Épisode 172 – Père au foyer, comment réinventer la paternité, Samuel Clot

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En 2024 être père n’a plus tout à fait la même signification qu’auparavant.

On attend des pères aujourd’hui qu’ils partagent les tâches ménagères, qu’ils s’investissent dans le soin porté aux enfants et qu’ils prennent une partie de la charge médicale et éducationnelle à leur compte. Sauf que dans la réalité, il existe encore des écarts pour arriver au 50/50, notamment à cause des différences de salaires dans les couples hétérosexuels.

Si les rôles genrés ont encore un peu la peau dure, une petite minorité tente de faire bouger les lignes!Selon l’INSEE, 1,5% des pères n’ont pas d’activité professionnelle et se consacre à l’éducation des enfants, contre 14% des femmes.

Samuel Clot, auteur du livre Père au foyer, comment la parentalité positive a changé ma vie, vient apporter son regard sur cette paternité qui a bouleversé sa vie.

Vous le connaissez peut-être via les réseaux sociaux, où Samuel s’efforce de casser les clichés autour de sa paternité, de son rôle au sein du foyer et de la masculinité.

Dans l’épisode, Samuel,  raconte son parcours d’étudiant en médecine qui abandonne en 3e année pour s’occuper de son fils.Il n’a alors que 21 ans mais est très à l’aise avec le fait de mettre sa vie pro en pause pour accompagner Gaspard les 3 premières années de sa vie.

Samuel lève le voile sur une réalité peu connue, raconte ses difficultés et les réticences auxquelles il a été confronté.

Et si être père au foyer devenait un choix assumé, une norme acceptée au sein de la société ? Pour ça il faut des exemples et c’est ce que fait magnifiquement bien Samuel.

Je vous souhaite une très bonne écoute.

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LIENS UTILES :

Invité : Samuel Clot

Livre du Podcast : Père au foyer : Comment la parentalité positive a changé ma vie ? Samuel Clot


TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE :

Clémentine Sarlat : Allez, salut Samuel ! Alors je t’interviewe après ta longue tournée médiatique, ça va trop fatiguer, ça va ?

Samuel Clot : Salut. Non, ça va là, j’ai eu le temps de me reposer un petit peu, ça va.

Clémentine Sarlat : Parce que je me suis dit, bon, peut-être que je vais attendre et faire quand il aura l’énergie pour aller parler de son livre parce que j’imagine que ça rince un peu.

Samuel Clot : C’est ça. Ouais, ça rince un petit peu. Là, j’ai vraiment passé trois jours à Paris à faire que ça. Et au bout d’un moment, t’es un peu en mode robot. Donc là, ça fait une semaine, je suis rentré, je suis posé et tout, donc c’est bon, je peux. Je peux y aller.

Clémentine Sarlat : On peut en parler. Bon, déjà, j’aimerais que tu commences par nous raconter ce moment où tu es avec ta femme, Léa, et tu dis, et si je devenais père au foyer ? D’où ça vient ? T’es jeune, parce qu’en fait, tu n’as pas mon âge, tu n’as pas 35 ans, tu as quasi 10 ans de moins que moi. Donc comment, à quasi 21 ans, tu te dis, je vais devenir père au foyer, c’est venu d’où ?

Samuel Clot : En fait, je me rappelle très bien parce qu’on était installés à table et tout, c’est vraiment genre un souvenir assez précis. En fait, ce qui s’est passé, c’est que à la base, moi, j’étais en médecine et quand mon fils est né, j’étais encore en médecine. Je retapais ma troisième année et franchement, je ne me plaisais pas du tout. J’étais vraiment… Et donc, j’ai pris la décision d’abord d’arrêter médecine. Ça a été le premier truc dans ma tête sans en parler à personne. Je me suis dit OK, bon, tu vas arrêter la médecine, sinon tu vas devenir zinzin, donc il vaut mieux que tu arrêtes un moment.
À l’époque, Gaspard devait avoir quelques mois et on commençait à réfléchir à une méthode de garde parce que Léa, elle a pris six mois de pause de son entreprise et tout pour s’occuper de Gaspard à fond. Mais les six mois allaient finir à un moment et on se disait, qu’est-ce qu’on va faire ? Est-ce qu’on lui trouve une assistante maternelle ? Est-ce qu’on trouve une crèche ? On était à table et on parlait de ça et je lui dis, tu sais quoi sinon ce qu’on peut faire c’est que moi je vais arrêter médecine parce que de toute façon ça me plaît pas et moi je peux rester à la maison avec lui je peux m’en occuper et c’est vraiment comme ça venu sur le tour de la conversation et je me souviens elle m’a regardé elle elle savait très bien que j’étais malheureux en médecine mais comme elle m’a dit plus tard elle m’a dit je t’ai laissé le temps de prendre ta décision tout seul j’avais pas envie de te dire mais tu vois bien que t’es pas t’es pas heureux là-dedans non elle m’a laissé prendre ce temps-là, et elle m’a dit, ok, vas-y, chaud. Et ça s’est vraiment passé comme ça en un repas. On s’est dit, bon, bah voilà, ça a réglé tous nos soucis. Toutes les questions qu’on avait, en fait, ça les a réglées d’un coup. On s’est dit, ok, bon, plus besoin de chercher de crèches, plus besoin de chercher de la thune pour payer quelqu’un pour s’en occuper. En fait, je reste à la maison et ça nous va bien.

Clémentine Sarlat : Comment est-ce que tu as réussi simplement à outrepasser la construction sociale que tu as eue jusqu’à 21 ans ? Je te connais aussi, tu as fait du rugby, tu as des frères, donc tu n’es pas du tout dans le mood de dire je vais devenir père au foyer à 21 ans.
Ma question, c’est vraiment comment tu ne t’es pas plutôt dit, je vais faire d’autres études finalement où je vais aller chercher un taf et on va trouver quelqu’un pour garder Gaspard et tu as orienté ton choix vers rester à la maison ?

Samuel Clot : En fait, je pense qu’il y a une chose qui fait que ce choix a été facile pour moi aussi, et il faut le dire parce que c’est vraiment un privilège, c’est le fait que grâce au travail de Léa, en fait, on pouvait vivre sans que moi j’apporte de thunes. Et ça c’était hyper important comme critère dans la décision que j’ai prise.
Et après, ce qui a été compliqué, c’est surtout de me dire, là tu pars sur père au foyer, on ne savait pas trop combien de temps, on s’est dit tant que ça marche, on y va. Mais derrière, tu n’as aucune formation, tu n’as rien. En plus, je me suis arrêté à genre 20 points du niveau licence.
Donc vraiment, je n’ai rien, j’ai le bac, techniquement.

Donc, pour moi, qui suis dans une famille plutôt d’universitaires, de gens qui aiment bien les études longues et tout, c’était chaud. C’était vraiment chaud de me dire OK, bon, tu vas entamer vraiment un nouveau truc. Mais après, j’ai rencontré il y a 15 ans, Léa, elle, elle est issue d’un milieu entrepreneurial et elle, elle a monté sa boîte à 16 ans. Et donc, j’avais aussi ce modèle-là, tu vois, dans ma vie, qui faisait que je me suis dit OK, c’est possible aussi de fonctionner autrement.
On n’est pas toujours obligé de faire le schéma études longues, boulot, CDI et vivre sur le salaire de mon CDI toute ma vie, je peux m’aventurer ailleurs aussi. Ça c’est aussi grâce à Léa. Et puis c’est vrai que le côté, le mec qui doit aller bosser, le mec qui doit faire des études pour toute sa famille, ça a été compliqué. Parce que même si ma famille ce n’est pas trop des gros machistes et tout, j’ai que des mecs autour de moi dans ma vie depuis que je suis né. Il n’y a que ma maman, la pauvre qui est toute seule. C’est difficile de dire à tes frères et tout, non mais là en fait je vais m’occuper de mon bébé pendant le temps que ça prendra. Parce que ce n’est pas hyper viril comme décision, au lieu de ce que les gens mettent viril aujourd’hui. C’est une décision qui paraît plus féminine que masculine. Et pour le coup, au départ, ça a été un peu compliqué. Et après, petit à petit, en expérimentant, je me suis dit, mais en fait, ça n’a rien de féminin, tout le monde peut le faire.
Et c’est là où moi, j’ai commencé à cheminer aussi sur mon rapport à tout ça. Et ça a été hyper enrichissant.

Clémentine Sarlat : Qu’est-ce que tu as répondu aux gens qui te disaient, mais qu’est-ce que tu fais ? En gros, ce n’est pas le rôle d’un homme de rester à s’occuper de son bébé.

