Elle est brillante, pétillante, elle secoue nos préjugés sans jugement et elle veut changer le monde à travers l’éducation.
Pour lever des tabous autour de la sexualité et du plaisir féminin, Camille Aumont Carmel a lancé il ya 6 ans le “Je m’en bats le clito”, le compte féministe sexuelle qui vient t’éduquer pour reprendre le pouvoir sur ton plaisir.
Si cet aspect là de sa vie lui a valu entre autres d’être nommée parmi les personnes les plus influentes dans la catégorie 30 under 30 de Forbes, aujourd’hui on s’est surtout intéressé à son parcours d’enfant adopté et l’impact que cela a eu sur sa vie.

Camille vient de sortir un album de jeunesse dédié aux enfants à partir de 4 ans Fleur de Sel pour parler de la beauté de faire famille.
Et si il y a une chose à retenir de Camille c’est cette volonté d’irradier d’amour les gens qui l’entourent, peu importe leur filiation.
Un épisode à savourer, en famille, avec des copines, votre partenaire, pour comprendre les enjeux de l’éducation.
🗣️ Au programme :
🎙️ Introduction de Camille (00:00 – 13:15)
👶 Histoire d’adoption et éducation (13:15 – 27:03)
🧬 Identité et projets futurs (27:03 – 37:35)
🤰 Maternité et accouchement (37:35 – 43:50)
👨👩👧 Famille et transmission (43:50 – 54:39)
📚 Livre pour enfants “Fleurs de Sel” (54:40 – 01:07:39)
🏠 Accouchement à domicile (01:07:39 – 01:15:35)
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LIENS UTILES
Les livres de Camille :
Fleur de sel, Camille Aumont Carnel (Auteur), Aurélia Fronty (Illustrateur)
Les mots du Q : manifeste joyeux des sexualités, Camille Aumont Carnel (Auteur), Noémie Marignier (Auteur)
Autres livres mentionnés :
Chien bleu, Nadja (Auteur)
TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE
Clémentine Sarlat
Elle est brillante, elle est pétillante, elle secoue nos préjugés sans jugement et elle veut changer le monde à travers l’éducation. Pour lever des tabous autour de la sexualité et du plaisir féminin, Camille Aumont Carnela lancé il y a 6 ans « jemenbatsleclito », le compte féministe, sexuel, qui vient t’éduquer pour reprendre le pouvoir sur ton plaisir. Si cet aspect-là de sa vie lui a valu, entre autres, d’être nommée parmi les personnes les plus influentes dans la catégorie 30 under 30 de Forbes, aujourd’hui, on s’est surtout intéressé à son parcours d’enfant adopté et de l’impact que cela a eu sur sa vie. Camille vient de sortir un album de jeunesse dédié aux enfants à partir de 4 ans, qui s’appelle Fleurs de Sel, pour parler de la beauté de faire famille sous tous ses aspects.
Et s’il y a bien une chose à retenir de Camille, c’est cette volonté d’irradier d’amour les gens qui l’entourent, peu importe leur filiation.
Un épisode à savourer en famille avec des copines, votre partenaire ou bien si vous êtes sur un parcours d’adoption pour mieux comprendre les enjeux autour de l’éducation mais aussi de faire famille.
Je vous souhaite une très bonne écoute. Salut Camille et bienvenue dans le podcast de la Matrescence, je suis ravie de te recevoir.
Tu sais ce que c’est ce mot, La Matrescence ? Parce que tu n’es pas mère.
Camille Aumont Carnel
Je ne suis pas mère. Explique-moi.
Clémentine Sarlat
Alors La Matrescence, c’est la combinaison deux mots, maternité et adolescence. C’est pour expliquer, en fait, le changement d’identité que tu peux ressentir quand tu deviens mère. C’est une anthropologue américaine qui a créé ce mot dans les années 70. Et c’était vraiment pour expliquer que devenir mère, c’est pas un petit laïus dans ta vie, c’est vraiment un gros changement, ça chamboule quelques trucs et tu vois il y a les trois M, il y a la ménarche, la matrescence, si tu veux devenir mère, et la ménopause dans la vie d’une femme. Et souvent dans notre société on a un petit peu oublié. Quasi les trois mêmes. Parce que toi qui parle beaucoup de sexualité et même du cycle, tu le sais que c’est pas encore tout à fait entré dans les mœurs.
Camille Aumont Carnel
Super, j’adore, c’est un cadavre exquis, en plus j’adore les cadavres exquis. Je passe ma vie à en faire.
Clémentine Sarlat
Mais La Matrescence, aujourd’hui on essaye, moi j’essaye de faire ce travail, de dire c’est normal si ça vous chamboule devenir mère, et la patrescence existe aussi. Moi je parle quand même plus aux mères.
Alors, est-ce que tu peux nous raconter un petit peu ton parcours ? T’as un parcours hyper riche, mais j’aimerais savoir, avant de démarrer, qui était la Camille enfant ? À quoi ça ressemblait, toi, petite fille ?
Camille Aumont Carnel
C’est une tornade. La Camille enfant, je pense qu’il y a la Camille plutôt bas âge et après il y a la Camille, tu vois, de mes zéros à mes trois ans. J’ai un côté un peu, je rentre dans le moule. On disait de moi que j’étais une enfant hyper autonome, on va être surpris de mes capacités de développement, de mes capacités de communication. Et en fait à mes trois ans j’ai un shift où je me… Pour te dire je me souviens même et je me revois avoir des scènes et je me revois même des conversations entre adultes où j’ai l’impression que mon caractère s’affirme un peu plus, mon tempérament, ma personnalité aussi et de mes trois ans à mes… Allez…
Neuf ans, dix ans il y a un côté un peu je suis une warrior et j’ai envie de faire plein de trucs, j’ai plein d’énergie j’aime beaucoup tout ce qui est artistique donc je peins, je fais de la pâte à modeler mais je ressemble vraiment à ce qu’on attend d’une petite fille tu vois c’est à dire que j’aime les poupées, à Noël je veux qu’on m’offre des Barbie tu vois je veux des poupons, je joue à papa maman mais avec un côté quand même me saoulez pas parce que vraiment je peux vous en mettre et ça c’est vraiment un truc que j’ai toujours eu en moi mais ce qu’on disait de moi c’est Camille elle est gentille et je suis toujours honorée quand ça fait partie des premiers trucs qu’on dit de moi-même encore maintenant et un des premiers trucs c’est non vraiment c’est une meuf hyper sympa genre elle est gentille c’est sincère et après il y a tous les autres adjectifs qui peuvent suivre et puis enfant, je voyage beaucoup parce qu’en fait nous on a déménagé tous les 4-5 ans donc je suis aussi une enfant hyper sociable qui sympathise avec tout le monde ce truc où on déménageait toutes les 4-5 ans j’ai vu comment pour d’autres enfants ça pouvait être dur et ça pouvait même être traumatisant moi ça m’a toujours été présenté, ça a toujours été ancré en moi comme un truc hyper fun où finalement je me disais en fait dans 4 ans je repars à l’autre bout du monde ça veut dire que moi je vais avoir des potes partout dans le monde je me souviens que mon père m’avait acheté une caméra Skype pour que je puisse échanger avec tous mes potes à partir du moment où on commençait vraiment à bouger donc à 8-9 ans tu vois et j’ai toujours, ouais, une grande joie de vivre, beaucoup de curiosité, un truc hyper…
La meuf est un soleil, et ça je suis contente de jamais l’avoir perdu. Et à l’adolescence, là vraiment on est sur une autre… Là je suis encore plus tornade que ce que je peux être maintenant, c’est-à-dire que moi mon adolescence c’est… Un besoin de revendiquer tout un tas de trucs. J’ai été cette ado qui faisait tous les exposés sur, mais même en primaire, les grandes femmes de l’histoire qui, les cinq femmes qui ont changé le… J’ai toujours été comme ça. Mais la Camille enfant, elle a la dalle quoi. Et ça n’a pas trop changé je crois.
Clémentine Sarlat
L’image qui me vient c’est, t’as le feu en toi en fait, t’as envie de… De y aller, de tout croquer.
Camille Aumont Carnel
Et c’est marrant parce que ma mère, si elle t’en parle, elle te dit, même quand on voit des photos de moi petite bébé à deux mois, trois mois, elle te dit mais nous le jour où on t’a rencontré, en fait dans tes yeux il y avait écrit je veux vivre. Et ça je crois que c’est un truc qui n’est jamais vraiment parti. Et quand je dis j’ai la niaque, j’ai la dalle, c’est un truc que j’ai en moi depuis toujours.
Clémentine Sarlat
C’est fort que tes parents l’aient ressenti, on va en parler de ton histoire d’adoption, mais que ça a été le premier un peu…
Camille Aumont Carnel
Ouais c’est le premier truc qu’ils ont ressenti et c’est le premier truc qu’ils ont perçu de moi en disant non mais en fait cet enfant c’est pas possible quoi. Et je trouve ça beau finalement de me dire que tout n’est pas construction, que tout n’est pas éducation, que tout n’est pas transmission et qu’il y a aussi des choses qui sont un peu là dès le départ et c’est qui tu es, tu vois.
Clémentine Sarlat
On fait l’inné, avec l’acquis. Heureusement on a un petit peu des deux cas.
Camille Aumont Carnel
Mais quand même, je trouve qu’on parle beaucoup de l’acquis. Et moi de plus en plus j’essaie de me concentrer sur l’inné et essayer de comprendre aussi initialement qui je suis parce que je crois pas à ce truc de on est personne et ensuite on est éduqué et tu vois, il y a quand même des choses qui font qu’on est qui on est et typiquement ce genre de propos et de détails fait que on l’a su.
Clémentine Sarlat
De toute façon, l’épigénétique aujourd’hui montre qu’on récupère quand même les gènes de nos ancêtres et comment ils se sont sentis avant. On n’arrive pas vierge, clairement, comme tu dis. Il y a quelque chose avant. Alors, tu as une histoire singulière, je disais, tu as une histoire qui est teintée de l’adoption. Tu as été adoptée à tes deux mois.
Camille Aumont Carnel
Absolument.
Clémentine Sarlat
Est-ce que tu peux nous raconter toute cette histoire, comment ça a démarré et comment tu es arrivée dans ta famille?
Camille Aumont Carnel
Ça démarre en décembre 1996 à Niamey, au Niger, en Afrique de l’Ouest. Je suis abandonnée sur un lit d’hôpital quand j’ai quelques jours de naissance. Et très vite on se rend compte que je suis pas née dans l’hôpital dans lequel je suis. On essaie de trouver les personnes qui m’ont déposée là, mais en fait les équipes ne les trouvent pas. Et donc je suis placée dans un orphelinat, qu’est l’orphelinat de Niamey, dans lequel il s’avère qu’à ce moment-là, à cet instant-là, je suis la seule fille. Et donc je suis entourée de garçons.
Camille Aumont Carnel
Mes parents arrivent au Niger à ce moment-là pour leur travail, avec la volonté d’adopter, donc famille franco-libanaise, maman française et papa libanais, et ils commencent les démarches et ils disent écoutez, on ne choisit pas parce que c’est pas le but et c’est pas comme ça que ça fonctionne, mais on leur pose la question, vous auriez aimé avoir quel sexe pour un enfant ? Et ils répondent, nous on aurait adoré avoir une fille mais c’est pas ça le sujet, nous on veut un enfant. Et on leur dit mais il n’y en a qu’une seule. Et donc les démarches sont allées hyper vite. Et à deux mois j’étais chez nous. On a fait cinq ans le Niger, quatre ans la France du côté de Montargis, cinq ans Madrid et quatre ans Madagascar pour le travail de ma mère.
Moi j’ai grandi avec une mère inspectrice de l’éducation nationale que je voyais finalement assez peu en comparaison avec mon père qui était en voyage d’affaires tous les quatre matins en train d’aller monter des projets éducatifs de transmission de langues à droite à gauche. Et un papa au foyer qui a pris sa retraite quand j’avais sept ans, quand on a déménagé en Espagne pour s’occuper de moi. Et c’était super comme modèle. Donc finalement j’ai grandi avec une avec un modèle familial où la sécurité financière d’un foyer a toujours été assumée par une femme. Et ma mère était une entrepreneuse au sens j’entreprends et je get shit done, c’est-à-dire que j’ai des idées, j’ai des projets, je fais en sorte qu’ils existent de plein pied. Et mon père vraiment, il lisait un livre par jour, passionné de cuisine, de jardinage, de rhétorique.
