le temps et de travailler et de s’occuper de nos familles si on en a envie. Et tout ça peut se faire de manière harmonieuse sans qu’on ait à le payer. 

Clémentine

Et de toute façon, si on n’adapte pas le monde du travail ni aux femmes, mais surtout aux pères, c’est-à-dire qu’on ne les extrait pas un petit peu de ce monde du travail pour venir dans la sphère familiale, on ne réglera aucune inégalité. 

Afaf

Absolument, le congé paternité est pour ça essentiel. Essentiel et il faut qu’il soit long, enfin un peu plus long qu’il ne l’est aujourd’hui. 

Clémentine

Non, je pense que tout le monde est d’accord. Ce qui est toujours hallucinant de se dire qu’on sait ce qu’il faut faire, mais on y va, on freine des quatre fers pour le faire. 

Afaf

Tout l’importance, oui, qu’on en prenne toute conscience et qu’on s’organise aussi et qu’on se mobilise. 

Clémentine

Est-ce que tu arriverais à voir l’impact que ça a, MMM, dans la vie de tous les jours ? Est-ce que c’est plus au niveau européen ? Vous êtes MMM en France, mais il y en a évidemment dans d’autres pays. 

Afaf

C’est au niveau européen, mais comme je disais tout à l’heure, dès qu’il y a une directive qui est adoptée, elle a un impact sur tous les pays membres. Comme je le citais tout à l’heure, le congé parental ou le congé paternité, c’est de l’impact tous les jours. Demander un aménagement du temps de travail, c’est de l’impact au quotidien. Après, on peut aller beaucoup plus loin et on veut aller beaucoup plus loin. On se dit que ce serait vraiment très bien si, par exemple, toutes ces compétences que tu développes quand tu deviens mère étaient valorisées, que tu pouvais les mettre sur un CV, par exemple, et qu’on pense pas que tu n’as rien fait et que, bien au contraire, c’est des compétences qu’on peut vraiment utiliser dans le monde du travail. On aimerait bien qu’il y ait aussi. 

De la mise à jour des compétences quand tu t’es arrêté pendant cinq ans et que tu veux reprendre le travail et qu’il y a des dispositifs pour rerentrer facilement, sortir et rerentrer facilement dans le monde du travail. Quand on rêve, on se dit ce serait bien un statut de parent, par exemple, qui te donnerait des droits à la retraite, par exemple, que tout ça soit comptabilisé dans la retraite. Bon, on peut aller assez loin, continuer. Et un statut de parent, ça pourrait être aussi pour les pères, évidemment. 

Clémentine

Est-ce que là, il y a d’autres choses qui vont arriver sur lesquelles vous êtes en train de vous battre maintenant ? De faire des plaidoyers ?

Afaf

Oui, on travaille beaucoup sur la santé mentale en ce moment quand même parce qu’on en a parlé, on se rend compte de l’impact et pareil, de la même manière, la dépression postpartum, c’est aussi quelque chose qui n’est quand même pas encore bien pris en charge. En France, il y a des choses, mais encore très incomplètes. Ailleurs, il n’y a rien du tout. C’est quand même une phase qui peut être très difficile ou avec des chiffres qui peuvent être alarmants. C’est quand même une femme sur cinq. Ça passe sous les radars encore. 

Clémentine

Aussi on le dit maintenant un petit peu plus haut, la première cause de mortalité postpartum est le suicide chez les mères. 

Afaf

Oui, ce n’est pas rien. Donc on travaille beaucoup sur ça, on continue évidemment à travailler sur le unpaid care work. 

Clémentine

Et ça ce serait pourquoi ? Pour que ce soit payé ? 

Afaf

Non. 

Clémentine

Ou pour que ce soit redistribué du coup. 

Afaf

Pas payé mais valorisé. Valorisé par, comme je disais, si c’est compté comme du temps de travail pour ensuite avoir une retraite ou utilisé comme compétence après, ça c’est de la valorisation. Et reconnu au moins. Au moins reconnu qu’on nous dise pas qu’on fait rien. Que ça compte pas. Pendant le Covid, on s’est rendu compte que c’est tout ce qui comptait. 