Samuel Clot : Au début, je pense que la première réaction c’était vraiment de dire mais moi je fais ce que je veux, je vous emmerde, enfin un truc un peu en bloc total quoi, de dire non mais en fait je n’ai pas envie de discuter de ça, je fais ma vie, laissez-moi tranquille.
Puis après j’ai essayé de comprendre en fait pourquoi les gens me disaient ça.

Et ce que j’ai remarqué, c’est que souvent, en fait, les gens, ils parlaient de leur propre crainte, en fait. Et ça, c’est un vrai truc que j’ai remarqué. C’est que souvent, quand les gens me disent, « ouais, ce n’est pas le rôle d’un mec » et tout ça, souvent, ce sont des mecs. Et souvent, ces mecs-là, quand tu discutes un peu, tu te rends compte qu’ils regrettent vachement soit de pas avoir été présents pour leur enfant comme ils l’auraient voulu, soit de pas avoir eu un papa qui était présent pour eux quand ils étaient enfants.

Et en fait ils disent beaucoup ça plus que me critiquer moi sur mon choix et donc je leur dis mais tiens moi je comprends que ce soit difficile de se dire bah là je vois quelqu’un qui prend un homme qui prend soin de son enfant qui reste longtemps avec lui et tout et de se dire bah moi j’ai pas eu ça ou moi j’ai pas fait ça et de le regretter après la vie fait qu’on peut pas tous être père au foyer pendant des années mais par contre on peut tous avoir une différente posture avec son enfant en tant que mec et ça c’est vrai que plus j’en discute avec les gens plus je me rends compte qu’il y a un vrai regret chez les mecs de ne pas s’être autorisé ça et puis de ne pas avoir la chance de vivre dans un pays où on encourage ça aussi.

Clémentine Sarlat : Ce statut de père au foyer, tu le revendiques. Alors, on va en parler après. Aujourd’hui, tu as un statut un peu plus hybride. Mais en tout cas, sur les trois premières années de la vie de ton fils, Gaspard, tu as été père au foyer à 100 %. C’était devenu une fierté, c’était devenu quelque chose d’un militantisme, comme tu l’expliques dans le livre. Comment tu l’as vécu ?

Samuel Clot : Ouais alors les premiers moments quand on me disait mais tu fais quoi du coup dans la vie que j’étais au parc avec mon fils je disais bah je fais pas grand-chose je fais des trucs à droite à gauche j’osais pas trop puis au bout d’un moment je me suis dit vas-y je vais le dire à chaque fois et en fait j’aimais bien voir la réaction des gens voir les yeux des gens quand je leur disais en fait je suis père au foyer je m’occupe 100% de mon fils et franchement au début j’avais un peu honte honnêtement j’avais honte parce que j’étais encore dans ce truc où c’était pas ma place et j’avais l’impression d’usurper un petit peu un truc qui était pas que je m’étais approprié sans avoir le droit de le faire mais petit à petit vraiment je me suis dit « ok bah vas-y fonce » et puis en fait j’aime bien aussi provoquer un peu. Donc souvent les petites vieilles au marché ou quoi, qui me voyaient avec mon fils en porte bébé et tout, je leur disais moi je suis père au foyer en fait, ça fait deux ans je suis à 100% avec lui, je ne travaille pas, je gagne 0 euros, enfin j’aimais bien aller à fond dans le truc. Et puis en fait c’était important pour moi parce que j’avais vraiment envie de moi trouver ma place et par le fait de dire je suis père au foyer ça me rassurait dans ce choix là aussi.

Et puis même s’il y avait des réactions des fois un peu chelou la plupart des gens ils étaient hyper bienveillants quoi ils étaient hyper positifs donc ça m’a permis de me rassurer aussi de me dire ok bon bah ça va, ça a l’air de rouler pour les autres aussi.
C’est vrai que c’est un militantisme parce que j’avais aussi envie, et c’est pour ça que je me suis lancé sur les réseaux aussi, de faire exister cette figure-là, que je trouvais qui était assez rare en fait, que ce soit dans la culture, dans les médias, des mecs qui prennent le temps pour leur enfant, de base c’est pas hyper représenté, donc j’avais aussi envie de faire exister cette réalité-là.

LE CHOIX DE L’ÉDUCATION

Clémentine Sarlat : Alors, quand t’as 21 ans, donc tu prends cette grande décision d’abandonner tes études, de devenir père au foyer et tu expliques ton cheminement, c’est qu’au final, ça enclenche aussi beaucoup de déconstruction de ton éducation. Est-ce que tu peux nous raconter comment ça s’est imbriqué avec le fait de vouloir proposer une éducation que tu appelles positive et qu’on peut appeler bienveillante, respectueuse, on peut importe, il y a plein de termes, mais qui est le cœur aussi de ton livre et de ce que tu partages sur les réseaux sociaux ?

Samuel Clot : En fait ce qui s’est passé c’est que moi à la base vraiment je m’étais dit bah je vais éduquer mon fils comme moi j’ai été éduqué ça ira très bien genre je vais bien je suis bien dans ma tête ça va quoi et puis petit à petit c’est Léa qui a de base été un peu plus informée là-dessus parce qu’elle elle a toujours été sensible à la façon dont on traite les enfants.
Et elle m’a dit bah, viens, on en parle deux minutes quand même, on réfléchit, il y a peut-être des trucs à faire et tout. On est tombés sur deux, trois documentaires, sur des trucs hyper intéressants dont je parle justement dans le livre. Et puis, je me suis rendu compte, ok, bon, vraiment, en fait, ce que j’ai vécu, moi, c’était loin d’être de la maltraitance, pour être tout à fait honnête. Mes parents, ils ont été plein d’amour et plein de bienveillance. Pourtant, Dieu sait que ça a été difficile pour eux. Mais franchement, c’était pas non plus la grande bienveillance. Et voilà, c’était plus…

On file droit et on a un peu peur de se faire engueuler dès qu’on fait un truc. Et voilà, on est content de ramener des bonnes notes. Et puis, si ce n’est pas des bonnes notes, on se fait engueuler. En gros, c’est ça. Et puis, je me suis dit, OK, bon, pourquoi on ferait autrement. Donc, je me suis vraiment renseigné pour essayer de, parce que je suis assez cartésien, pour essayer de me dire, OK, c’est la science qui dit que c’est mieux de faire comme ça. Moi, j’avais vraiment besoin de ça. Léa, elle était beaucoup plus dans l’instinctif. Ça lui paraissait logique de ne pas laisser pleurer un enfant des heures dans son lit, de ne pas crier sur son enfant toute la journée. Bien sûr, évidemment, de ne pas lui taper, de ne pas lui taper dessus. On était complètement d’accord, évidemment.

Mais moi j’avais vraiment besoin de preuves scientifiques, j’avais vraiment besoin de me dire ok c’est prouvé, c’est sûr, c’est certain de voir des modèles ailleurs où ça se faisait déjà et donc ça a été un peu plus long pour moi. Mais quand j’ai compris ça, je me suis dit ok bon, on va faire ça, c’est sûr et je vais l’embrasser à fond quoi, je vais vraiment me donner à fond là-dedans.
Quitte à ce que des fois je sois un peu dans l’excès et que je revienne sur mes positions, tu vois, sur certains sujets très précis où je me suis dit ok bon, ne faut peut-être pas non plus déconner, il y a des choses qui vont, enfin je ne vais pas me fouetter tous les jours parce que j’ai dit à Gaspard, bon là écoute j’en ai marre, arrête s’il te plait parce que ça me gonfle.

Il y a plein de trucs où j’ai modulé, mais par contre, ça a entraîné le fait que je me disais « ok, s’il faut que je prenne soin de mon enfant et que je l’aime de cette manière-là, il va falloir déjà que j’apprenne à le faire pour moi ».

Et ça, j’en suis encore en plein dedans pour être tout à fait honnête parce que je pense que c’est un truc que tu n’arrêtes jamais de le faire.

Mais d’apprendre à s’aimer, d’apprendre aussi à avoir un regard sur la façon dont tu as été éduqué, la façon dont tu t’es construit et des choses que tu peux déconstruire aussi. Pour moi, c’est assez sain de parler de déconstruction, d’autant plus pour les mecs parce que, comme tu disais, moi, j’ai fait du rugby toute ma vie. J’ai trois frères, le papa entraîneur de rugby, président de club de rugby, la masculinité, a été très présente dans ma vie et la masculinité toxique aussi. Donc, j’ai eu beaucoup de choses à faire. Voilà, moi, chanter des chansons paillarde à 8 ans dans le bus du rugby, je trouvais ça tout à fait normal. Puis maintenant, si j’apprenais qu’on avait chanté des chansons paillarde dans le bus avec mon fils qui a bientôt 8 ans, tu vois, dans un an et demi, je deviendrai fou parce qu’il y a des trucs que je pense qui devraient disparaître. En fait, je pense qu’il y a plein de choses qui devraient évoluer.
Et moi, personnellement, en tout cas, ça a été vraiment le fait de me poser la question comment prendre soin de mon fils, comment l’éduquer différemment, surtout que c’est un garçon lui aussi, ça m’a demandé aussi à moi de me dire, vas-y, réfléchis à toi ta posture, à toi comment tu parles, à toi comment tu agis.