Moi j’ai des images de mon père qui lisait des livres jusqu’à 4-5 heures du mat’ à fumer les clopes dans la cuisine. Donc j’ai vraiment, tu vois, et puis au-delà de ça, dans mon éducation, mes tampons, mes serviettes, la gestion de mes règles, mes rasoirs, mes soirées pyjama, les réunions parents-profs, c’était mon père. Et ma mère était en mode, bye, I got you to do, et qui est rentrée le soir et c’est mon père qui avait fait à manger, tu vois. Mais par contre, c’est vrai que j’ai toujours été hyper consciente du fait qu’il n’y avait que moi dans ce modèle-là.
Clémentine Sarlat
La normalité de ta situation.
Camille Aumont Carnel
Ouais, ouais, donc tu vois, j’étais là, ok, je vois bien que ça fait pas partie des choses qui se passent. Et c’est pas ça la grande majorité. Mais, pour reparler de cette notion de norme, je ne me suis jamais sentie anormale. C’est-à-dire que je ne me suis jamais dit je ne fais pas partie de la norme, ma famille ne fait pas partie de la norme. Parce qu’en fait, ça a toujours été tellement assumé, ça n’a jamais été des points de tension. Moi, mon père, il a jamais eu besoin de revendiquer que c’était un père, enfin c’était pas ça le sujet.
Et ma mère non plus elle n’a jamais incarné ce truc de super héroïne et de super power girl c’était juste bon bah nous ça fonctionne comme ça et par contre autour c’était pas le cas et c’est souvent des femmes qui suivaient leur mari qui étaient mutés dans telle ou telle agence ou pour tel ou tel poste et jamais l’inverse moi je suis passionnée de cuisine depuis que j’ai 5 ans je rêve d’être cheffe depuis que j’ai 8 ans et je crois que la première fois que j’ai dit que je voulais être la première cheffe noire française d’éthologie de Michelin j’avais genre 12 ans Donc j’ai un vrai sujet avec le pouvoir et la place et le fait de prendre de la place depuis toujours. C’est assumé. Donc ça va.
Et je me souviens de conversations avec mes parents où vraiment nos seuls points de tension c’était moi à 15 ans, 14 ans qui veux rentrer en France. À ce moment-là on est à Madagascar pour faire un bac pro cuisine.
Et je suis là mais en fait je sais que je veux faire ça donc en fait tu sais quand t’as un rêve et quand t’as une passion depuis toujours t’es là vraiment les trois années de lycée je ne comprends pas et des conversations avec mes parents qui essayent d’être pragmatiques, tangibles et raisonnés en me disant vraiment on t’aime d’amour et on est à fond derrière toi et on sait que tu veux faire ça mais on veut juste que t’aies la liberté du choix et la liberté du choix ça passe notamment par avoir un bac le plus général possible et vraiment on t’assure que vraiment 17 ans pour commencer tes études de cuisine c’est ok tu vois et donc j’ai continué jusqu’à un bac L que j’ai eu à 17 ans et en terminale j’hésite entre deux voies Sciences Po parce que je veux être ministre de l’égalité et je veux faire de la politique et me battre pour les droits des femmes.
Parce que mon féminisme prend de plus en plus de place, mes engagements aussi, mon côté coup de gueule et ma colère et mon indignation aussi et je veux en faire quelque chose de sociétalement impactant.
Et en même temps Ferrandi, parce que je veux être cheffe. Et je finis par comprendre que franchement, être une jeune femme noire, d’1m85, coco rasée, avec le physique que j’ai, la gueule que j’ai, et l’indécence, toute l’indécence qui peut me caractériser, et essayer de prendre une place dans un milieu majoritairement dominé par des hommes blancs depuis 50 ans, comme peut l’être la gastronomie française, c’est un acte politique.
Et donc j’intègre Ferrandi, école dans laquelle j’ai étudié pendant 4 ans, et j’ai été formée par les plus grands chefs triplement étoiles au Guide Michelin, et je pense qu’à la fin de mes études, Je prends conscience de tout ce qui se passe dans ce milieu-là, mais je prends surtout conscience de ce que c’est que le patriarcat finalement, et de comment est-ce que ça se matérialise et ça peut s’illustrer dans tous les domaines. Finalement je comprends que le sujet c’est pas que la cuisine, mais c’est la cuisine, c’est la médecine, c’est le droit, c’est partout, et que du coup on vit dans un système.
Et je me dis du coup j’en fais quoi de ça et je commence de plus en plus à me pencher sur les questions de féminisme, à me pencher sur les révolutions féministes qui ont eu lieu et puis on est donc en 2018 et je suis en lendemain de soirée et je suis en train de décuver. J’ai 21 ans et j’ai mes trois potes, mecs, cis hétéros qui parlent de comment faire jouer une femme. Comment tu veux dire, ça fait partie des grands moments de solitude de ma vie.
Clémentine Sarlat
On a toutes vécu des moments comme ça.
Camille Aumont Carnel
On a toutes vécu des moments comme ça où tu te dis à quel moment vous dites ça les gars et tu sais j’ai un raisonnement hyper pragmatique à ce moment là où je me dis ok vous êtes tous sexuellement actifs depuis plus de dix ans à ce moment-là vous étiez tous en couple à quel moment on a merdé pour qu’en fait à la question comment faire joindre une femme vous répondiez ça en fait et c’était vraiment des absurdités absolues et il s’échangeait tu vois sous une espèce de conversation de transmission de savoir comme nous on a pu avoir sur attend qu’on met un tampon et attend l’épilation et puis les poils incarnés et puis ceci et j’étais là wow ok c’est chaud mais ma posture n’a jamais été de dire vous êtes vraiment des bouffons vous racontez de la merde ma posture a toujours été de dire à quel moment on n’a pas réussi, nous, à s’autoriser, à s’explorer assez, pour ensuite s’autoriser et se dire que c’est ok de communiquer.
Enfin, tu vois, pour moi, il y a plus un endroit où ça fait rupture. Et sur un coup de tête, vraiment, je t’assure, le compte Instagram, je l’ai créé en dix minutes. Et j’ai ouvert l’Instagram, je dis vous m’avez saoulé les frères, je m’en bats les clito, parce que langue fait toujours partie, moi, de mes grands combats, et les expressions, et le plurilinguisme aussi, et ça c’est vraiment l’héritage 100% de ma mère. Et le fait d’avoir voyagé dans plein de pays différents.
Je me dis j’en ai marre qu’on dise tout le temps je m’en bats les couilles, j’en ai marre que toutes mes expressions soient phallocentrées, ne parlent que du fait d’avoir des grosses couilles, une grosse bite et qu’en fait finalement le moment où on parle de ce que moi j’ai entre les jambes c’est pour dire que j’ai de la chance et la seule expression qui existe c’est avoir de la chatte.
Et je me dis wow ok c’est violent aussi à ce niveau-là c’est pas que violent dans le milieu dans lequel je travaille et donc je dis je m’en bats les clito, je lance un poste, deux postes, trois postes je touche du bois et l’anecdote est vraie c’est pas du storytelling ça explose dans la semaine et je prends 1500 abonnés par jour ça s’est jamais arrêté et donc je suis restée anonyme pendant cinq mois parce que j’avais peur de la retomber raciste et j’avais peur du fait que ce qui faisait que je m’emmêle plutôt faisait du bien, pas marcher mais faisait du bien, c’est que c’était tout le monde, c’était toi, c’était moi, c’était tes potes, c’était ta sœur, c’est la conductrice du bus et la dimension désincarnée c’est qu’il y avait presque un truc universaliste ou que j’arrivais à toucher du doigt et c’était ça pour moi le sujet et c’était ça ce que je voulais montrer c’est dans l’intime on se ressemble et on peut avec un je, je peux parler d’un nous, finalement.
Et c’était ça ce que ça voulait dire. Et au bout de cinq mois, en fait, j’ai l’impression de me trahir. J’ai l’impression de trahir un des grands principes de mon éducation qui est ne te cache jamais d’exister.
Clémentine Sarlat
Assume.
Camille Aumont Carnel
Assume. Prendre la place. Et ça, c’est un truc qu’on m’a toujours répété. Et moi, mes parents même, tu vois, quand il y avait des histoires de mots dans le carnet, des heures de colle… Moi, j’étais cette ado là au collège et au lycée. On toujours dit franchement si tu trouvais que c’était juste d’ouvrir ta gueule à ce moment-là on sera toujours de ton côté et moi j’ai des parents qui ont toujours été de mon côté quoi qu’il se passe et ça fait que tu grandis différemment et ça fait que tu grandis aussi en te disant en vrai du coup le monde est à moi quoi. Et donc je dévoile mon identité à la télé. J’ai Daphné Bürki sur France 2, je t’aime, etc.
Et ce soir-là je me souviens que je prends 400 messages dans mes DM que je traite tous parce qu’il se passait un truc qui moi m’a fait du bien, c’est sur ces 400 messages j’en ai 200 de personnes qui me disent dans mon imaginaire je me sens trop mal parce qu’en fait s’il avait fallu que je te dessine pour moi c’était impensable que tu sois noire et en fait à ce moment-là tu vois cette peur du racisme que j’ai eu pendant cinq mois avant la première réaction et je te le dis sincèrement c’est d’être rassurée de se dire ok en fait je me racontais pas des histoires il y a un vrai truc systémique qui va au-delà du patriarcat qui est aussi une forme de racisme il y a plein d’autres choses aussi qui convergent et que finalement j’incarne un peu tout ça et ça se matérialise et ça peut aussi se matérialiser en moi Et je me souviens avoir passé deux jours et deux nuits à envoyer des copier collés à dire pourquoi, pourquoi.
Et en vrai pour te faire un top 5 des réponses, les réponses c’est tu t’appelles Camille, tu fais pas de faute d’orthographe, t’as tout compris au code du digital, t’arrives avec un concept hyper innovant genre on dirait que tu sors d’une énorme école de communication et puis je sais pas quand t’es noire et que t’es féministe t’es forcément afroféministe donc en fait ta couleur de peau c’est un des premiers trucs que tu revendiques.
Clémentine Sarlat
Ouf.
Camille Aumont Carnel
Ouais ouais. Ce niveau de violence.
Clémentine Sarlat
Le Camille, je peux entendre quelque part mais alors les autres là tu…
Camille Aumont Carnel
Mais même le Camille, il y a un truc de… Oui mais bien sûr mais dans l’imaginaire des gens c’était le seul un peu argument entendable mais le reste… Et tu te dis t’es quand même allée déjà toucher…
Clémentine Sarlat
Tu ne fais pas des fautes d’orthographe.
Camille Aumont Carnel
Ça on m’a dit ça. Ouais on m’a dit ça. Et tu te dis c’est ouf parce que tu as déjà touché quand même une cible qui est tu vois éduquée.
Clémentine Sarlat
Et qui est quand même imprégné de préjugés énormes.
Camille Aumont Carnel
Mais en même temps je me félicite aussi d’avoir réussi à créer un espèce de safe place qui fait qu’ils osent me le dire aussi tu vois. Et à ce moment-là j’ai deux choix et vraiment je me souviens me dire qu’est-ce tu fais quoi? Est-ce qu’en fait ce que tu fais c’est que le rêve que tu avais dans ce milieu de la gastronomie, finalement tu te rends compte que le milieu dans lequel tu t’apprêtes à mettre un pied n’est potentiellement pas très différent. Et tu peux juste transvaser cette niaque où est-ce que tu arrêtes tout et qu’en fait tu t’achètes le prix de la tranquillité qui est tout aussi légitime et qui est tout aussi ok.
Moi je suis pas du tout en train de dire non il faut absolument qu’on soit carriériste le sujet c’est plutôt fais ce qui fait que tu te sens bien quoi et tu te sens capable de faire et je me suis dit on va tout bouffer et j’ai monté ma boîte trois semaines après j’ai déposé sur INPI je m’en bats le clito, j’ai trouvé un comptable qui voulait bien accueillir cette boîte là au sein de son entreprise
Clémentine Sarlat
Alors tu présentes quoi?