Clémentine

Mais on a vite oublié depuis. Oui, c’était il y a bientôt cinq ans. 

Afaf

Et que ça n’a pas de sens une société où… Je veux dire, c’est le CARE qui fait de nous, qui est notre humanité. Si ça, ça disparaît… C’est pas le PIB qui est important. C’est tout ce travail-là qu’on fait les uns pour les autres. 

Clémentine

Nous sommes des êtres sociaux, les êtres humains. On a besoin. 

Afaf

Et puis en plus dans un contexte où t’as une population vieillissante dans le monde entier, où il va y avoir que ça en fait. 

Clémentine

Clairement. Comment est-ce que toi t’arrives à concilier tout ça ? Ça doit être décourageant aussi un peu parfois, à garder cette foi. 

Afaf

C’est vrai que ça peut être décourageant, mais quand même, on voit les résultats. Oui, c’est plus long, mais… Mais c’est aussi une vraie bataille. Quand tu rentres dans ce mouvement-là aussi, c’est quelque chose qui te tient, c’est une colère mobilisatrice. Oui, il y a des moments où je suis en colère, mais ça me donne envie de continuer, ça me donne envie de me battre. Je suis contente de participer à ça. 

Clémentine

D’avoir du poids et pour l’importance pour aider les futures mères qui vont arriver aussi. Pour terminer…

Afaf

Non, j’espère qu’elles auront encore envie. 

Clémentine

Pour celles qui veulent en tout cas. Quel message justement pour terminer tu aimerais transmettre aux mères qui peuvent nous écouter aujourd’hui ? 

Afaf

De leur dire de se joindre à nous. De se joindre à notre combat. Je sais qu’aujourd’hui, peu de mères nous connaissent encore, mais… Voilà, je les appelle à aller regarder, à nous suivre, à nous soutenir, à aller regarder sur nos réseaux sociaux de ce qu’on fait, à être bénévole si elles le veulent. On cherche toujours des bénévoles. Il y a encore beaucoup de travail à faire et notamment au niveau du plaidoyer national, à s’impliquer sur des missions ponctuelles, du soutien financier. À nous suivre, voilà. 

Clémentine

Parce que c’est pour leur vie future en fait. 

Afaf

Voilà, on porte leur voix et il faut qu’on les entende encore plus. Donc mesdames, parlez-nous, rejoignez-nous. 

Clémentine

Venez faire du lobbying, je vais dire ce mot, ce gros mot, mais c’est vrai, du vrai lobbying qui a du sens et qui aura une importance, faire ce plaidoyer. Donc pour les mères, parce qu’on a besoin de faire bouger les choses et c’est vrai qu’on ne peut pas demander à des gens qui ne vivent pas ce qu’on vit. Au quotidien, je trouve, de faire bouger les choses. On doit, nous aussi, être actrices, se mobiliser pour faire valoir notre vécu. On est les premières concernées, on est les expertes de ce qui nous arrive. 

Afaf

Et on a envie d’en parler. Moi, je veux dire, à chaque fois que j’en parle à une mère, Mais elles sont complètement… Il y a un engouement et un réveil à chaque fois que je parle de ce sujet. Elles sont toutes à fond derrière moi à me dire mais oui, mais c’est génial que ça existe. Il faut qu’on fasse quelque chose. Donc voilà, il faut réveiller tout ça. C’est juste que je pense qu’on n’a pas… On ne sait pas encore que ça existe et on ne s’est pas encore organisé pour ça, mais on est là. 

Clémentine

Et je le dis, si vous avez des jeunes enfants, que vous êtes dans le dur, ce n’est peut-être pas le moment et ce n’est pas grave. Il y a ça aussi qui fait qu’on ne s’investit pas au début, peut-être qu’on est juste en train d’essayer de survivre à la parentalité de nos enfants, mais qu’il y a un jour où on respirera et que peut-être ce sera le moment de s’engager. Mais si vous êtes sortis de la toute petite enfance et que vous avez de l’énergie à donner, peut-être là, à l’humilité, ce n’est pas un gros mot. Merci beaucoup à Afaf. 

Afaf

Merci à toi. 

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