Romain Deles

Épisode 253 – Pourquoi les français sont les champions européens du pessimisme parental ? Romain Delès


Après avoir interviewé des centaines d’expertes et d’experts depuis la création de ce podcast, j’ai bien compris une chose, la parentalité n’est pas seulement une affaire de choix individuels, mais le reflet d’une culture, d’un système, et de politiques publiques plus ou moins bien pensées.

Dans cet épisode, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Romain Delès, sociologue, qui explore les transformations de la parentalité à travers une comparaison saisissante entre la France et la Suède.

Romain partage avec nous des résultats de recherche qui bousculent les idées reçues : en France, 40 % des parents déclarent que leurs enfants empiètent sur leur liberté, contre seulement 5 % en Suède. Nous sommes donc les champions européen du pessimisme parental.

Romain Delès s’est interrogé sur les raisons de cet écart. 

Et il explore plusieurs pistes passionnantes. 

Pourquoi la France reste-t-elle à la traîne en matière de congé parental, d’égalité dans le couple, ou de soutien aux familles ?

 Comment des politiques publiques ambitieuses — comme celles mises en place dès les années 70 en Suède — peuvent-elles transformer en profondeur les rapports de genre, mais aussi l’imaginaire collectif autour des rôles parentaux ?

On a parlé de charge mentale, de révolution de genre incomplète, de discours culturels sur l’enfant, et de ce que la France aurait à apprendre de ses voisins nordiques pour bâtir une parentalité plus juste, plus équilibrée, et moins écrasante.

Un épisode éclairant, fondé sur des données solides, mais accessible et inspirant — pour toutes celles et ceux qui veulent penser la parentalité autrement.


🗣️ Au programme :

👨‍👩‍👧‍👦 Intérêt pour l’égalité femmes-hommes et la parentalité France/Suède (02:48 – 05:42)
⚖️ Révolution de genre incomplète en France (08:15 – 13:28)
😟 Complainte parentale : genre, culture et charge mentale (16:22 – 19:12)
🗣️ Culture de la parentalité et discours sur l’enfant (19:12 – 25:22)
🔍 Analyse comparative et introspection du sociologue (28:33 – 34:07)
🧸 Effets de l’implication paternelle sur les enfants (40:02 – 45:28)
📈 Recommandations et politiques publiques (48:35 – 55:03)


TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE

Clémentine

Bonjour Romain. 

Romain Deles

Bonjour. 

Clémentine

Merci beaucoup d’avoir accepté mon invitation à participer à ce podcast. J’ai une première question, c’est pourquoi est-ce que vous avez voulu devenir sociologue ? Ce n’est pas commun comme métier. 

Romain Deles

Je ne sais pas si on pourrait reconstruire à postérieurie toujours sa trajectoire biographique. Il y a toujours un peu de biais dans les réponses, mais peut-être que Ça m’est tombé un petit peu dessus pendant mes études, en vérité. J’ai découvert la sociologie après le bac. Et puis j’ai tout de suite accroché, en fait, au départ plutôt avec les aspects un peu militants, parce que j’ai découvert un peu la sociologie avec Pierre Bourdieu. Je ne sais pas si ça résonne aux oreilles de tout le monde, mais Pierre Bourdieu, c’était un sociologue qui a beaucoup travaillé sur la question de la domination sociale et qui a beaucoup diffusé l’idée selon laquelle la sociologie pouvait être, pour reprendre une de ses expressions, un sport de combat et donc servir à renverser certains rapports de pouvoir. 

Romain Deles

Donc j’ai d’abord beaucoup adhéré à ça et puis après sont venus les aspects plus scientifiques du travail au cours des études et j’ai eu la chance, parce qu’il y a toujours un petit peu de chance dans ces affaires-là, j’ai eu la chance de faire mon métier ensuite. 

Clémentine

C’est quoi concrètement le métier de sociologue ? Parce que je pense que plein de gens entendent ce nom mais ne se représentent pas ce que ça veut dire en réalité. 

Romain Deles

Ouais, c’est une catégorie d’ailleurs qui est un petit peu manipulée socialement, parce qu’on voit certains journalistes, notamment dans la sphère d’extrême droite, qui s’autodéclarent un peu sociologues pour se donner un peu de légitimité. Académiquement, sociologue, c’est docteur en sociologie, voilà. Et ensuite, ce que ça veut dire, ça veut dire d’abord mener un travail d’étude empirique, en fait, sur différents sujets. Dans la recherche française aujourd’hui, on peut s’auto-attribuer ses sujets d’études, donc c’est ça l’indépendance de la recherche. Donc on va chercher sur ce qui nous intéresse. Et puis donc un support empirique, ensuite une analyse de ce qu’on observe, voilà, avec différentes méthodes. Il y a des entretiens, des observations, méthodes plus qualitatives, et puis des méthodes plus quantitatives. 

Romain Deles

Moi, je fais un petit peu de tout, mais je fais aussi beaucoup de travail quantitatif sur des données internationales qui sont diffusées par des grands organismes de statistiques internationaux. 

Clémentine

Alors justement, comment vous en êtes venu à vous intéresser au sujet de l’égalité femmes-hommes et le sujet de la parentalité, notamment entre la Suède et la France ? 

Romain Deles

J’aurais dû réfléchir à cette question avant pour pouvoir l’expliquer. Globalement, on part d’un manque dans la littérature française sur ces questions-là parce qu’en France, il me semble que les politiques d’égalité de genre sont souvent portées sur l’accès des femmes au marché du travail. C’est pour ça qu’on a promu l’égalité de genre. Et il me semblait qu’on avait assez peu exploré le mouvement inverse qui est celui de l’accès des hommes à la sphère domestique en vérité. Donc ça résonne aussi évidemment avec ma trajectoire personnelle puisque je suis papa de trois enfants. Et évidemment, on finit par se poser des questions à soi-même. Et c’est pas désagréable de s’interroger plus généralement sur la place des hommes dans le travail domestique et parental. 

Clémentine

— Et du coup, pourquoi après, entre la Suède et la France aussi, voir les différences d’organisation sociétale ? 

Romain Deles

— Ouais, je suis tombé là-dessus, en fait. C’est peut-être une belle histoire à raconter, ça. Alors en fait, j’ai étudié la Suède sur une thématique précédente, sur la question de l’enseignement supérieur en Suède. Et donc j’avais fait un petit séjour de recherche à ce titre-là en 2019. Et j’y suis allé avec ma famille. Mais bon, voilà, le voyage un peu… Un peu fatigants, mes enfants petits. Et on se déplace dans Stockholm, on essaye de trouver l’endroit où on avait notre appartement, c’était un peu compliqué. Et donc à ce moment-là, mes enfants, fatigués, ne voulaient plus avancer. Il nous restait 300 mètres à parcourir à pied pour y arriver. Et en fait, à ce moment-là, Josse un petit peu le ton en disant bon maintenant on y va, allez hop on reprend son petit sac et on y va. 

