Épisode 251 – Comment être un parent apaisé ? Les clés avec Thomas D’Ansembourg


Avant d’être parents, nous sommes des êtres humains. 
Ca parait banal ce que je dis, sauf qu’on oublie très souvent de prêter attention à cet être humain, c’est à dire nous.
Revenir à soi, s’écouter pour pouvoir vivre dans la joie et mieux entendre les besoins des autres, c’est la mission que s’est donnée Thomas D’Ansembourg.

Thomas D’Ansembourg est une figure incontournable de la Communication Non Violente dans le monde francophone.
Depuis 30 ans maintenant, il a aidé des milliers et des milliers de personnes à vivre plus apaisé et plus confiant dans ce monde un brin chaotique.

Et aujourd’hui vous pourrez, peut-être, être la prochaine personne à réussir à transformer sa vie grâce à cet épisode. 

Parce qu’en écoutant, vous en apprendrez à mieux gérer vos émotions et notamment la colère, vous saurez faire la distinction entre les émotions agréables et désagréables. Et surtout vous comprendrez pourquoi la non violence est une véritable discipline de paix qui demande de l’entraînement.

Thomas nous invite pendant une heure à ralentir, à observer, à ressentir, pour mieux vivre avec nous-mêmes et ceux qui nous entourent.

Je vous souhaite une très bonne écoute.



🗣️ Au programme :

📜 Les principes de la Communication Non Violente (CNV) (00:01 – 10:15)
🧘‍♂️ L’importance du corps et des sensations (14:50 – 18:25)
👨‍👧‍👦 La relation parent-enfant (20:59 – 24:39)
😡 Les émotions et leur expression (26:56 – 30:28)
🧘‍♀️ Gérer sainement ses émotions (31:38 – 35:05)
🚿 La douche psychique et l’hygiène de conscience (39:53 – 55:28)
🔒 Les croyances limitantes (42:09 – 46:54)
📣 Exprimer des demandes et poser des limites (56:44 – 01:03:36)


TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine

Bonjour, Thomas. 

Thomas D’Ansembourg 

Bonjour. 

Clémentine

Je suis ravie de vous recevoir, parce que vous êtes venu quand même de la Belgique. Hier, vous aviez une conférence à Bordeaux. Donc, j’en ai profité pour vous demander de passer dans le studio. Et ma première question, c’était, j’aimerais que vous racontiez un tout petit peu votre histoire professionnelle, qui est assez singulière, assez particulière. Vous êtes venu sur le tard à la psychologie, parce qu’avant, vous étiez avocat, si je ne me trompe pas. 

Thomas d’Ansembourg

Oui, absolument. Oui, j’ai commencé ma carrière comme avocat dans l’intention d’aider les gens à traverser les conflits. Bien qu’ayant eu une enfance chaleureuse et joyeuse, j’ai eu la chance d’avoir de bons parents, une famille nombreuse. J’avais mesuré que bien qu’il y ait beaucoup d’amour, des conflits existent et sont sans doute inévitables et qu’on est très mal outillé pour les traverser. Je trouvais que c’était bizarre que tant des êtres soient capables d’amour, de prévenance, d’anticipation, très souvent, mais aussi incapable d’éviter les jugements, les critiques, les reproches, les croyances négatives. Tu es comme ça, tu ne changeras pas. Et ces gens-là, ils sont comme ça, ils ne changeront pas. Et puis, je me suis dit, j’aimerais aider les gens à traverser les conflits. C’est pour ça que je suis devenu avocat. Mais assez vite dans mon métier d’avocat, j’ai mesuré que beaucoup de conflits entraine à des malentendus. Et si j’observais le malentendu d’un peu plus près, je voyais que le malentendu était un combiné, une composition de mal exprimé et de mal écouté. 

Une personne n’avait pas clairement exprimé ce qu’elle aimerait, ce qu’elle souhaiterait, ce qui a ses yeux, rend les choses plus agréables. Cette personne avait malheureusement exprimé des jugements, des critiques, des reproches, parfois des insultes ou même des injures. Et de l’autre côté, l’interlocuteur ou l’interlocutrice n’avait forcément pas entendu des propositions pour que la situation soit plus agréable. Cette personne avait forcément entendu des jugements, des critiques, des reproches, des insultes ou des injures. Elle s’était donc enfuie en claquant la porte. Où elle avait répondu sur le même ton, mal exprimé, mal écouté, mal entendu.   

Et comme avocat, je mettais beaucoup d’énergie à tenter de trouver des solutions juridiques pour des enjeux qui étaient très large, pas uniquement, des enjeux de relations humaines, de connaissances de soi, d’écoute pour soi-même et d’écoute de l’autre et d’empathie pour l’autre. Et rien dans ma formation d’avocat, pourtant un métier livré à la relation humaine dans tous ces états, ne m’avait formé à la relation, à l’écoute, à l’empathie, à la capacité à comprendre les émotions, à développer un peu d’intelligence émotionnelle. C’est comme ça que j’ai eu petit à petit le goût de changer de vie. 

Clémentine

Comment est-ce que vous êtes tombé sur la communication non violente ? Comment c’est arrivé dans votre vie ? 

Thomas d’Ansembourg

Alors j’ai eu une période un peu de transition tout en ayant gardé mon métier d’avocat de juriste pour ma sécurité matérielle, mes ressources. Je cherchais quelque chose qui ait du sens et la vie m’a permis de rencontrer une association pour des jeunes dits « de la rue », des jeunes des gangs de rue, des jeunes dans la délinquance, la petite criminalité, tous ces enjeux-là. Et je m’en suis occupé pendant une dizaine d’années en bénévolat avec quelques amis. C’était une activité parallèle, bien sûr, mais ça a été une expérience pivot pour moi. J’ai réalisé que j’avais envie de m’occuper de gens qui cherchent du sens à leur vie, que ça, c’était vraiment quelque chose qui me donnait beaucoup d’intensité, beaucoup de goût de contribuer. 

Et petit à petit, en m’occupant de ces jeunes, je me suis rendu compte que c’est difficile d’écouter un gamin qui est en rage, quand moi je n’accepte jamais d’être en rage, parce que tout va bien dans ma bonne éducation, on n’est pas en rage. Difficile d’écouter un gamin qui est au fond de la dépression, qui a juste envie de se tirer une balle dans la tête, si moi-même je n’ai jamais voulu voir la petite partie par moment un peu dépressive ou découragée, parce qu’on n’a pas le temps d’être découragé, on n’a pas le droit d’être découragé, on a besoin d’être fort et aller de l’avant. Et donc j’ai réalisé assez vite que c’est difficile d’être proche de l’humain qui est devant si on n’est pas d’abord proche de l’humain qui est dedans. Et moi, dans ma bonne éducation catho-bourgeoise, j’ai pas du tout appris à être proche de moi. J’ai appris à faire ce qu’il faut faire, mais pas à être proche de moi. Et donc ça m’a mis en thérapie pour essayer de comprendre cet humain-là. Et très vite, j’ai réalisé que j’avais envie d’être thérapeute. Et effectivement, dans ces moments-là, tout d’un coup, l’information sur l’approche de Marshall Rosenberg, la communication non-violente, nous est venue dans notre petite équipe. On a entendu parler de lui. Et c’était tellement clarifiant de mettre des mots sur ce que nous ressentions. Nous voyions bien que la violence des jeunes dont nous occupions était une sorte de langage malheureux, maladroit. Pour tenter de dire quelque chose. Mais là, tout d’un coup, le décodage que Marshall en faisait était extrêmement limpide et soutenant. Et donc, j’ai eu envie de me former. 

Clémentine

Alors, c’est quoi concrètement la communication non violente ? On dit CNV. Ça correspond à quoi ? 

Thomas d’Ansembourg

Ça correspond à l’expérience très pratique que les êtres humains ont fondamentalement les mêmes besoins de base. Nous avons tous les mêmes besoins. D’abord de survie, de nous abriter, de nous nourrir, de nous vêtir bien sûr, mais aussi d’interaction, de partage, de rencontre, de reconnaissance, de trouver notre place, de comprendre ce qui se passe, d’être compris, d’aimer bien sûr et d’être aimé, de sens dans notre vie. Il y a toute une échelle de besoins qui sont absolument communs à l’humanité. Nous allons bien quand nos besoins sont nourris et que nous savons en prendre soin. Et nous sommes des compagnons agréables sur la planète. Nous n’allons pas bien quand nos besoins ne sont pas nourris. Et que nous n’avons pas de perspective pour les nourrir. 

Et dans ce cas-là, peut s’accumuler en nous des frustrations, des frustrations, des agacements, dans ce que j’appelle la « cocotte-minute intérieure ». Et tôt ou tard, paf, ça pète, évidemment, par manque de discernement de ce qui se passe en soi. Et donc, en m’occupant des jeunes dits de la rue, j’ai pu voir que la violence extériorisée sur les choses où les gens ont retourné contre soi est un manque de discernement, conscience et de vocabulaire, les mots, pour identifier d’abord et formuler ensuite ce qui se passe à l’intérieur. 

Quand je n’ai pas le discernement ni le vocabulaire pour réaliser que je me sens triste, déçu, partagé, divisé, impuissante, terrorisé, inquiet ou en rage, quand je n’ai pas le discernement pour faire le lien entre ces sentiments et mes besoins, de nouveau j’ai besoin d’appartenance, j’ai besoin de reconnaissance, j’ai besoin de trouver ma place, J’ai besoin de me sentir vivant ou vivante. J’ai besoin de comprendre ce qui se passe. J’ai tellement besoin d’être compris, etc. Tous ces besoins fondamentaux. Quand je n’arrive pas à discerner que c’est ça qui se passe en moi, eh bien, effectivement, les mécaniques de la cocotte-minute s’installent et la violence arrive presque inévitablement. Soit la cocotte explose de façon agressive sur les choses ou les gens, soit la cocotte implose. Dans la violence retournée contre toi, contre soi, pardon. Et ça, c’est évidemment la dépression ou le Burn out ou toutes sortes de maladies somatiques. Et donc, j’ai réalisé que c’était vraiment essentiel d’apprendre à se connaître. 

