Ressentir tout de manière très forte, être épuisée par les stimulis ou ne pas être capable de filtrer son environnement peut être le quotidien des personnes hautement sensibles.
Saverio Tomasella est un des spécialistes en France de la haute sensibilité, il a co-créé l’observatoire de la sensibilité avec Marie France de Palacio en 2016.
Depuis il propage le message autour de ce tempérament qui caractérise les personnes plus sensibles que la moyenne.
Comment définit-on la haute sensibilité ?
A quoi cela correspond concrètement ?
Que peut-on mettre en place pour se faciliter la vie ?
Que faire en tant que parents ?
Qu’est-ce qu’il se passe en nous quand la sensibilité fait partie de notre quotidien ?
Vous aurez les réponses à toutes vos questions dans cet épisode et bien plus encore, venez découvrir le monde de la très haute sensibilité qui peut toucher les enfants comme les adultes.
🗣️ Au programme :
🧠 Introduction à la haute sensibilité (00:13 – 11:05)
🌺 Caractéristiques et manifestations de la haute sensibilité (11:05 – 22:17
👪 Parentalité et haute sensibilité (22:17 – 30:45)
🛌 Gestion du sommeil et de l’environnement (30:45 – 39:50)
💞 Relations et vie quotidienne (39:50 – 47:55)
🌍 Sensibilité et société (47:55 – 58:02)
🔍 Découverte et acceptation de sa sensibilité (58:02 – 01:05:38)
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TRANSCRIPTION DE L’ÉPISODE
Bonjour Saverio.
Bonjour Clémentine.
Je suis ravie de vous recevoir dans le podcast de La Matrescence, surtout parce qu’on a eu beaucoup de mal à trouver une date. Entre vous qui habitez dans le nord de la France, moi à Bordeaux, on s’est rejoint à Paris, donc c’est parfait. Merci en tout cas.
Merci à vous.
Alors aujourd’hui, on va s’intéresser à un sujet qui est centrale parce qu’au final il y a quand même un sacré nombre de gens dans le monde qui ressentent les choses différemment, qui ont une sensibilité différente. Mais d’abord j’avais envie de vous demander pourquoi est-ce que vous êtes intéressé vous à la psychologie ?
Alors c’est une longue histoire parce qu’en fait moi au départ je voulais être musicien. J’étais au lycée musical à l’école primaire et au collège. Et à la fin du collège, donc le lycée musical c’est comme sport études, le matin on est à l’école et l’après-midi, tous les après-midi on était au conservatoire. On faisait de la musique, du théâtre, du chant et certains de la danse. Et à la fin du collège j’avais fini le cursus général du lycée musical et je pouvais donc me spécialiser pour devenir musicien. Sauf que mes parents étant des universitaires scientifiques, A la fin de la troisième, il dit non, tu vas en seconde C. Et donc ils m’ont forcé à arrêter le lycée musical. J’ai continué la clarinette. Mais je suis sorti de cet univers qui était le mien, la musique et je pensais vraiment que j’allais devenir musicien, que j’allais devenir clarinettiste. Et donc j’ai vécu une dépression en seconde. Qui a été provoqué par ce deuil, par cette rupture, par ce projet qui s’est anéanti et qui a fait que je me suis posé des questions sur moi-même, sur ce que je ressentais, sur les difficultés de vivre, sur l’importance de son désir, de l’orientation qu’on choisit, etc. Donc j’ai fini mes études scientifiques pour avoir un bac scientifique comme voulaient mes parents. Après j’ai fait une classe préparatoire parce que mon père m’avait dit qu’il fallait que je fasse une classe préparatoire et un jour j’ai craqué.
Heureusement que j’avais continué la musique et le théâtre en parallèle et je me suis rendu compte qu’en fait, puisque je ne pouvais pas devenir musicien, mes parents continuant à mettre des bâtons dans les roues quand je leur parlais devenir musicien, je me suis dit, je vais être un musicien de l’inconscient. En terminale, j’avais beaucoup aimé la classe de philo et notamment Freud, la psychanalyse, les rêves, l’inconscient. Et je me suis dit, puisque je ne peux pas être un musicien de la réalité, je vais être un musicien de l’inconscient. Et c’est comme ça que je suis devenu psychanalyste.
OK. Et du coup, dans votre pratique, vous vous êtes intéressé à la sensibilité, la haute sensibilité. Pourquoi ce choix ?
Alors, c’est lié à la même histoire. C’est qu’au conservatoire, tous les jours, mais vraiment sans exception, tous nos professeurs, là encore sans exception, nous disaient ta sensibilité est belle, développe ta sensibilité, exprime ta sensibilité. Ce discours-là, je l’ai entendu pendant une vingtaine d’années. Tous les professeurs le disaient à tout le monde. Et au contraire, à la maison, on me disait tu es hypersensible, tu es trop sensible, tu es ci, tu es ça. Et au collège aussi, j’étais harcelé parce que j’étais très sensible. Et donc je me disais c’est étonnant puisqu’il y a un monde dans lequel je me sens bien où on dit que la sensibilité est merveilleuse et le reste du monde n’a pas compris. Et ils n’aiment pas la sensibilité, mais c’est qu’ils ont un problème.
Donc très tôt, moi, je me suis rendu compte que ceux qui avaient un problème, c’était les personnes qui n’aimaient pas la sensibilité, alors que dans le monde de la sensibilité, c’était merveilleux. Ce qui fait que quand je suis devenu psychanalyste et que j’ai eu des patientes et des patients qui parlaient de leur sensibilité, je me suis rendu compte que le problème venait d’ailleurs, venait pas des personnes elles-mêmes, mais bien de la société.
Moi, j’ai toujours entendu le mot hypersensible. Vous n’aimez pas cette définition-là, est-ce que vous pouvez nous donner une définition et quel autre mot on peut utiliser ?
Alors déjà le choix des mots, puis après je vous donnerai la définition. Hypersensible et hypersensibilité, ce sont des mots qui appartiennent depuis deux siècles au vocabulaire médical. Il y a des hypersensibilités de toutes sortes en médecine et donc c’est pas possible d’utiliser ce mot-là pour désigner la sensibilité élevée ou la haute sensibilité qui concerne 30% de la population mondiale. Parce que c’est un trait de caractère, c’est un tempérament et non pas un trouble, non pas une maladie. Donc si on prend un terme qui appartient au domaine médical, il y a déjà une erreur de désignation parce qu’on va croire que c’est un problème médical. Ça, c’est la première raison. La deuxième raison est linguistique. Il y a quelques années, quand j’ai créé l’Observatoire de la sensibilité avec Marie-France de Palacio, qui est prof de lettres, qui est professeure de lettres moderne et de linguistique, elle me disait mais « hyper », ça veut dire trop. Ça veut dire un excès, donc surtout n’employons pas ce mot-là parce qu’on dit aux gens je suis trop sensible et donc j’ai un problème. Dans la langue française, il y a ultra sensible qui veut simplement dire plus élevé, un degré plus élevé de. Donc quand on parle d’ultra sensibilité, on dit une sensibilité plus élevée que la moyenne, ce qui est l’exacte définition de la haute sensibilité. En plus, on a la chance d’avoir des artistes qui, dès le 19e siècle, en francophonie, surtout France, Belgique et Suisse, se désignaient eux-mêmes comme ultra-sensibles pour expliquer qu’ils avaient une sensibilité supérieure à la moyenne.