Romain Deles

Et il y a une personne qui sort d’une porte qui était sur le trottoir là à 10 mètres de nous. C’était un jeune homme qui avait peut-être 20 ans et qui s’interpose et qui dit est-ce qu’il y a un problème ? Voilà et donc il me regarde de façon un peu… Comment dire… Suspicieuse en fait. Et j’ai compris qu’en fait, ils me reprochaient de parler trop durement à mes parents. À vos enfants. Voilà, à mes enfants, pardon. Je suis un parent plutôt bienveillant, je veux rassurer tout le monde. Mais j’ai compris qu’en fait, c’était pas du tout dans les standards suédois. En fait, on pouvait pas parler comme ça à ses enfants. Et je me suis toujours dit qu’il y avait quelque chose d’assez intéressant dans cette anecdote-là. Parce que c’était quelqu’un qui avait manifestement ou probablement, très probablement pas d’enfant. 

Romain Deles

C’était un homme et il a jugé opportun de venir s’interposer parce qu’il trouvait complètement inacceptable ma façon de m’adresser à mes enfants. Donc voilà, je me suis toujours dit qu’il y avait quelque chose de l’ordre à la fois de l’égalité de genre, puisque c’est un homme qui parle des questions liées aux enfants et aussi de la place des enfants dans cette société. Donc voilà, j’en ai fait un peu après un sujet de recherche, toujours aussi un petit peu par hasard, mais… 

Clémentine

C’est bien, vous résumez tout à fait l’ambiance générale qu’il y a en Suède envers les enfants, en fait, comment on considère l’enfant. On en a beaucoup parlé dans ce podcast, mais vous allez nous expliquer, parce que justement, ça a une incidence un petit peu sur les études que vous avez menées. Et je voulais qu’on parle, il y en a plusieurs dont on va parler aujourd’hui, mais la première c’est la complainte parentale que vous avez étudiée. Vous expliquez que près de 40% des Français, des parents français, considèrent que les enfants empiètent sur leur liberté de parent, alors qu’en Suède c’est 5%, voire moins de 5%. Comment ça se fait qu’il y a autant de décalage entre nos deux cultures et nos deux nations ? 

Romain Deles

— Ouais. Alors si on réinsère ça, d’ailleurs, dans l’ensemble des pays européens ou dans un grand ensemble de pays, on voit que c’est vraiment les deux extrémités du spectre. C’est-à-dire que la France est plus que la Suède mais plus que tous les autres pays européens. Plutôt pessimiste, voilà, en termes de représentation parentale, si on peut le dire comme ça. Donc les parents français, et pas seulement sur la question de comment les enfants empiètent sur la liberté, les parents français répondent systématiquement plus négativement sur toutes les questions qui ont attrait en fait aux représentations de l’acte parental, de la parentalité ou des enfants. Donc dans cette enquête, c’est l’enquête ISSP qui démontre ça, les parents français sont extrêmement pessimistes, les parents suédois sont toujours plutôt optimistes. 

Romain Deles

Alors, avant toute chose, il faut dire ça tout de suite, les parents suédois, ils sont suédois et les suédois sont toujours beaucoup plus optimistes dans les enquêtes de manière générale. Donc on dit toujours d’où vient le bonheur nordique, etc. Il y a probablement un petit artefact d’enquête. Quand on demande en Suède et dans les pays nordiques en général, si les gens vont bien, les gens répondent oui. Donc il y a peut-être quelque chose de ça. Et puis à l’inverse, les parents français sont des Français. Les Français ont une réputation – je sais pas si elle est vraie – d’être plutôt râleurs, protestataires, etc. Donc il y a peut-être un artifice comme ça, un artefact, en fait, lié au type de question qui est posée. Mais au-delà de ça, l’hypothèse que j’ai essayé d’avancer, c’était plutôt que c’était lié aux arrangements des couples. 

Romain Deles

Donc dans la sphère familiale, il y a une théorie qui commence à émerger de l’idée d’un nouvel équilibre qui serait lié à l’égalité de genre. En fait, ces pays-là, les pays nordiques, c’est pas que la Suède, c’est les autres pays aussi, ils ont des niveaux de pessimisme parental qui sont plus faibles, potentiellement parce qu’il y a moins de tensions autour des enfants. Et tout ça, c’est organisé socialement. Et peut-être que les pays qui ont les niveaux de pessimisme parental plus élevés ont des modes d’organisation sociale des arrangements de couple. On croit que les arrangements de couple, c’est chacun avec son partenaire. Non, c’est construit socialement et politiquement. Eh bien, peut-être que ces arrangements sociopolitiques dans certains pays sont moins favorables aux parents et donc au bonheur parental ensuite. 

Clémentine

Créer des tensions. Et ce que vous dites, c’est qu’on est dans une révolution de genre incomplète en France. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce concept, ce que ça veut dire ? 

Romain Deles

Oui. Alors, les théories de la révolution de genre, elles émergent à partir des années 2000, donc dans la littérature plutôt internationale. Et conceptuellement, en fait, la théorie de la révolution de genre, elle identifie deux stades. Voilà. En fait, ce n’est pas si conceptuel que ça, c’est peut-être même chronologique. Il y aurait une première phase de la révolution de genre dans laquelle les femmes accèdent au marché du travail. Donc cette première phase, elle est très largement en cours dans la plupart des pays occidentaux. On peut dire qu’elle n’est pas tout à fait réalisée. C’est clair, il se maintient des inégalités assez importantes. Sur le marché du travail. 

Romain Deles

Néanmoins, quand on compare le marché du travail aujourd’hui avec ce qui se passait il y a 50 ans, on a vu une très forte augmentation de l’emploi des femmes, une baisse des écarts de salaire, des opportunités professionnelles, etc. Donc la première phase de la révolution de genre est en cours. Par contre, la deuxième, celle qui consiste au mouvement inverse, c’est-à-dire l’entrée des hommes dans la sphère domestique, celle-ci est absolument pas réalisée dans certains pays, est à peine amorcée dans d’autres et en voie de réalisation dans certains pays. Happy Few, quelques petits pays, en particulier pays nordiques, qui ont commencé à travailler l’évolution dans cette deuxième phase de la révolution de genre. 

Romain Deles

Et donc c’est assez intéressant, c’est un laboratoire social d’une certaine façon, ces pays nordiques, parce qu’ils nous montrent, ils sont un peu une exception mondiale, ils nous montrent des situations nationales dans lesquelles on a à la fois plus d’égalité de genre sur le marché du travail, mais aussi plus d’égalité de genre dans la sphère domestique. 

Clémentine

Donc c’est ça, le fait que ce soit incomplet chez nous, c’est qu’on a accédé au premier palier, plus ou moins bien, et que pour l’instant, les hommes n’ont pas encore assez investi la sphère familiale et les tâches domestiques. C’est dû à quoi ? Pourquoi est-ce que nous on n’a pas réussi et pourquoi eux ont réussi ? 

Romain Deles

Alors déjà, le constat, il est en cours d’établissement. C’est-à-dire qu’il y a des choses qui bougent, évidemment. Ce qu’on sait, c’est que la dernière grande enquête qui nous permet vraiment de documenter ça, elle date de 2011 en France. C’est les enquêtes emploi du temps des ménages de l’INSEE. La prochaine mouture va arriver en 2026-2027. Donc on est assez curieux de voir les évolutions depuis 2011 parce que ça s’est un peu étendu. À la faveur de la crise du Covid. Ça a pris du retard, ces grandes enquêtes. Et du coup, en 15 ans, avec la révolution MeToo au milieu, on peut espérer de bonnes surprises. Néanmoins, on a d’autres enquêtes qui nous permettent d’apprécier ça et qui nous disent que globalement, ça évolue très, très lentement. 