Clémentine

Est-ce que vous avez réussi de manière rapide ? Ça a pris beaucoup de temps d’arriver, vous, à connaître votre fonctionnement. 

Thomas d’Ansembourg

Ce n’est jamais fini, évidemment. C’est le travail de toute une vie. Mais disons que j’ai trouvé… L’apprentissage, cette pratique est arrivée alors que j’étais déjà en psychanalyse depuis des années. Donc j’avais quand même déblayé pas mal les gros morceaux. Donc j’ai pu l’intégrer assez rapidement, je pense, par rapport à d’autres personnes qui démarraient comme ça du jour au lendemain, ce travail de connaissance de soi. Ce que je vois, c’est que c’est très variable d’une personne à l’autre. Maintenant, je l’enseigne depuis 30 ans, cette approche dans une dimension citoyenne. Se connaître, ce n’est pas juste un enjeu de développement personnel, c’est un enjeu de développement social durable. C’est la façon de mettre le meilleur de soi au service de tous. 

Et dans une période de crise comme celle que nous traversons, qui est quand même sérieusement secouante, trouver du sens à sa vie et savoir avoir un effet d’entraînement pour aider les gens à en trouver, c’est vraiment des enjeux fondamentaux. Et donc, je l’enseigne avec beaucoup de joie, de conviction que tôt ou tard, ce type d’approche fera partie de l’enseignement depuis la maternelle. Tout enfant qui va à l’école aura à côté, lire, écrire et calculer, qui sont les piliers fondamentaux, qui sont bien sympathiques, mais complètement inutiles si on ne sait pas se gérer soi et qu’on se plante systématiquement dans toutes les relations. Eh bien, il y aura un quatrième pilier aussi fondamental, si pas plus, qui sera « se connaître », pouvoir se mettre au bon endroit et savoir gérer ce citoyen et éviter d’en faire une bombe à retardement. 

Clémentine

Ça a changé quoi pour vous, dans votre propre vie d’homme, mais surtout de père, d’avoir accès à toutes ces informations ? 

Thomas d’Ansembourg

Ça a été un tournant significatif pour la simple raison qu’avant cette approche-là, j’avais beaucoup trop peur de l’engagement affectif. Je ne me voyais pas m’engager dans un couple durable. J’avais des relations amoureuses, mais il ne fallait pas que ça se solidifie trop parce que ça me faisait trop peur. J’avais peur de perdre ma liberté, de ne pas pouvoir être moi-même en étant dans un couple. Le discernement que m’a permis l’approche de la communication non-violente m’a vraiment aidé à petit à petit dissoudre mes peurs, comprendre ce qu’il y avait derrière et sentir que j’étais tout à fait capable d’entrer dans un couple sans perdre ma liberté, qu’il s’agissait juste de trouver la personne avec qui je pouvais m’entendre et nommer ces choses et trouver l’espace. Et j’ai trouvé une femme merveilleusement libre et autonome qui adore sa vie et on s’entend super bien au-delà de toute attente. J’ai 27 ans de vie de couple et j’en suis tous les jours de plus en plus joyeux. Donc j’étais le premier bénéficiaire de cette approche. Et ensuite, à l’époque, quand j’ai commencé ce travail sur moi, 33, 34, 35 ans, je ne pensais pas avoir des enfants. Je ne voulais pas emmener les enfants dans ce monde de désarroi. Et donc maintenant, j’ai très vite eu trois filles avec Valérie, ma femme, et elles sont des jeunes adultes maintenant. Et je suis un père absolument comblé de voir ces trois jeunes filles grandir en autonomie, en discernement, en joie d’être là, en goût de contribuer au monde. Dans l’appellation communication non violente, on ne mesure pas le potentiel. On entend quelque chose.

D’abord, il y a des personnes qui ne s’y reconnaissent pas. Et moi-même, la première fois, je dis, « je n’ai pas besoin de ça, je ne suis pas violent ». Je ne mesurais pas à quel point mes systèmes de pensée sont ombrageux et sont retenant, sont même bloquants par moment, comme on peut être pris dans des mécanismes que j’appelle aujourd’hui des mécanismes autobloquants ou des enfermements. Je fais ce jeu de mots, des enfermements. Et donc, pas mal de personnes n’imaginent pas combien nous sommes malheureusement habitués à une certaine brutalité par nos habitudes de pensée. Ensuite, le mot communication laisse entendre qu’on a affaire à quelque chose de très horizontal. Je vais travailler à mieux dire ce que j’ai à dire et travailler à mieux écouter ce que l’autre a à dire. Ce n’est pas faux. Toutefois, pour arriver à dire ce que j’ai à dire, alors que bouillonne en moi une grosse colère et que l’envie première qui me passe par la tête, c’est d’envoyer mon poing dans la figure de l’autre, et arriver à maîtriser mes sentiments, mes besoins, pour faire des demandes claires et passer un message qui soit audible par l’autre, ça demande un ancrage. C’est de la non-violence, un ancrage profond en soi et une capacité d’éveil pour discerner, c’est plus comme ça que je veux fonctionner, j’ai envie de créer un autre monde où les relations sont plus harmonieuses. 

De l’autre côté de cette horizontalité, arriver à écouter l’autre, Alors que l’on sent bien dans le ton, dans l’attitude, dans le regard, dans le non-verbal, dans l’énergie qui se dégage et les vibrations de la personne que l’autre personne a envie d’envoyer son point dans notre figure à nous, et rester disponible, patient, empathique et tenter de comprendre cette personne-là, c’est aussi de la non-violence. Ça demande de nouveau un ancrage et une perspective, un éveil. Et donc, de plus en plus, j’appelle cette approche la conscience non-violente. J’essaye de défaire dans mon esprit de vieilles, vieilles habitudes de violence. 

Clémentine

C’est vrai qu’il y a beaucoup de parents qui sont stressés, sûrement anxieux, de se dire qu’ils élèvent des enfants dans un monde qui est un peu brutal, qui est un peu dur en ce moment, et de vous entendre dire que vous aviez ces peurs-là et qu’aujourd’hui vos filles sont jeunes adultes et qu’elles sont joyeuses. Je trouve que ça donne beaucoup de pouvoir aux parents qui parfois sentent démunis parce que l’environnement est intense. Alors qu’en fait, nous, déjà dans notre foyer, on peut changer des choses. 

Thomas d’Ansembourg

C’est considérable le pouvoir que nous avons de changer les choses et d’éveiller nos proches, évidemment, notamment nos enfants, si nous sommes parents, à regarder le monde autrement. Inversement, si je me plains de tout, que je rentre en râlant de mon travail, que j’en veux à mon patron, à mes collègues, au trafic, au gouvernement, et que je passe ma vie à râler, je donne un modèle du monde qui n’est pas très inspirant. Et donc, bien des enfants se disent, « c’est quoi cet univers, je n’ai pas envie de grandir là-dedans ». Et quand ils décident de repartir d’où ils viennent, ce qui arrive parfois quand même avec des enfants qui se suicident de plus en plus jeunes, ça peut malheureusement arriver. Et bien certains se maintiennent dans des comportements d’adulescent. Je ne veux pas entrer dans le monde adulte, je reste une sorte d’adolescent à perpétuité. Nous avons besoin de clarifier l’importance du modèle que nous donnons par notre façon de faire, par notre attitude, notre dégaine à travers la vie. Et ça, ça demande que nous connaissions mieux. Et je souhaiterais que les personnes qui nous écouteront acceptent de réaliser que le premier humain dont ils ont la charge, c’est eux-mêmes. Le premier humain dont nous avons la charge, c’est nous. Et donc, nous sommes invités à prendre soin de nous-mêmes, à nous rencontrer, à nous soutenir, à nous encourager, à nous aider. Et si nous trébuchons à nous relever avec affection comme un parent ferait d’un enfant et donc éviter les jugements, la culpabilité, les remords sur soi, ça ne sert à rien. Nous avons besoin de dépasser ça. 

Clémentine

Le sentiment de honte est souvent profond et il a un pouvoir d’inaction au final. 

Thomas d’Ansembourg

C’est très inhibant, bien sûr, c’est tétanisant. Dans la période de nouveau que nous traversons, je pense que nous avons besoin que tout le monde soit sur le pont pour reprendre ce langage de marine à la manœuvre. Et la manœuvre, c’est amener une nouvelle conscience, une conscience plus généreuse, plus encourageante, plus solidaire. Et ça commence par soi-même avoir un regard solidaire par rapport à soi-même, ne pas laisser une partie de soi dans l’ombre, ne pas rejeter une partie de soi par la culpabilité, par la honte ou le remords. C’est vraiment un travail d’élargissement du discernement et de pacification de soi qui se révèle de plus en plus nécessaire je pense. Et ce n’est pas compliqué, les personnes qui nous écoutent ont fait toutes sortes d’apprentissages, elles ont appris un métier, elles ont appris à conduire une bagnole, ont appris à aller sur Internet. 

Peut-être certains ont appris un instrument de musique ou du sport. Tout ça n’est pas venu par hasard. On n’apprend pas à jouer au foot ou au tennis ou la clarinette ou le piano parce qu’on l’a souhaité. On s’y est impliqué. On a travaillé. On a pris des cours. On a pris un peu d’aide. On a lu des manuels. On a peut-être pris un prof. On a répété, répété, répété. Et petit à petit, la maîtrise et le plaisir de la maîtrise s’instaure. Eh bien, la connaissance de soi, c’est du même ordre. On acquiert petit à petit en y travaillant une certaine maîtrise et le plaisir de la maîtrise vaut drôlement la peine franchement par rapport au fait de rester coincé dans une vie subie. 

Clémentine

Il y a deux ans, j’ai suivi une de vos formations avec Morgane, qui travaille avec moi. C’était les bases de la communication non violente. Et quasiment à chaque fois, avant de commencer une leçon, vous nous demandez de faire un retour au corps. Vous prenez un moment pour qu’on se reconnecte à nos sensations. Pourquoi est-ce que c’est si important à faire ? 