C’est-à-dire que dans langue française, on a depuis plus de 150 ans un mot très beau, ultra-sensible, l’ultra-sensibilité, qui désigne cette sensibilité élevée. Sinon, et c’est la tendance maintenant actuelle, il y a le mot anglo-saxon, high sensitivity, haute sensibilité. Et là, on a un grand avantage, c’est qu’il y a deux mots, haute ou grande ou forte sensibilité et sensibilité. Parce que dans la définition de la haute sensibilité, donc une sensibilité supérieure à la moyenne, Hélène Aron, qui est la spécialiste américaine qui a créé le concept en 1996, dit bien, et toutes nos recherches depuis le confirment, qu’il ne s’agit pas d’une sensibilité différente, il s’agit d’une sensibilité plus forte, plus intense.
On est tous des êtres humains sensibles, certains sont peu sensibles, les pissenlits qui représentent 30-31% de la population, disons 30% de la population, les tulipes qui sont moyennement sensibles, qui représentent à peu près 30-32% de la population, et les personnes hautement sensibles, les orchidées, je vous expliquerai pourquoi après, qui représentent à peu près 31% de la population. Alors la définition. C’est une sensibilité supérieure à la moyenne. Le terme technique, les termes scientifiques, c’est sensibilité au traitement sensoriel ou traitement sensoriel approfondi des informations. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’au niveau du cerveau, nous avons, je dis nous parce que je le suis, je sais que vous aussi, nous avons un le centre de tri, qui est le thalamus, qui fonctionne moins que chez les autres. Nous recevons sans cesse toutes les informations de l’environnement. Les informations sensorielles, émotionnelles, intuitives, cognitives et autres.
Et comme nous n’avons pas de filtre, les gens disent bien quand ils sont très sensibles, je n’ai pas de filtre, eh bien nous avons besoin de temps pour faire le traitement de cette information. Mais en plus, comme nous sommes des êtres sensibles, nous faisons un traitement sensoriel. Nous ne restons pas un traitement intellectuel de l’information. Ça passe par notre incarnation, ça passe par notre corps et ça prend du temps et ça nous fatigue. Donc la définition traitement sensoriel approfondi des informations, elle débouche sur l’hyperstimulation, qui est la grande caractéristique des personnes hautement sensibles, qui elle-même va provoquer de la saturation.
Or, ce que vivent les 31% de la population mondiale qui sont plus sensibles, c’est cette saturation qui fait qu’on sent plus fatigable ou plus fatigué, qu’on sent irritable dans certaines circonstances, qu’on ne va pas supporter le bruit, les odeurs, les étiquettes qui grattent ou certains textiles, certaines situations émotionnelles. Et on arrive à la troisième caractéristique qui est cette grande émotionnalité, ces émotions intenses, variées, qui vont durer plus longtemps. Le cerveau d’une personne moyennement sensible va traiter une émotion en deux à trois minutes. Nous, nous avons besoin de plusieurs minutes, voire plusieurs heures pour traiter une émotion. Mais ce n’est pas simple parce que nous sommes aussi des éponges émotionnelles. Nous sommes perméables aux émotions des autres.
Ce qui fait qu’à certains moments nous ne savons même pas si l’émotion que nous ressentons à l’intérieur de nous c’est la nôtre ou une émotion qui vient du groupe, de l’environnement ou d’une personne avec laquelle on est. Quatrième caractéristique qui est souvent oubliée mais très intéressante et importante c’est que nous sommes très sensible au langage non verbal, au langage implicite. Nous avons un grand sens des nuances et des subtilités, ce qui fait que le regard, l’intonation, le sourire, merci de me sourire, ça m’aide. Tout ce qui passe par le corps va exprimer quelque chose dont nous ne tenons pas compte que du langage verbal, nous ne tenons pas compte que des mots, mais de tout ce qui va se passer autour de nous et notamment par le corps.
Ce qui fait que parfois dans nos insomnies, nous continuons à réfléchir à ce qui s’est passé dans la journée, mais pas seulement à ce qu’on nous a dit, à la façon dont on nous l’a dit. Et on va voir avec les enfants tout à l’heure à quel point c’est important. Et cinquième caractéristique pour ce tableau de la haute sensibilité, c’est ce qu’on appelle la sensibilité avantageuse, le fameux super pouvoir. Mais pour bien comprendre cette sensibilité avantageuse, on va commencer par un exemple moins favorable. Les enfants qui grandissent dans un environnement de stress, de violence, de découragement, tout ce qui n’est pas favorable à leur croissance, ces enfants-là, quand ils sont très sensibles, qu’on appelle les enfants orchidés, ils vont être blessés plus souvent, malades plus souvent et plus longtemps, avoir de moins bonnes relations avec leurs proches, moins bien réussir à l’école, et quand ils seront adolescents, développer des tendances à l’anxiété, à la dépression, voire au suicide. Vous prenez les mêmes enfants comme une orchidée qui a besoin qu’on prenne soin d’elle pour qu’elle s’épanouisse, qu’elle fleurisse. Vous prenez les mêmes enfants, vous les changez d’environnement et on a des études, des exemples qui sont très significatifs par rapport à ça. On les encourage, on les écoute, on les respecte, on les laisse faire. À leur rythme. Ils sont, comment dire, on respecte ce qui est difficile pour eux. Ces enfants-là vont avoir une meilleure santé, des meilleures notes à l’école, de meilleures relations sociales et ne développeront jamais de tendance à l’anxiété, à la dépression et au suicide. Ce qui veut dire que cette sensibilité à avantages, ce super pouvoir qui fait qu’on bénéficie mieux de toutes les bonnes choses de la vie et qu’on peut être très enthousiaste, très spontané, s’émerveiller, créatif, aimer la beauté, l’art, la nature, etc. Pour nous qui sommes hautement sensibles, ça n’est possible que si nous créons un environnement favorable et que si nous créons, à nos enfants et aux enfants des autres d’ailleurs, un environnement qui leur est favorable.
Votre définition, elle est hyper complète et je crois que parfois on stigmatise un peu la sensibilité à quelque chose de seulement émotionnel, de quelqu’un qui réagit trop fort, qui va s’émouvoir trop facilement et pas forcément très bien vu dans notre société. Mais on oublie surtout toute cette simulation qu’on peut ressentir quand on est sensible au bruit, au toucher, aux matières, à l’art, vous l’avez dit, à la beauté même. J’ai remarqué quand vous êtes rentré ici dans le studio, vous avez dit c’est beau ici. C’est rare que les personnes le disent à haut doigt en tout cas, à l’environnement qui compose. Est-ce que pendant longtemps on s’est simplement focalisé sur les émotions ? C’est venu après la dimension sensorielle ou tout de suite on avait compris que c’était une constellation de choses ?