Romain Deles

En tout cas, pas du tout à la vitesse de progression qu’on voit dans la première phase de la révolution de genre, c’est-à-dire dans le l’accélération du taux d’emploi des femmes à partir des années 60 en France. Donc effectivement, sur le constat, il y a quelque chose de la persistance des inégalités domestiques en France. Alors comment ça s’explique ? Si on voit que dans d’autres pays, ça se débloque, cette deuxième phase, il faut peut-être comparer nos modèles d’égalité de genre. Et c’est ce que j’ai essayé de faire, de voir ce qui s’est passé en Suède pour permettre le développement, le déblocage, en fait, de cette deuxième phase de la révolution de genre. 

Romain Deles

Et tout indique qu’il a été mis en place assez précocement, à partir des années 1970, des politiques en faveur de l’implication des pères dans le travail parental et par extension dans le travail domestique. 

Clémentine

Oui, vous expliquez que, par exemple, il y a des représentations imagées dans la société. Moi, j’avais déjà vu cette image que vous mettez dans votre… Dans votre habsack où on voit un… C’est un bodybuilder suédois qui tient un bébé dans les bras, tout nu. On voit ses muscles pour montrer que c’est juste normal, peu importe notre métier ou ce qu’on fait en tant que père, de s’occuper de son bébé. Et ça, ça a marqué la Suède. 

Romain Deles

Ouais, alors ça, c’est une image vraiment qui est iconique, emblématique. À chaque fois que j’ai parlé avec des parents suédois au cours de mon enquête, tout le monde la connaissait. Donc, ça a vraiment marqué les esprits en Suède. Tout le monde connaît cette image-là. Ça a été une campagne assez forte, en tout cas dans les esprits, qui a été mise en place à partir de la fin des années 1970. Alors, peut-être si on remonte un peu l’histoire, il y a quand même au départ Il y a quand même eu la mise en place du congé parental. C’est peut-être l’élément vraiment décisif, en tout cas en termes d’incitation à l’implication parentale des pères. C’est vraiment le congé parental, qui est un congé parental neutre en termes de genre, partagé, bien rémunéré. Et qui n’a pas d’alternative dans la garde de l’enfant. 

Romain Deles

C’est-à-dire les parents gardent leur enfant pendant les 12-18 premiers mois de leur vie. 

Clémentine

Il n’y a pas de mode de garde pour un parent qui ne prendrait pas ce congé ? 

Romain Deles

Non. 

Clémentine

Donc c’est soit la famille, soit nous. Soit le parent, soit les grands-parents.

Romain Deles

De la famille, encore que les formes de solidarité familiale sont un peu différentes de celles qu’on peut observer en France. Et puis, vous avez un temps consacré à ça. Donc, globalement, vous ne prêtez pas votre enfant à d’autres. Ce n’est pas du tout la norme. Donc effectivement, c’est à la fois une opportunité, un congé parental bien payé, mais c’est aussi une forme d’obligation, il faut le comprendre comme ça. Donc ça c’est la première chose, c’est d’abord un élément de transformation d’ordre politique. On a mis en place une réforme du congé parental qui induit une présence parentale des pères plus forte. Il s’est ensuite réformé à plusieurs reprises, toujours en essayant de favoriser une implication plus forte des pères. Il y a d’abord ce premier élément qui est assez décisif et structurant dans le modèle suédois. Mais ça n’a pas décollé immédiatement, évidemment. 

Romain Deles

Parce que c’est pas parce que vous dites aux gens « vous pouvez prendre un congé parental » qu’ils vont effectivement le prendre. Et en particulier, ceux que l’on vise derrière ce dispositif, ce sont les pères. Évidemment, les pères n’ont pas tout de suite pris le pas. Donc c’est pas parce qu’on décrète qu’il y aura un congé parental pour les pères que les pères le prennent effectivement. Et donc il y a eu… Un accompagnement de cette réforme par d’autres outils, et en particulier celui que vous citez, qui est très fort, parce qu’ils ont cherché à travailler les imaginaires. Donc il y a un article d’un collègue suédois Roger Clint, qui a beaucoup étudié ces questions-là, et qui a montré comment, effectivement, ça avait contribué à l’enrôlement concret des pères, en leur montrant qu’il y avait une forme de masculinité compatible, en fait, avec la parentalité. 

Romain Deles

Et voilà, donc ça s’est construit comme ça, et puis il y a d’autres outils ensuite, mais c’est pas juste ce congé parental, c’est tout un ensemble, une batterie, en fait, de transformations sociales qui se mettent en place à partir des années 70. 

Clémentine

Et c’est marrant parce que tous ces sujets-là rejoignent ce que vous étudiez, la complainte parentale. Puisqu’en France, on est un peu des champions, on disait on est des pays latins, on aime bien râler, en tout cas on a cette étiquette-là, ou être un petit peu plus pessimiste. Mais ce que vous démontrez, c’est surtout que si on a une complainte, et surtout nous les mères, c’est ce qui ressort aussi, c’est parce qu’on a conscience qu’on a une double journée, c’est parce qu’on… On comprend la charge qui est sur nos épaules et qu’il n’y a pas la courbe de résorption, d’absorption, je le dis en anglais, qui fait qu’on sent qu’on va vers le progrès, vous le disiez, c’est très lent, que les foyers suédois ne ressentent pas. 

Clémentine

Donc est-ce que la complainte parentale, c’est une complainte parentale en France ou c’est une complainte des maires, dans l’étude que vous faites ? 

Romain Deles

Alors, le sentiment moins optimiste ou plus pessimiste des parents vis-à-vis des enfants, il est, toutes choses étant égales par ailleurs, plus fort en France qu’en Suède. Donc c’est vraiment, c’est parental en fait. Donc ça a à voir vraiment avec une culture de parentalité qui est différente en France et en Suède. Ceci étant dit, le sentiment est un petit peu plus fort chez les femmes que chez les hommes. Cet écart… Comment le dire autrement ? Si vous voulez, l’homme moyen en Suède, à un niveau de pessimisme parental inférieur à l’homme moyen en France. C’est pas comment l’expliquer. C’est-à-dire, l’effet pays est plus fort que l’effet sexe à l’intérieur du pays. Voilà comment on peut… — Il y. 

Clémentine

A plus de grosses différences entre France-Suède qu’entre père-mère… — Père-mère à l’intérieur de. 

Romain Deles

La France et père-mère à l’intérieur de la Suède. Tout à fait. 

Clémentine

— Et entre mère française et mère suédoise, est-ce que là, il y a un écart ? 

Romain Deles

À chaque fois, les maires sont plus pessimistes que les pères. 

Clémentine

Même en Suède ? 