Thomas d’Ansembourg

Parce que nous sommes incarnés. Nous sommes dans ce véhicule de chair et d’émotion et d’affectivité. Et ce véhicule, il a un langage, il nous parle. Et si nous négligeons les signaux, nous pouvons forcer profondément la mécanique et rouler à contre-courant. Avec tous les risques de crash ou de sortie de route que l’on peut associer à cette image. Et j’en parle comme quelqu’un qui a toujours une vie physique, parce que j’aime les sports, j’ai toujours été sportif, j’aime ça, j’aime la vie d’extérieur, j’habite dans les bois, mon père était forestier, les travaux d’extérieur, rentrer du bois, bûcheronner, tronçonner, j’adore ces choses extérieures, mais je n’écoutais pas finement mon corps. C’était plutôt une sorte de bonne défense physique. 

Quand j’ai commencé le travail de connaissance de soi, une des personnes avec qui j’ai été initié à ça, qui est un psychanalyste québécois, Guy Corneau, très grand ami, je recommande ses ouvrages à ceux qui nous écouteront. Guy Corneau malheureusement décédé il y a quelques années. Et commençait systématiquement ces journées par un moment de présence au corps et ça m’a éveillé. Et j’ai réalisé, parce que j’étais encore juriste, que depuis 2-3 années, tout mon corps, le matin, quand je nouais ma cravate, mon costard-cravate, pour partir à mon boulot de juriste, tout mon corps disait « Thomas, changeons de vie, faisons autre chose, on en a marre de toutes ces choses-là ». Mais mon petit cerveau gauche, logico-mathématique, disait « Non, on reste par ici, c’est beaucoup plus rassurant ». Et j’étais intérieurement déchiré, alors que mon corps m’envoyait des messages très clairs que je refusais d’écouter. J’ai frôlé le burn-out par manque d’écoute de moi. Et donc aujourd’hui, systématiquement, j’ai moi-même une hygiène de présence au corps tous les matins parce que le corps parle. Il nous dit ses élans, ses ouvertures, sa spontanéité, mais il nous dit ses regrets, il nous dit ses pesanteurs, ses raideurs, ses divisions intestines. C’est extrêmement précieux de comprendre ça. Et donc, dans mes formations, je propose un moment de présence au corps et je rencontre. Énormément, une immense majorité de personnes qui disent, je n’ai jamais fait ça, je ne savais pas que j’avais un corps, je me lève tous les matins, il faut travailler, je mets le starter, pouf, on roule. Et puis je force. Ben oui, je force. 

Et c’est surprenant de voir comme dans nos systèmes éducatifs, on n’apprend pas à écouter le corps. On fait peut-être une heure ou deux de gymnastique ou de sport, mais ce n’est pas dans une écoute attentive et fine. Il y a certainement des personnes parmi nous qui nous écoutent et qui ont une pratique de méditation, de sophrologie ou de tai chi, qui ont une écoute fine des langages du corps. Je souhaiterais que ce soit connu et que ça devienne une sorte de rituel évident, comment on se brosse les dents et comment on prend sa douche. 

Clémentine

Pour celles et justement les personnes qui nous écoutent, qui n’ont absolument aucune conscience de comment fonctionne leur corps ou en tout cas de ressenti interne, qu’est-ce que vous pourriez leur proposer comme petit exercice rapide qu’ils pourraient faire ? 

Thomas d’Ansembourg

Pourquoi rapide ? 

Clémentine

Ils auront un petit aperçu de ce que c’est. 

Thomas d’Ansembourg

Alors, ce serait plus simple de le montrer. Alors, peut-être effectivement, si ça les intéresse d’aller voir sur les cours en ligne, puisque je montre chaque matin un type d’exercice. Un truc très simple, c’est de faire un scan du corps, de s’asseoir ou de se mettre debout. Et puis de porter son attention successivement aux différentes parties de soi, commencer par ses pieds, peut-être faire tourner son pied, commencer par ses genoux, faire un peu tourner les genoux, bouger un peu sur les genoux, écouter les hanches, faire un petit mouvement de rotation avec les hanches. Se discerner comme ça, petit à petit. Tiens, j’ai des pieds. Oui, oui. Et ça met ma stabilité. Oui, ça me donne de l’ancrage. Tiens, j’ai des genoux. Les genoux, c’est souple et ça permet d’être et en équilibre et en mouvement. Merci mes genoux. 

Pourquoi pas avoir un peu de gratitude pour ces genoux qui nous aident tous les jours ?  Et puis, j’ai des hanches, j’ai la base de corps qui retient tout mon corps, qui met en mouvement juste. Suivre ainsi les différents organes du corps, les parties du corps, pour prendre conscience que ces choses-là sont vivantes. Rien que ça, j’ai vu des personnes tout à fait bouleversées en disant, je n’ai jamais porté attention à mes différents membres. Et puis, il y a bien des exercices qui sont faciles à faire, faciles à trouver sur Internet.

Clémentine

C’est vrai que nous, les femmes, quand on fait la préparation à l’accouchement, C’est parfois une porte d’entrée pour arriver à ressentir les sensations, puisque souvent les sage-femmes nous demandent de ressentir le bébé, de voir ce que ça fait. Mais on est aussi beaucoup porté sur le bébé et pas tellement sur nous-mêmes, puisque on porte notre regard sur l’autre être humain qu’on a en nous. Mais ça peut être une des premières portes d’entrée, certaines fois pour des femmes. Est-ce que vous avez la sensation que c’est encore plus difficile pour les hommes d’avoir ce retour au corps ? Parce que vous le disiez, on est souvent dans une pratique du sport assez intense, rugueuse, de l’effort qui fait mal, mais qui accomplit des choses, mais moins dans la lenteur, dans l’écoute. Est-ce que vous le voyez, ça, que c’est parfois une notion genrée ? Parce que socialement, on est élevé différemment. 

Thomas d’Ansembourg

Peut-être qu’il y a une partie d’habitude là-dedans et de culture. Effectivement, les femmes sont peut-être plus invitées à être proches du corps et du soin et du « care », comme on dit, l’attention par culture. Nous sommes, cela dit, les hommes et les femmes outillés de la même façon. C’est juste que, effectivement, culturellement, on n’a pas été encouragé de la même façon et que Les hommes peuvent avoir plutôt un tempérament un peu guerrier, bien blindé derrière sa cuirasse pour partir chasser le mammouth. C’est un peu une grosse caricature, mais ça se vérifie quand même. Heureusement, ça évolue beaucoup et je vois de plus en plus d’hommes accepter de vivre leur sensibilité, de la mettre au monde et ça c’est vraiment précieux. 

Clémentine

Si on prend concrètement la CNV pour une relation parent-enfant, qu’est-ce que c’est la première chose qu’on pourrait mettre en place pour faire redescendre la tension à la maison et avoir une atmosphère qui est apaisante ? 

Thomas d’Ansembourg

La clé fondamentale de la relation, à mes yeux, c’est l’écoute. L’écoute attentive de ce que l’autre vit derrière ce qu’il ou elle dit. Ce que la personne dit ne reflète pas forcément ce qu’elle vit. Nous avons donc besoin de porter notre attention à qu’est-ce qui anime cette personne quand elle dit cela ou qu’elle fait cela. Et ça, c’est un exercice d’empathie. Je mets en lien avec ce que la personne vit et je chéris le lien. Donc, l’écoute permet de privilégier la qualité du lien. Et ça, c’est la mise en œuvre de la devise de la communication non violente. Le lien d’abord, le résultat ensuite. Et c’est juste à l’inverse de la plupart de nos habitudes qui sont le résultat d’abord. « Range ta chambre, fais tes devoirs, mets ton pyjama, brosse tes dents, prépare ton bac. » Quand on s’intéresse mutuellement, « qu’est-ce que tu aimes, qu’est-ce que tu n’aimes pas, qu’est-ce qui te donne du sens, qu’est-ce qui te dégoûte, qu’est-ce qui t’enthousiasme dans la vie, qu’est-ce qui te peine ou te chagrine », il n’y a plus le temps, parce qu’on s’est occupé des choses à faire et non pas de la qualité d’être. Et quand je dis que la devise de la CNV c’est le lien d’abord, le résultat ensuite, ce n’est pas du tout que l’on se fiche du résultat, on n’est pas dans une pensée binaire, puisqu’il y a du lien, on s’en fout du résultat. Comme on aurait pu dans une autre pensée binaire, on veut d’abord du résultat et tant pis pour le lien. Non, il y a les deux. Mais ce qu’on observe, c’est que lorsque le lien a été chéri, soigné, lorsqu’on en a pris soin, le résultat s’ajuste assez facilement. Inversement, quand on a été préoccupé juste résultat, sans chérir et soigner le lien, alors les résultats sont précaires et laborieux. 

Clémentine

Dans ce que vous décrivez, il y a beaucoup aussi, pour nous les parents, ce rapport au temps. On est tout le temps dans la vitesse, tout le temps dans le vite, vite. Et donc, dans cette volonté d’avoir un résultat immédiat sans être dans un temps long, vous le voyez ça, que cette notion du temps, elle joue beaucoup dans notre incapacité à écouter et à communiquer correctement. 

Thomas d’Ansembourg

Or, bien sûr, bien sûr, peu de personnes s’interrogent sur leur rapport au temps. Pour réaliser, je ne ferai pas l’économie du rapport au temps. Est-ce que je continue à vivre mon rapport au temps comme si c’était un ennemi qui m’empêche de vivre et contre lequel je dois me battre tous les jours ? Ou est-ce que j’ai travaillé mon rapport au temps pour que ça devienne un ami, un allié qui me permet petit à petit de marcher vers mes projets, un compagnon de route ? C’est un shift majeur dans nos vies. Qui change complètement notre rapport aux vivants d’une manière générale, et bien sûr aux êtres humains. D’abord avec moi-même, parce que je prends du temps pour honorer l’humain que je suis dans toutes ses parties, et ensuite avec l’autre, avec mon enfant. 