Alors, merci pour cette question parce qu’elle va me permettre de parler de l’histoire de la sensibilité élevée, de la haute sensibilité. En fait, le premier qui en parle, c’est un médecin grec qui s’appelle Aréte de Kapados, au troisième siècle après Jésus-Christ. Et c’est le médecin qui a créé les premiers hôpitaux. Aréte de Kapados repère une constitution qu’il appelle délicate, mais qui correspond exactement à la haute sensibilité d’aujourd’hui. Donc, ça veut dire que ce trait qui caractérise les humains et les grands mammifères, puisqu’il y a chez les animaux aussi des animaux hautement sensibles, existe depuis l’origine de l’humanité. Après, ça va être des personnes comme Jung, Maruil-Louise von Franz, son assistante, qui vont parler de sensibilité, non pas de haute sensibilité, mais de personnes sensibles, en disant que ces personnes sensibles sont les pionnières de la société parce qu’elles permettent à la société d’aller vers ce qui est bon, ce qui est beau, ce qui est juste, grâce à leur sensibilité. Et on va avoir Dabrowski, qui est un psychiatre polonais, qui va parler de surexcitabilité, mais ça revient à la même chose. Et c’est Hélène Aron qui, en 1996, va parler de cette haute sensibilité. En fait, dans le tableau de la haute sensibilité, il y a tout ce que je vous ai dit. Il se trouve que, est-ce que c’est en France ou est-ce que c’est partout dans les pays occidentaux, je ne sais pas. Mais quand on s’est mis en 2021 surtout à beaucoup parler de « hypersensibilité », ce mot que je n’aime pas, donc de haute sensibilité, on a mis l’accent sur l’émotivité. Parce qu’effectivement c’est difficile à vivre, on est d’accord. Mais il n’empêche que ce n’est qu’un des cinq aspects de la haute sensibilité. On ne peut pas réduire la sensibilité élevée uniquement à l’émotion, aux émotions fortes.
Alors pourquoi les avoir nommés avec des fleurs ? Vous me disiez que vous alliez y expliquer.
Donc, il y a eu deux études en 2018 qui ont été très importantes, qui ont montré effectivement comment se répartit la population, les pissenlits, les tulipes et les orchidées, avec les pourcentages à peu près un tiers, un tiers. Pourquoi ? Parce qu’en fait, ces chercheurs, qui sont très nombreux, c’est une étude qui a été menée, je crois, par une dizaine de chercheurs sur 900 personnes, donc deux études, une auprès des 11-15 ans et une autre auprès des adultes, dans tous les pays anglo-saxons, sur les cinq continents. Ces chercheurs ont découvert que les personnalités orchidées, donc hautement sensibles, et là je veux dire quelque chose qui va choquer les Français, pas les autres parce que c’est une question de culture en France, les personnes orchidées hautement sensibles ne sont pas résilientes. Ce n’est pas grave en fait. Nous avons d’autres dons, d’autres atouts, d’autres superpouvoirs, mais nous n’avons pas comme le pissenlit qui lui va résister à tout. C’est pour ça qu’ils ont pris cette plante, cette fleur qui va fleurir n’importe où, même dans le goudron, le béton, les cailloux, il y a des pissenlits. Et qui vont, quoi qu’il leur arrive, s’en sortir. Les tulipes, c’est une fleur solide, mais néanmoins il ne faut pas trop l’embêter parce que sinon elle ne va pas fleurir. Et l’orchidée, elle est tellement fragile et tellement belle, tellement magnifique, tellement merveilleuse, qu’elle a besoin de soins particuliers. Nous sommes, comme les orchidées, c’est 30% de la population hautement sensible, c’est comme ça. Nous avons besoin de soins particulièrement importants au quotidien pour prospérer, pour nous épanouir, pour fleurir.
Donc quand vous dites que les personnes qui sont hautement sensibles, donc qui font partie de la catégorie des orchidées, ne sont pas résilientes, c’est que si on les met dans un environnement qui va avoir tendance à les détruire, elles vont avoir beaucoup de mal à pouvoir s’épanouir malgré leurs circonstances difficiles ?
C’est ça, elles vont dépérir et c’est pour ça qu’il y a des personnes qui sentent affligés de cette haute sensibilité et qui croient, moi je le vois sur les réseaux sociaux, qu’ils disent c’est un handicap. Non ! C’est un boulet. Non. Dans vos circonstances de vie, j’en suis désolé pour elle, mais dans leurs circonstances de vie, dans leur environnement, dans leurs conditions de vie, leur haute sensibilité ne peut pas s’épanouir. Et en fait, ça ne vient pas d’elle. Ça vient de ses conditions de vie et de cet environnement. Et quand on a compris ça, c’est là qu’on va pouvoir faire de sa haute sensibilité un atout, un super pouvoir, c’est-à-dire que si je veux que ce soit quelque chose de bon pour moi, si je veux fleurir comme une orchidée, je sais que j’ai besoin de beaucoup dormir, de manger ce que je digère, de ne pas prendre d’excitants, de choisir mes amis, ma compagne ou mon compagnon de vie, choisir mon métier, les conditions dans lesquelles je travaille, la maison ou l’appartement dans lequel j’habite, la ville dans laquelle je me sens bien, les loisirs qui sont faits pour moi, les compléments alimentaires qui vont m’aider, etc. Etc. Les casques anti-bruits, on en parlait tout à l’heure avant de commencer l’interview, les bouchons d’oreille, enfin tout ce qui va nous permettre de bien vivre dans les conditions de la société actuelle, c’est-à-dire de tourner à notre avantage cette caractéristique qui est la nôtre intrinsèquement et qui ne changera jamais de la naissance à la mort. Plutôt que de croire qu’on doit s’adapter indéfiniment à une société qui n’est pas faite pour nous. Dans ces grandes lignes, heureusement, on peut trouver des amis, des métiers et des lieux de vie où tout va bien pour nous. C’est en trouvant les bonnes conditions de vie qu’on va pouvoir bien vivre cette sensibilité élevée. C’est fondamental de le comprendre.
Est-ce que c’est héréditaire d’avoir une grande sensibilité ?
Alors, en dehors des cas très particuliers des traumatismes qui vont créer une sensibilité plus forte, de certains moments de la vie avec des perturbations hormonales comme le syndrome prémenstruel, la grossesse, la ménopause et l’andropause pour les hommes, même si elle est plus lente et moins visible, En dehors de ça, la haute sensibilité est héréditaire, mais au sens plein et complet du mot héréditaire. C’est-à-dire qu’il peut y avoir une part génétique, qui vient donc de notre ADN, pour 40% des personnes hautement sensibles, il y a certains gènes qui sont un peu différents, notamment dans l’utilisation de nos neurotransmetteurs, la sérotonine surtout, la dopamine probablement, et qui fait que nous ne manquons pas de sérotonine, mais nous l’utilisons moins bien. Ça, c’est 40% des personnes hautement sensibles. Les autres, 60%. Ça vient d’un héritage qui n’est pas génétique, qui est familial.
De quelle façon on vit la sensibilité dans ma famille ? Comment mes parents expriment leur sensibilité, leurs émotions ? Est-ce qu’ils l’accueillent bien ou pas ? Et c’est valable dans les deux sens. Je vais prendre deux exemples extrêmes. Un enfant qui grandit dans une famille qui n’aime pas du tout les émotions. Va lui demander de réprimer ses émotions ou de ne pas exprimer sa créativité, son intuition, ses sensations, etc. Cet enfant, il va se poser des questions par rapport à la sensibilité parce qu’il sent bien qu’à l’intérieur de lui, il sent des choses. Et en gardant tout ça à l’intérieur de lui, il peut développer une sensibilité plus élevée que la moyenne parce qu’on l’a empêché d’exprimer sa sensibilité. Ça c’est un cas de figure.
Mais il y a aussi des familles très sensibles, des familles d’artistes, des familles créatives, des familles qui aiment bien les émotions et qui vont au contraire dès la naissance ou même dès avant la naissance, avec l’aptonomie on parle au bébé ou le bébé entend la musique dans la maison, etc. Ces familles-là vont stimuler toutes les formes de sensibilité de l’enfant, ses sensations, ses émotions, ses sentiments, ses intuitions, son imagination, sa créativité, l’expression de tout ça. Et ça va faire aussi des enfants plus sensibles que la moyenne.