Camille Aumont Carnel
Alors je m’appelle jmen bas le clito, et l’aventure a commencé comme ça et j’ai sorti mon premier livre, je crois, huit mois après. J’ai rencontré mon avocate, mon agente et l’aventure a commencé comme ça, tu vois. Et depuis j’écris des livres, je suis ce qu’on appelle une leadeuse d’opinion. Je suis autrice, je conférencière, je suis entrepreneure.
Je fais partie de ces femmes qui ont lancé, sans se rendre compte à ce moment-là, mais parce qu’on avait un truc là qui parlait, on a lancé ce qu’on appelle en France la révolution sexuelle post-me too, la révolution sexuelle 2.0 comme ils aiment l’appeler. Et c’est toujours avec beaucoup de fierté et d’émotion que je me dis, ok je m’inscris dans quelque chose de plus grand, qui me dépasse, j’aime tout ce qui fait que je me sens petite.
Et se dire qu’aujourd’hui je fais partie avec des centaines d’autres mais des visages un peu emblématiques du féminisme de la quatrième vague tu vois c’est un truc que je prends à bras le cœur et du coup j’ai un vrai sentiment de responsabilité aussi et l’écriture de livres s’inscrit aussi là-dedans de se dire dans un pendant de l’histoire dans lequel on fait partie c’est quoi l’héritage de ça ? Le jour où je suis plus là, donc le jour où il n’y a plus personne pour animer mon compte Instagram, venir passer des moments pour échanger sur ce que j’ai vécu ou sur ce que je traverse ou sur ce que je fais au micro de podcast, le jour où je suis plus là pour faire des conférences, il se passe quoi ? Il reste quoi ? Et c’est quoi notre héritage ?
Et je pense que toutes les militantes, les leaders d’opinion qui évoluons à cet endroit-là historique, il y a vraiment un truc de… On écrit aussi beaucoup de livres et on a vraiment un enjeu de production et de productivité qui est intense parce qu’il y a ce truc de…
Il y a la responsabilité de la prochaine révolution et en fait on a pu prendre conscience que ça peut se passer tous les 50 ans, on est à peu près toutes d’accord pour dire que la prochaine révolution on veut pas qu’elle ait lieu dans 50 ans et qu’on veut que ça soit avant et du coup il y a presque un truc de ça donne quoi si on facilite le travail pour les prochaines générations et ça passe de écrire un livre qui va parler des émotions qui va parler du fait de faire du lien à écrire un manuel d’activisme etc mais l’enjeu c’est presque tu vois d’un point de vue dystopique tu vois moi je m’imagine des univers et un monde dans lequel il y a juste des personnes qui s’assoient autour d’une table en disant bon ok elles ont fait comment les meufs avant bon très bien ça ça a marché les codes de communication c’était ça c’est comme ça qu’elles ont réussi à se mobiliser c’est comme ça qu’elles ont réussi à s’organiser nous qu’est ce qu’on fait à partir de là et du coup toujours s’inscrire dans quelque chose et se dire à partir de là nous qu’est ce qu’on fait et du coup le sujet de la transmission et de l’éducation au delà du fait d’avoir eu des parents profs non mais tu vois je reste quand même la fille de l’inspectrice on va pas se mentir il y a un truc quand même de, la suite quoi, la trace que tu laisses, la suite dans quoi tu t’inscris, comment tu fais que c’est plus simple pour les générations qui suivent.
J’ai fait un long monologue mais…
Clémentine Sarlat
Tu nous as raconté en long ce que tu as vécu mais on va revenir à chaque fois parce que tu le dis, t’es autrice, t’as écrit plusieurs ouvrages pour les adolescents et aujourd’hui tu en as sorti un pour les enfants. Si vous êtes sur YouTube que vous regardez, je vous le montre, c’est Fleurs de Sel,c’est un très bel album jeunesse. Et justement ça parle d’adoption, ça parle aussi un petit peu de cuisine, à peine, avec le titre fleur de sel. Donc en gros quand t’es adoptée, si on revient à tes premiers mois de vie, tu restes vive dans ton pays d’origine.
Camille Aumont Carnel
Je trouve que c’est un super geste. Je n’ai pas ce sentiment de déracinement qui peut être vraiment négativement fondateur dans la vie et dans le parcours de pas mal d’enfants qui ont été adoptés. Moi je suis restée dans mon pays d’origine pendant cinq ans. Et je trouve que c’est super. Même si t’as des souvenirs vagues, même si je pense avoir des souvenirs qui sont des souvenirs fabriqués, même si je pense que je recréais pas mal de souvenirs avec le nombre incalculable d’albums de jeunesse que mes parents ont fait à cette époque-là. Franchement j’en ai plus de 20 immortalisés sur 5 ans, 10 ans de tout ce qui s’est passé dans ma vie et je trouve ça super. Mais… Mais je reste là, donc finalement, tu vois, j’ai une nounou, donc j’entends quand même langue.
Je reste dans un paysage où finalement, je suis une noire en Afrique et mes parents sont blancs, mais il y a quand même un truc où je me sens quand même entourée de personnes qui me ressemblent. Et ça, dans la construction, tu vois, et notamment dans la façon d’appréhender toutes les thématiques de racisme, de discrimination, je pense que ça en dit aussi long sur à quel point je me suis sentie équilibrée aussi émotionnellement, tu vois.
Par contre c’est vrai que du coup en sortant de, tu vois quand j’étais à la crèche ou quand j’étais en maternelle, très vite tu vois il y a ce truc où toi tes parents qui viennent te chercher sont blancs, toi t’es noir, tu vois d’autres enfants qui sont blancs, leurs parents sont blancs, ou tu vois des enfants qui sont noirs et leurs parents sont noirs, ou tu vois des enfants qui sont genre café au lait mais genre il y a un parent noir et un parent blanc, Donc il y a un truc un peu de genre basics couleurs, tu vois, de le jaune et le bleu, ça fait du vert. Non mais tu vois, quand t’es enfant…
Clémentine Sarlat
Les couleurs primaires, ils m’ont menti.
Camille Aumont Carnel
Autant j’entends, je suis pas Einstein, mais franchement, jusque là, je crois que je peux gérer. Et moi, j’ai posé la question très tôt. À trois ans et j’ai pas demandé, j’ai jamais demandé c’est qui mes vrais parents, j’ai jamais demandé pourquoi je suis là. Pour moi, ça a toujours été évident que mes parents, c’est eux, que ma famille, c’est celle-ci et qu’on a fait famille et qu’on a décidé mutuellement de faire famille ensemble. Ça, il y a zéro, j’ai jamais remis en question ça. Même pendant les crises d’adolescence, tu vois, quand tu parles à beaucoup d’enfants d’adoptés, il y a ce truc de mais de toute façon, t’es pas ma mère, t’es pas mon père, j’ai rien à faire là. Il y a ce truc de rupture que moi, j’ai jamais eu. Par contre, je leur ai demandé quand est-ce que j’allais devenir blanche.
Pour moi, il y avait un truc de Ok, alors attendez. Du coup, il y a un truc qui fait que je bug dans ma compréhension. J’ai besoin de comprendre A plus B égale C. Et du coup, dans ma tête, ça ne s’est pas joué en me disant… En fait, on faisait tellement famille que je ne me suis pas demandée c’était quoi le sujet de couleur vis-à-vis de eux, leur couleur et moi, du coup, ma descendance. Mais c’était plutôt, ok, vous êtes vieux, je suis jeune. Ça veut dire qu’en vieillissant, on devient blanc. Et du coup, moi, dans ma tête, plus j’allais grandir, plus j’allais m’éclaircir. Et il y a un truc aussi, tu vois, et du coup tu meurs et t’es presque transparent quoi, t’es translucide, t’es genre blanc écarlate. Et c’est comme ça que ça se joue dans ma tête.
Et là, ils m’ont expliqué. Ils m’ont dit pas du tout. Tu ne seras jamais blanche. C’est pas ça le sujet. Et je n’ai pas de souverain de cette conversation. Je pense que ça s’est joué aussi par bribes. Tu vois, c’est pas le truc. En fait, on imagine que c’est tu t’assoies solennellement autour d’une table et c’est la grande annonce. Non, pas du tout. Tu sais, tu vis au quotidien et en fait, tu fais partie de cette famille-là. Donc, c’est plutôt des pistes de compréhension de la notion. En fait, on va plutôt parler de différence, mais on va surtout toujours replacer ça dans un contexte d’amour.
Et en disant mais pour nous il n’y a pas de sujet quoi et c’est complètement ok que tu aies des sujets liés au fait que tu comprennes même ce que c’est que du coup porter un enfant, la génétique, tu vois. Mais nous on a décidé de t’adopter et ça laisse aussi beaucoup de place, et moi ça m’a laissé beaucoup de place à « est-ce que je suis ok d’adopter en retour ? » Et souvent tu vois dans les débats d’adoption, la façon dont c’est traité médiatiquement, même parfois sociologiquement, il y a vachement ce truc de… Il y a des adoptions réussies, on oppose l’adoption en disant il y a des adoptions qui marchent et il y a des adoptions qui marchent pas. On peut l’aborder sous plein de prismes politiques, géopolitiques, historiques. On peut replacer ça dans un contexte de colonisation.
Il y a tout ce qu’on peut. Par contre, la dimension de consentement mutuel n’est jamais replacée au centre, c’est-à-dire que on adopte un enfant, les parents adoptent un enfant. Adopter un enfant, ça veut dire avant tout assumer de laisser de l’espace à ce que potentiellement ton enfant décide de ne pas t’adopter en retour. Et c’est OK. Tout aussi violent, dur que ce soit, adopter un enfant, avant tout, c’est ça. Dans un deuxième temps, adopter un enfant, c’est assumer d’adopter un enfant qui est traumatisé. De base.
Clémentine Sarlat
Blessure de l’abandon.
Camille Aumont Carnel
Exactement. Et après arrive tout le reste. Mais moi, je sais que mes parents ont laissé beaucoup d’espace à nous on veut faire famille avec toi, up to you.
Clémentine Sarlat
Je trouve que c’est hyper puissant ce que tu dis, si jamais il y a des parents qui sont en processus d’adoption, je ne suis pas sûre que ce soit une notion qu’on envisage de dire peut-être que mon enfant ça matchera, parce qu’il a le droit en fait, ce n’est pas un dû, ce n’est pas parce qu’on lui offre. Une vie différente, je dis pas meilleure d’ailleurs, je dis différente, que l’enfant doit complètement en retour obligatoirement être attaché à cette famille.
Camille Aumont Carnel
Et puis consentir à faire famille avec vous. Mais je pense que quand c’est conscient, ça se passe différemment.
Clémentine Sarlat
Comme si il y a de l’espace.
Camille Aumont Carnel
Il y a de l’espace. Et en fait, quand on te laisse de l’espace, Souvent tu vois c’est comme dans les couples exclusifs, il y a un truc un peu quand t’as le droit du coup ça t’excite pas. Le parallèle est atroce.
Clémentine Sarlat
Soyez un couple libre, c’est beaucoup mieux.
Camille Aumont Carnel
Du coup t’as plus envie de niquer avec d’autres gens quoi. Mais il y a presque ce truc là de… Je ne me suis jamais sentie pressurisée, je me suis jamais sentie obligée. Mais par contre ce que j’ai reçu et ce que je me suis pris c’est une vague énorme d’amour et de présence. Genre moi mes parents c’était vraiment genre ils bougent à pas. Genre c’est un socle émotionnel, physique, économique, enfin il y avait un truc de wow ok d’accord genre c’est des tanks.
Clémentine Sarlat
Ils sont secure, c’est ce qu’on dit.
Camille Aumont Carnel
Secure, safe.