Romain Deles

Même en Suède. C’est probablement, par contre, lié. On a du mal à le savoir. Il faut faire des enquêtes qualitatives plus fouillées, donc vraiment aller interroger les gens. On ne peut pas le savoir en manipulant des chiffres parce que les questions ne sont pas suffisamment précises pour atteindre ce degré de finesse dans nos raisonnements. Mais ce qu’on peut faire comme hypothèse, c’est que le pessimisme des maires en Suède est plutôt lié à des phénomènes de frustration. C’est-à-dire que les maires ont acquis un niveau d’égalité. Évidemment, plus vous avez d’égalité, Le moindre événement qui trompe cette égalité vous rend plus sensible à cette égalité et suscite donc peut-être plus de frustration. Alors qu’en France, ça renvoie plutôt à un phénomène plus structurel de double journée des femmes. 

Romain Deles

Probablement qu’en France, le pessimisme des mères est lié au fait qu’elle cumule le travail rémunéré et puis le travail non rémunéré une fois la journée de travail terminée. 

Clémentine

Ce qui se comprend, d’être pessimiste du coup. Quand on porte toute la charge, ça peut s’entendre. 

Romain Deles

C’est plus difficile d’être parent en France qu’en Suède, on peut-être le dire comme ça tout simplement. Par conséquent, il y a moins d’optimisme parental en France qu’en Suède. 

Clémentine

Il n’y a pas que cet aspect-là qui rentre en compte. Les inégalités de genre sont un gros paramètre. Mais vous parlez aussi de cette culture de la Suède autour de l’enfant, de ce que vous racontiez, de l’anecdote avec vous et vos propres enfants. On considère l’enfant comme un sujet de droit qui mérite le respect, qui doit être protégé, à qui on fait attention. Ce qui veut dire qu’on ne se plaint pas de la même manière d’un enfant en Suède qu’en France. Est-ce que vous pouvez nous expliquer tout ça ? 

Romain Deles

Ouais. Du coup, j’ai fait des entretiens comparatifs, à la fois avec des parents en France et des parents en Suède, et j’ai essayé d’analyser les formes de discours et j’étais très vite surpris, dès que j’interrogeais des parents suédois, par la différence d’approche. Quand on fait des entretiens, en tout cas c’est mon style d’entretien en tant que sociologue, on va chercher quand même une forme de connivence avec la personne avec qui on discute. Parce que c’est là qu’on obtiendra peut-être plus de confidence, parce que tout simplement c’est plus agréable de discuter en confiance avec quelqu’un, etc. Donc, manière de fabriquer de la connivence avec les parents français, que je viens d’interroger en premier, parce que j’ai commencé ce terrain-là avant la SUED, c’était de parler de mes propres difficultés parentales et de blaguer avec. 

Romain Deles

Et je me suis rendu compte que ça prenait très très bien, en fait. Et en France, on blague beaucoup sur ces enfants. On blague beaucoup sur ces enfants. C’est-à-dire, c’est très facile de dire « qu’est-ce qu’ils sont fatigants, je les adore mais je préfère quand même quand ils sont gardés, ouf, bon débarras », ce genre de… De phrases un petit peu anodines en fait, mais qui, du point de vue suédois, jouent une vraie violence vis-à-vis des enfants. Parce que ça veut dire qu’en fait, vous ne les voulez pas vos enfants. Donc chez nous, en France, c’est pas du tout perçu comme ça. Et c’est très courant. Et ça prend même le statut de blague. Donc à ce moment-là, ça montre bien le caractère très anodin de ce genre de choses. 

Romain Deles

On peut citer un mille exemple d’humoristes qui utilisent cette thématique en fait de la parentalité pour en faire des blagues. Donc c’est très très courant en France. En Suède, ça ne prenait pas en fait. Je partais avec la même intention et je me suis rendu compte qu’en fait les parents suédois ne rentraient pas du tout dans mon jeu et ne comprenaient pas ce que je voulais dire en fait quand je disais bah ça a dû être difficile. Mille et mille échanges. J’ai cet exemple-là d’un père qui me dit, bon, hier matin, je suis allé à une baby-rave, donc un truc qui n’existe évidemment pas du tout en France, pas d’équivalent en France de ça. 

Romain Deles

Une baby-rave, c’est juste un petit endroit où il y a un peu de musique pour que les enfants qui sont vraiment en bas âge, qui ont 18 mois, puissent se socialiser avec d’autres enfants, un peu de musique, très douce, évidemment, et à leur portée. Donc, il est allé à cette baby-rave et il me dit, j’ai dû faire un effort parce que J’ai hésité beaucoup parce que mon enfant s’était levé très très tôt. Je voulais peut-être pas y aller parce que je me suis dit que ça allait être compliqué. Je lui ai dit, oui, ça a dû être très très compliqué. Et dans ma tête, je voulais dire, ça a dû être compliqué pour toi en fait. En tant que parent ? Ouais, en tant que parent de gérer ton enfant qui fait des caprices, etc. 

Romain Deles

Le mot de caprice qui n’a pas d’équivalent en suédois, c’est très marrant. Voilà, donc dans mon esprit, c’était comme ça que je voulais relancer la discussion. Ma petite remarque était simplement là pour le faire parler là-dessus. Et en fait, il me dit non, mais finalement, ça a été… Il a été… Enfin, il a retourné, en fait, ma question du côté de son enfant. Lui, il parlait vraiment de son enfant. Il a perçu ma question comme si ça a dû être compliqué pour lui, en fait. 

Clémentine

Pour l’enfant. 

Romain Deles

Pour l’enfant. Alors que moi, je parlais compliqué pour lui, le parent. Et donc, c’est là qu’on voit des malentendus qui sont hyper intéressants entre Français et Suédois. Et ça dénote d’une culture de parentalité très différente en Suède. 

Clémentine

Je disais que j’ai déjà fait des épisodes sur ça, sur la culture suédoise autour des enfants. Ils ne connaissent pas le mot fessé. Le mot caprice, oui, il n’a pas d’équivalent dans leur langue. Tout là, elle expliquait, Marion Querck, spécialiste des droits de l’enfant là-bas, que tout le vocabulaire lié aux enfants est vraiment un vocabulaire pas positif, mais respectueux, enchanteur. Et de ce que vous dites, on blague pas, en fait, avec les enfants. On les respecte. Et nous, sous couvert d’humour, on fait passer des messages pour dire qu’ils sont chiants et qu’on en a marre, en fait, et on n’a pas de gêne à le faire. Alors que ce n’est pas possible en Suède. 

Romain Deles

Tout à fait. 

Clémentine

Mais est-ce que c’est ce que vous dites ? Est-ce que ce n’est pas possible parce que c’est mal vu et personne… Non, je reprends ma question. Est-ce que ce n’est pas possible parce que personne ne le ressent ou est-ce que c’est parce que c’est tellement mal vu qu’on ne peut pas le dire à haute voix pour les Suédois ? 

Romain Deles

C’est très difficile de le savoir puisque… Enfin, c’est difficile de savoir ce que les gens ne peuvent pas dire. Donc voilà, c’est le principe même de quelque chose qui n’est pas dissible en fait. Donc c’est difficile de faire dire ce qui n’est pas dissible entretien. Néanmoins, ce genre de petites interactions que je viens de raconter sur « je pose une question avec une intention derrière qui est implicite et l’implicite n’est pas reçue » montre bien qu’en vérité, La personne que j’ai en face de moi ne pense pas comme moi. Je veux dire moi, parent français, pas moi sociologue. Là, c’était vraiment une relance de parent français, un peu, voilà, premier degré, quoi. Donc ça, ça montre bien qu’il y a vraiment un état d’esprit un peu différent face à la parentalité. Et puis, ce n’est pas incompatible. 