Donc on a compris qu’il y avait une petite partie, pour certains, de la génétique, que l’environnement joue un grand rôle là-dedans, que les traumatismes peuvent aussi y en avoir et on vit tous plus ou moins des traumatismes à notre échelle. Vous dites qu’un hyper… Je vais y arriver ! Une personne qui a une haute sensibilité peut aussi s’épanouir si son environnement est adéquat. Est-ce que le métier qu’on choisit, à une relation avec notre sensibilité ? Est-ce qu’on sait que les gens avec une haute sensibilité vont plus facilement aller vers tel ou tel métier ?
Oui, les personnes qui ont une haute sensibilité et en sont conscientes, parce qu’on peut avoir une haute sensibilité et ne le découvrir que très tard dans la vie. Un jour, je participais à une émission à la radio et quelques jours après j’ai reçu une lettre d’une dame de 96 ans qui m’a écrit en me disant, en vous écoutant, j’ai enfin compris qui je suis et que j’ai une haute sensibilité. Et ça, ça a éclairé toute ma vie. Maintenant, je comprends la relation avec mon mari. Je comprends certaines choses qui étaient difficiles et d’autres qui étaient fabuleuses. Donc, on peut découvrir très tard qu’on a une haute sensibilité. À partir du moment où on le découvre, Avec votre podcast et toutes ces émissions, on souhaite que ce soit le plus tôt possible.
Oui, on va choisir des métiers qui nous correspondent comme des métiers artistiques, des métiers de communication, des métiers en relation avec la nature, avec l’enfance ou alors des métiers solitaires parce qu’il y a des personnes hautement sensibles qui préfèrent travailler chez elles tranquilles à leur rythme. Ce qui veut dire qu’aujourd’hui, on sait qu’on peut même être comptable ou ingénieur ou médecin en étant hautement sensible à partir du moment où on crée une façon de vivre ce métier qui respecte notre haute sensibilité.
Alors pour tous les auditrices et auditeurs qui nous écoutent, qui sont quasiment tous parents, savoir qu’on est hautement sensible et être parent, ça a quelle répercussion ?
C’est un grand soulagement. Parce que… Alors déjà, avant de dire ça, j’ai été interviewé par une journaliste du Monde récemment qui me disait, depuis que je suis maman, je suis beaucoup plus sensible. Et alors on a essayé de chercher ensemble à quoi ça correspondait. Et je lui disais, mais en fait, on a, quand on est parent, j’ai deux enfants qui sont grands maintenant, une fille et un garçon, qui sont très sensibles aussi. Quand on est parent, on a l’âge de ses enfants. C’est-à-dire quand on a un bébé, on redevient bébé. On vit les choses comme un bébé. Et si on a plusieurs enfants, on va vivre des choses à différents âges. Donc on a notre âge d’adulte. Mais par mimétisme, par empathie, par engagement d’amour, on va dire pour nos enfants, on va vivre en symbiose avec eux, en syntonie, et ce qui fait qu’on va vivre les choses de leur âge. Et tout ça nous met à fleur de peau de toute façon. Quand on est parent, on est extrêmement touché par tout ce qui touche nos enfants. Si en plus on est déjà hautement sensible, vous imaginez le feu d’artifice émotionnel, cognitif, sensoriel qu’on vit jour après jour, nuit après nuit parfois, parce que tout ça, ça chemine la nuit. Et ce qui fait qu’on va tout ressentir très fort. Dans son corps, n’oublions pas que la définition scientifique, c’est traitement sensoriel, approfondi des informations. On ressent tout dans notre corps, que ce soit des émotions ou autre chose. Et c’est perturbant.
C’est-à-dire qu’on se dit mais comment ça se fait que je ressens des choses aussi fortes ? Ou on a l’impression qu’on perd pied, qu’on ne sait plus comment faire, on se pose des questions, on veut faire au mieux pour nos enfants et eux parfois. Une fois ça marche, une fois ça ne marche pas. On n’est pas des magiciennes et des magiciens. On est forcément, quand on est parent, et surtout quand on est parent hautement sensible, on est forcément très perturbable. Et ne pas s’en vouloir d’être à ce point perturbé par tout ce qui arrive à nos enfants. Même nos enfants sont en joie, ils sont super contents, ils vont super bien, ça peut nous faire pleurer. Ça peut nous émouvoir à un point énorme où on regarde un dessin animé avec nos enfants, il y a une petite scène qui nous émeut, pof, on tombe, on fond en larmes. Notre sensibilité qui est déjà exacerbée va être encore plus intensifiée par la parentalité.
C’est vrai que vous dites ça, je me souviens à ma première fille, il y a 7 ans, d’avoir ressenti une douleur physique qu’elle venait de ressentir. Un truc classique que les parents font malheureusement. Je lui avais coincé la peau avec le clips du siège auto sur la petite peau. Et je me souviens de me dire comment c’est possible, je ressens de cette douleur, ça m’a paru fou d’avoir cette sensation-là comme elle, parce que j’étais vraiment face à elle et j’ai vu son visage se décomposer.
Ce qui prouve à quel point nous sommes reliés à nos enfants.
Clairement. Dans les bons comme dans les mauvais moments.
C’est très puissant.
C’est plus facile quand ils vont bien. Je vous demandais aussi, ça a quelle répercussion cette sensibilité exacerbée quelque part quand on est parent parce que le sommeil est perturbé, parce qu’on ne peut pas s’isoler du bruit comme on a envie, parce qu’on ne va pas forcément mieux manger dans ces moments-là, en tout cas dans l’intensité de la petite enfance. Est-ce que vos patients le disent, par exemple, que c’est plus dur pour eux à gérer dans cette période-là ?
C’est plus dur, surtout quand les enfants sont petits et qu’ils dépendent beaucoup de nous. Quand ils deviennent plus autonomes, ça nous soulage aussi. Je pense qu’on a besoin d’énormément de compréhension, de compassion, d’indulgence avec soi-même. Ce qui va permettre aussi plus de compréhension, de compassion et d’indulgence avec nos enfants, c’est-à-dire ne pas trop demander. Si aller à l’école est difficile, c’est aller à l’école qui va être important. Ce n’est pas la façon dont l’enfant est habillé, ce n’est pas où elle aura mangé. C’est-à-dire baisser le niveau d’exigence et se dire qu’est-ce qui est fondamental ? C’est que ma fille ou mon fils soit à l’heure à l’école. Donc sur quoi je cède ? J’avais comme ça une maman qui était très sensible mais qui supportait pas que son fils… Elle avait deux garçons et un de ses fils ne voulait pas prendre de bain ou de douche. Et j’ai mis longtemps à les faire comprendre que s’ils se douchaient une fois par semaine c’était très bien. Les enfants ne sont pas des adultes. Ils ne transpirent pas comme des adultes. Donc un enfant qui se lave une fois par semaine ça peut nous paraître insensé à nous adultes. Mais pour un enfant, ça peut être très bien. Et son fils, en fait, c’est ça. Il avait besoin de son bain hebdomadaire. Et le reste du temps, il voulait jouer, faire d’autres choses. Et tout s’est bien passé à partir du moment où elle a lâché une exigence qui était dans sa tête, qui était dans ses repères à elle, ses critères et qui n’étaient pas ceux de son enfant. Donc, qu’est-ce qui est important pour eux ? Qu’ils dorment bien, qu’ils soient dans de bonnes relations avec nous. Qu’ils aient une bonne relation à l’école. Rappelons-nous que François Dolto disait, à l’école, ce qui est important, c’est pas les notes, ce sont les relations et les amis. Moi, j’ai toujours dit ça à mes enfants qui ont très bien réussi leurs études. J’aurais toujours dit, c’est pas les notes que vous amenez à la maison qui comptent, c’est est-ce que tu as des amis à l’école ? Est-ce que tu t’entends bien avec eux ? Est-ce que tu joues bien avec eux tous les jours ? Et en fait, tout le reste te suit.