Clémentine Sarlat : Se déconstruire quand on a 21 ans et qu’on devient père ? Est-ce que c’est si simple ? Il t’a fallu de l’aide ? Comment est-ce que t’as enclenché la démarche ? Est-ce que c’est Léa ? Comment est-ce que tu as vécu ce changement de paradigme autour de ce que tu pensais être la normalité ?

Samuel Clot : En fait, quand je parle de la déconstruction, je dis souvent c’était vraiment plein de petites choses.

C’était vraiment pas un jour où je me suis assis, j’ai pris un cahier, j’ai dit, allez, comment me déconstruire numéro un, machin, c’est vraiment pas ça. Et sur ça, Léa, évidemment, elle m’a toujours épaulé, elle a toujours été un soutien pour moi, mais j’ai essayé de ne pas lui faire subir le poids d’encore une fois la charge mentale en plus pour les femmes d’éduquer leur mec. Pour moi, à un moment, il faut aussi se prendre en main. Et donc, c’est plein de petits trucs.
Donc, il y a le rapport au corps, le rapport à ce qu’on peut appeler la virilité, moi j’ai très vite compris que j’allais jamais être un gros bodybuilder et avoir une grosse beubar comme ça, tous les trucs. Je me suis dit ok, accepte que les corps soient tous différents, qu’il n’y ait pas de canon de beauté pour les mecs et que ce ne soit pas la virilité à tout prix par les muscles.

Ça, ça a été une étape, d’autant plus quand tu fais du rugby encore une fois. Même si le rugby m’a apporté un petit peu d’autodérision quand même, il faut le dire, parce que ça vanne beaucoup et que des fois, ça fait du bien aussi.
Mais c’est plein de petits trucs, mon rapport à la sexualité, mon rapport… Enfin ça, il y a plein de petites choses où je me suis dit, OK, peut-être tu peux penser autrement. J’ai appris aussi, tu vois, j’ai appris en discutant avec Léa, j’ai appris…
Il y a plein de choses que je ne m’étais jamais demandé, le consentement.

Moi, évidemment, j’ai toujours eu l’impression de savoir ce que c’était le consentement. Mais en fait, pas du tout. Pour moi, à 17 ans, j’ai connu Léa à 15 ans, on a toujours été ensemble, donc c’est un peu différent. J’ai jamais eu cette vie un peu à faire des soirées, machin. Mais par contre, pour moi, ça paraissait à peu près OK que quand t’es bourré, tu peux faire l’amour et c’est OK.

Alors qu’en fait, il y a des questions de consentement et du fait d’être éclairé ou pas, que j’avais jamais réfléchi avant. En fait, c’est plein de petites marches comme ça. Je me dis, ah ouais, OK. Et puis après, quand t’es avec un petit garçon toute la journée, tu te dis, ah bon, OK.
Donc, en fait, par exemple, il y a des chansons, il y a des dessins animés, il y a des livres que moi, je lisais, que je regardais quand j’étais petit, qui t’apprennent que le mec, ça doit être le gros bagarreur qui écoute jamais ce qu’on lui dit et que la fille en gros c’est celle qui dit les bouquins et qui aide le mec quand il est sympa et puis qu’à la fin elle va finir par lui faire un petit bisou parce que bon quand même il faudrait pas qu’elle soit trop l’héroïne de l’histoire quoi donc c’est vraiment plein de petits moments de réalisation et après le plus difficile c’est de le mettre en pratique dans ma vie parce qu’en fait il y a plein de réflexes il y a des choses c’est de l’ordre du réflexe moi je sais que aujourd’hui je suis hyper au fait de ce que ça représente pour une victime par exemple d’agression de prendre la parole et de se mettre dans cette position hyper difficile, à l’époque quand j’étais jeune j’étais vraiment en mode relou quoi ça va c’est les réflexions qu’on entend en mode oui bon ça va elle a peut-être cherché mais tu vois il y a plein de trucs qui sont de l’ordre du réflexe chez les mecs je pense parce qu’ils ont jamais appris autrement et où tu te dis mais putain mais t’es vraiment t’es vraiment bête en fait tu ne connais pas et donc moi encore une fois c’est passé par beaucoup de lire beaucoup de lecture beaucoup de livres beaucoup de trucs pour essayer d’emmagasiner de la connaissance parce que je pense que sans connaissance tu peux parler des heures mais tu vas jamais au fond des choses et surtout tu te remets pas en question toi-même.

Clémentine Sarlat : Le fait d’avoir eu un petit garçon, ça a changé aussi ce que tu voulais amener en tant que parent dans l’éducation, ça t’a fait repenser des choses. Tu le dis dans le livre, tu as peur d’en faire un violeur, c’est des mots forts, mais je sais qu’il y a beaucoup de gens qui se posent cette question. D’avoir ça, le petit garçon, ça a été un petit déclic aussi.

Samuel Clot : Clairement. C’est une des premières choses que je me suis dit quand on a su que c’était un garçon. Je me rappelle parce que j’ai dit à Léa, j’espère qu’un jour ce ne sera pas un gros violeur. Et c’est horrible à dire parce que ce n’est pas sain dans une société que la première chose à laquelle tu penses quand tu as un garçon, c’est ça. Mais en même temps, statistiquement, c’est ça qui se passe.

Donc tu vois moi j’entends souvent, et ça c’est pareil c’est un truc, quand t’es jeune, quand t’es entre mecs, quand t’es au rugby, t’entends souvent, moi si j’ai une fille elle reste dans un château jusqu’à ses 20 ans elle ne bougera pas, machin. Mais en fait ce que tu veux dire par là c’est que tu sais très bien que les mecs sont des violeurs en fait.

Et donc tu sais, parce que t’en fais partie, tu participes à ça, à une échelle plus ou moindre, mais tu participes à ce schéma-là de culture du viol et du patriarcat. Et donc, en fait, moi, c’est ce qu’on voit souvent, c’est pas en fait protéger vos filles, c’est éduquer vos fils, éduquer vos fils différemment. Et moi, ça, ça a été mon cheval de bataille du moment où j’ai su que c’était un garçon. Alors des fois, je suis genre plus que relou avec lui parce que j’ai vraiment peur de ça, c’est une vraie peur et j’ai beaucoup plus peur de ça, qu’il se fasse mal en allant courir dans la garrigue, qu’il se casse une jambe à l’école ou qu’il se bagarre avec quelqu’un, enfin, qu’il n’ait pas de boulot plus tard, je m’en fous. Mais par contre, ça, c’est un sujet hyper important pour moi et c’est pour ça que je suis hyper relou sur ce qu’on regarde, sur ce qu’on lit, et puis moi ça me demande de me remettre en question aussi parce que je ne suis pas parfait et il y a encore plein de trucs aujourd’hui où je dois moduler ma posture parce que je me rends compte que c’est des postures qui sont encore vachement patriarcal.

Clémentine Sarlat : Quand tu deviens père au foyer, donc les trois premières années à 100 % de Gaspard, est-ce qu’il y a des moments où tu dis, mais pourquoi j’ai pris cette décision ? Est-ce que ça te manque le contact aussi avec des adultes ? Parce que c’est aussi… C’est long, trois ans, on a tous expérimenté une journée avec un enfant, un bébé en tout cas, ça peut paraître difficile, parfois. Comment t’as vécu ces trois années ?

Samuel Clot : En fait, ça a été long sur la fin, honnêtement. Je pense qu’il y a eu un moment où, mentalement, je me suis un peu épuisé. Et un des trucs difficiles, c’est quand même l’isolement social. Parce qu’un enfant, ça reste un enfant, donc ça t’apporte plein d’amour et tout, mais tu peux pas compter sur ton enfant pour satisfaire tous tes besoins, et particulièrement le besoin de lien social.

Et d’autant plus que moi je l’ai eu très jeune, par rapport à la moyenne en tout cas. Et du coup, même si on sortait qu’on avait un groupe de parents qui étaient avec leurs enfants et donc je voyais d’autres parents, bah déjà généralement il y a une bonne dizaine d’années d’écart. Donc bah même si moi j’adore et c’est très cool, on n’est pas de la même génération, on n’a pas les mêmes codes, on n’a pas les mêmes références et du coup des fois tu te sens un peu isolé. Et puis en plus de ça, c’est que par le biais de ton enfant quoi.