Si je suis préoccupé par le temps, je le maltraite, c’est-à-dire que je ne le traite pas bien. Et avec mon conjoint, mon compagnon, ma compagne de vie, mais ainsi de suite avec tous les enjeux de la vie. Et je vous en parle comme quelqu’un qui a couru une bonne partie de sa vie. Jusqu’à 33, 34 ans, je courais comme un fou contre le temps. J’avais encodé, ayant vu mes parents courir beaucoup, j’avais encodé des messages simples. Dépêche-toi, dépêche-toi, on n’a pas le temps et on fera ça plus tard. Ça, c’est comme ça que j’ai grandi, bien que j’avais de bons parents. Et je vois que beaucoup d’enfants sont baignés dans cette même précipitation. Et alors on s’étonne d’être tous épuisés. Ce n’est pas un petit enjeu de nouveau de développement dit personnel que d’apprendre à pacifier son rapport au temps. 

Alors j’imagine l’interrogation des personnes qui se disent comment est-ce qu’on fait? Ça s’apprend. Ça s’apprend comme tout. Si je vous joue un joli morceau de clarinette, vous dites j’ai envie de jouer de la clarinette comme toi. Ça s’apprend. On le décide d’abord et petit à petit, on observe son fonctionnement et on simplifie les choses. Et beaucoup de précipitations, de tensions par rapport aux enfants viennent que le parent n’a pas pris de temps pour soi. Alors, je l’évoquais hier dans la conférence, quitte à vous lever 20 minutes plus tôt, prenez d’abord du temps pour vous. Honorez la personne que vous êtes en sorte que cette personne soit détendue, calme et disponible pour écouter les autres et avoir un rapport patient et aimant avec l’enfant qui, par nature, fait les choses dans un autre rythme que vous. L’enfant, il vient de débarquer. Il a quelques années, 2-3 ans, 4-5 ans. Il n’est pas encore encodé dans cette précipitation contre le temps. Et heureusement, nous espérons, en tout cas moi je l’espère, que les jeunes qui arrivent induisent un nouveau rapport au temps. C’est nous les adultes qui avons créé un rapport débile au temps. Nous sommes des produits de la société industrielle. Les gens qui étaient dans les fermes autrefois ont été engagés dans les grosses machines pour faire tourner l’industrie avec du travail de nuit. On a cassé complètement le rapport au rythme et nous sommes encodés comme des machines, comme des robots. Et donc, je pense que c’est vraiment précieux de travailler à changer ça. Et c’est notre initiative personnelle qui peut petit à petit faire ralentir cette espèce de Titanic fou dont on sait bien qu’il fonce sur son iceberg. 

Clémentine

Et souvent, en plus, on a l’excuse de dire mais j’ai pas le temps d’apprendre. Donc, de toute façon, j’ai pas le temps. Donc, on est dans un cercle vicieux. 

Thomas d’Ansembourg

C’est un choix qu’on peut faire. Alors voilà, quand j’entends ça, je dis vous faites le choix que vous voulez. 

Clémentine

Dans la formation aussi, vous pointez du doigt le fait qu’on a un vocabulaire très pauvre concernant notre ressenti. Et c’est vrai que moi, qui avais la sensation d’être plutôt à l’aise, quand vous donnez la liste de tous les mots J’ai pris une petite claque parce que je dis en fait pas du tout, en tout cas, j’utilise très régulièrement les mêmes mots alors qu’il existe une palette assez infinie. Ça vient d’où ce rétrécissement, en tout cas cette incapacité à nommer correctement toutes nos émotions. 

Thomas d’Ansembourg

Il y aurait beaucoup à en dire. Je pense que pendant des décennies et des décennies, la vie a été un peu en combat. Il fallait faire sa place sur la planète. Au départ, se défendre des grosses bêtes qui prenaient toute la place. Petit à petit, construire une culture, une civilisation, ça s’est souvent fait par du combat, donc de la lutte, donc pas trop de sensibilité pour pouvoir avancer. Alors, on peut comprendre ça historiquement, mais aujourd’hui, les gros dinosaures ne sont plus là pour nous menacer. Et en principe, on peut envisager des relations beaucoup plus pacifiées et développer donc une connaissance de soi beaucoup plus fine. Et c’est vrai que moi-même, j’étais surpris, alors que j’ai toujours aimé langue et l’écriture et la poésie, de voir la pauvreté de langage que j’avais vis-à-vis de moi-même pour discerner et nommer les enjeux de ce qui se passe à l’intérieur de nous. J’avais peut-être une quinzaine ou une vingtaine de mots pour dire mes sentiments. C’est fou. Alors, dans les formations de communication non-violente, et vous aurez peut-être vu cette liste là, on distribue un petit feuillet, une liste dans laquelle il y a plus de 150 sentiments agréables et 150 sentiments désagréables. Et ce sont autant de clignotants ou de signaux sur notre tableau de bord. C’est ça, l’utilisation des sentiments en communication non violente. Les sentiments agréables renseignent des besoins qui sont nourris. Quand vous êtes joyeuse, détendue, confiante, enthousiaste, émerveillée, c’est que des besoins de partage, de découverte, de rencontre, d’appartenance, de tendresse sont nourris. Et assez souvent, on est relativement au clair quand ça se passe du côté agréable. Mais là où c’est plus précieux, c’est quand les sentiments sont désagréables et qu’ils renseignent des besoins qui sont donc en creux et en manque, comme des clignotants sur un tableau de bord peuvent indiquer attention, tu manques d’essence ou de pression dans le système de frein. C’est précieux de lire les clignotants. Quand je suis triste, découragé, déçu, fatigué, impuissante, ça renseigne que des besoins de sens, de partage, de rencontre, de solidarité, d’appartenance ne sont pas nourris et qu’il est donc temps que j’en prenne conscience. Et on dépasse donc en communication non-venant le clivage malheureusement très traditionnel entre sentiments positifs et sentiments négatifs, qui fait qu’on ne veut pas voir le négatif et qu’on le met dans la cocotte-minute qui, tôt ou tard, explose ou implose. La distinction que nous faisons c’est qu’il y a de l’agréable et du désagréable et tout est pertinent. Ça c’est une clé majeure pour les personnes qui nous écoutent. Tous les sentiments sont bienvenus parce qu’ils nous parlent de ce qui se passe en nous. La tristesse, le désarroi, la colère, la rage, le dépit, la peur nous parlent de nous. Exactement comme un clignotant qui tout à l’heure nous disait ton plein est fait et la pression d’huile est bonne, tu peux y aller. Deux heures ou trois jours plus tard, ils vont te dire attention tu es au bord de la panne et de l’accident.   

Donc c’est qui va juger négatif un clignotant qui nous dit attention tu dois remettre du carburant ou attention tu dois vérifier la pression de ton système de frein. C’est pas négatif, c’est peut-être inconfortable parce qu’il faut passer au garage, il faut prendre soin du besoin en question. Mais c’est drôlement précieux que de connaître les indicateurs de notre état intérieur. Et voilà une clé pour les parents. Si un enfant est en colère, triste, déçu, c’est qu’il a des besoins qui ne sont pas nourris. Et alors, si vous-même, vous travaillez sur vous quand vous êtes triste, déçu, découragé ou en colère, vous avez des clés en comprenant l’humain dedans pour comprendre l’humain qui est devant et tenter d’aller rejoindre cet être-là qui est dans le dépit. 

Plutôt que de rabrouer, t’as pas le droit d’être en colère ou tu peux pas être triste avec tout ce qu’on fait pour toi. Souvent, on a des vieux systèmes éducatifs comme ça, où on fout un gros couvercle sur la cocotte minute et on n’apprend pas aux enfants à gérer leur vie émotionnelle. Alors que de la colère, évidemment qu’on va en rencontrer dans la vie. Et la colère n’est pas négative en soi. Ce qui est négatif, c’est ce qui peut arriver à la colère qu’on n’a pas appris à utiliser. Il y a des brutalités terribles qui sont liées au mauvais usage de la colère. Mais en soi, la colère est un indice de quelque chose qui ne va pas. Et c’est précieux d’aller à l’écoute de ça. Moi-même, je peux témoigner que j’ai appris à faire des colères très claires grâce à la non-violence. 

Avant, j’étais trop gentil. Je disais je suis un peu dérangé, mais ce n’est pas grave, ça m’accommode un peu, mais bon, faites comme vous voulez. Et je maquillais le truc pour ne pas accepter de dire là, je suis en colère, j’ai besoin que ça change et je vais vous en parler. Et on peut faire des colères non violentes. Extrêmement clair, assertive, c’est-à-dire qui indique quelque chose sans agressivité. Et c’est vraiment précieux que comme parents, nous puissions dire ça, arriver à dire nos colères de façon assertive, sans terroriser l’autre et arriver, bien sûr, à bien écouter la colère de l’autre. Beaucoup de parents, je rencontre tellement dans mon travail, nous disent la difficulté à accueillir la colère de l’enfant. Et la plupart du temps, quand on travaille un tout petit peu, ils ont d’abord de la difficulté à accueillir leur colère. 

Ou alors ils sont emportés par des colères soupolet, qui débordent dans tous les sens et qui ne savent pas gérer. Ou alors ils ont tout réprimé, ils ont mis des gros couvercles sur la cocotte-minute. Mais donc de nouveau, plus ils vont apprendre à se connaître et à faire bon usage des différents sentiments, dont la colère, plus ils auront des outils pour comprendre ce qui se passe chez l’enfant quand il est en colère. 

Clémentine

Comment est-ce qu’on fait alors pour gérer sainement une colère ? Ou en tout cas, comme vous le dites, l’exprimer de manière assertive et claire. 