Finalement, si on lâche certaines choses qui nous sont imposées par la société ou par l’école ou par la famille et qu’on se dit, finalement, ce qui est bien pour moi, c’est que ma relation avec ma fille ou mon fils soit bonne et que sa relation avec ses amis soit bonne, la vie, je vous assure, est beaucoup plus douce.
Est-ce que pour les enfants qui ont cette haute sensibilité, l’endormissement, le sommeil est plus compliqué ? Je crois avoir lu que la mélatonine chez eux ou nous est plus facilement consommée ou qu’ils ont moins de facilité en tout cas physiologiquement.
Oui, alors physiologiquement c’est sûr puisque la mélatonine c’est un dérivé de la sérotonine et du tryptophan et que si donc on utilise moins bien sa sérotonine ou qu’on en produit moins bien ou si on est stressé de façon chronique on va moins produire de mélatonine donc on va avoir plus de difficultés à s’endormir et il est fort possible aussi que si on a été plus sollicité dans notre sensorialité dans la journée on utilise plus vite notre mélatonine parce qu’on en a besoin de plus. Donc ça c’est vrai. Ce qui est important c’est de savoir que le sommeil, ça se prépare.
C’est-à-dire qu’un enfant, surtout s’il est hautement sensible, qui a vécu une journée excitante, soit parce qu’il y a eu des choses formidables, soit parce qu’il y a eu des choses difficiles, c’est une autre forme d’excitation, en tout cas de stimulation, on va dire, cet enfant-là va avoir besoin de plus de temps pour s’endormir. Donc si la journée est à peu près comme d’habitude, on prévoit une heure où on baisse les lumières, on baisse les sons, on fait des activités calmes. Il y a des enfants qui aiment faire un peu de relaxation, ou on fait des câlins, ou on fait un peu des jeux très très calmes, de yoga pour enfants, de méditation pour enfants, des choses comme ça, ce que les enfants aiment.
Et ça va les aider petit à petit à aller au lit, et une fois qu’ils sont dans le lit, à s’endormir. S’ils restent dans cette stimulation jusqu’au moment de se glisser sous les draps, ça ne va pas être possible quand ils seront dans le lit, parce qu’ils seront survoltés. Et si la journée a été particulièrement forte, dans un sens comme dans un autre, on a besoin deux heures de préparation, c’est beaucoup. On va lire des histoires, on peut-être aller se promener, même faire simplement le tour du jardin quand on a un jardin ou le tour du quartier quand on n’a pas de jardin. Des petits mouvements, il y a des mouvements de Qigong très simples, des petites chansons, des comptines, des berceuses, etc. Ce temps-là, il va être gagné en fait.
On croit que ça va nous prendre beaucoup de temps, mais une fois qu’ils seront au lit, ils seront vraiment bien au lit, ils vont s’endormir. Donc préparons le sommeil de nos enfants par des activités. Une espèce de… Comme une veilleuse qui baisserait son intensité. Pour notre niveau d’énergie, c’est pareil. On a besoin d’aider nos enfants à baisser de plus en plus le niveau d’intensité dans leur corps.
J’ai une de mes filles qui, je pense, a cette qualité d’être hautement sensible. Elle, quand elle rentre de l’école, elle a besoin d’un temps sur le canapé, seule, avec un casque anti-bruit potentiellement, mais en tout cas avec aucune stimulation et d’avoir cette bulle. Il n’y a que depuis que j’ai compris qu’elle a besoin de ça que ça se passe mieux après, qu’il y a moins de crises. Par exemple, elle va nous dire, quand on vient la chercher, elle ne veut pas qu’on aille chercher ses autres sœurs. Elle veut tout de suite, elle, aller à la maison et être tranquille. Ça l’oppresse d’aller chercher. Bon, on ne peut pas toujours le faire, évidemment. Mais ça, c’est une caractéristique, par exemple, d’un enfant qui ressentirait ça.
Tout à fait parce que les enfants comme les adultes, mais surtout les enfants qui n’ont pas, comme on se le disait avant l’interview, nous adultes nous avons quelques outils, quelques habitudes qui nous permettent de réguler ce que nous ressentons et ce que nous vivons. Les enfants n’ont pas encore ces outils-là, ces capacités-là. Donc ils ont besoin Nous avons tous besoin, quand nous sommes hautement sensibles, de faire des pauses. Mais les enfants particulièrement. Donc le casque antibruit est une excellente idée. Un lieu refuge ou un coin calme, on appelle ça comme on veut, qui peut être le lit, mais qui peut être une tente dans la chambre, ou qui peut être une salle de jeu, ou qui peut être un coin du jardin. Chacun voit comment c’est possible chez soi.
Un lieu où on sait que quand un des enfants va là, c’est pour sortir de la saturation, c’est pour faire une pause, c’est pour se retrouver, se ressourcer, se régénérer. Et que généralement, les enfants qui ont une intuition très sûre, ils vont dans ce coin refuge ou dans ce coin calme, ce lieu, etc. Ils y vont le temps. Nécessaires pour le ressourcement. Ils vont y rester cinq minutes, dix minutes, et quand ils en sortent d’eux-mêmes, ça veut dire qu’ils sont sortis de la saturation. Ce n’est pas à nous adultes, et il y a des écoles dans lesquelles il y a des coins-refuges, ce n’est pas à l’adulte de dire maintenant tu sors de là parce que tu t’es assez reposé. Non, c’est l’enfant qui sent dans son corps, de façon très intuitive, il n’a pas besoin de se poser de questions, s’il ou elle est reposé ou pas. Donc ça, c’est une excellente idée. Et c’est vrai que si on respecte les temps de pause de l’enfant dans la journée, il aura ou elle aura moins besoin de ce decrescendo du soir avant de dormir.
Si on est un parent et qu’on écoute et qu’on se pose la question, est-ce que mon enfant potentiellement a ce super pouvoir, par exemple ? Qu’est-ce qu’on doit observer ? Qu’est-ce qui pourrait nous faire dire que notre enfant ressent les choses plus intensément ?
On va reprendre les cinq grandes caractéristiques scientifiques parce que je crois que c’est comme ça qu’on est sûr de bien repérer qu’un enfant est hautement sensible. Le traitement sensoriel approfondi des informations fait que l’enfant est très observateur, a le sens du détail, est minutieux ou minutieuse.
Un regard particulier ?