Tu te connais que par le biais des enfants, donc quand tu te vois, t’es toujours avec les enfants. Et donc c’était compliqué. Et c’est pour ça qu’à un moment, je me suis dit, oh vas-y, je vais reprendre le rugby pour avoir un peu des copains et tout. Puis après, je me suis dit, ah ouais, en fait, non, maintenant, je suis un peu trop éloigné mentalement de ce que ça représente, le rugby dans un petit village pour moi, donc ça va être trop difficile. Je vais pas passer mon temps à avoir des débats politiques et philosophiques avec les gens à l’entraînement, ça va les faire chier, puis moi aussi donc c’est difficile parce que moi j’ai l’impression d’avoir évolué un peu différemment des jeunes de mon âge et donc c’est difficile de trouver justement des potes des gens machin et puis petit à petit ça se fait quand même parce que c’est un vrai effort mais tu tu t’en sors mais c’est vrai que bah quand tu passes du réveil au coucher avec un enfant, d’autant plus un enfant qui ne parle pas beaucoup au départ et qui demande beaucoup d’énergie, à la fin de la journée, tu n’as pas forcément envie d’aller boire un verre avec tes anciens copains de la fac en ville, machin, parce que t’habitant dans un petit village, tu es loin. Il y a plein de choses qui t’isolent quand tu deviens parent et c’est pour moi une des clés de l’épanouissement perso. Quand tu deviens parent, c’est de garder un peu ce si le besoin s’en fait ressentir, de garder cette fenêtre là parce que sinon, c’est vrai qu’au bout d’un moment, tu en as un peu marre.

LE BURNOUT PARENTAL

Clémentine Sarlat : Tu parles de burnout parental à la fin de ces trois années. Comment est-ce que tu l’as vécu ? Qu’est-ce qui s’est passé concrètement pour que tu arrives à ce déséquilibre, parce que c’est un déséquilibre le burnout.

Samuel Clot : En fait, je pense que ce qui s’est passé, c’est que comme je te dis, je me suis épuisé petit à petit, en fait, parce que j’ai donné énormément à Gaspard et aux foyers, à la famille, à la maison, tout ça.

Et j’ai pas trouvé assez de ressources pour équilibrer. Donc en fait, j’ai dépensé, j’ai dépensé, j’ai dépensé et au bout d’un moment, en fait, j’avais plus rien, j’avais plus d’énergie. Donc, ça se matérialise petit à petit, en fait, c’est assez insidieux. Mais tu sais, tu te lèves le matin, t’as vraiment la flemme, t’as pas envie. À la base, les deux ans et demi de début, franchement, on faisait des activités tous les jours, on sortait tous les jours. Au bout de deux ans et demi, j’étais un peu en mode, bon, vas-y, on va rester à la maison. J’ai la flemme de bouger, j’ai la flemme de sortir, j’ai la flemme de t’amener au parc. Et tu sens, en fait, tu t’en veux en plus. Donc, tu rentres dans une spirale négative où vraiment, il n’y a rien qui te sort de ça. Et tu t’en veux et tu sens qu’avec ton fils, c’est plus difficile parce que t’es moins patient, t’es plus fatigué. Donc, il y a vraiment un engrenage qui se met en place.

Et au bout d’un moment, ça capote quoi. Et moi à la base, je m’étais dit en plus, je m’étais dit, on va faire l’instruction en famille et on va rester à la maison le plus longtemps possible. Et en fait, au bout de deux ans et demi, j’ai dit à Léa, j’ai dit en fait, je vais pas y arriver.

Et je sens que si je fais ça, je vais devenir pas cool avec Gaspard, ni avec toi. Et je pense qu’on va tous en pâtir. Donc il faut qu’on trouve une autre solution. Et c’est pour ça qu’on s’est dit, bah, vas-y, on va trouver une école. C’est OK. Et puis Léa, elle était vachement compréhensive parce que elle voyait bien que petit à petit, quand même, je me sentais de moins en moins à l’aise dans ce quotidien là. Et c’est ce qu’on s’était dit de base. On s’était dit, on le fera tant que ça marche pour tout le monde. À un moment, ça a commencé à être un peu plus difficile. J’ai dit, bon, on va arrêter avant que ça marche plus du tout.

Et là on a cherché une école et là ça a été un nouveau souffle pour moi aussi de me dire ok j’ai le droit de dire que j’ai besoin d’aide et ça c’est encore un truc que les mecs c’est une phrase que je pense les mecs mettent à peu près 20 25 30 ans à dire quand ils y arrivent j’ai besoin d’aide j’ai besoin de ressources j’ai besoin de faire autre chose et là j’ai pu retrouver du positif mais il y a eu un moment où c’était compliqué.

MUNÉRATION ET ORGANISATION FINANCIÈRE

Clémentine Sarlat : Il y a une question qui est centrale quand on devient père au foyer et mère au foyer, mais là c’est ton cas en tant qu’homme, c’est la rémunération. Comment est-ce que vous êtes organisé dans votre couple ? Est-ce que vous avez dealé ? Est-ce que non, il n’y avait rien parce qu’il y a un impact sur ta vie future, sur la retraite, sur plein de choses. Comment est-ce que vous avez géré ça avec ta femme ?

Samuel Clot : Ouais bah en fait c’est vrai que c’est une vraie question et moi j’ai mis du temps à accepter que pas parce que j’estimais que parce que j’étais un mec je devais gagner du blé c’était pas tellement ça mais par contre ça me gênait de pas participer financièrement à mon foyer. J’étais gêné par ça et j’ai eu besoin que Léa me dise mais en fait moi j’estime que ce que tu fais avec Gaspard ça a une valeur financière qui nous met sur un plan d’égalité, enfin en tout cas d’équité entre moi, ce que je représente pour le foyer financièrement et toi, ce que tu représentes pour le foyer par d’autres méthodes que la thune. Et c’est vrai qu’à la base, de toute façon, moi, j’étais parti pour des études de médecine. Donc, on vivait que sur le salaire de Léa parce que c’est pas mon externa qui allait me payer quoi que ce soit et puis l’interna pas ouf non plus. Donc, en fait, on s’était dit il y a dix ans encore avant que je gagne à peu près un salaire correct. Donc le manque à gagner, il n’y en avait pas pour nous. Parce qu’on vivait de toute façon sur ce que Léa gagnait.
Mais par contre, il y a un moment où tu te dis, bah ouais, la retraite, les cotisations, les trucs et tout. Donc, nous, évidemment, grâce au travail de Léa, moi, je n’avais pas d’allocs, je n’avais rien. Enfin, c’est ce qui est normal. Mais par contre, c’est vrai que du coup, ça me faisait réfléchir quand même sur ce que je fais plus tard, parce qu’il y avait un moment où ça va s’arrêter.

Et ça, c’est une question que je suis encore en train de dealer dans ma tête, parce que même là, mon statut aujourd’hui, il est un peu hybride, il est un peu nouveau. Et le fait de gagner de l’argent via les réseaux sociaux, c’est pas hyper établi. On ne sait pas trop où on va non plus. Mais c’est pour ça que j’ai prévu de faire plein d’autres trucs et dont des choses qui vont commencer l’année prochaine où j’ai envie de me former. J’ai envie de faire d’autres choses que les réseaux sociaux pour un peu évoluer aussi.

Clémentine Sarlat : Ça a été une question centrale entre vous deux où comme tu savais qu’en tant que futur jeune médecin, il y avait cette période assez longue où l’argent allait rentrer de manière sporadique, vous étiez en accord avec ça. Ce que tu dis, c’est que vous n’avez pas décidé de la durée du fait que tu sois père au foyer. Ce n’est pas qu’on fait les trois ans et après, je retrouve un travail. Comment est-ce que vous avez envisagé au fur et à mesure cette question, en fait.

Samuel Clot : Ouais, on était en accord. Ouais, c’est ça. En fait, on était en accord, donc on s’est dit ok, moi je vais gagner zéro thune.

Et toi tu vas tout rapporter à la maison mais c’est vrai qu’il y a eu un moment où je me suis dit peut-être qu’elle ça va être trop lourd, pas en termes d’horaire de travail mais en termes de responsabilité de se dire j’ai pas le droit de flancher parce que si je flanche demain on mange pas, demain on est en galère, enfin voilà c’est un peu dramatique mais en vrai c’est des questionnements que tu te poses.
Donc c’est vrai qu’il y a eu un moment où j’ai dit est-ce que tu penses qu’il faudrait que je cherche une formation, que je cherche un truc pour trouver au moins des petits salaires, des petits trucs que je peux faire à côté.
Et vraiment, elle m’a dit non, non, moi, j’assure. Et vu qu’après, quand Gaspard est rentré à l’école, moi, je me suis lancé sur les réseaux, que j’ai commencé à pouvoir en dégager un petit peu d’argent, tout ça. Moi, je me suis senti plus à l’aise à ce moment-là.