Romain Deles

Je pense qu’il y a un vrai interdit social là-dessus. Parce que… J’ai eu ces discussions-là autour de la difficulté à traduire le mot « caprice ». Je parlais en anglais, je ne parle pas suédois. Je discutais en anglais avec les parents suédois. Et donc, je posais la question de la traduction du mot « caprice » en anglais vers le suédois. J’ai eu plusieurs discussions, dont une qui me disait que ça n’existe pas trop, elle réfléchit, elle me trouve une sorte d’équivalent. Qui s’appelait Barnes and Fole, je dois très mal prononcer, et elle me dit, sauf qu’en fait, si on utilise ce mot-là en tant que parent, bah en fait on va subir la condamnation morale ou sociale des gens autour de nous, parce qu’en fait ce mot-là, il est clairement fléché, conservateur, enfin voilà. 

Romain Deles

Donc il y a une position quand même morale assez forte de on ne considère pas que le caprice puisse exister. C’est une expression émotionnelle de l’enfant et elle ne doit pas être connotée négativement en fait. Donc ceux qui se permettent d’utiliser le mot Barnes and Fole, qui veut dire caprice, sont susceptibles d’être critiqués pour ça. Ça veut donc bien dire qu’il y a aussi une forme d’interdiction sociale. 

Clémentine

Est-ce que vous avez été surpris des résultats, de voir que la France, on est le champion des complaintes et que les Suédois le sont peu ? Est-ce que c’est cohérent par rapport à nos cultures ? 

Romain Deles

Oui, c’est-à-dire que j’ai vu ce résultat-là et ensuite j’ai essayé d’en trouver les raisons. Évidemment, oui, en quelque sorte, j’ai été surpris. C’est juste de dire que le sociologue n’est pas forcément surpris. Quand il voit quelque chose d’étonnant, il va essayer d’en trouver la… Donc oui, en quelque sorte, ça m’est apparu comme une bizarrerie assez intéressante pour qu’on puisse essayer d’en trouver la cause. On peut dire ça, parce qu’effectivement, c’est très bizarre. Et puis ce qui était très bizarre aussi, c’était le déploiement des pays autour de cette question-là. On voyait des pays dont on pouvait comprendre qu’ils faisaient un peu sens quand ils étaient ensemble, c’est-à-dire tous les pays nordiques qui avaient des niveaux de pessimisme parental très très faibles. 

Romain Deles

Et puis ensuite on ne comprenait pas pourquoi des pays au fonctionnement social un peu plus conservateurs, comme par exemple l’Autriche, comme par exemple l’Allemagne, étaient finalement assez proches en termes de pessimisme parental des pays suédois. Et puis à l’autre bout, il y avait des pays dont on pouvait se dire bon ben quand même, c’est des pays qui présentent une idéologie assez forte de l’égalité de genre. Donc il y a l’Espagne, même si c’est assez récent. Et il y avait la France. Donc on ne comprenait pas un peu la distribution des pays. Donc c’est pour ça, ça m’a semblé être un objet de questionnement. 

Clémentine

Donc vous rendez compte que l’inégalité de genre joue un rôle fort, que la condition de la place de l’éducation dans la société joue un rôle aussi. Comment on considère l’enfant, en gros ? Est-ce qu’il y a une autre raison à ça. 

Romain Deles

Non, c’est les deux pistes d’explication principales que je mobilise. Oui. 

Clémentine

Est-ce que pendant votre travail en tant que sociologue, pendant que vous interviewez les parents, que vous voyez les différences entre les deux pays, vous comparez aussi les politiques publiques envers les parents, les familles, vous interrogez en tant que parent, vous le disiez tout à l’heure, vous êtes père aussi, et ça vous fait réfléchir à votre posture de père, de conjoint, d’implication en tant qu’homme au sein d’un foyer français ? 

Romain Deles

Oui, bien sûr. L’idée, c’est que je ne crois pas du tout à la science dans un bocal, c’est-à-dire comme si on pouvait étudier les phénomènes sans être complètement impliqué dans ce qu’on étudie, surtout en tant que sociologue. Ce n’est pas une science expérimentale, ce n’est pas une science de laboratoire. On est dehors avec les gens, on discute. Donc évidemment, quand on discute, on reçoit aussi beaucoup de messages au premier degré. Donc voilà, si on a une position un peu introspective ou réflexive, on peut se poser des questions sur sa propre situation, ce que j’ai fait. L’essentiel étant ensuite, dans un deuxième temps, de créer cette distance analytique au moment où on écrit un article, au moment où on reprend son matériau et où on l’analyse. Mais oui, effectivement, ça m’a évidemment transformé. 

Romain Deles

Ce que j’ai eu l’occasion de faire, c’était aussi d’aller dans des structures qui n’ont pas d’équivalent en France, qui s’appelait les Opna Fuscolan, qui sont en fait une… La traduction littérale de ce mot-là, c’est des écoles pré-élémentaires ouvertes. Et en fait, en gros, c’est des structures pour les parents qui sont au congé parental. Et globalement, ça reçoit des enfants qui sont autour de 12-18 mois avec leurs parents. Et le plus souvent, c’est des pères parce que c’est comme ça qu’on peut organiser l’arrangement. En général, les mamans prennent le début du congé parental. Parce qu’il y a un gros taux d’allaitement notamment, puis les pères prennent la deuxième partie, et il se trouve que ces structures-là ont des jeux, et puis le fait de recevoir des enfants sur un temps un peu long, ça suppose qu’il n’y ait pas la sieste matinale, etc. 

Romain Deles

Donc tout ça fait que globalement la cible d’âge c’est 12-18 mois, et c’est là que les pères le prennent le plus. Donc en fait ces structures-là sont plutôt destinées aux pères, de fait, même si elles sont évidemment ouvertes à tous les parents. Et donc j’ai eu l’occasion d’y aller. Je trouve ça formidable, très intéressant en termes de socialisation à la parentalité. Et dans un article, j’analyse aussi ma propre socialisation à cette parentalité, puisque j’y suis allé avec mon enfant. Donc c’était assez transformateur. C’est intéressant de voir comment ça marche. Et comment ça vous transforme vous-même et comment ça remet en cause un certain nombre de vos habitudes héritées d’un modèle social et politique différent en France ? 

Clémentine

Plus genré, en gros. C’est ça, en France, on… 

Romain Deles

La parentalité est clairement plus genrée. 

Clémentine

Et plus l’apanage des mères et les pères, c’est le travail. 

Romain Deles

Clairement, il y a une répartition, une division des tâches. Mais les mères aussi, c’est le travail, en fait. C’est ça. 

Clémentine

Oui, mais c’est ancré dans l’imaginaire que nous n’avons que la responsabilité du foyer en nous mettant de manière, à mon avis, un peu consciente qu’on travaille aussi, en fait. 