Oui, un regard particulier va beaucoup écouter, va parfois douter et ça peut mener au perfectionnisme. Donc ça, c’est la première caractéristique. La deuxième caractéristique, ça va être un enfant qui se fatigue plus vite, qui est stimulé donc plus fort. Et qui va montrer des signes de saturation, irritations, petits coups de découragement, se referme sur lui-même ou au contraire explose, parce qu’on peut réagir à la saturation de différentes façons. Donc faire très attention aux signes de saturation, s’ils sont fréquents, c’est que l’enfant est hautement sensible. La troisième caractéristique émotionnelle, ce sont des enfants qui vont être très empathiques, très touchés par les émotions des autres, qui peuvent arriver très joyeux comme nous, adultes d’ailleurs, mais c’est encore plus net chez les enfants. Ils arrivent très joyeux dans un groupe. S’il y a de la colère dans ce groupe, ils vont sentir mal et peut-être même se mettre en colère pour une personne du groupe. Ou s’il y a une tristesse dans le groupe, tout de suite être envahi par cette tristesse. Donc ça, c’est vraiment un autre signe de haute sensibilité. Le sens des nuances et des subtilités, ce sont des enfants qui vont faire attention à des choses inhabituelles. Qui vont vous pointer des choses que peut-être même vous qui êtes très sensible, vous n’avez pas remarqué. C’est encore un signe de haute sensibilité. Et cette sensibilité avantageuse qui fait que chez les grands-parents en vacances, par exemple, ils vont être en super forme. Mais pour des personnes qui habitent en centre-ville, dans un endroit où il y a du bruit, du stress ou des parents qui travaillent beaucoup et qui ne sont pas souvent là, l’enfant va être malade très souvent. On voit bien que suivant l’environnement, l’enfant est en pleine forme, en pleine santé, ou alors il est malade. Ou alors ça se passe mal à l’école et l’enfant a mal au ventre, mal à la tête, etc. Donc ça, ce serait encore un signe de haute sensibilité. Il faut les cinq signes pour être sûr que l’enfant est hautement sensible. Et souvent, ça va ensemble.
Comment on explique à un enfant, peu importe son âge, mais on adapte en fonction, que c’est un super pouvoir et que c’est pas quelque chose qui va… Parce que ça nous prend de l’énergie quand même, parce que à gérer c’est pas simple. Quels mots on utilise ? Comment on le verbalise avec eux ?
Alors peut-être commencer par dire tu es très sensible. Donner l’information. Ou j’ai remarqué que tu es très sensible ou à mon avis, comme ça on laisse de la marge aussi pour pas que ce soit une étiquette, j’ai remarqué ou à mon avis tu es très sensible ou je remarque quand tu parles comme ça ou quand tu écoutes comme ça ou quand tu exprimes tes émotions de cette façon-là, je remarque à quel point tu es sensible. C’est simplement aider l’enfant, même tout petit de 2-3 ans, à prendre conscience de cette grande sensibilité. Première étape. Parce quel que soit l’âge, le fait d’avoir conscience de cette grande sensibilité, c’est, à mon avis, la moitié du chemin. Après, on la valorise, cette sensibilité. On va dire, oh, comme j’aime ta sensibilité. Donc si maman ou papa aime ma sensibilité, c’est qu’elle est bien.
Ta sensibilité est belle ou ta sensibilité te permet d’exprimer des belles choses ou ta sensibilité te permet d’être créative ou créatif. Oh, comme tu sais bien exprimer tes émotions. On valorise toutes les manifestations de cette sensibilité. Sans mettre de mots trop compliqués, et de façon concrète, par exemple un dessin. J’aime beaucoup ta façon d’utiliser les couleurs, ou une chanson. Comme tu chantes bien, ça me touche quand tu chantes comme ça, parce que l’enfant va sentir que cette sensibilité, c’est quelque chose de bon. Donc bien, bon, et qu’est-ce qu’on en fait ? Après, on valoriser le potentiel sensible. Parce qu’au début on se disait, si on est très sensible, il ne faut pas trop développer sa sensibilité, parce que qu’est-ce que ça va devenir ? Non, c’est le contraire. Un enfant très sensible, un adulte très sensible a besoin de développer encore plus sa sensibilité.
Et donc, ça va être de dire à l’enfant, tu es passionné par l’astronomie, est-ce que tu veux que je t’achète une encyclopédie d’astronomie ou une lunette pour qu’on regarde les étoiles ensemble ? Aider les enfants très sensibles à aller jusqu’au bout d’une passion, même si elle ne dure qu’un an ou deux. D’aller vraiment jusqu’au bout de leurs recherches dans ce domaine-là. Les enfants très sensibles, ça j’ai oublié de le dire tout à l’heure, n’aiment pas du tout être observés. Donc quand ils font leur travail, on les laisse tranquilles et on leur dit, si tu as besoin de moi, je suis dans ma chambre, je suis dans la cuisine ou dans le salon, tu viens me chercher. Et l’enfant vient nous chercher quand il a ou elle a besoin de nous.
Mais si on surveille le devoir de maths ou la rédaction de français, ça coupe tous les moyens. Donc de respecter ça aussi en lui disant bah oui j’ai remarqué que tu as besoin d’être seul pour travailler mais tu sais que je suis là quand tu en as besoin.
Je croyais que ça c’était tout le monde. Non apparemment non.
Donc toujours valoriser la sensibilité et ce qu’elle donne. Et là un jour on pourra dire aux enfants c’est un don, ta sensibilité c’est un don. Tu peux vraiment faire quelque chose de bien puis on verra si l’enfant aime danser, chanter, faire du sport, aider les autres. Peu importe son talent, de lui montrer que dans son talent ou dans ses talents, il y a sa sensibilité. Il y a une grande part de sa sensibilité. Et tu vois, avec ta sensibilité, comme tu peux faire des progrès dans tes dessins, ta peinture, la cuisine, le jardinage, enfin, ce que les enfants aiment, plutôt que de dire que c’est un super pouvoir.
Alors un jour, bien sûr, on peut leur dire que c’est un super pouvoir, mais il vaut mieux que ce soit concret et qu’ils comprennent comment ça se passe en eux d’abord et puis dans tout ce qu’ils font ou ce qu’ils disent.
C’est ne pas l’estimatiser, leur dire des mots positifs qui englobent leur sensibilité et des éléments concrets en fait. Toujours avec les enfants, du concret, du pratique. C’est vrai qu’un super pouvoir, moi je lui dis des fois, j’avoue, mais c’est vrai que ça ne peut pas dire grand chose en fonction des âges, mais c’est beaucoup trop abstrait. Je retiens le conseil. C’est vrai que j’ai une enfant qui est très créative, qui adore mettre de la couleur et peindre. Vous avez parlé même du sport, pour le coup ça c’est mon domaine, j’ai été journaliste dans le sport pendant des années et il y a une psychologue qui accompagne beaucoup de très grands sportifs français, je pense notamment à Teddy Riner, puisque lui il a osé le dire publiquement qu’il va en thérapie. Et elle explique que 50% des sportifs seraient hautement sensibles.
Et ça m’a toujours interpellée parce que, en fonction du sport qu’ils pratiquent évidemment, on valorise plus la force, l’endurance, la résilience, le combat, des choses assez dures. Est-ce que vous aussi vous constatez qu’au final les sportifs et sportives de haut niveau ont cette sensibilité-là en eux ?
Alors je pense, je vais extrapoler, je pense que toutes les pratiques de haut niveau attirent les personnes hautement sensibles. Toutes les pratiques de haut niveau, donc le sport, la cuisine, l’art, toutes les pratiques de haut niveau où les astronautes qui partent dans l’espace ou ceux qui font le tour du monde. Toutes ces pratiques de haut niveau attirent les personnes hautement sensibles parce que c’est une façon d’aller très très très loin dans la recherche de quelque chose, dans l’aboutissement, l’accomplissement d’une passion.