En fait, on a fonctionné comme ça, mais je pense que moi, j’étais un peu mal à l’aise du fait de ne pas ramener de thune vraiment, mais du fait que la responsabilité revienne sur Léa à 100%.

Ça, ça me gênait parce que même si elle me disait, ça va, il n’y a pas de problème, c’est normal, toi, tu fais autre chose et tout, elle m’a vachement rassuré là-dessus. Je n’arrivais pas à m’enlever de la tête que ça peut être trop lourd un moment.

Comme moi, ça a été trop lourd d’avoir 100% de Gaspard la journée. Je me disais, ça peut être un moment trop lourd pour elle. Et donc, il a fallu qu’on en discute très régulièrement pour qu’elle me dise, me confirme. Et tous les mois, il y avait un petit check up. Ça va, c’est bon, on continue. Et ça a été nécessaire pour moi.

Et puis après, j’ai quand même été un petit peu soulagé, non pas parce que d’un coup, je prenais, je prenais le relais financièrement loin de là, mais par contre, parce que j’avais le sentiment de participer autrement aussi. Ouais. C’est ça.

Clémentine Sarlat : Concrètement, ça se matérialise par un compte commun et tout ce que ramène Léa et pour la famille et pour toi.

Samuel Clot : Ouais. Complètement.

Clémentine Sarlat : Je pense à cette question parce que c’est vrai qu’on parle beaucoup dans le sens inverse d’encourager les femmes à avoir une indépendance financière parce qu’en cas de séparation, de problème,

Toi, dans ta construction d’homme, dépendre de l’argent d’une femme, c’est ultra minoritaire. Il y a très peu d’exemples, j’imagine, dans ton entourage ou même dans les médias, dans l’inconscient populaire.

Tu ne l’as jamais vécu comme quelque chose de compliqué, au-delà d’avoir mis la pression financière sur elle. Mais juste toi te dire, si j’ai envie d’acheter une fringue, ce n’est pas mon argent, c’est l’argent de Léa.

Est-ce que c’est quelque chose qui t’a touchée, perturbée ou vous étiez alignée par rapport à ça ?

Ouais. Ça, au départ, ça a été le cas, ça a été compliqué parce que non pas parce que je me sentais moins viril ou quoi, mais vraiment parce que j’étais gêné de lui prendre sa thune. Vraiment, c’était ça. D’autant plus que Léa, elle a monté sa boîte à 16 ans. Elle a commencé à avoir de l’argent très rapidement.
Après le bac, elle a rien fait d’étude. Elle est partie sur son entreprise. Ça a très bien marché. Elle a été vraiment pionnière dans plein de trucs.

Et à l’époque, nous, à 18 ans, moi, j’ai fait ma première année de médecine dans un petit studio, mais après, on s’est installé ensemble dès ma deuxième année. C’était elle qui payait le loyer, c’était elle qui payait les courses. Donc, ça a été plutôt à cette période là où le fait de dépendre 100% de mon épouse, de ma copine à l’époque, en plus, c’était compliqué. Et puis après, en fait, petit à petit, je me suis fait, en fait, je pense, et j’ai accepté que c’était OK. Si c’était OK pour elle, c’était OK pour moi.

Et j’ai besoin de lui demander tous les jours à peu près pendant deux ans si c’était ok pour elle. Mais après, de base, moi, je suis pas hyper dépensier. J’ai la même voiture depuis ma première voiture. C’est encore ma voiture. Je m’achète des fringues que quand je suis obligé. C’est à dire là, c’était la première fois depuis deux, trois ans que je m’achetais des fringues. Donc, c’est ça règle un peu le souci.
Mais je pense que là, maintenant, le fait d’avoir aujourd’hui, techniquement, on a notre compte commun où on met chacun un montant qui n’est pas le même, d’ailleurs. Qui est proportionnel à ce qu’on gagne. Moi je mets moins que mon épouse.


Et puis après on a chacun nos comptes persos, où on met un petit pourcentage.

Et ça c’est le compte où justement on en profite pour faire les cadeaux aux autres, pour pas que ça soit sur le compte commun, pour se faire des petits plaisirs aussi, si j’ai envie de m’acheter un jeu de PS4, un bouquin, un truc. Et puis le dernier compte c’est le compte de Gasp où là on met une certaine somme tous les mois aussi pour lui plus tard. Maintenant c’est assez clair mais au départ c’est un peu compliqué quand t’es un mec de dire « Bon, là, si je veux demain me faire péter le nouveau Call Of ou un truc comme ça, ça va être compliqué parce que je vais devoir lui demander avant si je peux et tout ». Mais elle n’est tellement pas prise de tête avec ça que je me dis, mais tu n’as pas besoin de me demander. En fait, c’est notre argent. Et là, aujourd’hui, maintenant, je sais que c’est notre argent et je considère comme notre argent. Il n’y a pas du tout de ta thune/ ma thune.
Mais par contre, à l’époque, c’était compliqué.

Clémentine Sarlat : C’est un vrai enjeu, parce que comme il n’y a pas d’aide assez conséquente de la part du gouvernement, le congé parental est rémunéré moins de 400 euros par mois, donc ça ne peut pas faire vivre toute une famille. C’est un enjeu financier, et comme tu dis, tu as eu le privilège de le faire parce que Léa a gagné largement assez d’argent pour subvenir à votre famille. Il y a aussi un gros frein financier pour les pères, de devenir père au foyer, parce que dans notre société, malheureusement, les femmes, on gagne souvent moins

Samuel Clot : C’est clair. Ils sont bien payés. C’est ça.

Clémentine Sarlat : que vous, voilà, les hommes. Donc c’est un problème en plus, c’est un cercle vicieux, puisque vous êtes encore moins encouragés à pouvoir le faire, puisque financièrement, la perte, elle est trop importante.
Donc c’est vrai que t’es un ovni dans ce monde, toi et Léa, au final. Et tu le dis beaucoup dans le livre que vous avez toujours été différents, que vous avez toujours vécu une vie un peu marginale.
Comment tu le vis aujourd’hui, ce statut d’être un peu différent et pionnier ?

Samuel Clot : Bah ouais. C’est marrant parce que des fois, je suis hyper fier de représenter ça.

C’est comme quand je parle de vasectomie quand je parle de plein de sujets où j’ai l’impression que mecs de 27 ans ils sont des années lumières de ça j’ai le sentiment de fierté de me dire bah je représente vraiment mes valeurs en fait parce que surtout ça quoi c’est je suis fier de représenter les valeurs qui me portent et qui me guide il ya des moments où je suis vraiment cringe parce que je vois les gens qui ont mon âge, qui sont en train de finir la fac ou qui sont en train de commencer un taf.
Et j’ai vraiment l’impression d’être à des années lumières de pas au-dessus du tout. Mais vraiment, tu sais qu’on n’a tellement pas le même quotidien qu’on va jamais arriver à se comprendre. Et c’est pour ça que ça fait vachement du bien. Et je pense qu’aujourd’hui, quand même, c’est plus le cas peut-être, que quand on avait 18-20 ans, d’avoir des gens d’âge de 27-30 ans un peu plus qui sont vraiment hyper open et qui sont tout à fait bienveillants avec ça.

Et ça c’était beaucoup plus rare quand à 15 ans on s’est mis ensemble, quand à 18 ans on était toujours ensemble et que tous mes potes me disaient mais tu vas vraiment connaître qu’une meuf dans ta vie, c’est trop chelou de faire ça, tu devrais aller voir ailleurs un petit peu. J’ai dit non non moi je suis vraiment bien, je vous rassure tout va bien. Quand à 20 ans on s’est marié, quand à 21 ans on a eu Gaspard, moi quand à 25 ans j’ai dit vas-y je vais faire une vasectomie, je veux plus d’enfants là chez moi.

T’as toujours l’impression d’être un peu à part, mais ça veut pas dire que tu te sens moins bien ou mieux. Ça veut juste dire que c’est plus difficile de trouver des points communs avec d’autres personnes et de pouvoir te faire des potes, de pouvoir avoir un peu un quotidien similaire avec des gens autour de toi. Ouais, aussi.

Clémentine Sarlat : Donc c’est pour ça que tu as voulu documenter ce que c’était de devenir père au foyer sur les réseaux sociaux. J’imagine que ça t’a créé du lien social et t’as pu toucher d’autres gens qui sont dans le même mode de vie que toi.
En revanche, tu parles beaucoup des effets, des délétères difficiles des réseaux sociaux.