Et du coup safe égale aussi safe place, c’est à dire que chez moi j’ai jamais fugué, enfin je sais pas comment t’expliquer ce qu’on peut associer même à des imaginaires de crise d’adolescence qui peut être double crise d’adolescence quand potentiellement t’as un parcours où t’es un enfant adopté tu vois et c’est surtout en fait et souvent dans les parcours d’enfants qui ont été adoptés quand on parle de la crise d’adolescence déjà je trouve qu’une des grandes erreurs c’est qu’on le resitue pas dans ce que c’est que l’adolescence de base peut-être n’a rien à voir avec le fait que t’es un enfant adopté mais c’est surtout une prise de conscience et en fait moi cette prise de conscience de ok en fait ce qui m’est arrivé c’est genre, ok, en fait c’est traumatique, ok, à la base, mon histoire c’est ça, on peut décider derrière de ne pas l’aborder sous le prisme traumatique, moi c’est ce que je fais, tu vois, de ne pas l’aborder sous le prisme traumatique, de ne pas l’aborder sous le prisme de l’abandon, de ne pas l’aborder sous le prisme de la dépendance ou l’indépendance émotionnelle, de la capacité ou non à faire du lien.
Par contre, initialement c’est ce qui s’est passé. Et donc quand, entre 15 et 20 ans, t’as tous ces ados qui disent mais en fait t’es pas ma mère, t’es pas mon père, avant tout c’est une prise de conscience du trauma que c’est. Et c’est des personnes qui du coup disent peut-être parce qu’on m’a pas laissé l’espace pour avoir le choix, je m’autorise à faire ce choix-là de la non-réciprocité. Tu vois, je me l’offre, ce truc-là. Et en vrai, je l’entends.
Je dis juste que, moi, dans mon parcours, c’est pas ça. Et ça s’est fait en douceur, et ça s’est fait… Par exemple, tu vois, il y a beaucoup de parents qui adoptent qui disent, oui, c’est mon fils adoptif. Qui ont besoin de préciser. Quand bien même, ils n’aient pas eu des enfants aussi biologiques.
Oui, il y a ce besoin de rajouter et de préciser. Alors moi, mes parents ont toujours dit, ouais, c’est notre fille. Mais ce qui fait que ça devient un non-sujet, ce qui fait que…
Clémentine Sarlat
C’est assumé.
Camille Aumont Carnel
C’est assumé, et c’est ce qui fait que même… Tu vois, moi j’ai perdu mon père quand j’avais 14 ans, mais je me souviens de conversations genre 2 ans, 3 ans après avec des amis, avec la mère d’amis de mes parents, qui me voient, qui voient… On s’est pas vus pendant 5 ans, donc j’ai vachement grandi.
Et qui vraiment dit non mais c’est vrai que le père était grand ce genre de phrase en fait ça devient un non sujet c’est une conversation un jour dans le métro où je suis avec ma mère on se tape une barre je sais plus pourquoi on est mort de rire et la dame en face je vois qu’elle nous regarde avec un regard hyper tendre en disant waouh c’est beau la relation qu’elles ont et ma mère dit c’est ma fille et la dame lui dit ça se voit vous avez le même regard.
Clémentine Sarlat
Ça te valide? Ça te fait quoi toi dans ces moments-là?
Camille Aumont Carnel
En fait je me dis ok, potentiellement la génétique c’est un non-sujet. Ça va au-delà de ça. Vraiment c’est un non-sujet. C’est-à-dire que si ma mère fait 1m56, elle est blanche comme toi, et tu me vois moi quand je mets en plus des talons, globalement elle fait 1m56, je fais 2m. Il n’y a pas de moment où les gens se disent ok cet enfant est sorti du vagin de cette personne. C’est un non-sujet. Et pour autant, ça pue l’amour et donc le sujet je crois que c’est ça en fait.
Clémentine Sarlat
Tu sais que c’est marrant, en te regardant parler je vois que tu as un tatouage d’une flamme et je te disais ça sent que tu avais le feu en toi. C’est drôle non?
Camille Aumont Carnel
J’ai un tatouage avec une flamme et j’ai un cœur avec l’amour qui scintille, qui rayonne. C’est un truc assez… Ça c’est pour envoyer chier les gens avec amour?
Clémentine Sarlat
Oui parce que c’est sur le doigt du milieu.
Camille Aumont Carnel
Je l’utilise souvent dans la rue quand on me fait chier et que j’insulte les autres.
Clémentine Sarlat
Mais avec amour.
Camille Aumont Carnel
Mais avec amour, toujours. Et ça, le feu en moi.
Clémentine Sarlat
Mais c’est le feu de l’amour aussi, ça me fait penser à ça.
Camille Aumont Carnel
C’est le feu de l’amour, c’est le feu du lien, c’est le feu du commun, c’est le feu de la communauté, de tout ce qui fait qu’on peut faire communion. C’est hyper central dans ma vie et dans la façon dont j’organise et dont je navigue dans mes relations.
Clémentine Sarlat
Donc ton adoption, tu viens de m’expliquer que tu as choisi de ne pas le voir comme quelque chose de traumatique. Est-ce que tu as travaillé dessus en thérapie, tu as été aidé ou est-ce que c’était naturellement ta position ?
Camille Aumont Carnel
Non, non, c’est pas naturel. On choisit pas de ne pas aborder le prisme du trauma.
Par contre on choisit, et on sent capable, d’y faire face. Et moi je pense que j’ai pas eu les mots sur ce qui m’est arrivé pendant très longtemps. Jusqu’au moment où je me suis sentie dans l’incapacité de plein de trucs, dans l’incapacité de me dire que les gens me manquaient. Moi j’ai toujours été quelqu’un où on disait c’est ouf parce qu’à moi on a l’impression que Camille, on lui manque pas. Il y avait une espèce de froideur dans le lien et dans le relationnel qui à un moment donné a pris trop d’espace dans mes relations et tout en étant quelqu’un qui sait très très bien prendre soin des autres.
Et je me souviens que la première fois que je me suis assise chez ma psy, je lui ai dit je veux apprendre à prendre soin de moi de la même façon que je sais prendre soin des autres. Et vraiment je t’assure que cette thématique, ça fait cinq ans, elle n’a pas changé, on est toujours là-dedans.
Et c’est central, ça veut pas dire que j’ai pas réglé des trucs, mais c’est en fait j’ai annoncé, il y a presque un truc de note d’intention qui était la thématique globale de moi ma thérapie, et dedans tu cases des dossiers, des fichiers, et il y a bien évidemment le traumatisme d’abandon, tout ce qui va être cellulaire, c’est ce truc où tu te dis mais en fait j’ai l’impression d’être née et de savoir déjà à la base ce qui allait se passer et de me dire que j’étais pas une enfant qu’on pouvait garder. Il y a tout un tas de trucs où tu deals aussi et tu apprends à gérer et à voir comment est-ce que la façon dont on parle dit aussi long sur…
Moi pendant longtemps j’ai dit oui parce qu’en fait je pense qu’en fait ma mère elle voulait pas me garder et puis en fait à un moment donné ta psy te reprend et elle dit elle pouvait pas. De quoi tu parles? Et là tu te dis, wow, ok, et donc tu traites aussi de ce truc-là, et puis tu te dis, oui, le sujet c’est pas vouloir, les conditions ne sont pas réunies pour pouvoir faire lien. Mais par contre est-ce que ça veut dire que du coup tu es capable de faire lien avec personne ? Non pas forcément et du coup c’est quoi ta place ? C’est quoi la place que tu laisses à la maternité dans ta vie aussi ? Est-ce que tu veux être mère ?
Oui mais qu’est ce qui fait pendant des années moi j’ai été cette femme qui disait oui moi je veux adopter parce qu’en fait et donc je me donnais presque ce rôle de je fais partie des enfants où en fait moi j’ai voulu aussi et j’ai choisi aussi de faire famille avec mes parents donc je me dois de perpétuer enfin tu sais des trucs où tu te dis…
Clémentine Sarlat
Tu te mettais une pression de devoir toi être adoptante.
Camille Aumont Carnel
Moi si j’ai des enfants il faut que j’adopte parce que… Et puis le discours était hyper… Enfin le discours était hardcore c’était vraiment non mais parce qu’en fait l’amour tu vois c’est fou comme… Notre inconscient est trop fort.
Clémentine Sarlat
Et ça tu sens que tu l’as un peu détricoté?
Camille Aumont Carnel
En fait j’ai du compter… Je suis plus là-dedans, je suis dans du… C’est marrant parce que ma psy dit bon déjà ça veut dire déjà que vous voulez être mère donc on va commencer par… Good news first! On va commencer par là parce que tu aurais pu aussi être dans un rejet total de non mais en fait pas du tout. Par contre si on rentre dans cette brèche, vous qui parlez tout le temps de la liberté du choix, qu’est-ce qui fait que?
Et puis tu te rends compte qu’ensuite du coup tu parles d’endométriose et puis tu te rends compte que moi depuis que j’ai 14 ans on met dans la tête, enfin le corps médical, les corps médicals mettent dans la tête que vous savez pour vous ça va être très compliqué d’avoir des enfants et que du coup tu te dis mais parfait banco ça veut dire que ça cale parfaitement avec mon histoire donc je me dis parfait donc moi je vais adopter donc j’ai même pas potentiellement le parcours du combattant où je me rends compte que je n’y arrive pas ou que ça ne marche pas et puis tu détricotes, tu détricotes, tu détricotes et puis un jour ce qui m’est arrivé c’est que j’ai fait une fausse couche, que je ne savais pas que j’étais enceinte et qu’en fait je me souviens très bien, j’ai appelé ma mère dans le taxi, j’étais à Madrid à ce moment-là quand ça m’est arrivé, je rentre, je vais à l’aéroport et ma mère, enfin ce qu’elle m’a dit, elle m’a dit deux choses.
Elle m’a dit, tu aurais voulu garder? Et deux, bah ça veut dire que tu peux faire des enfants. Mais tu crois que moi je suis là-dedans à ce moment-là, je suis en orbite, je suis en décompensation et en fait le fait de me dire ok donc je peux tomber enceinte. Du coup, est-ce que tu veux toujours adopter ? Et en fait, il a fallu aussi, à ce moment-là, laisser l’espace pour m’autoriser à me poser la question. Et en fait, je suis passée par tous ces chemins-là et aujourd’hui, mon sujet, c’est pas est-ce que je veux adopter ou est-ce que je veux porter la vie ? Est-ce que je veux être mère ? Tu vois, je… Mais par contre, je me sens complètement capable d’être une mère qui adopte. Ça ne me fait pas peur, par exemple. Tu vois, c’est pas du tout…
Un, parce que je suis passée par là, je sais ce que c’est. Et deux, parce qu’en fait, j’ai réussi à avoir un niveau de conscience vis-à-vis de ça et des pistes de tout, de lecture, de discussion avec d’autres personnes. Et donc le sujet, c’est pas tellement ce que t’adoptes ou est-ce que tu as des enfants biologiquement, c’est… Est-ce que t’as envie d’être mère ? Parce que tu peux aussi décider de transmettre autrement. Tu vois moi je suis marraine, j’ai un peu l’impression d’être une daronne quoi. Pourtant cette enfant je l’ai, tu vois elle est pas…
Clémentine Sarlat
Mais non mais t’es une figure d’attachement. Les enfants ont besoin de plusieurs figures d’attachement, donc c’est très bien.
Camille Aumont Carnel
Mais il y a des trucs plutôt qui me fascinent dans l’accouchement, il y a des choses qui me fascinent dans le fait de porter la vie. Et moi, je vis les choses, mais j’arrive aussi à m’observer les vivre. Et vraiment, j’aimerais me voir accoucher. J’aimerais vivre ça. Parce qu’il y a un truc où… Je suis constamment à la recherche de ce qui fait que j’ai confiance en moi et de ce qui fait que je suis indestructible. Pas d’un point de vue concret, mais d’un point de vue de… Cette meuf est un rock, ou cette personne, tu vois, est un tank. Alors un tank, parfois la porte, elle marche pas. Parfois, il y a une fuite. Enfin, il n’y a pas de sujet là-dessus.
Mais dans moi, ce qui fait que je me pense comme étant vraiment quelqu’une de forte, accoucher, il y a un truc où vraiment j’ai envie de pouvoir dropper en plein milieu d’un meeting. Pardon, excusez-moi, en fait, il y a un humain qui est sorti de moi, donc tu vois pas comment, enfin…
Clémentine Sarlat
C’est la puissance qu’on ressent, c’est juste fou.
Camille Aumont Carnel
Tu vois, et en fait…
Clémentine Sarlat
On a l’impression d’être des déesses.
Camille Aumont Carnel
Voilà, et donc comme je me pense déjà un peu comme une déesse, je me dis, attends, il y a plus que ça?