Le perfectionnisme.
Oui, ce fameux perfectionnisme. Et puis probablement, puisqu’on dit que les personnes hautement sensibles sont aussi des lightworkers, des artisans de lumière. C’est ce qu’on dit en Amérique du Nord. C’est-à-dire, je pense qu’il y a un goût au-delà des religions. Ça peut être lié à une religion, pourquoi pas, mais ce n’est pas forcément lié à une religion. Il y a comme une forme de mysticisme. Par rapport à la nature, par rapport à l’agilité pour les sportifs, comment j’utilise mon corps, ou les danseuses et les danseurs, les musiciens, les musiciennes, etc. Il y a quelque chose qui… Un désir de dépassement de soi qui permet justement d’exprimer ce superpouvoir, d’exprimer cette grande, grande intensité de la sensibilité.
Et aussi peut-être le fait de récupérer l’énergie des gens, par exemple des sportives ou sportives qui performent devant un public venu en nombre, qui leur transmet quelque chose et que ça les galvanise. Ça, ce serait aussi une capacité de notre sensibilité à récupérer cette énergie ?
À la récupérer, mais aussi à la sentir, c’est-à-dire à pouvoir être porté par cette énergie du public. Parce que là, il y a quelque chose de l’ordre d’une fusion avec le public. Il y a des moments de grâce dans le sport où on vit tous ensemble, y compris autant les personnes qui sont dans les gradins que les entraîneurs dans les coulisses ou sur les bords du stade ou dans le stade. Tout le monde vit quelque chose d’extrêmement puissant. Et je pense que ça, ça galvanise tout le monde et c’est un des moteurs des sportifs de haut niveau.
Ça m’a toujours étonnée cette stade parce que je me dis que ça va à l’inverse en tout cas dans le sport. Je ne parle pas de la musique et en tout cas certains sports très étiquetés masculins où on ne parle pas d’émotion, il y a en fait une grande partie d’eux qui le sont.
Oui, j’en profite pour dire qu’il y a autant d’hommes que de femmes qui sont hautement sensibles, autant de garçons que de filles, c’est très très important. Et donc peut-être que ces hommes qui sont hautement sensibles mais qui n’osent pas le dire parce que certains sports sont encore machistes, eh bien ils vont vivre leur haute sensibilité à travers cette finesse de perception, ce sens des subtilités dans leur art sportif, dans leur façon de vivre leur métier et leur sport, et qu’ils n’ont pas besoin d’en parler, ils le vivent et ça se voit.
Je vois certaines ou certains joueurs ou joueuses avoir ça, cette petite magie qu’ils ont aussi là-dedans. Est-ce que quand on se met en couple, on a plus tendance, si on est déjà hautement sensible, à aller avec quelqu’un qui est comme nous ?
Alors oui, si on sait. Très consciemment qu’on est hautement sensible et que cette conscience nous permet aussi d’avoir la connaissance de comment ça se passe pour moi au jour le jour en tant que personne hautement sensible. Oui, dans ce cas-là. Mais le plus souvent, tant qu’on ne sait pas qu’on est hautement sensible, on a tendance à beaucoup s’adapter. Et dans le mariage ou le couple, en tout cas la relation amoureuse, on peut ne pas faire attention. En se disant, puisque j’ai su faire à l’école, au travail, je sais m’adapter, je vais pouvoir être avec quelqu’un qui n’est pas très sensible. Alors ça peut fonctionner, mais parfois non, parce que c’est très difficile. En revanche, dès qu’on a cette connaissance de sa haute sensibilité, on va faire très attention à qui on choisit.
Vous avez un peu répondu à cette question, mais est-ce qu’on doit se protéger quand on est hautement sensible ?
Alors, ça fait plus de 25 ans que je cherche dans ce domaine. Au début, j’avais tendance à dire oui. Et je le dis de moins en moins parce que ça ne me semble plus nécessaire, autant pour moi que pour les autres. C’est-à-dire que peut-être il y a un moment où on a besoin de se protéger pour être sûr de soi, regagner confiance en soi ou gagner confiance en soi par rapport à cette haute sensibilité, bien connaître comment on est dans telle ou telle situation. Et puis il arrive un moment où ça fait tellement partie de soi que ce n’est pas se protéger qui est important, c’est rayonner. En fait, si je rayonne ma sensibilité, déjà, les personnes qui ne sont pas du tout intéressées par la sensibilité ne vont pas venir à moi. Ça fait un tri naturel. Au contraire, des personnes intéressées par la sensibilité vont venir à moi. Et en plus, c’est comme indirectement une protection naturelle quand on rayonne. C’est-à-dire, bon, ben voilà. La bulle est là, la bulle de lumière est autour de nous parce qu’on rayonne généreusement de notre sensibilité. Ce qui fait que non, aujourd’hui, je ne dirais pas qu’on a besoin de se protéger.
En revanche, on a besoin de protéger son environnement, en tout cas de le choisir pour pouvoir s’épanouir au mieux.
Oui. Et là, je dirais, même si ça semble peu ultra sensible, mais ça peut l’être, de défendre bec et ongle son environnement. Si on doit mettre de l’énergie quelque part, c’est vraiment nos conditions de vie. Moi, je travaille comme ça. Voilà mon rythme. Voilà ce que je mange. Voilà ce que je ne mange pas. Voilà ce que je bois. Mon sommeil, je le protège. Mes vacances, c’est tel endroit ou tel type d’endroit pour vraiment me ressourcer. J’ai besoin une fois par mois, par exemple, je vais marcher tous les jours. J’en ai absolument besoin. Je fais de la gymnastique le matin, du qigong le soir. J’en ai absolument besoin. Et il n’y a pas un jour où je ne fais pas ça. En plus de ce que je bois, ce que je mange et du sommeil que je protège. J’arrête mon téléphone portable à 19h30.
Avant, je l’arrêtais à 20h. Maintenant, c’est 19h30 parce que je sais que j’ai vraiment besoin de ça pour être bien. Avec mon compagnon, je suis pacsé avec un homme qui est styliste et couturier. Tout le début de la relation, j’ai dû lui expliquer que si on avait des discussions, ça n’était pas le soir. Après 17h, 18h, je ne peux plus parce que sinon je vais gamberger toute la nuit. Donc les discussions importantes, on les fait le matin ou en début d’après-midi. Mais une fois que l’autre a compris, ça se passe très bien.
Ce n’est pas très pratique quand on a des jeunes enfants, parce que notre temps de parole est limité.
C’est vrai.
Des fois, on n’a plus de possibilités le soir quand on est tous à bout.
En tout cas, ca c’est un exemple personnel, mais chacun trouve ce qui est bon pour lui. Et en défendant ce qui est bon pour soi, finalement, on vit de mieux en mieux sa haute sensibilité.
Et est-ce que la nature a un impact particulier sur les gens hautement sensibles ?
Merci de le rappeler, c’est fondamental, absolument fondamental. Nous ne pouvons pas vivre sans nature, donc nous en avons besoin. Si nous vivons pas loin des forêts, c’est très bien, ou de la mer, ou de la montagne, des lacs, des rivières, tout ça c’est parfait. Quand nous vivons en ville, c’est important de trouver des parcs ou des jardins qui nous plaisent et d’y aller très régulièrement, de passer du temps. Sachez aussi que marcher pieds nus sur l’herbe ou sur la terre, ça ressource formidablement. Et donc à un moment ou à un autre, on enlève ses chaussettes et ses chaussures et ses chaussettes. Et on marche un peu pieds nus dans l’eau, sur le sable, la terre, l’herbe, etc. Mais la nature est fondamentale pour nous. Les animaux aussi. On peut avoir des animaux de compagnie, mais sinon on peut regarder, écouter les oiseaux ou regarder des documentaires animaliers. En tout cas, on a vraiment besoin d’être très proche de la nature.