Ça représente quoi d’être un père au foyer qui défend ouvertement l’éducation respectueuse des enfants, l’égalité des femmes-hommes ? Tu prends quoi comme remarque quotidienne ?

Samuel Clot : En gros, ça veut dire que je suis un punching ball géant, moi. C’est allez-y, c’est open. Vous pouvez y aller parce qu’en fait, sur les réseaux, il y a un problème vraiment. Et moi, je pense qu’à un moment, il va falloir collectivement qu’on y réfléchisse et qu’on fasse autrement parce que moi, j’arrive à gérer. Mais je sais que c’est destructeur pour beaucoup, d’autant plus pour les jeunes quand au bahut, ils se font harceler, quand ils sont insultés.

Moi, je savais en le faisant, je savais que j’allais m’en prendre plein la gueule. Des fois, c’est trop. Des fois, j’ai besoin de couper deux, trois jours parce que là, le livre, il est sorti. Il y a quelques trucs où j’ai dit vraiment là, c’est dur. Franchement, mais après, je pense que là, tu vois, par exemple, j’ai fait une vidéo spécifiquement sur la vasectomie avec un média et c’est un média qui n’est pas hyper habitué à ce qu’il y ait des mecs qui parlent de vasectomie dessus, je pense. Et donc, l’audimat de ce média là n’était pas prêt.

Et t’es pas prêt à ça. Moi, je suis très content d’avoir pu choquer un peu. Mais en même temps, le soir, tu vas te coucher, t’es pas hyper bien quand tu as lu, parce que tu fais la connerie de lire, parce que tu peux pas t’en empêcher les 300 commentaires injurieux et pas cool du tout. Donc voilà, c’est toujours il y a un prix à payer.

C’est-à-dire que c’est une vie super de vivre des réseaux sociaux. Et il y a plein de choses qui me sont permis, grâce à ça, que j’aurais jamais pu imaginer. Rencontrer des gens, des femmes et des hommes hyper intéressants, hyper compétents, m’enrichir personnellement sur toutes ces compétences-là, apprendre et représenter autre chose.
Par contre, t’en prends aussi plein la gueule.
Et voilà, c’est pas normal parce qu’on ne devrait pas se dire, ouais, c’est le prix à payer, c’est normal.

On devrait juste se dire non, il faut qu’on fasse quelque chose pour qu’au moins les gens se rendent compte de la violence de leurs propos parfois. Et de toute façon, pour moi, c’est assez représentatif de la violence en général dans la société.

Et pour moi, et ça c’est une lecture un peu peut-être plus personnelle, mais pour moi ça part vraiment de la violence dans l’éducation. Parce que moi ça m’est jamais venu à l’idée d’insulter quelqu’un que je vois sur mon fil d’actualité Instagram, tout simplement parce que je n’étais pas d’accord avec lui. Et Dieu sait qu’il y a des gens avec qui je ne suis vraiment pas d’accord sur les réseaux.

On peut toujours discuter, on peut toujours débattre. Par contre, je ne comprends pas, et c’est ça qui est difficile, je ne comprends pas la violence gratuite. Je n’arrive pas à m’imaginer, parce que je n’ai pas été élevé comme ça, qu’on puisse, de façon anonyme et gratuite, insulter, vouloir faire du mal à l’autre. Alors j’ai de la peine pour les gens, tu vois, parce que je me dis putain, mais ça doit être ouf leur vie à ces gens. Tu vois, tu es à 22 heures, tu es père de famille, mère de famille, tu vois un réel d’un jeune qui essaye de dire, peut-être que c’est bien si on ne tape pas les enfants ou si on ne les force pas à faire des bisous et je vais mettre à lui dire les pires insultes de l’univers. Je me dis, c’est quoi ta vie ? Tu vois, ça doit être une vie très malheureuse. Donc, j’essaie de le retourner comme ça. Mais bon, c’est vrai que c’est pas facile tous les jours. Oui, bien sûr.

Clémentine Sarlat : C’est compliqué de parler d’éducation sur les réseaux sociaux, c’est un sujet ultra sensible, qui est très clivant, il y a peu de nuances. Est-ce que ta posture, elle a évolué au fur et à mesure des années ? Tu disais, on peut aller dans l’extrême, dans notre parentalité, puis après un peu revenir. Est-ce que tu sens ça, cette évolution ? Comment est-ce que tu le vis ?

Samuel Clot : Oui. Oui, oui, complètement. En fait, je l’ai senti à titre individuel et à titre, entre guillemets, professionnel sur les réseaux. C’est-à-dire qu’au départ, et c’est comme toute démarche, j’ai envie de dire toute démarche politique, philosophique.
Au départ, quand tu découvres quelque chose, tu as vraiment envie d’y être à 300 %. Tu as l’impression que tu découvres un nouveau monde et tu as envie d’aller à fond dedans, de vivre l’expérience à fond et de vraiment. Et en fait, juste, il n’y a pas tout qui est bon à prendre.

Et ça, c’est un truc que tu apprends par l’expérience. Donc quand tu découvres, tu prends tout, tu dis c’est génial. Moi, j’avais fait un réel une fois où j’ai dit je ne dirai jamais non à mon fils. Alors, évidemment, déjà à l’époque, j’avais bien compris que ça voulait dire en fait, on ne dit jamais non sans expliquer. Et voilà, on essaye de trouver une façon de dire non, tu ne peux pas faire ça parce que ou non, ça, ce n’est pas possible parce que. Mais à l’époque, j’étais beaucoup plus manichéen entre les gens qui ne font pas d’efforts et qui sont violents avec leur enfant et les gens géniaux qui respectent tous les préceptes de certains sur les réseaux. J’avais vraiment cette notion-là de la parentalité. Puis après, je me suis rendu compte de ce que ça voulait dire de taffer toute la journée parce que je parle beaucoup avec les gens sur mon compte.
Et je vois ce que ça veut dire d’avoir, quand t’as 10 minutes pour toi, quand tu rentres du taf, et que t’as 4 gosses, et que ton mari il en fout pas une à la maison, et que t’arrives et que t’es claquée, que tu dois faire à manger, que tu dois aller coucher, les laver, faire les devoirs, machin et tout.

C’est pas le même quotidien que quand t’es comme moi, que t’as le temps, que tu voilà. Donc il y a plein de choses à moduler. C’est ce que je dis souvent, je dis en fait, on n’est jamais parfait.

Et moi, d’accepter que je ne serais pas parfait avec mon fils, ça m’a permis aussi de comprendre que l’éducation et ce que j’avais envie de prôner, ce n’était pas d’être parfait avec ses enfants, c’était juste de faire au mieux avec ce qu’on avait. Et on n’a pas tous pareil, on n’a pas tous la même disponibilité, la même attention disponible. Et c’est beaucoup plus difficile pour certains que pour d’autres. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas essayer. Et ça, c’est vraiment un truc que j’ai appris à moduler.

Et même moi, dans ma posture avec Gaspard, j’ai vachement modulé plein de trucs et je me suis rendu compte qu’il y avait aussi des choses que, à la base, mais enfin, tu vois, il y a un exemple tout bête, c’est la fameuse liste des violences éducatives ordinaires. Quand il est né, Gaspard, j’avais un peu envie de choquer aussi ma famille et de mettre un peu les pieds dans le plat. J’ai imprimé une liste de choses qui étaient estimées des violences éducatives ordinaires. Je l’ai collé sur mon frigo parce que ça a permis de discuter avec les gens et tout.
Mais rétrospectivement, cette liste, elle est bullshit complet parce qu’en fait, c’est tellement plus large que ça ou alors il y a tellement de choses que j’ai fait dans cette liste, alors que pour moi, il n’y a aucune violence.

Enfin voilà, il y a genre donner un surnom à son enfant.

Sauf qu’en fait, quand tu réfléchis, donner des surnoms humiliants à son enfant parce que tu veux lui faire du mal et parce que tu veux lui flinguer son estime de lui-même, évidemment, c’est violent. Mais appeler Gaspard mon petit lutin, je ne suis pas sûr que dans 10 ans, il soit en mode, mon père, il m’a appelé mon petit lutin une fois, c’était horrible. Tu vois, c’est et donc il y a plein de choses à moduler, mais ça ne veut pas dire que je renie le fondement et le fondement, c’est on ne peut pas traiter les enfants comme on ne tolérerait pas que nous, on nous traite en tant qu’adultes.