Ok, now, I want it now! Et donc j’ai ça, et j’ai, et puis même… Je sais pas, la façon de m’habiller étant enceinte, enfin tu vois quand je vois des… Qui montent leur bite, qui sont en crop top, qui ouvrent leur jean et je me dis… J’ai aussi plein de réflexions vis-à-vis de la place que j’aurais envie de prendre à ce moment-là dans l’espace public, la façon dont… Tu vois je suis déjà… C’est des questions qui sont déjà présentes et c’est des préoccupations et des enjeux que j’ai déjà et me voir accoucher, enfin je veux un truc de… Pardon, tu sais créer un humain? Non? Bon bah ta gueule. Tu vois, et je sais que je peux close des trucs, je peux… Il y a un truc un peu de… Sorry.
Clémentine Sarlat
Mais toi tu ne sais pas faire.
Camille Aumont Carnel
Mais toi tu sais pas faire. You haven’t done that. Et tout, et quand tu te renseignes même sur les échelles de douleur, sur ce qui se passe à ce moment-là, sur…
Clémentine Sarlat
Tu sais que ça peut être orgasmique ? Moi j’ai eu un accouchement orgasmique.
Camille Aumont Carnel
T’as eu un orgasme pendant ton accouchement ?
Clémentine Sarlat
C’est considéré comme un accouchement orgasmique. L’enfant passe par le même canal qu’il vient toucher les parties génitales. Et donc tu peux être dans un état de telle relaxation, de tel bien-être que j’ai eu moi.
Camille Aumont Carnel
Les nerfs internes du clito.
Clémentine Sarlat
Moi je riais, j’étais… Tu vois ce n’est pas l’orgasme comme on voit en ayant eu un rapport sexuel, mais c’est un état de bonheur, d’intensité, de plénitude, de shoot d’ocytocine qui est mais…
Camille Aumont Carnel
Colossal.
Clémentine Sarlat
Mais je pourrais le refaire tous les jours.
Camille Aumont Carnel
Mais non.
Clémentine Sarlat
Alors qu’il y a plein de femmes qui malheureusement ne vivent jamais ça et sont tétanisées dès d’accoucher, ce que j’entends. J’ai eu trois accouchements assez différents, mais j’en ai eu deux à la maison, dont un, mais je le refais tous les jours.
Camille Aumont Carnel
Moi aussi je veux accoucher chez moi si jamais j’accouche.
Clémentine Sarlat
Parce que tu parles beaucoup de sexualité et d’orgasme, on parle pas assez aux femmes qu’on peut jouir pendant un accouchement. Il n’y a rien d’anormal et de bizarre, c’est les mêmes parties sexuelles.
Mais ça se prépare et c’est très compliqué de déconstruire ça en France, on est dans une situation très médicale, c’est compliqué d’avoir ça à l’hôpital, mais chez soi ça l’est moins. Si tu t’accouches dans l’eau, t’es dans l’eau chaude, t’es détendu, ton mec il te masse, il y a plein de choses qui font que tu peux être dans un état de relaxation et de plénitude qui est incroyable. Moi je n’aurais jamais cru pouvoir rire et être vraiment dans un truc de incroyable.
Camille Aumont Carnel
Et t’as pas eu mal?
Clémentine Sarlat
Pas du tout. Je vous dirais jamais que j’ai ressenti de la douleur. C’était intense, les contractions ont été intenses, mais ça a duré une heure et demie, c’est très court.
Camille Aumont Carnel
Une heure, une heure et demie? Mais moi j’ai des potes, elles me disent 24 heures de contractions.
Clémentine Sarlat
À l’hôpital j’ai eu 19 heures de contraction, à la maison j’en ai les deux dernières que j’ai eues à la maison c’est une heure et demie. Mais malheureusement c’est pas des savoirs qu’on…
Camille Aumont Carnel
Le temps de faire un brownie quoi!
Clémentine Sarlat
Et tu sais que c’est pas une blague mais nos sages-femmes elles nous disent pendant que tu commences à avoir des contractions va cuisiner ça va t’aider à penser à autre chose en fait. Et elles sont normalement dans le coin et les sages-femmes qui accompagnent à la maison elles peuvent être en train de tricoter parce qu’on sait que ça fait le tricot on sait que ça fait baisser la tension qu’il y a dans la pièce.
Camille Aumont Carnel
Mais tu vois moi ça j’adore.
Clémentine Sarlat
Mais oui mais ça me t’irait très bien.
Camille Aumont Carnel
Et on filme un docu et tout, genre we show people.
Clémentine Sarlat
Ouais j’ai filmé, j’ai filmé le dernier accouchement. Mais c’est, il faut le vivre pour le comprendre. Mais c’est vrai que tout cet aspect sexuel de l’accouchement qui fait très peur et aux médecins, faut pas le dire, et aux femmes, et aux maris.
Camille Aumont Carnel
Tu peux te masturber même pendant l’accouchement.
Clémentine Sarlat
Il faut, en fait, par exemple, si tu veux accélérer le travail, par exemple, toucher les tétons, se faire des câlins avec son conjoint ou sa partenaire, ça va accélérer le shoot d’ocytocine.
Camille Aumont Carnel
Tu prends un vibro et tu peux te…
Clémentine Sarlat
Je sais pas si… Moi j’ai pas fait ça, mais… Mais oui, je pense qu’effectivement, si t’es dans cette… Vision là de l’accouchement.
Camille Aumont Carnel
Moi je suis dans cette vision là de l’accouchement. Tout ce qui peut être jouissif globalement.
Clémentine Sarlat
Juste de le dire, ça peut être jouissif en accouchement. Ça peut être incroyable. Mais pas de la manière dont on l’envisage comme un acte sexuel, ce n’est vraiment pas ça. Mais ça peut être puissant. C’est vrai que tu te vois avec ton auréole de doré au-dessus de toi.
Camille Aumont Carnel
Par contre, le seul truc qui me fait peur, c’est qui suis-je après ? Parce que là, je me vois maintenant.
Clémentine Sarlat
Tu ne redescends pas pendant longtemps. Si un accouchement se passe comme ça pendant des semaines et des semaines, t’es en train de planer. Et ça c’est hyper grave. Et du coup le post-partum se passe vraiment mieux. C’est juste fou quand ça se passe comme ça.
Camille Aumont Carnel
Bah tu vois, ça me donne envie d’être enceinte et d’accoucher. Non mais vraiment,
Clémentine Sarlat
Alors dans 9 mois, Camille…
Camille Aumont Carnel
Stay tuned! Non, non, pas du tout. Mais par contre, ça ne me fait pas peur et ça me donne envie et je me vois être mère parce que j’ai un côté déjà très… C’est Laury d’ailleurs qui me faisait la bise hier.
Clémentine Sarlat
Laury Thilleman ?
Camille Aumont Carnel
Ouais, Laury Thilleman qui j’ai passé la soirée et elle m’a fait la bise. Elle m’a dit j’adore parce que ton parfum il sent le chaud. Elle me dit t’as un côté câlin.
Clémentine Sarlat
Enveloppante.
Camille Aumont Carnel
Oh waouh, mais j’ai trouvé que c’était un super compliment. Et c’est vrai que j’ai un côté comme ça, j’ai un côté très nourricière mais au sens premier du terme. Je fais à manger pour les gens, je peux te déposer des tuppers chez toi.
Clémentine Sarlat
Ça c’est parfait pour les femmes qui viennent à coucher.
Camille Aumont Carnel
Ça c’est parfait. Une de mes meilleures amies à accoucher. 6 heures après, j’étais à l’hôpital avec une nappe, je lui avais fait ses pâtes préférées, un plateau de fromage, genre moi je suis cette personne, j’aime nourrir au sens tu manges et je te remplis le bide et genre je sais pas c’est des trucs qui me font vachement bien.
Clémentine Sarlat
C’est ta façon de montrer l’amour.
Camille Aumont Carnel
Complètement, c’est mon love language. I give you food.
Clémentine Sarlat
Quand on est un enfant qui est adopté, une jeune femme qui est adoptée, est-ce qu’envisager devenir mère, justement, ça peut venir chercher quelque chose de très fort dans la génétique ? Parce que là, pour le coup, tu viens transmettre ta génétique que tu ne connais pas. Complètement. Ça a quel impact sur toi ?
Camille Aumont Carnel
J’adore que tu me poses cette question, il y a tellement de personnes qui n’en parlent pas. Alors, je vais te répondre très sincèrement. C’est en fait dans ce rapport aux liens du sang tu te dis du coup là ça veut dire que je vais savoir ce que c’est mais pas savoir ce que c’est en disant c’est flippant en disant du coup moi ma connaissance de mes liens du sang ça commence là ça ne commence pas avant, ça c’est ça ça a été hyper dur pour moi pas de me dire je connais pas la personne qui m’a… C’est pas ça le sujet, c’est dans ma capacité à me raconter la dimension génétique, même si elle n’est pas centrale, même si elle n’est pas importante, moi ça, ça me fait flipper de me dire ok ça commence là.
Avant je peux raconter plein d’autres choses, la transmission, l’amour, le sacrifice, la discipline en éducation… Mais il y a un pendant qui est la dimension de créer sa descendance d’un point de vue de la génétique qui pour moi existerait et existera que si je décide de procréer de façon biologique. Et là ça vient toucher des choses parce qu’il y a un moment donné où tu te dis Alors moi qui ne me sentais pas déracinée, un peu quand même. Et tu te dis, est-ce que finalement, ce dont j’ai envie, c’est de retrouver les personnes qui m’ont procréée ? Ou est-ce que finalement, ce que j’ai envie, c’est de connaître d’où je viens ? Et en fait, moi, c’était la deuxième option.
Et j’ai pas du tout cette envie, après avoir essayé de comprendre si j’avais peur, si j’avais pas envie, parce que potentiellement, j’avais pas envie de vivre cette situation où je ne le retrouve pas. Enfin, c’est pas ça le sujet. Le sujet, c’est La culture. Quand je me renseigne un petit peu sur ce qui s’est passé au Niger, à Niamey, dans les années 90, dans la décennie où je suis née. En fait, tu te rends compte, il y a plein de trucs. Il y a notamment des espaces qui s’appellent des fadas, qui sont nés à Niamey dans les années 90, et moi je suis née en 96, qui sont des espaces dédiés à la jeunesse, où, dès que la nuit tombe, tu peux aller pour aborder collectivement dans un groupe tout un tas de sujets qui sont tabous à la maison.
Je peux mourir quand j’ai appris ça.
Qui est réservé aux hommes. Tu vois?
Clémentine Sarlat
Wow! Tu l’avais en toi.
Camille Aumont Carnel
Et là tu te dis, wow, ok d’accord en fait, j’entends mais quand même en fait, il y a un truc genre intense. Et puis je me dis, ok, wow, ok, donc il y a une culture de la détabouisassions, il y a une culture de la libération de la parole, et donc moi quand je dis, mais dans quoi je m’inscris? Bah en fait tu t’inscris aussi là-dedans. Et à ce moment-là, rien que sais-je s’il y a une autre femme qui a la même tâche de naissance que moi. Genre c’est pas le sujet, tu vois, le sujet c’est la culture. C’est quoi d’être peule? C’est tout ça, tu vois.
Et donc dans la réflexion, dans ma capacité à me projeter en tant que mère et dans même ce projet même qu’est la maternité ou le fait devenir parent il y avait plutôt pour moi un besoin de pouvoir répondre à ces questions là culturelles mais pas forcément génétiques et du coup c’est venu challenger le du coup tu retournes quand Niger Camille? Parce qu’en fait Et j’ai eu longtemps ce truc de… Mais en fait, Niger, Brésil, Madagascar, Espagne, c’est destinations comme les autres. Enfin globalement, j’ai été cinq ans en Espagne, j’ai été cinq ans en Niger, cinq ans en Madagascar, genre je m’étais tout sur un pied d’égalité de le vécu elle-même. Non, la Genèse n’est pas la même. Et donc là, je suis passée d’avoir très peur d’y retourner. Trop hâte.