Thomas d’Ansembourg

On nous montre ce qui se passe en soi, ça veut dire en prenant un peu de recul par rapport à la colère. Le premier réflexe, malheureusement, quand on est en colère, c’est d’accuser, reprocher, critiquer. On balance les quatre vérités de l’autre. Ça ne va pas nous aider. La plupart du temps, quand on est en colère, on a besoin d’être compris. Est-ce que ma façon d’exprimer ma colère facilite la bonne compréhension ? La réponse est évidente. Et donc, un peu de recul, je suis très en colère, une partie de moi a envie d’envoyer une baffe dans la figure de l’autre, c’est sûr, mais c’est plus comme ça que je veux résoudre les conflits. De quoi ai-je besoin ? J’aurais besoin d’écoute, j’aurais besoin de compréhension mutuelle, j’ai besoin d’être compris, mais j’ai peut-être aussi besoin de comprendre l’autre. 

Et là, je fais un petit travail de pivotement intérieur, ce qu’on appelle de l’auto-empathie. Je prends d’abord, de nouveau, un temps pour le premier humain dont j’ai la charge, qui est moi. Avant de m’occuper de l’autre, en sorte que mon attitude soit beaucoup plus posée. J’ai pris conscience que je souhaitais être bien compris et bien comprendre l’autre. On est à un autre endroit que d’envoyer une baffe. Et ça, ce n’est pas un petit enjeu, c’est ce qu’on rêve de voir arriver entre gouvernants, qui plutôt que de s’envahir avec leurs colonnes en charges et qui ne sont pas d’accord, peuvent se dire on n’est pas d’accord, on a une frontière à préciser entre nous, on s’assoit et on cause. On aimerait que ça arrive à cet endroit-là, mais ça ne va pas arriver à cet endroit-là si chacun de nous on s’entretue à la maison à coups de reproches, de critiques et a fortiori de baffes. De nouveau, on voit l’enjeu citoyen de ce travail. C’est ce que j’ai appelé dans mes livres de l’intériorité citoyenne et développer une vie intérieure permettant d’être un citoyen ou une citoyenne au meilleur endroit. 

Clémentine

Vous dites que notre colère en tant qu’adulte, on n’a pas appris à l’accueillir et à l’exprimer correctement. Et du coup, on est incapable d’accueillir celle de nos enfants. Comment, quand on a réussi un petit peu à commencer ce travail d’autocompassion et d’écoute de soi, on fait pour être dans les meilleures dispositions pour accueillir celle de notre enfant qui est légitime. Notre enfant a droit d’être en colère. 

Thomas d’Ansembourg

Oui, bien sûr. Ce qui va nous rendre disponible pour écouter le ressenti de l’autre, c’est d’avoir d’abord de nouveau pris du temps d’écoute de notre propre ressenti. Quand la colère montre en moi, l’expression coutumière c’est de dire je suis hors de moi. Immédiatement, la conséquence de ça apparaît. Quand je suis hors de moi, ce n’est pas le moment de m’occuper de l’autre. Il est temps que je m’occupe de moi, que je revienne en moi, que je développe donc de nouveau un petit recul pour dire là, je suis vraiment en colère, je risque de faire un malheur. Si je ne suis pas un petit peu attentif à ce qui se passe en moi, je risque de regretter mon geste, mon attitude ou mes mots. Discernement de nouveau, conscience. Je rappelle ça avec vigueur parce que beaucoup de gens pensent que la non-violence, c’est un truc bisounours pour fumeurs de pétards. Ça n’a juste rien à voir avec ça. C’est une véritable hygiène de vie. C’est une discipline de paix. Prenons conscience qu’on sait faire la guerre à travers le monde, et on le voit bien aujourd’hui, on s’y malheureusement prépare, il semble. Pourquoi est-ce qu’on sait faire la guerre ? Parce qu’on s’y entraîne, parce qu’il y a des disciplines de guerre, il y a des écoles de guerre, il y a des armées, et des drills, et de la répétition, et des processus, et tout ça. Ben oui, on sait faire la guerre, on s’est même formé en mental pour faire la guerre. Mais la paix, c’est pareil, ça ne va pas tomber du ciel par hasard, parce que nous sommes… Plein de bonnes intentions, avec une prière vertueuse, s’il vous plaît, apportez la paix. Ce n’est pas suffisant du tout. Si vous souhaitez apprendre le saxophone, ce n’est pas en priant que vous allez le maîtriser. Même pour le football. Nous avons donc besoin d’intégrer dans nos vies une discipline de paix, des rituels de paix, une hygiène de paix. Et ça demande par ce petit moment de recul, quand je sens les émotions monter en moi, je m’écoute, j’écoute mon corps, les tensions, les divisions. Je mets des mots là-dessus petit à petit. En sorte de pouvoir trouver la façon d’exprimer ce que j’ai à dire autrement qu’en étant agressif. Nous sommes fatigués de l’agressivité et de la brutalité ordinaire. Tellement de brutalité ordinaire. Qui est le fruit du fait qu’on a perdu le sens de son existence.   

Dans toutes mes conférences, je fais sur un tableau, un paperboard, un dessin d’un fil rouge qui monte comme ça. J’appelle ça le fil rouge de notre vie. Depuis 30 ans que j’accompagne les personnes à travers les circonstances de la vie en quête de sens, j’ai cette confiance que nous cherchons profondément à goûter, à savourer la vie, à goûter un état de paix. Stable, transportable et si possible généreux, contagieux. Nous cherchons ça. Je ne manque pas aux gens de me croire sur parole, mais de vérifier en faisant des arrêts sur images. Arrêtez-vous régulièrement pour dire pourquoi je fais ça, pourquoi je conduis mes enfants à l’école, pourquoi je fais des courses, pourquoi je vais au travail, pourquoi je tiens cette réunion, pourquoi je fais mes téléphones, pourquoi je vais scroller sur internet. 

Si vous travaillez ce que j’appelle la spirale de conscience concentrique, de besoin en besoin, nos besoins étant un peu comme des poupées russes qui s’emboîtent les uns dans les autres, vous allez, à mon avis, immanquablement arriver à « je fais ça parce que je pense que ça va me rendre plus heureux, plus joyeux, ou en tout cas plus en paix ». C’est ça pourquoi j’agis, pour être plus heureux, plus en paix. Personne ne vous a forcé à vous mettre en couple. Vous vous êtes mis en couple parce que vous êtes dit on sera plus joyeux, on va partager la vie, ça va nourrir notre contentement intérieur, on va être solidaires et émerveiller ensemble du processus de la vie. 

À un moment, personne ne vous a forcé à faire des enfants, vous êtes dit on va faire des enfants, ça va être fabuleux, on va se transmettre dans des enfants pour les encourager à s’émerveiller d’être vivants dans ce monde incroyable. Ça va être merveilleux, nous allons faire des enfants parce que c’est pour partager de l’enchantement. Alors on fait un enfant, deux enfants, trois enfants. Et voilà un matin, dans la bagnole, dans les embouteillages, on se chamaille avec ses enfants qu’on a mis au monde pour s’enchanter. Mais qu’est-ce qui s’est passé ? On a complètement perdu le Nord. Personne ne t’a forcé à mettre des enfants au monde. Si tu ne les voulais pas, tu ne les faisais pas. À partir du moment où tu les as mis au monde, tu les chéris et tu les accompagnes. 

Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des précisions à faire, des réflexions à porter, un cadre à redonner. Bien sûr, il s’agit de bien veiller. Il s’agit de bien veiller. Et attention à la mauvaise compréhension du mot bienveillance. Bienveillance éducative a été malmenée par des gens qui pensent que c’est laisser tout faire et faire des enfants rois ou des enfants dieux. Ils n’ont pas écouté le mot. Bien veiller, une éducation bienveillante, c’est une éducation comme une vigile, un guetteur qui est attentif, qui est présent, qui observe chaque chose, les micro mouvements, les mouvements du corps, les mouvements d’humeur, le langage non verbal, pour être parfaitement attentif à ce qui se passe, c’est transparent, qui s’est recadré, qui s’est apporté des valeurs qui sont des balises très claires. C’est ça la bienveillance éducative, c’est le fait d’être un veilleur, attentif. À la croissance de ces êtres dont nous avons la charge. 

Clémentine

C’est vrai qu’en France, on a eu un sacré débat sur ce type d’éducation, malheureusement, au lieu de voir juste le droit des enfants à être respectés et le droit des parents à vivre de manière en harmonie en tout cas avec leurs enfants. En France, on aime bien l’autorité dure et déconnectée de soi. 

Thomas d’Ansembourg

Oui, il y a une espèce d’attachement à ce que j’appelle dans mon travail la culture du malheur, le goût du drame. On n’est pas là pour rigoler. J’ai ramé dans mon enfance, tu vas ramer dans la tienne. Moi, j’ai reçu des baffes aussi, ça m’a fait mourir, donc je te donne des baffes, ça ne te fera pas mourir. C’est extraordinaire comme on peut entretenir comme ça un système de pensée complètement obsolète et mortifère parce que ça entraîne une sorte de résignation par rapport à la violence. Regardons simplement aujourd’hui comme nous sommes en train de nous résigner à l’idée, ben une nouvelle guerre serait possible en Europe. C’est hallucinant d’être dans cette docilité. Mais si nous avions créé tous les jours, par notre attitude, notre bienveillance, une culture de paix, mais il n’y aurait pas de raison de considérer que la guerre puisse encore avoir lieu. 

Clémentine

Vous parlez du concept de douche psychique. Est-ce que vous pouvez l’expliquer ? 

Thomas d’Ansembourg

Oui, la douche psychique, c’est un moment de présence à soi. C’est pour faire le parallèle avec la douche physique que nous avons introduit dans nos habitudes il n’y a pas si longtemps. Il n’y a pas si longtemps. Moi, j’ai 67 ans. Quand j’étais gamin dans le village, dans l’Ardennes belge où j’habite, qui était un village pratiquement rural à l’époque, nous étions la seule maison bourgeoise où il y avait une salle de bain et où mes parents m’avaient appris à me brosser les dents. Avec mes copains de classe habitaient des fermes dans lesquelles il n’y avait pas de salle de bain. Le samedi, on mettait une grosse bassine devant la cuisinière de la cuisine et tout le monde prenait un bain successivement dans cette eau-là pour être propre pour la messe du dimanche. 