Romain Deles

Oui, je ne le dirai pas autant que dans d’autres pays où c’est assez clair. La division traditionnelle persiste. Mais en France, par exemple, si on regarde l’indicateur très simple, qui est le taux de temps partiel des femmes, il est parmi les plus faibles d’Europe, en France. Donc, ça veut dire que les femmes travaillent et les femmes travaillent à temps complet. Donc, en fait, cette division-là, elle n’existe pas. Vous avez plein de pays où, effectivement, les femmes ont un emploi qui est considéré comme secondaire et où leur responsabilité première, ça va être la maison. En France, non, les hommes travaillent, les femmes travaillent. Je parle de travail rémunéré. Et à la maison, c’est globalement les femmes qui s’en occupent. Mais ça, il ne faut pas le voir. On considère que l’action publique ne peut pas aller intervenir dans le secret des maisons. 

Romain Deles

Il y a des pays qui le font et apparemment, ça marche. 

Clémentine

Et apparemment, on pourrait s’en inspirer. 

Romain Deles

Et puis, en plus, il faut évidemment comprendre la perméabilité qu’il y a entre ces deux sphères. C’est à dire, si vous renforcez l’égalité de genre dans la sphère domestique, évidemment, vous déchargez les femmes d’une partie du travail domestique et parental qu’elles font massivement. Et donc, évidemment, vous leur permettez de progresser dans leur carrière, d’éviter des interruptions de carrière au moment des naissances, etc. Donc, Il ne suffit pas de dire, oui, mais on met en place des moyens de garder les enfants pour que les femmes puissent retourner au travail. Oui, c’est très bien, c’est nécessaire. Ils font ça aussi en Chouette. 

Romain Deles

Par contre, essayer d’intervenir pour inciter les pères à prendre le relais une fois que la crèche est terminée, c’est peut-être là qu’on peut gagner ce qui nous manque en termes d’égalité de genre dans la sphère domestique, évidemment, mais aussi dans le monde du travail. 

Clémentine

Vous disiez, en Suède, c’est paradoxalement le fait de ne pas pouvoir se plaindre, ça donne une pression parce qu’elle est tue. En tout cas, le mal-être peut être tué à ce moment-là. Est-ce qu’en grattant un peu, en essayant de discuter dans vos interviews, il y a un moment où ça arrivait, où ça pouvait être audible à force d’en parler ou vraiment pas du tout en Suède ? Décorrélé du fait que c’est dur d’être parent, du bien-être des enfants, mais vraiment leur bien-être à eux en termes de santé mentale. 

Romain Deles

C’est cadré. C’est cadré. C’est-à-dire, ce qu’on va pouvoir me dire, c’est potentiellement les difficultés qu’on ressent face aux difficultés de l’enfant. OK. Des choses comme ça. Ça, j’ai pu l’entendre. La difficulté parentale est assez peu dissible, je dirais. Donc ça reste assez… Ça reste assez… 

Clémentine

Tabou. En France, on parle beaucoup de culpabilité maternelle, je dirais pas culpabilité parentale, d’ailleurs, ou paternelle. Est-ce que c’est un concept en Suède qui existe ? Parce que je pense que notre culpabilité en tant que mère, il est aussi beaucoup lié au fait qu’on a l’impression d’être nulle part et partout en même temps, puisqu’on doit tout faire en même temps. Et qu’il y a un moment, c’est juste pas gérable. Est-ce que ce concept-là, il existe en Suède ? 

Romain Deles

Oui, mais là encore, alors, culpabilité parentale, oui. Culpabilité maternelle, peut-être moins. Peut-être un peu moins, tout simplement parce que la charge parentale est beaucoup plus répartie. Le rôle de parent est jamais genré, en fait, en Suède. C’est un clair héritage de ce congé parental qui n’est pas fléché. Il n’existe pas de congé de maternité, de congé de paternité en Suède. Donc, quand on parle des parents. Donc ça, c’est la première chose, je dirais. Néanmoins, ça existe, la culpabilité parentale en Suède. C’est peut-être même le moteur même de l’action parentale parce que c’est extrêmement puissant. Parce qu’ils ont complètement intégré cette tendance à l’hyper-parentalité. En fait, en France, l’hyper-parentalité, je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais c’est-à-dire l’augmentation de la pression parentale, des efforts faits pour les enfants, etc. 

Romain Deles

Des efforts faits pour les enfants sur les questions scolaires, par exemple, etc. Toutes ces choses-là, cette implication parentale très très forte, évidemment, va s’ancrer différemment dans les deux contextes parce qu’en France, on a des inégalités de genre assez fortes sur la question parentale, pas en Suède. Donc en France, la culpabilité, l’hyper-parentalité, ça se manifeste par la culpabilité maternelle en premier lieu. Et en Suède, ça sera plutôt les parents quittent. C’est très classique. Les parents quittent très, très tôt le bureau en Suède. Et c’est une sorte de course à qui va chercher son enfant le premier. Il ne faut jamais laisser son enfant en dehors du temps scolaire. La garderie est désertée très, très vite. Et ça, c’est le classique. Donc oui, il y a de l’hyper-parentalité et de la culpabilité, mais qui est beaucoup plus répartie entre les deux parents. 

Clémentine

Et qui s’explique différemment en plus, du coup. Mais c’est aussi, on parle des politiques publiques, mais en fait, c’est aussi une organisation de travail salarial sur le fait de permettre aux parents d’être présents et de ne pas avoir cette charge impossible de terminer à 18h30, devoir courir chercher son enfant, même parfois de ne pas pouvoir être là à 18h30 quand c’est la fin de l’école et de la garderie, qu’il faut une nounou. Il y a aussi ça aussi en France. On aime bien le présentéisme quand même. On aime bien les heures longues. Et c’est pas du tout l’organisation suédoise. 

Romain Deles

Non, complètement. C’est encore un mystère. Je n’ai pas vraiment étudié ces trucs-là et je crois que ce n’est pas très étudié dans la littérature. Mais il y a encore quelque chose de… Comment, en fait, le monde du travail, les entreprises et la fonction publique ont pris le pas de cette transformation-là et jouent le jeu d’accompagner les parents. Donc ça se voit beaucoup dans les compléments qui sont donnés au congé parental. Donc le congé parental en Suède, c’est 80% du revenu précédent qui est garanti à la personne qui prend son congé parental. Donc rien à voir avec les 350 euros qui sont donnés mensuellement dans le modèle français. Et les entreprises, les grandes entreprises et la fonction publique jouent le jeu de compenser les 20 derniers pourcents. 

Romain Deles

Donc il y a une implication assez claire dans le jeu de l’égalité de genre de différents acteurs et notamment donc des entreprises. 

Clémentine

Du monde du travail. Vous avez étudié ça, mais vous étudiez aussi le rôle des parents sur le vécu des enfants quand ils sont petits et notamment dans les inégalités de genre. Qu’est-ce qui se passe quand le père est impliqué dans les deux, trois premières années de vie de l’enfant ? Ça a quel résultat et répercussion ? 