Mais j’ai envie de le faire bien et j’ai envie de le faire à ma façon et j’ai envie de prendre le temps de le faire. Et je crois que j’ai pas envie d’y aller toute seule, mais je sais pas non plus avec qui j’ai envie d’y aller. Enfin tu vois, il y a tout ça. Donc dans cette projection de être mère, c’est pas la dimension génétique qui est venue me challenger, c’est la dimension, quand on me dit tu viens d’où, c’est quoi ton histoire, j’ai aussi envie de pouvoir raconter ce pendant là de l’histoire.
Clémentine Sarlat
Ta culture.
Camille Aumont Carnel
Exactement. Surtout avec autant de marqueurs forts où je me dis, wouah, je vais me prendre une baffe de l’espace. Donc, ouais, et puis j’ai pas envie, si jamais mes enfants me disent, mais du coup t’es née dans quel pays, on y va quand ?
Je t’avoue que j’ai pas envie d’y retourner pour la première fois potentiellement avec eux, tu vois. J’ai envie d’avoir aussi un antécédent.
Clémentine Sarlat
Ton moment à toi. J’entends tout à fait ce que tu dis sur le fait que ça change rien de savoir qui est la personne qui t’a mis au monde, mais est-ce que t’as eu envie, ou ça te titille, de comprendre ce qui s’est passé ? Parce que c’était fort ce que t’as dit ta psy, c’est qu’elle ne pouvait pas, ta mère. Enfin, ta mère biologique, c’est la personne qui t’a mis au monde. Tu vois, d’avoir la compréhension de ce qui s’est joué à ce moment-là.
Camille Aumont Carnel
C’est marrant que tu me poses la question. Ce matin, donc j’ai des petites insomnies la nuit, et alors je suis pas du tout, je ne suis pas si branchée que ça, énergie, vie antérieur, genre pas le délire, mais va savoir pourquoi, ce matin, donc après la pause pipi où je t’ai envoyé un mail, sur mon téléphone, il y a une femme, faudrait que je te retrouve et que je te le renvoie parce que là je vais être bancale dans la façon dont je vais en parler mais…
Qui en gros analyse les différentes tâches que tu peux avoir sur le corps et les hyperpigmentations et elle fait une conférence et donc il y a une dame à mon avis qui pose une question et qui lui dit moi j’en ai une qui ne part pas et moi c’est le cas après avoir fait tous les traitements du monde entre la lèvre supérieure et le nez tu vois au niveau-là ce niveau-là et j’ai une espèce de démarcation et la dame lui demande elle lui dit côté gauche ou côté droit et elle dit les deux et elle lui pose tout un tas de questions. On a exactement la même marque. Et elle dit, là, il faut que tu ailles chercher dans ton arbre généalogique et dans ta lignée de femmes avant, parce que ça, c’est le symbole de violence sexuelle.
Et elle lui dit on pense que dans ta lignée il y a eu tout un tas de viols. Et va savoir pourquoi. Vraiment, moi je me suis toujours demandé, outre la non-capacité à élever un enfant, d’un point de vue économique, d’un point de vue… Mais il y a aussi la non-capacité émotionnelle, il y a aussi la non-capacité de maturité, de… De cet enfant, si j’avais pu, j’aurais avorté, de, en fait, cet enfant, c’est pas un rapport sexuel d’amour, potentiellement c’est un viol. Et donc la seule interrogation que je me pose, c’est, est-ce que cette femme-là n’est pas tombée enceinte parce qu’en fait elle a vécu des violences sexuelles?
Et vraiment, tu me poses la question, ce matin même, je suis tombée sur, et ça m’a fait bizarre, donc j’ai fermé, j’ai enregistré en me disant, j’irai plus tard, et je me dis mais moi j’ai un tel engagement contre les violences, genre y’a un truc tu vois. Et donc c’est la seule question que je me pose. Par contre, est-ce que j’ai un besoin de compréhension vis-à-vis de ça ? Je suis pas sûre que j’ai besoin de savoir oui, potentiellement la femme qui t’a porté pendant neuf mois est tombée enceinte parce que… C’est pas ça mais c’est plutôt de… D’en savoir plus sur vraiment la situation des violences sexuelles, de l’excision dans ce pays-là. Moi je suis née dans un pays où il y a encore de l’excision, il y a encore des mutilations génitales, le clitoris est un symbole d’oppression.
Donc en fait, quand parfois à la nuit je dors et que je me réveille et je me dis, est-ce que ça veut dire que potentiellement si t’étais restée, t’aurais pu être une femme excisée ? Oui. Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui ? Ok. Et aujourd’hui les gens dans la rue pour m’interpeller m’appellent Clito. Mais sauf que moi dans mon histoire ça résonne tellement autrement. Et donc tu vois c’est plutôt la trajectoire, c’est plutôt l’intensité de la trajectoire en 27 ans de vie. Qui, pour le futur, pas me fait peur, mais je trouve ça hyper vertigineux, je me dis, si c’est là en 27 ans, c’est ça ce que j’ai capté, et c’est ça ce qui s’est passé, et c’est ça ce que ça raconte aussi, moi qui veux vivre jusqu’à 100 ans, j’ai un peur. Je me dis, c’est ouf.
Mais j’ai toujours dit, je mourrais à 100 ans, épuisée en manif un jour, en disant, j’arrive pas à croire qu’il faille encore que je m’embatte le clito. Tu vois, un truc un peu, je pense que je serais épuisée, rincée, en ayant, je peux pas donner plus, je peux pas écrire plus, je peux pas transmettre plus. Mais ça pose ces questions-là. Tant d’un point de vue de l’organe, qui est le clitoris, tant d’un point de vue de la situation des violences sexuelles, et vraiment cette tâche, et c’est marrant parce que j’en parlais avec mon dermatologue, il me dit je sais pas, parce qu’en fait tu l’avais pas de naissance, donc c’est pas ta tâche de naissance alors que là j’ai une tâche de naissance, tu vois, qui est là depuis toujours. Ça part pas, c’est le seul endroit où j’en ai.
Tu vois, j’ai fait tous les traitements, toutes les machins, toutes les analyses, et en fait juste la conclusion c’est vraiment de l’hyperpigmentation. Mais c’est chelou, tu vois. Et ce matin je tombe sur ça, et elle me dit, ouais c’est typiquement l’endroit, et elle me dit, le fait qu’elle soit pas d’un côté, pas de l’autre, elle dit, faut aller chercher dans votre arbre généalogique, dans vos antécédents, c’est des manifestations physiques de violences sexuelles. J’étais sur le cul. Et j’étais là en mode… Ok, let’s do this. Mais je… Je te dis, moi ce qui me challenge et ce qui vient réveiller des choses, c’est plus la dimension racinaire, territoriale, culturelle, ce bagage là, que le bagage… Génétique ou même de retrouver ces personnes-là ou cette… C’est pas tellement ça mon sujet.
Mais souvent je me pose la question, je me dis si cette femme est encore en vie je sais pas comment, je sais pas ce qu’elle pense. Je me dis que tu dois y penser tous les jours. J’ai vu, moi j’ai vu, tu vois, une de mes meilleures amies quand elle a accouché, j’ai vu sa fille, elle avait six heures, tu vois, et je me dis ouah! Et après je l’ai vue sortant de la maternité trois jours et j’ai dit ouais, faut vraiment pas avoir le choix. Faut vraiment pas avoir le choix. Et d’une certaine façon c’est venu me conforter et m’apaiser sur plein de trucs parce que je pouvais être dans un discours de elle a pas voulu. Le sujet c’est pas ça.
Clémentine Sarlat
Et puis tu sais on commence un peu à en parler mais la santé mentale d’une femme enceinte et en postpartum d’accouchée c’est extrêmement particulier cet état là, ça peut faire ressortir des choses, ça peut être vraiment quelque chose de très compliqué,
Camille Aumont Carnel
Ouais et en fait t’es pas du tout accompagnée.
Clémentine Sarlat
Et bon voilà, donc dans un environnement où peut-être potentiellement il y a eu des violences, où il y a des problématiques financières, c’est trop en fait. C’est trop, donc c’est vrai que ces questions-là d’abandon, qu’on labélise comme ça, ce n’est peut-être pas forcément de l’abandon, c’est de…
Camille Aumont Carnel
Non, c’est de la détresse, c’est de la non-capacité.
Clémentine Sarlat
Il n’y a pas le choix.
Camille Aumont Carnel
Ouais, c’est de je peux pas, c’est du… Ouais, c’est plein de trucs, et donc tu… Et là je parle plutôt pour les enfants qui ont été adoptés, il y a un truc de… Si à un moment donné t’en as voulu, à tes géniteurs, génitrices, aux personnes qui t’ont donné la vie. Moi, je sais que ce qui m’a fait vachement de bien, c’est de me détacher de ça, quoi. Parce que ça, ça reste et ça te mine et ça te… Tu vois, il y a un truc presque d’aigreur, on ne va pas se mentir. Et se détacher de ça et se dire en fait, ce n’est pas ça l’histoire. Même si j’entends que c’est moins confortable.
Parce qu’on est tous très très forts pour se raconter des histoires qui vont bien, mais faire preuve de sincérité vis-à-vis de ça, c’est aussi se détacher d’un poids énorme et de se dire, du coup, c’est quoi l’autre histoire ? Et moi, ça fait plusieurs années que je me raconte l’autre histoire.
Clémentine Sarlat
Tu sais, en préparant cette interview, je m’étais dit, je vais te poser la question sur comment l’adoption a façonné ta vie. En fait, je me rends compte, c’est pas tellement l’adoption, c’est ton bagage culturel. La culture, comme tu viens de m’expliquer, c’est impressionnant. Tout ce qu’il y a sans le savoir a driver ta vie.
Camille Aumont Carnel
Ouais, ouais, c’est ça, je trouve ça fort. Et puis l’éducation que j’ai reçue. Enfin, vraiment, là-dessus, il n’y a pas de… Et c’est marrant, souvent dans les interviews. Et toi, ce que je trouve très agréable, c’est que tu ne vas pas du tout dans ce terrain-là et tu n’essaies pas du tout de dégager cette image-là de moi. Mais souvent, on essaie de ramener mon parcours au trauma d’abandon, au fait de se dire, OK, en fait, c’est parce que tu as été abandonnée, que tu as été adoptée, qu’aujourd’hui, Et en fait, j’entends, mais souvent je dis non, je suis une enfant bourgeoise de parents inspecteurs. Et en fait, au-delà de tout ce qu’on se raconte là, il faut aussi resituer dans j’ai eu deux parents qui ont fait des bêtes d’études hyper smart.
J’ai un père qui littéralement a dédié de mes sept ans jusqu’au moment où il est mort toute sa vie à mon éducation. Comment faire de cet enfant une bête de société ? Comment lui transcrire tous les bons codes ? Et en fait c’est aussi ça, ce n’est pas que cet enfant avait envie de vivre et on l’a vu depuis qu’elle a deux mois, c’est aussi l’éducation que j’ai reçue, la transmission, le bagage culturel, le bagage social, le bagage économique, le fait que j’ai voyagé. Et il y a tout ça aussi à ramener dans qui je suis aujourd’hui et dans ce que je fais.
Et tu vois, quand j’écris des livres, j’écris pas que des livres parce que j’ai un sujet avec la transmission, j’écris aussi des livres parce que j’étais entourée de livres, parce que j’ai vu toujours mes parents lire, parce que j’ai vu mon père lire un livre par jour.
Je veux aller dans les écoles et rencontrer des jeunes et tout ça parce qu’en fait j’ai vu mes parents faire ça toute leur vie parce que j’ai vu mes parents monter des projets associatifs, culturels, d’éducation pour le multilinguisme et du coup ça dit quoi si on mélange le hausa avec le français du coup et en fait j’ai évolué aussi dans ce système là et du coup j’ai fait un exercice l’autre jour que j’ai trouvé hyper touchant, j’en ai pleuré pendant des jours entiers c’est demander à ma mère de m’envoyer le CV de ma mère et le CV de mon père. Bah on fait la même chose.
Clémentine Sarlat
C’est-à-dire que t’as une combinaison des d eux?