Clémentine Sarlat : Mais c’est le discours qui se perd sur les réseaux sociaux et qui est clivant et qui fait qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de batailles qui sont néfastes parce que le fond du problème, c’est pas ça. Mais c’est intéressant ce que tu dis parce qu’on évolue tous. Moi, je dis souvent, mais je pense que je suis pas d’accord avec moi-même de ce que j’ai pu dire il y a quelques années ou ce que j’ai dit il y a deux mois parce que voilà,

Samuel Clot : C’est clair. C’est ça.

Clémentine Sarlat : On est tout le temps en train d’évoluer, c’est pas simple parce qu’on porte une voix et que les gens écoutent et que chacun doit faire la part de ce qu’il a envie de prendre ou pas prendre, et que des fois on est plus vindicatifs sur certains sujets que d’autres. Mais c’est vrai qu’on a une responsabilité et que c’est pas toujours évident de s’y confronter parce qu’on part avec les bonnes intentions.

Samuel Clot : Ouais. C’est ça, on part avec les bonnes intentions, on a envie de bien faire. Et puis, des fois, il y a des trucs qui m’animent et je m’emballe et je me rends compte après coup. Je me disais, ouais, c’est vrai que là, tu es peut-être un peu exagéré. Mais voilà, c’est compliqué, surtout quand tu es sur les réseaux, parce qu’il y a aussi un vrai truc, c’est que c’est beaucoup plus difficile d’avoir un point de vue modéré sur les réseaux. Et on le voit même dans les médias tradits.

C’est beaucoup plus rare aujourd’hui d’avoir des gens qui prennent 20 minutes pour t’expliquer un point de vue modéré. Aujourd’hui, on préfère avoir quelqu’un qui va avoir un propos extrême pendant deux minutes, voire 90 secondes.

Plutôt que quelqu’un qui va se poser, qui va te faire un truc de 20 minutes en t’expliquant ses arguments. Et c’est pour ça qu’on se retrouve aussi malheureusement dans la parentalité positive, dans cette mouvance-là, avec des gens qui racontent beaucoup de bêtises et qui sont dans cet extrême-là de la parentalité positive et qui ont rien compris, pour être honnête.

Et qui prônent des trucs miracles ou qui te vendent. De toute façon, moi je dis toujours quand on commence à vouloir vous vendre une vie rêvée, un truc parfait qui va marcher du premier coup, c’est qu’on essaye de vous niquer quelque part. Et franchement, je trouve ça vraiment dégueulasse parce que s’il y a bien une position de vulnérabilité, c’est ce doute que tu as en tant que parent. Est-ce que je fais bien les choses ? Est-ce que je m’occupe bien de mon enfant ? Et de profiter de ça dans les deux sens parce qu’il y a aussi bien sûr des zinzins qui proposent des solutions drastiquement opposées et ça pour le coup c’est encore plus terrible parce que eux ils le savent très bien quand tu dis qu’il faut enfermer son gosse dans sa chambre ou qu’il faut faire deux heures de laisser pleurer un enfant avant qu’il comprenne par lui-même qu’il a fait une bêtise, c’est de la bêtise, enfin non, c’est même pas de la bêtise, c’est de la violence qui est sciemment orchestrée parce que tu défends un modèle de société aussi, tu défends un modèle de société de domination d’une classe sur l’autre, d’un sexe sur l’autre, d’un genre sur l’autre, enfin voilà, tu t’inscris complètement dans… Donc moi je pense que c’est beaucoup plus difficile d’être modéré

Et c’est ce que j’essaye de faire, mais tous les jours, en fait, même moi dans ma vie perso, j’essaye d’être modéré, alors qu’à la base, je suis plutôt un gars qui a des avis très arrêtés sur les choses et c’est un vrai travail.

Clémentine Sarlat : Il y a un sujet sur lequel vous avez un avis très arrêté, toi et Léa, c’est le fait d’avoir un seul enfant.

Samuel Clot : Ah oui, ben là.

Clémentine Sarlat : Tu l’as évoqué, tu as subi une opération, donc la vasectomie, tu en parles longuement. Mais ma question, ça se porte plus sur le, est-ce que tu penses qu’on peut développer une éducation respectueuse bienveillante avec plusieurs enfants ? Parce que si vous avez fait ce choix, vous savez que cette disponibilité-là, elle est rare, c’est que vous n’imaginez pas pouvoir le faire avec deux enfants ?

LA VASECTOMIE

Samuel Clot : Ouais. Alors, bien sûr. Oui, on imagine. En fait, ça, c’est vraiment une réflexion personnelle. C’est à dire que là, vraiment, mon cas ne s’applique pas à n’importe qui. Moi, je sais que je n’aurais pas pu refaire ce que j’ai fait avec Gaspard avec un autre enfant en plus. Si il y avait eu un autre, si Léa était tombée enceinte, on aurait eu un bébé, évidemment. Et voilà, ça aurait été cool aussi. Mais à choisir, je préfère choisir de n’avoir qu’un enfant et m’en occuper comme je veux, plutôt que d’essayer de jongler et de galérer. Et en plus de mettre encore une fois entre guillemets, tu vois, ma vie perso pendant longtemps.
Sachant que, évidemment, je ne regrette pas du tout le temps que j’ai passé avec mon fils. Pour moi, ça a été hyper enrichissant et je pense pour lui aussi un petit peu, j’espère. Mais en tout cas, avec un deuxième enfant, je n’aurais jamais pu le faire. En termes de disponibilité affective, émotionnelle, financière, de temps. Voilà, je n’aurais pas pu le faire et surtout vraiment fondamentalement, je n’en avais pas envie.

C’est-à-dire que tous les scénarios de ma vie où je m’imagine plus tard, et souvent les gens me disent ça, ils me disent, ouais, mais tu fais quoi ? Alors, il y a même quelqu’un, parce qu’il y a des gens, ils sont assez détente, ils me disent, tu fais quoi si demain tu divorces avec Léa et que tu rencontres quelqu’un d’autre dans 10 ans et que vous avez envie d’un autre enfant ? Ça, c’est… Il y a des gens qui me disent, tu fais quoi si demain toute ta famille se fait écraser sur la route ? Je dis, bah, déjà, je pense, mon idée, c’est pas de refonder une famille tout de suite, mais dans tous les scénarios que j’imagine à 10 ans, 20 ans, 30 ans, je me vois pas avec d’autres enfants.

Et ça, très tôt, même déjà dès qu’on a eu Gaspard, en fait, je me disais, ben voilà, moi, ça me va bien. Pourtant, moi, j’ai eu trois frères. On était quatre frères à la maison. Enfin, j’ai toujours vécu dans ce truc de famille nombreuse. Et quand j’étais jeune, je me voyais avec une famille nombreuse.
Mais en fait, je pense qu’on peut tout à fait avoir une posture bienveillante et respectueuse avec son enfant, avec plein d’enfants. J’en connais qui le font et il n’y a aucun. Je pense juste, ça demande beaucoup plus d’énergie. Et je ne me sens pas capable de le faire.

Et j’en ai pas envie. Après, c’est un choix que certains vont trouver un peu égoïste. Mais en même temps, moi, je suis très à l’aise avec ce choix-là parce que je me dis, la disponibilité que je gagne en faisant ce choix-là, je peux la mettre aussi au service d’autres choses, d’autres causes qui me tiennent à cœur et faire avancer aussi le sujet de la parentalité autrement qu’à mon échelle individuelle.

Donc pour moi, c’est assez important aussi de dire, c’est un choix qui permet aussi de me donner d’autres perspectives, que ce soit professionnelles ou personnelles ou même sportives, qui m’auraient pas été possibles avec plusieurs enfants. En tout cas, j’aurais été beaucoup plus en difficulté et vu que j’avais envie, si j’avais eu d’autres enfants, j’aurais vraiment eu envie de faire la même chose et de donner la même énergie. J’aurais pas pu.

Clémentine Sarlat : Oui.

Samuel Clot : Donc voilà, donc la solution, c’était la vasectomie parce que c’était le plus simple pour moi. Du moment où tu dis je veux plus d’enfants, autant passer en vasectomie. Tu vois, c’est plus tranquille.

Clémentine Sarlat : J’aimerais bien qu’on parle pour terminer cet épisode de ce sujet parce que pour moi j’arrive pas à comprendre qu’elle pense à un sujet touchy mais apparemment ça l’est chez les hommes. Est-ce que tu peux nous expliquer la réticence que tu perçois quand t’en parles ? Quand tu expliques que tu as fait ce choix-là.

Donc, on le rappelle, la vasectomie, c’est une opération mineure, mais qui ferme les canaux déférents. Donc, il n’y a plus de spermatozoïdes qui passent. Donc, normalement, plus de possibilités de tomber enceinte pour le partenaire en face. Donc, ça ne touche pas à quelque chose de viril. Mais en fait, si, dans l’inconscient, oui.