Romain Deles

Oui, on a commencé à étudier ces choses-là parce qu’effectivement, une petite littérature qui commence à naître, qui essaye de voir ce qui se passe quand il y a des arrangements égalitaires entre parents et les conséquences que ça a sur les pratiques des enfants. Donc, c’est assez difficile à faire parce que méthodologiquement, ce qu’il faut, c’est des enquêtes qui posent à la fois des questions aux parents et aux enfants. Donc, c’est assez rare. Mais il y a quelques enquêtes internationales qui le font bien. En Australie, ils ont de très, très belles données là-dessus. Et puis en France, il se trouve que depuis 2011 et la mise en place de ce qu’on a appelé la cohorte ELF, on suit des enfants. Il y a eu, je crois, 40 000 enfants qui ont été interrogés en 2011, à la naissance. Pas les enfants, mais les parents. 

Romain Deles

Et puis, cette cohorte ELF est suivie tous les ans, tous les deux ans. Et donc on voit un petit peu l’évolution de ces enfants sur un nombre très important de questions. Et nous, ce qu’on a exploité, c’est l’enquête à deux ans, où il y a beaucoup de questions sur les pratiques de jeu des enfants. Et en particulier il y a des questions sur des jeux qui sont ouvertement genrés, comme par exemple jouer à la voiture, jouer à la poupée, jouer à la dinette, jouer avec un ballon. Ça c’est des questions, et on l’a mesuré statistiquement, qui évidemment séparent énormément les filles et les garçons. Et donc nous, la question qu’on s’est posée, c’est quelle est la probabilité d’un garçon d’avoir un jeu dit de fille ? Donc, c’est pas nous qui décidons que c’est un jeu de fille. 

Romain Deles

On a mesuré que c’était un jeu objectivement de fille. La poupée, je vous assure, c’est un jeu objectivement de fille. Plus de 80% des enfants qui jouent à la poupée, ce sont des filles. Quelle est la probabilité d’un garçon d’aller faire ce jeu-là, qui est réputé comme un jeu de fille ? Et est-ce que le fait d’avoir un père qui participe aux tâches ménagères ou un père qui participe aux soins des enfants, renforce cette probabilité-là. Et la conclusion de ça, c’est que oui, en fait, ça marche assez bien. Il y a un effet implication du père dans la déconstruction des pratiques genrées chez les enfants. Donc ça fonctionne. 

Clémentine

Donc c’est ce que vous disiez tout à l’heure, c’est plus le père impliqué dans les tâches domestiques, c’est ça, c’est vraiment différent. C’est pas lui qui va montrer jouer avec une poupée, c’est papa qui fait la vaisselle, range le linge, prépare à manger, qui aura un grand impact sur la vie de l’enfant. 

Romain Deles

Voilà, on a identifié différentes formes d’implication du père et on a mesuré à chaque fois ce qui marchait le mieux d’une certaine façon. Et donc, effectivement, ce qu’on s’est rendu compte, c’est que c’est l’implication dans les tâches domestiques qui, probablement parce que ça passe par un mécanisme de rôle modeling, comme on dit, de mimétisme, d’imitation. Ça, ça fonctionne plus. Pour déconstruire les pratiques et les stéréotypes de genre que les situations où le père est impliqué plutôt dans le soin aux enfants, c’est-à-dire quand il y a une forme d’interaction avec l’enfant. Et ça peut se comprendre aussi par le fait, donc là encore une fois il faudrait avoir vraiment une enquête qualitative très fouillée pour savoir précisément ce qui se trame en fait. 

Romain Deles

Mais l’hypothèse qu’on peut faire, c’est qu’en vérité, à partir du moment où il y a une interaction, on se rend compte que, ça c’est très bien documenté par la littérature, il va y avoir des interactions renforcées entre les pères et les fils. Donc par voie de conséquence, ça peut renforcer le modèle masculin chez les fils. Et donc voilà, paradoxalement, Alors, l’effet net est quand même positif, c’est-à-dire quand les pères sont impliqués dans le soin, ça déconstruit les pratiques de genre des enfants, mais moins fortement que quand les pères sont impliqués dans le travail domestique. Donc voilà, il y a peut-être des contre-tendances un peu paradoxales qui sont liées à l’identification des fils par rapport à leur père. Voilà ce qui pose la question plus généralement de quel modèle de masculinité les pères jouent dans la sphère familiale. 

Clémentine

Ça, on ne sait pas encore trop. 

Romain Deles

C’est pas qu’on sait pas, mais c’est que clairement, plus il y a d’interactions entre les pères et les fils, plus les fils se comportent comme des petits mecs. Dans ce qu’on a comme stéréotype. 

Clémentine

Comment ? Dans ce qu’on a comme stéréotype genré. 

Romain Deles

Bien sûr, bien sûr. J’utilise quelques abus de langage. Mais donc, ça veut probablement dire que la performance, pourrait-on dire, pour reprendre un anglicisme, la performance de genre des pères, est masculine ou conforme à la masculinité plutôt traditionnelle. 

Clémentine

Est-ce que ce résultat serait le même en Suède, par exemple, où la masculinité prend un autre visage au sein du foyer ? Ça, c’est des études qui ont été liées à la France ? 

Romain Deles

Oui, c’est fait en France sur cette enquête ELF, qui est française. Donc, il y a assez peu de données. Cette enquête-là, elle n’existe pas beaucoup dans les autres pays. Et donc, il y a des indices de ça. On sait, par exemple, que cet effet-là… Alors, ce qui est assez intéressant, c’est qu’en Suède, il y a eu une enquête là-dessus qui montrait que l’effet d’implication des pères était moins fort sur la déconstruction des pratiques de genre des enfants que dans d’autres pays. Mais pour autant, les pratiques des enfants sont moins genrées. Ça veut dire que l’effet père est moins fort probablement parce que c’est plus courant, il y a une banalisation de l’égalité de genre. Et donc l’effet père qui s’implique, il perd en force puisque tous les pères s’impliquent. Donc il y a cet effet là. Donc ça répond partiellement à votre question. 

Romain Deles

Probablement que la démonstration de la masculinité dans la sphère familiale est différente. C’est une hypothèse, voilà. 

Clémentine

Pour terminer, j’aurais aimé savoir est-ce que, je ne sais pas si on peut conclure comme ça, mais est-ce qu’il faut autoriser la complainte parce que c’est sain ou est-ce qu’en fait il faudrait trouver d’autres moyens d’envisager la parentalité, en France en tout cas ? Parce que ce 40% est élevé comme taux d’insatisfaction. C’est ça que ça dit, c’est qu’on n’est pas épanoui dans notre rôle de parent. 

Romain Deles

Je vais répondre peut-être en mobilisant un élément qu’on n’a pas évoqué dans notre discussion, qui est que moi, quand j’ai interrogé les parents français sur les raisons de leur complainte, j’ai trouvé qu’une partie de cette raison-là était liée aussi chez les femmes à une démonstration de la distance aux enfants, au fait de vouloir s’émanciper de son rôle maternel. Donc, d’une certaine manière, la complainte parentale est une manière pour les mères de dire « je ne suis pas asservie à mes enfants ». Mes enfants sont fatigants, etc. Ce discours-là, en fait, il permet de mettre à distance le devoir maternel. Donc, il a cette fonction-là. Je dirais que c’est un symptôme. De toute façon, ce n’est pas à moi de dire aux gens comment ils doivent parler de leurs enfants. 