Un bain par semaine dans une bassine d’eau chaude et il n’y avait pas d’hygiène buccale. Personne ne se brossait les dents. Mes copains, mes copines de classe avaient des dents très avariées à l’âge de 10-11 ans. C’était impressionnant. 50 ans plus tard, j’ai repris la maison familiale, là où je fais mes séminaires d’ailleurs, et bien dans ce village où malheureusement il n’y a pratiquement plus de fermes, toutes les maisons ont de belles salles de bain. C’est devenu évidemment un standard complètement évident, une belle salle de bain, une belle douche, c’est tout à fait intégré dans les mœurs et tout le monde se brosse les dents. C’est devenu un rituel évident. 50 ans dans l’histoire humaine pour introduire des rituels d’hygiène physique qui nous paraissent aussi évidents aujourd’hui, ce n’est rien. Plus personne ne pense à quitter sa maison sans se brosser les dents et ne prendre des douches régulièrement. C’est intégré. Et bien je pense que dans les temps qui viendront, nous allons faire la même chose sur le plan psycho spirituelle. Nous allons prendre des douches régulièrement pour nous nettoyer de ce qui n’est pas nous, de ce qui est des encodages, qui est des copier-coller, qui sont des programmations. Notamment cette habitude de mal parler aux enfants, d’être brutal, de ne pas les écouter. C’est des vieilles habitudes. Nous pouvons transformer ça et développer une façon d’être ensemble infiniment plus fluide et donc plus joyeuse. C’est pour ça que la douche psychique, c’est le fait de se poser la question. Comment ça va ? Comment je me sens ? Qu’est-ce que j’aime et que je maintiens ? Qu’est-ce que je n’aime pas et que j’ai besoin de changer ? C’est vraiment une hygiène de conscience essentielle par les temps qui courent.

Clémentine

Et justement, comment on déconstruit nos croyances limitantes ? Déjà, qu’est-ce que c’est pour quelqu’un qui ne connaîtrait pas ce concept ? 

Thomas d’Ansembourg

Une croyance limitante, c’est une pensée qui n’est pas remise en question et qui est considérée comme une vérité établie. Il y en a tellement, comment vous en nommer une ? Beaucoup de tensions viennent Par exemple, il faut que je m’occupe de mes enfants. Il faut que je rentre pour leur faire anodiner. Je me dois d’eux. C’est un système de pensée très combatif, contraignant. J’aime bien Marshall Rosenberg, le fondateur de l’approche de la communication non-violente, qui n’hésitait pas à être un peu provoquant et qui disait, si vous occupez de vos enfants parce qu’il faut, si vous rentrez le soir parce que vous devez leur faire un bon repas, arrêtez tout de suite. Mettez vos enfants à l’assistance publique et ils seront pris en charge par des gens qui ont choisi de s’occuper d’enfants, mais qui ne le font pas parce qu’il faut. Et je trouvais ça intéressant de se laisser décaper. Effectivement, moi, je ne me suis jamais occupé de mes enfants parce qu’il faut. Valérie entend moins que moi, donc c’est moi qui, la nuit, me levais quand il y avait un enfant qui faisait pipi au lit ou qui avait un mauvais rêve ou qui était inquiet ou qui était malade. Je me levais volontiers. C’était toujours dans la joie et la gratitude de me dire j’ai la chance d’avoir des enfants. Ils sont en bonne santé. Je suis disponible pour m’occuper d’eux et j’ai pris soin avec tout mon cœur. Je ne comprends pas qu’on fasse les choses parce qu’il faut. On fait les choses parce qu’on y tient, parce que c’est important, même si c’est inconfortable. Et voilà un gros changement de système de pensée. On ne fait plus rien parce qu’il faut, on le fait parce que c’est important, parce que ça a du sens, parce que ça nourrit la vie. Même si, bien sûr, il y a des inconforts à la clé, c’est clair. 

Clémentine

Et donc nos croyances limitantes dans notre vision de la vie, dans notre quotidien, elles nous empêchent de faire des choses ? Elles nous empêchent de ressentir la joie, c’est ça ? 

Thomas d’Ansembourg

Oui, bien sûr, elles nous empêchent de vivre, d’être en expansion. Elle nous empêche de nous autoriser. Il y a comme une sorte de barrière. Je peux vous donner une croyance limitante. Moi, j’ai fait des études de droit, donc j’avais un diplôme de droit. Et une grosse croyance limitante, c’était moi, je n’ai étudié que du droit. Je ne peux faire que du droit. Je ferai du droit à vie. Voilà. Grosse croyance limitante parce que ça me bouclait dans un espace dans lequel je n’étais plus content du tout. Et j’aurais pu effectivement commencer à déprimer parce que je n’étais pas heureux dans ce choix-là. La pratique de la communication non venante m’a permis de démanteler cette croyance et d’aller voir quand je me dis je n’ai fait que du droit, comment je me sens. Comment je me sens ? Je me sens triste. Pourquoi ? 

Même parce que j’ai d’autres potentiels en moi. Et lesquels ? J’ai de la sensibilité, j’ai de l’imagination, j’ai de la créativité, j’ai beaucoup de fantaisies que j’aimerais mettre au monde. « tu aimerais même autrement ça. » Et je commence à écouter la partie de moi qui voudrait développer autre chose. Mais ça, c’est parce que je m’extirpe d’une croyance. Je vous donne une autre croyance aussi, parce qu’ici, je parle de moi, ce n’est pas pour m’étaler, mais c’est pour parler de choses très, très concrètes. J’avais la croyance qu’être aimé par quelqu’un, c’est être contrôlé et devoir faire ce que l’autre attend. Bon, c’était un petit peu forcément le résultat de l’éducation de ma chère maman. Je sentais qu’elle avait beaucoup d’amour, mais qu’il fallait faire un peu comme elle l’avait voulu. Et donc je me maintenais dans mon célibat défensif par peur d’être contrôlé. 

À un moment quand même, en avançant dans la vie, je me suis dit, j’ai besoin de comprendre cette croyance. Être aimé, c’est être contrôlé. Est-ce que c’est vrai ? Est-ce que ça ne mérite pas un peu d’être dissous ? Et en travaillant sur elle, j’ai réalisé, non, j’ai besoin de faire confiance que je peux être aimé tout en gardant ma liberté. Mais ça c’est un shift majeur, si j’étais encore resté dans ma croyance je serais un célibat qui s’emmerde et qui picole son ennui. Nous avons donc besoin de nous asseoir avec nos systèmes de pensée pour observer, j’ai cette pensée, est-ce qu’elle est profondément juste, est-ce que je l’ai vérifiée, est-ce qu’il n’est pas temps de la questionner, de la remettre en question et de faire confiance. Et tellement de croyances sur nos enfants aussi. Oui, mais avec lui, ça n’ira jamais. 

Ce n’est juste pas possible. Je ne peux pas lui parler de ça ou je ne peux pas envisager ça. Attends, tu as vérifié ou t’as décidé que ce n’était pas possible. Est-ce qu’il n’est pas temps de dire je vais quand même peut-être essayer. Peut-être que je ne suis pas sûr qu’il ou elle comprenne, mais peut-être quand même que je vais m’ouvrir à mettre en place quelque chose de différent. Et là, tout d’un coup, on remet du mouvement dans la vie. Notre capacité à changer, à évoluer, à nous transformer est aussi considérable qu’ignorée. C’est surprenant comme les gens se résignent rapidement à voir la vie d’une certaine façon, puis c’est bloqué là. Mais mon Dieu, le potentiel est considérable. 

Clémentine

À se sentir coincé. Oui. 

Thomas d’Ansembourg

Et à s’y résigner. 

Clémentine

C’est ça. Et à ne pas chercher de solution. 

Thomas d’Ansembourg

Et à ne pas chercher de solution. Et à considérer que c’est coincé, c’est fichu, c’est comme ça, je ne peux rien faire d’autre. Ça, c’est la culture du malheur. Je me résine facilement. Le verre à moitié vide, je m’en plains. Mais mon Dieu, on peut vivre autrement. J’ai le cœur d’encourager les personnes à le faire. 

Clémentine

Vous êtes belge, mais vous le savez qu’en France, on a en plus un peu cette fierté de dire qu’on est des râleurs, qu’on se complaît dans cette culture-là du négatif. On pointe souvent du doigt les États-Unis qui ont, eux, l’inverse, cette culture de toujours sourire qu’ils soient disant faux. Mais parce que c’est plus simple de dire, regardez eux, comment ils sont faux, plutôt de se dire, peut-être que nous, on pourrait… Changer un petit peu et sortir de notre malheur qu’on entretient. En France, on aime bien quand même ça. 

Thomas d’Ansembourg

C’est ça. 

Clémentine

Donc on est influencé par notre culture dans laquelle on vit aussi, dans la société dans laquelle on évolue. Et lutter contre ça, ça demande de l’énergie aussi. 

Thomas d’Ansembourg

C’est pour ça que j’ai appelé ces mécanismes la culture du malheur. J’ai appelé ça une culture. J’identifie dans mon dernier bouquin cinq mécanismes que j’ai appelés des mécanismes autobloquants, parce que ça nous autobloque dans notre processus d’évolution. On ne veut pas le voir. On l’unit même et on le refoule. Et du fait qu’on ne l’a pas vu, on reste piégé. On ne peut pas sortir d’un piège sans savoir qu’on est pris dedans. C’est la base. Et donc, quand je réalise que j’aimerais autre chose, mais que je suis coincé, c’est qu’il y a un piège. Il y a quelque chose qui me limite, qui me bloque. Il y a un frein qui est resté coincé et j’ai besoin d’aller voir ce qu’est ce frein ? Qu’est ce qui me bloque ? Et très souvent, comme vous l’évoquez, la culture du malheur, le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. On sait ressasser ça, mais ça nous inhibe énormément. 

Clémentine

Moi, je sais que sur les réseaux sociaux, je ne choisis que des comptes qui amènent des choses positives. J’ai arrêté de suivre, par exemple, des informations qui, tout le temps, tournent autour des choses difficiles, parce que c’est vrai qu’on est vite pollués. Et après, on a du mal à faire le discernement. Et donc, on porte un peu cette noirceur en nous qu’on amène à la maison. 