Samuel Clot : Exactement. Ah bah, complètement. En fait, la vasectomie, c’est un sujet hyper tabou, particulièrement en France, parce qu’il faut savoir qu’au Royaume-Uni, c’est 25% des hommes qui ont déjà des enfants. 25%, donc on est à aller maintenant, on doit être à peut-être 3%. Mais encore, je pense pas, on doit être à 1 ou 2%.

Je pense qu’il y a vraiment un truc, on touche au sacro-saint pénis des hommes, et ça c’est un vrai problème pour eux. C’est-à-dire que le fait d’altérer cet organe, qui est aux yeux de beaucoup encore l’organe suprême de la puissance et du pouvoir, et il suffit de regarder tout ce qui représente le pouvoir dans notre société pour comprendre qu’il y a quand même un lien assez évident, que ce soit dans les gros muscles, dans les gros garçons et puis tout ce que peuvent faire les hommes.
On voit bien que ce symbole là, il est encore hyper présent. Et en fait, le fait de l’altérer, de toucher à ce truc fondamental, je pense que c’est impensable pour des mecs encore en France.

Particulièrement parce qu’on est quand même dans un pays encore très psychanalytique, il y a plein de choses, je pense qu’on a vraiment cet inconscient patriarcal beaucoup plus fort que dans d’autres pays. Et je ne saurais pas l’expliquer, je ne suis pas un expert et je pense qu’il y a des femmes et des hommes qui sont beaucoup plus pertinents que moi là-dessus. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c’est que moi, quand j’en ai parlé, c’est très symptomatique, les premières questions que les gens me posent, c’est :

Est-ce que mon érection sera modifiée si je le fais ?
Et est-ce que je pourrais toujours avoir une éjaculation ?

C’est vraiment les deux premières choses qu’on me demande, c’est pas est-ce que ça fait mal, c’est pas à quel moment on peut reprendre les rapports sexuels, c’est même pas ça. C’est vraiment est-ce que je pourrais toujours avoir une érection et est-ce que je pourrais toujours avoir une éjaculation, c’est-à-dire en gros les deux signes visibles de la masculinité aux yeux du patriarcat. Et c’est assez frappant de se dire que tu résumes tu as ton genre, enfin ta figure d’homme à ces deux choses là.
Donc encore une fois, pour rassurer les hommes. Mais en même temps, j’ai envie de leur dire, est ce que c’est pas un peu inquiétant que ce soit vos premières préoccupations ? Pour les rassurer, ça modifie en rien aucun caractère sexuel, en fait, puisque c’est une opération qui est un blocage physique des spermatozoïdes, ce n’est pas un blocage hormonal.

Donc, en fait, il n’y a aucune modification de la testostérone. Il n’y a aucune modification physique du pénis. Il n’y a aucune. Enfin, voilà, il n’y a rien. Il n’y a rien. Et ce que je me tue à dire, ça ne change rien pour vous.

Donc, allez-y. Si vous avez envie de plus avoir d’enfants, c’est la meilleure des méthodes. Mais c’est vrai qu’il y a un truc avec ça en France. C’est un truc de malade, quoi. Et même on voit la réticence des chirurgiens opérer les gens.

Enfin, moi, j’ai eu de la chance, je suis arrivé, j’ai pris un truc sur Doctolib, chirurgien uro chez moi.
Le gars, je lui ai dit bonjour, je veux faire une vasectomie. Vous avez déjà des enfants ? Je lui ai dit oui, un.
Il me dit, vous en voulez d’autres ? Je lui ai dit non. Je lui ai dit ok, vous avez un délai de réflexion et après, on se retrouve et on le fait. Et moi, je lui ai dit ok, trop bien.
Et quand j’ai commencé à en parler sur les réseaux, je vois, il y a des mecs de mon âge, même plus âgés que moi, qui ont trois, quatre, cinq refus. Et alors, sans parler des femmes qui veulent faire des ligatures, des trompes.

Parce qu’alors là, pour le coup, tu as des années d’attente parfois pour trouver quelqu’un qui accepte de le faire, comme si, tu sais, on avait le droit de te choisir, enfin, de t’empêcher de faire un truc que tu veux faire avec ton propre corps, quoi.

Clémentine Sarlat : Bienvenue dans le monde des femmes.

Samuel Clot : Ben ouais, ouais, mais c’est terrible, franchement. Et puis moi, j’ai même une femme qui m’a dit, moi, le chirurgien, il a demandé une autorisation écrite de mon mari pour faire une ligature des trompes.
C’est genre ben je sais pas, appelle la police, brûle son cabinet, enfin je sais pas, ça m’a rendu fou.

Moi, personne m’a jamais demandé, mais le mec m’a même pas demandé si j’étais toujours avec Léa. Il a dit ok, vas-y, moi tu sais, je suis payé à l’acte, je m’en fous. Je préfère à la limite cette approche-là où tu dis ben voilà, moi, chacun est libre de faire ce qu’il veut.

Après il m’a quand même conseillé de faire, et ça c’est peut-être important d’en parler quand on parle de vasectomies, de faire une conservation des gamètes, donc de spermatozoïdes quoi, au cas où il m’a dit franchement ça coûte 40 balles par mois de le faire conserver dans un centre d’études et de conservation. 40 balles par mois pour si jamais un jour t’as besoin, t’as envie, voilà, au moins c’est fait et tu vois tu sais que t’as ça, donc je dis ouais bon allez vas-y si ça te rassure je le fais.
C’est pas hyper fun à faire mais bon ça va quoi, il y a pire.

Clémentine Sarlat : Quand on a les moyens de pouvoir payer ça, c’est une solution de secours qui est importante, de savoir que ça existe en tout cas.

Samuel Clot : Ben ouais, franchement, c’est… De savoir que ça existe et puis que ça ne représente pas… Enfin, il faut juste aller faire un prélèvement, quoi. C’est pas non plus… Faire un prélèvement… Attention, les garçons, je précise, un prélèvement, on ne vous insère pas d’aiguille ou quoi.

Un prélèvement, c’est juste un terme pour dire une éjaculation, d’accord ? Respirez. Vous tout seuls, il n’y a pas d’aiguille.

Clémentine Sarlat : Bon, ma dernière question, c’est comment tu définirais aujourd’hui ? Père au foyer à mi-temps, comment est-ce que tu définis ton rôle au sein de la famille, maintenant que ton fils a six ans, je crois ?

Samuel Clot : Il a 6 ans dans 10 jours, à peu près. Donc, je pense qu’aujourd’hui, je dirais, c’est une bonne question, je ne me la suis pas vraiment posée. Je pense que je dirais, je suis un père. En fait, j’ai failli te dire un père impliqué, mais je trouve que c’est dommage de dire ça parce que je pense que quand on est un père, on devrait tous être impliqués. Donc, je ne vais pas dire ça. Je vais dire, je suis un père au foyer slash pas au foyer c’est horrible le gars te donne la pierre des réponses non mais parce qu’en fait je fais beaucoup de choses à la maison de tâches logistiques administratives des trucs voilà c’est moi qui m’occupe du linge de la cuisine du ménage de ce genre de trucs mais aujourd’hui je peux pas dire je suis père au foyer mon fils il est à l’école de 9h à 16h30 mes tâches elles me prennent aller une heure une heure et demie par jour après je bosse donc je suis un père, je suis un père qui aime son fils et qui prend soin de sa famille.

Voilà, on va dire ça, c’est bien.

Clémentine Sarlat : Et qui cherche sa deuxième voie de carrière.

Samuel Clot : Et qui va se lancer sur une carrière et qui va tout déchirer et qui va se plaire là-dedans parce qu’il a besoin de ça aussi pour se satisfaire.

Clémentine Sarlat : Ça me va comme réponse, tu vois.

Samuel Clot : Je suis le roi de la réponse longue. Je suis désolé. C’est terrible.  

Clémentine Sarlat : Ça tombe bien, t’es dans un podcast, on a le temps.

Samuel Clot : Ok. Ça va. Avec grand plaisir.

Clémentine Sarlat : Merci beaucoup, Samuel. C’était hyper intéressant d’avoir ton témoignage. On a besoin de plus de papas qui prennent la parole. C’est intéressant de comprendre tout ton cheminement, la déconstruction et comment tu as envisagé ce rôle dans ces années 2020, parce que c’est malheureusement encore minoritaire.
Mais il n’y a qu’en ayant des exemples qu’on peut donner envie.
Merci à toi d’avoir fait ça.

Samuel Clot : C’est l’idée.

Merci beaucoup et merci de m’avoir donné l’opportune d’y parler en tout cas.

Clémentine Sarlat : Avec grand plaisir.

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