Romain Deles

Mais ce qui est intéressant, c’est que le fait qu’ils en parlent de façon pessimiste ou qu’ils s’autorisent à mobiliser le registre de la complainte, est plutôt un symptôme du système d’inégalité de genre dans lequel on est. C’est parce que précisément la pression parentale repose beaucoup sur les mères et qu’elles n’ont d’autre moyen que de dire que finalement parfois elles arrivent à s’en émanciper. Donc, d’une certaine manière, si on veut faire baisser ce taux de pessimisme parental, il faut probablement plutôt travailler l’égalité du genre dans la sphère domestique. Et c’est ça qui fera que les parents français seront peut-être plus soucieux de leurs enfants et des sentiments de leurs enfants, et moins pessimistes. 

Clémentine

C’est un discours qu’Emmanuel Macron, notre président, devrait écouter puisqu’il veut faire réarmer démographiquement la France. Il s’est beaucoup focalisé sur l’infertilité, ce qui est une réalité. Mais il a un peu, pour moi, raté un des pans de la problématique qui est cette inégalité de genre au sein des foyers. Et que tant qu’on ne résorbera pas ça, Et nous, les femmes, on n’a pas envie de réarmer démographiquement la France à notre dépens, à notre travail, notre santé mentale, notre santé physique. C’est entendable par les politiques, ce que vous avez travaillé comme sujet en sociologie. Est-ce que ce que vous faites peut avoir des répercussions derrière pour qu’il y ait des mesures fortes prises ? 

Romain Deles

J’en sais rien. Je reste disponible, mais… On a des députés qui écoutent les podcasts. D’accord, c’est très bien. Mais il y a effectivement beaucoup de choses, beaucoup d’habitudes, en fait, à retourner. Je pense en particulier à la manière dont on conçoit nos politiques de petite enfance. En France, c’est une vraie bizarrerie européenne. En France, Les politiques de petite enfance, en fait, elles sont paramétrées par deux choses. On l’a formulé comme ça dans un article avec un collègue, le faire et le faire-faire. Le faire, c’est donc les politiques de congé parental. Est-ce qu’on donne la possibilité aux parents de s’occuper de leurs enfants ? Et le faire-faire, c’est est-ce qu’on met en place des systèmes délégataires ? Donc la crèche, les assistantes maternelles, etc. En France, on a énormément travaillé le deuxième versant. 

Romain Deles

En France, on a un taux d’accès des enfants de moins deux ans aux structures formelles qui est le plus élevé d’Europe. Et depuis très longtemps, la Commission européenne a recommandé que tout le monde s’élève, sauf la France, parce que ce n’était pas la peine. Et donc les autres nous rejoignent, mais très lentement. Et nous, on y était avant même les objectifs fixes. Par contre, là où on est très mauvais, par rapport aux recommandations de la Commission européenne, c’est sur le congé parental. 

Romain Deles

En fait, on a un congé parental qui n’est pas saisi par les parents, ou quand il est saisi par des parents qui sont en fait des mères, puisque 95% des parents qui prennent le congé parental en France sont des mères, et c’est extrêmement segmenté socialement, c’est-à-dire qu’il est pris par des personnes qui, potentiellement, ne sont pas en emploi ou occupent un emploi qui est assez peu rémunérateur et pour qui il n’y a pas de coût d’opportunité à passer sur un congé parental rémunéré autour de 350 à 500 euros. Donc il faut voir ça, on n’a pas du tout travaillé le côté faire. Et ça c’est une vraie bizarrerie. 

Romain Deles

Et quand on mesure le type de politique choisie, le faire ou le faire-faire, En France, on considère qu’on est super fort parce qu’on a permis du faire-faire et donc on aurait permis aux femmes de se libérer de la contrainte des enfants et qu’on aurait permis aux femmes d’accéder à des opportunités professionnelles. En vérité, quand on mesure en termes d’égalité de genre, les pays qui marchent le mieux, c’est les pays qui font du faire et du faire-faire. Ceux qui font que du fer-fer, ils sont tout aussi mauvais que ceux qui font que du fer, ou que ceux qui font rien. Parce qu’il y a aussi cette configuration-là, dans des pays à tradition plus libérale, au Royaume-Uni par exemple, aucun accompagnement, eh bien le niveau d’égalité de genre est le même au Royaume-Uni qu’en France. 

Romain Deles

Donc autant pas perdre de l’argent à payer des crèches et des assistantes maternelles. 

Clémentine

Puisque c’est pas ça la solution. 

Romain Deles

En termes d’égalité de genre, c’est pas ça la solution. En termes d’égalité de genre, ce qui marche, c’est un modèle séquencé. Le modèle nordique, c’est celui qui produit le niveau d’égalité le plus élevé, l’égalité de genre le plus élevé. C’est celui dans lequel on aurait un congé parental fort, puis un système de garde formel. Donc c’est séquencé, c’est-à-dire à partir de 12-18 mois dans les pays nordiques. Et toute la question de savoir est-ce qu’on est prêt à financer ça, sachant que les efforts budgétaires ne sont pas aussi élevés et qu’il y a d’autres types de réformes, des réformes fiscales, on ne va peut-être pas en parler, qui permettraient de financer ça. 

Clémentine

Alors, si vous êtes député, si vous avez du pouvoir politique et que vous avez entendu ça, on a la feuille de route, en fait, on sait ce qu’il faut faire. Ça fait longtemps qu’on sait ce qu’il faut faire, mais là, on a encore plus clairement des chiffres. Malheureusement, en France, on choisit d’autres chevals de bataille. C’est ça, le problème pour l’instant. 

Romain Deles

Je pense, voilà. Et puis on hérite d’un système… Bon, la conjoncture politique n’est pas non plus très favorable à des réformes de fonds, voilà, on va dire là-dessus. Mais voilà, il y a beaucoup de choses qui devraient être mises à plat. C’est ce qui a été fait en Suède dans les années 70. Il y a eu une réforme fiscale qui était vraiment simultanée avec cette réforme du congé parental. La taxation individuelle en particulier a été mise en place, donc ça signifierait la suppression du quotient conjugal ou du quotient familial en France. C’est énormément d’argent. Je ne voudrais pas dire de bêtises, mais c’est quelque chose qui est de l’ordre de 20 milliards tous les ans. 

Romain Deles

Donc avec ça, on a une main financière pour redistribuer ensuite, remettre à plat notre système de politique de petite enfance et envisager peut-être des conséquences plus positive en termes d’égalité de genre. 

Clémentine

Et surtout, on n’a pas du tout parlé sur les mères célibataires qui subissent encore plus les inégalités de genre, qui s’appauvrissent encore plus au moment d’avoir des enfants. On peut aussi s’intéresser à l’évasion fiscale, puisque on sait que c’est… 

Romain Deles

Si on parle plus généralement… On sait que c’est là où on. 

Clémentine

Pourrait aller chercher des sous pour les policiers publics et redistribuer comme il faut. Exactement. Merci beaucoup, Romain, de nous avoir répondu. Vraiment, j’espère que ça va tomber dans les bonnes oreilles. Même si je ne suis pas dupe, je sais qu’en fait, ils savent tout ça. Ils ont les données, mais pour l’instant, ils font d’autres choix. Mais ça nous donnera peut-être envie de nous battre encore plus. Merci. 

Romain Deles

Merci. 

Clémentine

Merci beaucoup. 

Romain Deles

Merci. 

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