Thomas d’Ansembourg

Les jeunes d’aujourd’hui ont besoin de voir des adultes qui font confiance dans la vie, qui sont habités par la joie d’être vivant à travers les intempéries. Il n’y a pas d’angélisme dans ce que je dis, mais bien sûr la période est tourmentée. Et chahuté et cependant l’humanité en a connu d’autres des périodes chamboulantes et nous avons une grande résilience et nous avons donc besoin de témoigner que à travers ce chamboulement la vie mérite d’être vécue et donc que l’on sait voir ce qui va bien, ce qui est beau, ce qui est généreux, ce qui est digne d’émerveillement. Et je souhaiterais que les parents puissent donner cet éclairage-là, parce que beaucoup de jeunes se demandent un peu dans quel monde on leur livre. Et c’est en partie notre responsabilité d’indiquer autre chose. 

J’aime cette formule de Gandhi qui disait l’exemplarité n’est pas une façon d’éduquer, c’est la seule. L’exemplarité est la seule façon d’éduquer. Donner un exemple intéressant, pas pour faire du copier-coller, mais pour que les jeunes se disent « Waouh, là, papa et maman, ils sont forts pour traverser ça comme ça. Là, dans tel conflit, je les ai vus poser, attentifs, essayer de comprendre. Là, dans ce moment deuil, ils ont perdu tel ou tel ami. Je les ai vus pleurer ce qu’il y avait à pleurer pour retrouver finalement la joie. Waouh, ce sont des modèles inspirants. Moi, j’ai envie un jour d’être adulte. Je les ai vu faire des choix avec de gros renoncements. Ils ont pris le temps de clarifier l’option choisie. Ils ont pris le temps de pleurer l’option laissée de côté pour en faire le deuil et avancer sur l’option choisie. C’est un beau modèle qui moi m’inspire. Cette exemplarité, c’est essentiel. C’est comme ça qu’on a le goût de grandir. 

Clémentine

C’est vrai que souvent, on oublie dans la parentalité qu’on veut inspirer nos enfants. On dit qu’on veut qu’ils soient heureux, qu’ils aient une belle vie, mais ce que nous, on leur montre, c’est essentiel, en fait. 

Thomas d’Ansembourg

C’est complètement essentiel. On leur dit soyez heureux, soyez détendus, soyez confiants. Et on est tout agité. On est parfois même brutal et maladroit. C’est contre-intuitif. Ça fait vraiment des informations contradictoires. 

Clémentine

Je repense souvent à ma fille quand moi je n’ai pas assez bien dormi, que mes besoins ne sont pas respectés, que je suis fatiguée, que je ne sais pas ce qui s’est passé et qu’elle va pleurer et que c’est un peu dur. Moi aussi, j’ai trois filles comme vous. Mais quelquefois, automatiquement, je lui dis arrête de pleurer. J’ai le droit de pleurer, maman. Tu m’as toujours dit j’ai le droit de pleurer. Oui, c’est vrai, mais c’est moi qui n’arrive pas à gérer. Et je trouve que nos enfants, ils ont une capacité de nous interpeller dans nos propres contradictions hyper fortes. 

Thomas d’Ansembourg

Clairement, et c’est magnifique parce que ce sont des sages parfois, ce qui nous apporte comme nouveauté, comme fraîcheur par rapport à justement un de nos encodages. Je raconte volontiers dans une conférence que j’anime sur les jeunes, sur le thème de mon bouquin « Notre façon d’être adulte fait-elle sens et envie pour les jeunes ? » C’est mon dernier livre. Est-ce qu’en nous voyant vivre nos vies d’adultes, les jeunes se disent, j’ai envie d’être adulte un jour ou pas ? C’est une question qu’on peut se poser sans culpabilité, mais juste pour aligner les choses. Eh bien, je parle du rapport au temps et comment nous vivons, nous, adultes de rapport au temps. Et dans une formation que j’animais sur ce thème, quel est notre rapport au temps ? Une maman se présente, c’est résidentiel, donc chacun se présente avant la première soirée. Et elle me dit, je viens faire ton stage sur le rapport au temps parce qu’il y a quelques mois, mon gamin, du haut de ses 7 ans, s’est planté dans le corridor qui mène aux chambres dans notre appartement. Et du haut de ses 7 ans, il m’a dit, maman, je ne m’appelle pas. Dépêche-toi. Dépêche-toi, range ta chambre, dépêche-toi, brosse tes dents, mets tes robes, dépêche-toi, prends ta douche et mets ton pyjama. Et cette maman a été bouleversée de réaliser qu’elle avait, dans la soirée, employé dix fois le mot « dépêche-toi » plutôt que le prénom de son enfant et plutôt que d’être à l’écoute de ce que son enfant voudrait et tout le temps dans l’imposition de son rythme à elle. Et ce qu’elle disait était très touchant. « Mon enfant, j’ai eu l’impression que c’était un bon maître et que tout d’un coup c’était moi le disciple. » parce que son message était de sagesse. Il me disait, maman, toi, tu t’es encodé comme les autres adultes dans un rythme fou. Tu ne te respectes pas. Tu m’imposes un rythme que je ne veux pas subir. Vous savez que vous êtes sur un Titanic fou qui va s’exploser sur son iceberg. Moi, avec ma génération, je viens pour faire ralentir le monde et retrouver des rythmes plus justes. En tout cas, c’est comme ça que la maman décodait. Je trouve que c’est un beau décodage. Et le deuxième message dit tel que mon gamin m’envoie comme ça indirectement, c’est maman, tu ne m’as pas mis au monde pour que je me couche à 8 heures du soir et en brosser les dents et mis mon pyjama. 

Tu m’as mis au monde pour qu’on s’enchante d’être vivant ensemble. Et ça date de quand notre dernier moment d’enchantement ? Alors, OK, prendre sa douche, mettre son pyjama, se brosser les dents et partir à l’école reposée. C’est une logistique intéressante pour l’enchantement. Mais le but, c’est l’enchantement. Et ça, j’aime le rappeler, bien sûr, on ne met pas au monde pour leur faire passer le bac et qu’ils deviennent de bons fonctionnaires dans la grosse industrie capitaliste. Mon Dieu, on le met au monde pour s’enchanter d’être vivant. 

Clémentine

C’est fort ce que vous dites, mais je pense qu’il y a beaucoup de parents qui vivent dans un train qui ne s’arrête jamais, qui ne regardent pas par la fenêtre, qui ne sont plus dans la capacité de voir la beauté, comme vous dites, qui ne ressentent plus rien et qui font subir tout ça par répercussion aux enfants. Et aussi parce que dans le système dans lequel on vit, on presse tout le monde comme des petits citrons, comme on le disait. Ce serait quoi la première chose à faire pour un parent qui ne peut plus voir ? Parce que là, ce que vous donnez comme exemple, c’est fort. Mais la maman, elle a su écouter son enfant. Elle a su dire stop. Et parfois, les parents, on n’écoute même plus nos enfants de cette manière-là. C’est d’abord s’écouter soi-même pour pouvoir écouter l’autre. Ce qu’il faut retenir. 

Thomas d’Ansembourg

Les deux bien sûr, mais c’est vrai que ma capacité à être finement à l’écoute de l’autre sera assez bien fonction de ma capacité à être finement à l’écoute de moi. Et donc la première personne avec qui nous avons besoin d’apprendre à être à l’écoute, c’est nous. Et donc de développer plusieurs fois par jour un moment d’attention pour soi-même. C’est comme du jardinage. Dans mon premier bouquin, paru il y a 24 ans, je pense, c’est d’être gentil, soyez vrai, j’évoquais trois minutes, trois fois par jour, pour prendre contact avec cet humain-là et se poser la question, comment ça va ? Comment je me sens ? Qu’est-ce qui me réjouit ? Qu’est-ce qui fait sens ? Qu’est-ce qui m’enchante ? Quels sont les valeurs qui sont nourries et vers lesquelles je tends ? 

Mais aussi, pour clarifier que ma boussole va bien par-là, mais également, qu’est-ce qui me pèse ? Qu’est-ce qui me divise ? Qu’est-ce qui me peine ? Qu’est-ce qui me fatigue ? Pour comprendre les besoins qui sont en creux, en manque, et dont j’ai besoin, petit à petit, de prendre soin. Une hygiène de conscience pour se situer. Ce n’est pas compliqué, trois minutes trois fois par jour, personne ne peut dire qu’il n’a pas ce temps-là. Ça demande juste une rigueur, parce que ce n’est pas dès la première fois, ni même la première semaine, ni même les premiers dix jours qu’on perçoit le bénéfice. Toutefois, je peux vraiment en assurer les personnes qui nous écoutent, si je fais ça régulièrement, Eh bien, petit à petit, le bénéfice d’une présence beaucoup plus riche, intense et ancrée en moi se fait sentir. Et ça, ça permet, c’est la clé pour pouvoir être à l’écoute de l’autre sans impatience. Sans impatience. 

Clémentine

Tout à l’heure, vous parliez de ce concept du « mal dit, mal entendu, mal écouté. » Comment on formule quelque chose pour que ce soit bien entendu ? Il y a beaucoup de gens qui ne connaissent pas du tout la façon de faire. 