Camille Aumont Carnel
C’est hallucinant. C’est hallucinant. Et dans ce truc de dans quoi tu t’inscris et dans les outils qui te permettent de te demander dans quoi tu t’inscris, quand tu n’as pas d’arbre généalogique ou quand potentiellement c’est pas un outil qui t’intéresse parce que t’as envie de te focus sur ce qui est transmis et pas forcément ce qui est inné, le cv ou le parcours professionnel où c’est enfin moi je trouve que c’est hyper intéressant et voir que mon père en 98 a écrit un livre sur comment enfin des trucs où je suis là ouais ok vraiment fait la même chose quoi comment voir langue autrement ma mère sont ses travaux de fin d’année c’était l’argot autour de la lettre m je crois et moi enfin tu vois je suis là en mode oui, ok. Ouais, quand même, un peu.
Et ça n’a rien à voir avec le fait qu’à quelques jours, j’étais sur un lit d’hôpital et que, en fait, pas du tout.
Par contre, si on veut aborder ça d’un point de vue de la dimension spirituelle, le story, évidemment, et qu’en fait, se dire même, mais pourquoi j’étais cette seule enfant dans un orphelinat où il n’y avait que des mecs, tu vois, tu peux te poser la question, mais tu peux aussi te dire, ouais, il y a un truc qui s’appelle le hasard. Tu peux aussi. Et je suis hyper à l’aise avec les deux.
Clémentine Sarlat
Mais il y a aussi cette dimension, il y a un moment où on a besoin de faire sens de ce qui nous arrive et de pourquoi on est là donc on peut aussi, comme tu dis, on est très fort pour se raconter des histoires et choisir une version qui va nous propulser vers l’avant c’est quand même un mécanisme de survie qui est positif.
Camille Aumont Carnel
Et c’est un mécanisme de survie qui est super et il n’y a rien de mieux que se donner de la force et moi je pense que cette histoire et que la façon dont je l’ai raconté pendant des années et même la façon dont je peux encore le raconter ou les certains pendants de mon histoire Ça me donne une forme de ouf.
Clémentine Sarlat
Mais d’ailleurs dans ton album jeunesse que tu viens de sortir, Fleur de Sel, je vous remontre encore l’image si vous l’avez vous. Mais je trouve ça incroyable la finesse d’écriture que tu as pour parler à des enfants. Il est hyper… C’est juste trop beau.
Camille Aumont Carnel
Aurélia.
Clémentine Sarlat
Aurélia Fronty qui a illustré l’album. Donc c’est l’histoire de Huda, une petite fleur. Qui va être déracinée finalement et se construire autour de gens qui n’y ressemblent pas. Et pourquoi tu as voulu écrire une histoire pour des enfants, sachant que tu n’as pas d’enfants encore, et que c’est pas un thème qui est très abordé dans la littérature jeunesse, l’adoption ?
Camille Aumont Carnel
Alors, moi j’ai voulu écrire un livre pour enfants parce que, après avoir écrit deux livres pour adolescents, je voulais aller encore plus jeune. Parce que, tu vois, moi ça fait six ans que j’ai ce compte Instagram, jmenbasleclito ça fait six ans que je vais par monts et par vaux dans tout le monde entier pour aller rencontrer des adultes, des jeunes, pour leur parler de tout un tas de thématiques, pour les aider, les accompagner dans cette démarche qu’est la déconstruction.
Et en fait au bout de six ans tu te dis alors c’est super mais il y a un truc qui marche aussi super c’est de bien construire plutôt que de mettre beaucoup d’énergie dans la déconstruction et donc repartons à la base repartons basics et donc j’ai décidé à un moment donné de plus me centrer sur la jeunesse Et le livre pour enfants c’est plusieurs choses. Un c’est mon rêve depuis que j’ai 15 ans, d’écrire un livre pour enfants. Moi j’ai adoré tous les Claude Ponti, moi je suis une passionnée, Chien Bleu de Nadja, je crois que je le lis toutes les semaines, je l’ai en grand chez moi tellement c’est un livre que j’adore. Tomi Ungerer. J’aime la littérature jeunesse et j’aime les livres pour enfants, même étant encore adulte j’en lis encore.
Dans le fait d’écrire un livre pour enfant, c’est un exercice aussi d’écriture quand t’es écrivaine où ça te force à avoir une certaine forme de modestie que t’as pas forcément quand t’écris des livres pour adultes. Ça te force à collaborer au sens et à ce que ton univers coexiste, c’est-à-dire que l’histoire toute seule ne peut pas exister sans l’illustration. Et donc en fait, l’objet tel que tu l’imagines n’existe à la fin que parce qu’il y a deux personnes qui ont décidé de faire famille sur un projet.
Et qu’à un moment donné, dans cette capacité et finesse que j’ai de rentrer dans l’intime des gens, que ce soit avec les livres, tu vois, les mots du Q : manifeste joyeux des sexualités, les gens les mettent dans les toilettes, c’est le livre qui était sur la table de chevet, tu cornes une page pour que ton mec il lise telle page, et j’aime beaucoup moi cette… J’aime beaucoup ce biais que j’ai dans les livres qui est les livres qui rentrent dans l’intime et qui rentrent dans l’intimité des gens. Et il y a un autre pendant de l’intime que j’adore, c’est les routines dodo. Et moi, parce que je vois comment font mes potes, mes copines et mes potes qui ont des enfants, et il y a un truc que je trouve hyper beau, presque sacré, c’est la routine dodo.
Et cette capacité et ce pouvoir, du coup, qu’il ne faut pas prendre à la légère, que tu as d’influencer les rêves que vont faire tes enfants. Et dans cette routine dodo, je me suis toujours dit, waouh, s’il y avait un livre qui pouvait leur dire que c’est ok de traverser les émotions qu’ils traversent, que c’était un livre qui finalement ne parlait pas d’adoption, mais parlait de filiation et parlait de faire famille, ça serait super. Et quand je rencontre mon éditrice, je lui raconte cette histoire d’une fleur, parce que je réfléchissais à cette histoire d’une fleur dans le désert, qui n’a pas d’eau, donc ses racines et ses grandes tiges et tout ça, bon, qui me ressemble un peu quoi. À peine.
Et en fait je commence à lui raconter, je dis voilà parce qu’en fait moi mon histoire c’est ça et puis quand on est un enfant adopté en fait on ne choisit pas la famille dans laquelle, mais finalement on décide de faire famille et en fait chaque argument que je lui donne pour lui parler de la singularité de mon ouvrage elle me dit bah ça c’est dans toutes les familles. Ça c’est tous les enfants. On peut décider d’un moment donné de ne plus parler à ses parents. Ça c’est le concept même de la responsabilité émotionnelle. Et en fait, et c’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle on l’a signé, elle me dit moi je ne publierai pas un livre qui parle d’adoption.
Je publie un livre qui parle aussi à des enfants et à des familles qui ne sont ni adoptantes et à des enfants qui n’ont pas été adoptés. Et donc comment on est passé d’adoption comme thématique à faire famille ? Et les émotions, moi c’est un truc qui me passionne parce que j’apprends à les traverser de façon beaucoup plus simple, j’apprends à peut-être moins les juger et je me dis que… On n’a pas assez abordé ça sous le prisme de c’est aussi un apprentissage d’apprendre à repérer les émotions et à ne pas les juger et à juste les accepter et les traverser.
Et je me dis, waouh, le sel ça serait super parce que moi la cuisine c’est ce qui fait que j’arrive à faire communion et d’ailleurs chez moi il y a toujours du monde à la maison, les gens viennent toujours manger, ils arrivent avec des tuppers parce qu’ils savent que je fais trois fois trop à manger et que tu repars et que la table ça a toujours été pour moi la matérialisation de « Ça donne quoi si je réfléchis à un truc qui fait que je peux mettre autour d’une table des gens qui sont pas d’accord, qui se connaissent pas forcément, presque qui s’entendent pas? C’est quoi le truc qui fait que tout le monde ferme sa gueule pendant deux heures et qu’en fait on est d’accord? » Faire à manger. C’est le seul truc que j’ai trouvé à date pour faire communion entre humains.
Je prends toutes les autres propositions, moi c’est le seul truc que j’ai réussi à faire. Et chez moi, depuis la nuit des temps, ça marche comme ça. À l’adolescence, il y avait du monde qui venait manger tous les midis chez moi. Chez moi ça s’appelait la maison du peuple, ça a toujours été comme ça chez moi. Et puis je me dis, les larmes, peut-être qu’on les accepterait moins si on en tirait quelque chose. Si ce n’était pas juste, j’ai pleuré, je me sens mieux. Et puis je me dis, les émotions, ça devrait peut-être plus se traduire par des larmes si on en a envie et qu’en fait, finalement, le fait est qu’on ne s’autorise pas.
Camille Aumont Carnel
Et puis donc, je réfléchis à cette fleur dans le désert qui pleure et qui récupère la fleur de sel de ses larmes, qui irrigue, qui arrive à filtrer, qui irrigue et qui récupère cette fleur de sel qui sont des sels d’émotions. Et je me dis bah en fait au même titre que moi l’amour c’est ce que j’ai en commun peut-être que les sels différents sels de différentes émotions c’est ce qui fait qu’on arrive à faire communion et qu’on arrive à faire famille parce qu’en fait on se ressemble pas mais peut-être que le sel de telle douleur on sait quel goût ça a, il a un goût particulier et comment est-ce que du coup on peut cuisiner avec les sels de tout le monde étant une façon de les reconnaître, de les accepter et dire qu’elles sont bienvenues et donc cette histoire elle part de là
Clémentine Sarlat
Et c’est vrai que je trouve que dans l’histoire surtout ça montre aux enfants qu’on peut être différent, on peut être qui on a envie d’être à l’intérieur d’une famille, on a quelque chose à apporter et comme tu dis ça touche toutes les familles en fait.
Camille Aumont Carnel
Et t’auras forcément un sel qui ne sera pas là dans l’étagère.
Clémentine Sarlat
Et il y a des enfants qui sentent déracinés dans leur propre famille. Il y a des enfants qui ont ce sentiment-là de ne pas appartenir, qu’ils sont différents et de montrer qu’en fait on accepte tout le monde normalement dans une famille. Ça devrait être la norme.
Camille Aumont Carnel
Et que tu n’as pas besoin de rentrer dans le moule de ce qu’on attendait de toi. Et que tu as peut-être des sels qui ont un autre goût. C’est aussi, je trouve, un message important à faire passer. Et la tranche d’âge aussi du livre, elle n’est pas anodine, c’est pour les 4-6 ans. J’aurais pu faire pour les 6-9 ans, où c’était aussi une tranche d’âge qui m’intéressait, mais je pense dans d’autres ouvrages. C’est que du coup c’est un livre qui doit être lu par les parents. En fait 4-6 ans c’est l’âge où tu ne peux pas encore lire tout seul, et donc c’est une histoire qui passe par les parents. Et en fait la gestion des émotions et s’autoriser à pleurer, et c’est ce que je mets dans la dédicace, il y a plein d’adultes qui ne savent pas pleurer.
Il y a plein d’adultes qui ne s’autorisent pas à traverser leurs émotions, qui ne s’autorisent pas à…
Clémentine Sarlat
Tu touches les parents comme ça.
Camille Aumont Carnel
Et donc je suis là en mode, le message, you got it, c’est pour le petit Gaspard, but bro… Tu vois, listen to it at the same time et en fait ce que j’aime c’est les retours qu’on me fait de parents qui me disent mais en fait merci parce qu’il m’a demandé de le lire trois fois et puis merci d’avoir parlé du pipi, merci d’avoir parlé du sel de larmes de j’ai fait pipi au lit et puis merci d’avoir parlé de tout ça et puis merci d’avoir parlé d’une certaine façon du deuil aussi de c’est le sel des pleurs de mamie me manque ça a permis à plein d’enfants de dire ok, donc en fait sur un même pied d’égalité, on met le sel de pipi quand je fais pipi au lit, le sel de… Ok, ok.
Donc en fait j’ai pas à les envisager comme une pyramide, j’ai juste à les vivre. Et en plus de ça, il y a une épicerie qui est pour moi une des grandes scènes. Ça me fait penser à l’épicerie dans Charlie et la chocolaterie, tu vois, où c’est infini et donc il y a plein de sel. Et c’est plutôt un message et une proposition de dire, trouvez ce qui fait que vous arrivez à faire communion. Trouvez ce qui fait que vous arrivez à faire famille. Et c’est pas forcément ce que vous avez en tête. Et je suis allée, et donc ça peut être hyper farfelu, mais ce sel-là, il y a ce truc de, on sait tous le goût, enfin du moins je l’espère, qu’a le goût du sel de fourrir, du sel de… C’était trop cool ces quatre jours avec toi et tu dois déjà partir, enfin… Et c’est là-dessus finalement qu’on va réussir à faire communion. Partons de là, pour voir ensuite tout le reste, mais partons sur un truc qu’on a en commun. Et je trouve que ça résonnait avec plein de trucs d’actualité où on sait plus être ensemble, où on sait plus parfois même se concentrer sur ce qui fait qu’on arrive à être d’accord et pas forcément sur ce que tu vois. Donc c’était tout ça.