Thomas d’Ansembourg

Ça demanderait presque un petit cours. Ça irait au-delà du temps que nous avons ici. Formuler nos profonds besoins, pas nos envies, pas nos désirs. Comment dire ça de façon qui soit claire. Plutôt que de dire à son enfant « range ta chambre et si tu ne la ranges pas tu seras privé de télévision ou de wifi » avec le langage brutal et menaçant très habituel, de pouvoir dire « écoute je suis fatigué de mettre de l’eau dans la maison, j’aurais besoin de partage et de réciprocité dans les tâches ». Est-ce que toi tu serais d’accord de faire ta part en rangeant ta chambre, en descendant le linge sale et en passant l’aspirateur ? Est-ce que ça t’irait ? La plupart du temps, pas toujours, parce que ce n’est pas magique, évidemment. Si je formule un sentiment, je suis fatigué, j’ai besoin d’aide et de réciprocité, de partage des tâches. Est-ce que toi, tu serais d’accord de faire ta part en rangeant ta chambre ? La plupart du temps, ça va solliciter de la compassion et le goût de contribuer chez l’autre. Parce que ça, c’est vraiment un des enjeux qui moi me fascine depuis 30 ans. Combien nous aimons contribuer au bien-être des uns et des autres. Nous aimons ça. C’est l’essence de notre être. Toutefois, cet élan de vie généreux et partageant a souvent été meurtri par des attitudes brutales. Et parfois, ce n’est plus ce qu’on voit. On ne voit plus un goût de contribuer. C’est juste qu’il a été abîmé, il a été meurtri. Mais voilà comment on fait des demandes. 

On exprime un ressenti, on exprime un besoin fondamental dans lequel, très possiblement, l’autre peut se reconnaître. Et on fait une demande qui est négociable. Parce qu’il peut se faire que l’autre me dise, maman, j’apprécie l’ordre et la propreté qu’il y a dans la maison. C’est sûr, je te remercie beaucoup. En même temps, moi, je suis vraiment débordé par mes examens. Je n’ai vraiment pas le temps d’arranger la chambre. Est-ce que ça te va que je fasse plutôt le week-end ou la semaine prochaine ? Et on négocie. On n’est plus dans des rapports de force à coup de gourdin. Tu vas faire ça, sinon je te punis. On cherche le point de rencontre. Et ce que j’observe de nouveau, ce n’est pas magique du tout. Mais lorsqu’on cherche le point de rencontre, sans qu’il y ait quelqu’un qui écrase l’autre, ni qui s’écrase soi, il n’y a ni domination, ni soumission. On cherche le point gagnant-gagnant. Eh bien, la plupart du temps, ça se fait. On trouve une façon de s’entendre dans le respect de l’un et de l’autre. Mais de nouveau, ça demande d’élargir le discernement. Ce n’est pas parce que moi, j’ai tel besoin que toi, tu l’as au même moment que moi et dans la même mesure. De nouveau, je souhaite être respecté dans ma posture. Le minimum, c’est que je te respecte dans la tienne et on cherche ce point de rencontre. Ça, c’est le shift majeur. On ne s’impose plus des choses, mais on cherche le pas de danse. L’image de danse, la danse de couple peut éclairer ou on ne se marche pas sur les pieds, mais on a du plaisir à danser ensemble. 

Clémentine

C’est vrai qu’on est très souvent dans des relations de « je tiens un fil et je veux le garder avec moi », avec nos enfants ou nos conjoints, conjointes. Mais dans ce rapport de force, parce qu’on se dit que si on lâche, on a tout perdu. 

Thomas d’Ansembourg

C’est vraiment ça. À côté de la culture du malheur dont on a parlé un peu, il y a un autre mécanisme autobloquant que j’ai appelé également la culture parce qu’on est baigné là-dedans. C’est la culture des rapports de force combatifs et la culture de l’affrontement. Dès qu’on n’a pas d’accord, on s’affronte. On essaie d’avoir raison et de convaincre l’autre. Écoutez le mot, qui a envie d’être un con vaincu ? Nous avons besoin de nous rencontrer et je crois profondément que le siècle, toujours au début du siècle, enfin dans le premier quart du siècle, ce siècle-ci, nous avons besoin d’en faire le siècle de la rencontre et du soin. Le siècle où on prend soin de se rencontrer profondément et de se chérir mutuellement. Nous avons assez développé une société hyper technocratique et divisante et individualiste, très matérielle, avec peu d’égard pour la délicatesse, la tendresse, la douceur, la profondeur, la sensibilité. Or ça, c’est notre vraie nature. 

Clémentine

C’est vrai que dès qu’on se bat un petit peu pour une éducation non violente, on nous oppose toujours. Vous vivez dans un monde des bisounours. Il faut habituer nos enfants à la dureté de la vie. Vous allez en faire des enfants qui ne savent pas se défendre, qui seront perdus dans la réalité. Et c’est très compliqué de faire comprendre aux gens que plus on va élever des enfants qui déconstruisent ça, mieux ce sera. Et j’ai toujours du mal à savoir quoi répondre aux gens qui ont ce type de réflexion. 

Thomas d’Ansembourg

Effectivement, elle est fréquente cette réaction. Peut-être simplement refléter, est-ce que vous auriez besoin d’être rassuré qu’en élevant les gens dans l’attention, la bienveillance, qu’il s’agit de bien veiller, bien sûr, on va en faire des êtres autonomes, capables de se piloter avec discernement à travers les enjeux de la vie ? Est-ce que c’est ça votre souhait ? La plupart du temps, les gens vous disent, oui, c’est bien ça. Eh bien, il y a moyen de faire ça infiniment mieux que par de la contrainte et avec la carotte et le bâton, qui est le vieux système. Qui est l’éducation par la menace ou d’une punition ou d’un rejet, d’un blâme et la tentation d’une récompense. Donc des facteurs extérieurs. Donc l’être n’est pas invité à agir parce qu’il le sent, parce que c’est juste, parce qu’il en comprend profondément la signification et il s’y implique de tout son être. Il agit pour acheter la paix, la reconnaissance, la gratitude et éviter le rejet. Mais mon Dieu, C’est pour ça que j’ai écrit ce CD de Gentil Soyez Vrai, c’est que moi j’ai été élevé pour faire plaisir, quitte à me négliger complètement. Et donc acheter la paix et la reconnaissance, quitte à courir comme un fou jusqu’au bord du burn-out. Et tellement de gens aujourd’hui sont au bord du burn-out parce qu’ils ne savent pas faire respecter des limites. Nous avons tous besoin d’apprendre à faire respecter les limites, c’est essentiel. Et on peut le faire avec clarté et bienveillance, avec rigueur et bienveillance. De nouveau, je disais, la non-violence, ce n’est pas la non-colère. On peut apprendre à faire des colères non-violentes et la non-violence, ce n’est pas la non-vigueur. On peut être extrêmement vigoureux tout en étant violent, non-violent. 

Clémentine

On peut aussi. Mais ça, c’est moins entendable. On est moins dans une culture où on comprend ça. On confond un peu les concepts, comme vous dites, de non-violence, de bienveillance, comme si c’était la porte ouverte à toute. 

Thomas d’Ansembourg

Comment est-ce qu’on indique des limites de façon claire ? Eh bien, j’ai pu dire à mes enfants, je les ai élevés comme ça. J’ai pu dire, quand je voyais une attitude qui ne me convenait pas, stop ! Je ne suis pas du tout d’accord avec ce que tu as dit ou ce que tu as fait. Je t’aime profondément, ce n’est pas l’enjeu. Je t’aime profondément, tu auras mon amour à vie, ça c’est sûr. Cependant, ce que tu viens de dire ou faire, je ne suis pas d’accord et je souhaite que tu l’entendes. Ça, c’est ce que j’appelle sanctionner un comportement sans punir. Il n’y a aucune punition. J’indique qu’il y a telle valeur qui a été transgressée. Je vérifie, est-ce que tu comprends cette valeur ? Est-ce que tu es d’accord d’y adhérer ? Et on discute là-dessus. Est-ce que cette valeur fait sens pour toi ? Et puis le cas échéant, on envisage comment on va réparer ce qui a été fait. Et donc, c’est une invitation à l’éveil, à l’engagement, à la maturation, à la responsabilité. Alors que si j’avais dit, tu as mal agi, je te punis, va dans ta chambre. Qu’est-ce que l’enfant a appris ? Qu’il doit faire grave à papa parce que papa peut être menaçant. Et alors on casse le lien d’amour et on se rend compte dans un climat de peur. Mais c’est pas du tout comme ça que je veux élever les enfants. Oui, on peut être très, très clair autrement que par la carotte et le bâton. 

Clémentine

Et sans soustraire son amour. 

Thomas d’Ansembourg

Non, bien sûr, sans soustraire son amour. Si je donne ce petit exemple que je viens de donner, c’est parce que nous avons été nombreux, je pense que les personnes qui nous entendent, à entendre du désamour. Nous avons pu entendre des parents nous dire je ne t’aime pas quand tu fais ça, pas dans ta chambre. Tout d’un coup, l’amour est retiré. Je ne t’aime pas quand tu fais ça. On ne m’aime pas. Là, dans cet instant, je ne suis plus aimé. Vide, considérable, désarroi complet. L’amour est retiré comme on enlève la prise d’un instrument. Et donc, il s’agit d’indiquer l’amour, et je t’aime profondément, évidemment, et tu auras mon amour à vie, ça c’est sûr, et cependant, ce que tu viens de dire ou faire ne me convient pas pour telle ou telle raison, et je donne le sens, j’explique, j’invite à l’éveil de la conscience et de la responsabilité. C’est ça, bien veiller, ça n’a rien de bisounours. 

Clémentine

Et communiquer sans violence. 

Thomas d’Ansembourg

Et communiquer sans violence, oui. 

Clémentine

Merci beaucoup, Thomas. Merci pour toutes les explications. Si vous avez envie et vous écoutez d’aller beaucoup plus loin, il y a toute la plateforme en développement où on retrouve beaucoup de formations. Moi, j’en ai fait une, mais il y en a qui s’appliquent aux couples, aux parents, au travail, je crois.

Thomas d’Ansembourg

Oui, bien sûr, toutes sortes d’occasions. Nous sommes en relation partout et donc améliorer la qualité de la relation, c’est vraiment un enjeu du vivre ensemble. Et j’espère que ces cours en ligne peuvent apporter beaucoup de clés pratico-pratiques pour mieux vivre. Ce n’est pas une réflexion intellectuelle, c’est comment changer son quotidien. 

Clémentine

Merci. Merci beaucoup pour l’accueil. Merci. 

Thomas d’Ansembourg

Merci. 

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