Clémentine Sarlat
Est-ce que c’est aussi pour toi une façon de rendre hommage à tes parents ?
Camille Aumont Carnel
Ouais, d’ailleurs je les remercie dans les remerciements bien sûr. Et c’est une façon aussi de me dire… Et d’ailleurs c’est marrant parce que j’ai écrit le texte avec ma mère en deux jours. On est partis pour son anniversaire à une heure de Paris dans un domaine et tout incroyable et on a emmené plein de livres qui ont marqué mon enfance et je lui ai dit bah moi j’ai cette histoire-là et j’aimerais trop qu’on l’écrive et on l’a écrit en deux nuits. Ce qui est rapidissime, tu vois. Et j’ai soumis le texte et franchement je crois que mon éditrice elle avait deux trucs à corriger et elle m’a dit bon bah c’est ça en fait t’es dans le mille. Mais… Et c’était important pour moi de l’écrire avec elle, de pas lui.
Souvent mes livres je lui montre à la fin ou la maquette où là je bloque, est-ce que t’en penses quoi et tout ça. Là je voulais qu’elle en fasse partie parce qu’elle fait partie de ma notion de famille et dans cette notion aussi d’héritage et de transmission tu vois j’arrive à un âge où où je lui transmets autant qu’elle me transmet et ça je trouve aussi qu’on en parle très très peu ce moment où t’as presque l’impression de toi d’éduquer aussi tes parents.
Clémentine Sarlat
Notre génération on est sur ce tempo-là. On aime bien.
Camille Aumont Carnel
Et je trouve ça trop bien.
Clémentine Sarlat
Il y a beaucoup de parents quand même qui sont réceptifs et il y en a d’autres pour qui c’est plus dur.
Camille Aumont Carnel
Il y en a qui luttent.
Clémentine Sarlat
Luttez pas.
Lâchez.
Camille Aumont Carnel
Lâchez près sur ça. Et donc il y avait un peu ce truc aussi de… Bah on le fait ensemble, et puis ma mère, enfin voilà, 15 pistes d’éducation, n’est-ce pas ? Enfin bref, on n’en parle pas à ces détails, mais she knows. Et voilà, ouais c’était complètement un hommage et c’était aussi une façon de dire… Moi, dans mon éducation, en fait, voici ce que ça donne. Et c’est chouette. Et il y a un truc aussi de… Je n’étais pas un projet. Par contre, mes parents avaient un projet éducatif, même si ma mère me dit que c’était pas conscient. Mais en fait, dans la façon dont j’ai été élevée, si. Et ce projet éducatif, il s’avère qu’il s’est matérialisé en moi. Mais avant tout, il y avait une volonté de transmission. Et c’est aussi une façon de dire que le projet a marché, quoi.
Clémentine Sarlat
J’ai une dernière question qui, à mon avis, reprend un peu tout. Est-ce que devenir mère, envisager d’être mère aussi, ça peut te bousculer et être difficile parce que tu as perdu ton papa ?
Camille Aumont Carnel
Très bonne question. Je suis pas sûre. Je pense que c’est plutôt… Non, le fait d’avoir perdu mon père c’est plutôt là maintenant, tous les trucs où tu te dis putain ce con il est pas là. Genre ça, ce livre là il aurait trop kiffé, ou tel truc il aurait trop rigolé, ou là j’aurais trop aimé savoir ce qu’il aurait pensé. Donc en fait moi dans mon processus deuil, tu vois il y a eu beaucoup d’années où c’était dur, mais dans le sens où, tu sais, tu penses en disant du coup c’est la merde parce qu’il n’est pas là. Et en fait, à un moment donné, Je suis passée dans une étape où je me disais mais si tu t’amusais à te demander ce qu’il aurait pensé ça donnerait quoi ? Et en fait ça m’apporte.
Et il y a des moments où je me dis ouais mais en fait il est encore là. Enfin genre c’est pas possible tu vois. Et du coup dans cette capacité à me projeter en tant que mère je sais, j’ai pas l’impression que ça joue beaucoup mais c’est plutôt dans la capacité à relationner avec les hommes. Bien plus que dans le fait de me projeter en tant que mère. C’est plutôt de me dire putain mais j’avais un daron, il envoyait du pâté, genre… Là pour moi, là pour mes potes, pas le père dont t’as honte, qui m’a transmis un milliard de trucs, daron féministe, genre fin…
Et du coup je me dis, est-ce que je recherche la copie conforme de mon daron chez un mec ou pas, ou est-ce qu’en fait finalement juste tu peux aussi parfois juste dire non juste c’est un mec chanmé et je crois que je veux juste un mec chanmé et qu’il y a des choses sur lesquelles je suis pas prête à faire de concessions tu vois. Par contre l’amour sain que j’ai vu chez mes parents, c’est-à-dire je ne les ai jamais entendus s’engueuler. Je ne les ai jamais entendus hausser la voix. Je n’ai entendu que des conversations. Ils se montraient qu’ils s’aimaient. Ça ouais par contre, c’est un truc où je pense qu’aujourd’hui je me dis moi je veux vraiment ça et si j’ai pas ça du coup je mets… Résultat, ça fait 6 ans que je suis célibataire.
Mais je me dis pas je veux mes parents, je veux recréer ce qu’ont eu mes parents, je me dis pas je veux un mec au foyer comme mon daron par contre ce que je me dis c’est bah c’est un bête d’exemple et en fait l’amour sain que j’ai vu ouais en termes d’expectation je veux ça, je veux pas moi mais parce que je l’ai vu et je vois aussi ce que ça donne et je vois ce que ça donne en termes d’éducation et je vois dans quel espace du coup en tant qu’enfant moi j’ai grandi et ça par contre Je me dis oui, c’est aussi ce que je veux pour plus tard.
Mais non parce qu’à un moment donné tu avances dans ta life et puis tu te dis ouais j’ai perdu mon père mais bon je vais pas m’arrêter de vivre non plus et puis je fais des trucs chanmé et puis non tu vois mais je me dis ouais ce con il rate trop de trucs quoi.
Clémentine Sarlat
C’est plus dans la notion de filiation dont tu parlais, de faire famille et de se dire bah il sera pas là pour voir quand moi je construis ma famille.
Camille Aumont Carnel
Mais par contre en le plaçant dans un truc de… Au même titre qu’il était pas là pour ma soirée de lancement de mon premier livre, en même titre que tu vois je l’inscris dans un truc de ma vie est lourde et en fait non mais et genre en vrai t’as beaucoup t’as fait pour qu’il se passe ça et là aujourd’hui tu vois pas genre tu casses les couilles.
Clémentine Sarlat
Pourquoi?
Camille Aumont Carnel
Genre tu casses les couilles mais love quoi.
Clémentine Sarlat
Non, non, je comprends ce que tu veux dire.
Camille Aumont Carnel
Tu vois?
Clémentine Sarlat
Ouais, c’est plutôt ça. Écoute, merci beaucoup.
Camille Aumont Carnel
Merci à toi, j’adore trop bien tes questions.
Clémentine Sarlat
Oh, merci.
Camille Aumont Carnel
Ouais, non, mais j’ai pu parler librement et tout, genre, j’adore.
Clémentine Sarlat
Donc, dans à peu près deux ans, on saura que Camille a couché à la maison.
Camille Aumont Carnel
Three orgasms, bitches. Three orgasms at home.
Clémentine Sarlat
Elle l’aura filmé, vous aurez vu l’aura et son corps sortir, s’élever. Mais on a besoin de gens qui représentent l’accouchement à la maison, qui valorisent.
Et qui montrent que c’est génial. Pourquoi tu veux accoucher à la maison ? Mais si jamais ça se passe mal et je suis là. Mais en fait vous êtes les premières à dire je ne vois pas pourquoi j’aurais à l’hôpital parce que je suis pas malade. Et je dis en fait je suis enceinte et accoucher ce n’est pas être malade.
Clémentine Sarlat
Ce n’est pas être malade, l’accouchement à la maison est très bien encadré par des professionnels.
Camille Aumont Carnel
Non, moi je veux accoucher at home avec mon petit jus de bissap, mon coussin que j’aime bien, que je kiffe de plus, ma zik-mu, chez WAM, les copines si elles veulent être là sur le canapé, elles sont là sur le canapé, enfin il n’y a pas de…
Clémentine Sarlat
Pardon, je t’encourage.
Camille Aumont Carnel
En fait j’ai tellement taffé pour que chez moi ce soit un espace où on sente bien et mes potes tu vois l’illustrent bien c’est à dire qu’en fait ils veulent pas partir de chez moi quand ils sont chez moi et parfois il m’appelle il dit je suis juste en bas de chez toi je peux venir boire un café c’est en fait c’est pas un safe place et au delà de ça et je pense que toi tu as la même chose avec chez toi c’est pas un espace de passage. C’est pas un lieu de passage, c’est un lieu destination. Et c’est hyper important. Et qu’en fait, t’as la chance d’avoir réussi à créer un lieu destination. Mais du coup, pourquoi tu veux aller accoucher à l’hôpital où c’est un lieu de passage ?
Clémentine Sarlat
Roh comment c’est beau ce que tu viens de dire!
Camille Aumont Carnel
Enfin pardon hein! Mais en fait, tout a été réfléchi pour que chez moi je me sente bien, ça soit un safe place. Mais au-delà de, tu vois, où… Mais même les gens le disent et le ressentent, en disant, wouah c’est chaud, on est bien, le plaid, le machin, tout est bien, la light et tout. Et du coup, pourquoi mon enfant, j’irais lui faire… Allô?
Clémentine Sarlat
Une petite led là, une lumière blanche…
Camille Aumont Carnel
Tu vois, où ça pue et en fait on me donne la vieille purée de carottes dégueulasse alors qu’en fait tout le monde sait que je cuisine de… Tu vois, allô, c’est pour me faire péter un câble. Mais du coup vous voulez que je sois violente ? Bah là je vais être violente.
Clémentine Sarlat
Mais tu sais que le… La chose numéro une qu’une femme doit ressentir quand elle accouche c’est de sentir en sécurité. Pour certaines c’est l’hôpital et pour d’autres c’est la maison.
Camille Aumont Carnel
Et j’entends, parce que pour certaines le sujet c’est si mon bébé ou si se passe un truc, j’entends.
Clémentine Sarlat
Il y en a pour qui c’est inimaginable et c’est normal au vu de leur parcours aussi. Mais on est chacune différente.
Camille Aumont Carnel
Girl, you know how to do it. Tu as raison. Genre, you know. Your body knows, you know. Et ton mec, bah frérot, masse-moi les lombaires quoi.
Clémentine Sarlat
Je crois que tu as tout compris meuf, c’est bon, on est bon. Non mais vraiment, je ne pourrais pas dire mieux. Tu vois ce qu’il faut.
Camille Aumont Carnel
Et… Trop hâte…
Juste pour pouvoir dire « Alors excusez-moi, vous avez un enfant qui est sorti de votre vagin ? Non, bon bah déjà… » La meuf qui va devenir insupportable après. Mais tu sais Camille peut-être, ma psy va dire, peut-être que ce n’est pas l’argument que vous pouvez donner à chaque fois pour tout.
Clémentine Sarlat
Peut-être que certains, ça peut les heurter.
Camille Aumont Carnel
Peut-être que ce n’est pas le sujet central de l’argumentaire et qu’en fait, voilà. Mais bon, ça sera une thérapie.
Clémentine Sarlat
Écoute Camille, je te donne rendez-vous dans X années quand tu seras là et on refait un épisode sur ce moment incroyable quand tu auras enfanté.
Merci beaucoup Camille. Merci, merci.
Camille Aumont Carnel
C’était trop cool.