Est-ce qu’il y a des outils concrets qui aident les personnes hautement sensibles ? Ou c’est vraiment l’environnement, la nature, le sommeil ? Ou est-ce qu’il y a d’autres choses qui peuvent améliorer l’expérience de vie ?
Oui, alors tout ce qu’on a dit déjà c’est beaucoup si on arrive à le mettre en place, c’est fabuleux. Nous vivons dans une société qui va très vite, qui nous bombarde d’informations et qui, depuis 2019, est assez morose. Donc là, on a besoin de faire des choses en plus. Déjà, se protéger des écrans et des informations. Donc, on peut choisir de lire pour s’informer et non pas de regarder la télévision. Moi, j’ai banni la télévision, ça fait des années maintenant. Donc, quand je m’informe, je lis les revues que j’ai envie de lire ou les sites. Je vais sur les sites qui me semblent apporter de bonnes informations et j’y vais quand je veux. Un moment qui est bon pour moi est souvent le matin. Comme ça, si une information me perturbe, j’ai toute la journée pour la digérer et je dormirai mieux après. Donc, faisons attention aux informations. Il y a les films. Moi je ne supporte pas la violence dans les films. Beaucoup de personnes ultrasensibles non plus ne supportent pas la violence dans les films. Et là aussi c’est une négociation avec les proches et les amis. Certains films, maintenant, je ne me force plus à les regarder parce que ça plaît à l’autre. Je fais autre chose. Donc faisons attention à ça. Il y a aussi les informations qu’on apprend malgré nous. Donc là, quand le système nerveux est trop sollicité, il y a des mouvements qui aident à relancer l’activité du système parasympathique, du nervague ventral. Puisqu’on va nous voir, je vais en montrer un. Donc on approche l’oreille droite de l’épaule droite, et avec les yeux on va regarder à l’opposé, vers le plafond à gauche.
On reste si bonne respiration comme ça, on revient au centre Et on fait la même chose de l’autre côté, on approche l’oreille gauche de l’épaule gauche, on regarde le plafond à droite et on reste si bonne respiration comme ça ou plus si nécessaire, on revient au centre. Ça c’est un exercice qui, là je ne l’ai pas fait, je l’ai fait rapidement pardon, et je sens déjà à quel point ça relance le système parasympathique. Si on le fait plus longtemps et plusieurs fois dans la journée, vraiment on s’apaise. Et moi qui aime beaucoup me faire masser parce que ça m’aide, j’ai remarqué que si je le fais avant un massage, je vais beaucoup plus profiter du massage. Et ça j’ai appris ça par un ostéopathe. Parce qu’en fait, tous les nerfs crâniens vont descendre dans le corps par le cou et notamment par la nuque. Et le nerf vague ventral, qui est associé à d’autres paires de nerfs crâniens, descend là derrière. Donc on peut aussi frotter la partie haute du cou dessous l’osse saillant du bas du crâne. Ça va avoir un effet à peu près similaire. Ou alors, comme en EMDR, mais là on va faire de façon plus fixe, on va regarder complètement avec les yeux à gauche un moment, plusieurs respirations, puis complètement à droite, puis complètement à gauche. Je suis un peu dyslexique par moment, à droite et à gauche. Et ça aussi, quand on a un bâillement, un soupir, une déglutition, des fourmillements, ça veut dire que le système nerveux autonome a été relancé dans sa branche du nervaque ventral.
Ça, ce sont vraiment des choses à connaître pour faire face au moment où, malgré tout ce qu’on fait, on est impacté par le stress ambiant et il y a aussi simplement l’ancrage qu’on peut faire. L’ancrage qu’on peut faire avec les enfants, c’est-à-dire bien s’asseoir sur la chaise, on peut faire ça debout aussi, mais bien s’asseoir sur la chaise et sentir ces deux pieds qui reposent de plus en plus sur le sol, à travers les chaussettes, les chaussures, les mains posées sur les genoux, on ferme les yeux, on sent bien bien ces deux pieds posés par terre, d’un côté comme de l’autre, et après on observe la respiration comme elle est. Ça va nous prendre quoi ? 30 secondes ? Une minute maximum ? Et rien que ça, ça apaise le système nerveux.
Ça fait du bien !
Et dernier petit exercice, tout simple, surtout quand on est au travail, on pose les deux coudes sur la table, ça s’appelle le palming en anglais, mettre les yeux dans les paumes. Et on pose les yeux dans les paumes des mains. Si on a froid aux mains avant, on les frotte et on reste comme ça une minute. Pour le cerveau, c’est une remise à niveau, dans le calme. Ce sont des exercices très simples qu’on peut apprendre aux enfants très tôt. Pour les enfants, il y a aussi le signe de l’infini qu’on fait avec la main. On imagine qu’on a un feutre ou un crayon de couleur entre le pouce et l’index et on va dessiner ce 8 allongé, ce signe de l’infini, on le fait plus longtemps que ce que je fais là pour le montrer. Et on va le faire avec l’autre main aussi. Et on repasse chaque fois bien au centre parce que ça donne au cerveau l’information que je me recentre. Voilà, ça les enfants adorent le faire. On peut leur faire sur une feuille d’abord et après dans le vide devant soi. Et après on leur fait faire les yeux fermés parce que ce sont encore d’autres sensations et ça calme encore plus. Vous voyez, ce sont des exercices extrêmement simples. On les met dans sa boîte à outils et on les ressort quand on a besoin, soit pour soit pour ses enfants.
Vous l’avez dit depuis 2019, C’est compliqué, la situation actuelle. C’est compliqué parce que c’est exacerbé par l’accès à l’information qu’on a via les réseaux sociaux aujourd’hui. C’est plus difficile d’être hautement sensible en 2024-2025 que ça ne l’a été avant ?
Alors oui et non. C’est plus difficile parce que le monde est dans une phase de chaos. Et pour nous rassurer, c’est important de savoir que les phases de chaos ne durent pas toujours. C’est un cycle. Il y a un moment où on va sortir de ce chaos au niveau national, au niveau mondial. Et on sera grandi par tout ce qu’on aura appris pendant cette phase de chaos. Donc c’est pour qu’on voit aussi ce chaos comme une traversée initiatique et non pas comme une fatalité de quelque chose de terrible. C’est dur, c’est vraiment rude, difficile, mais nous apprenons pendant ces années de chaos beaucoup de choses, de ressources humaines qui vont nous permettre de mieux vivre après. Donc c’est vrai que c’est très dur pour les personnes hautement sensibles parce que nous sommes particulièrement impactés.
En même temps, comme nous parlons de la haute sensibilité depuis 1996, ça fera 30 ans l’année prochaine. C’est beaucoup 30 ans, ça fait une génération. Je pense que nous sommes mieux armés, mieux équipés, mieux préparés pour vivre ce chaos et que finalement, les personnes hautement sensibles, je le vois dans ma pratique, je le vois autour de moi, je le vois quand je donne des conférences, les personnes hautement sensibles s’en sortent pas si mal que ça dans ce chaos. Alors bien sûr, on a besoin de se protéger. Alors on disait pas se protéger des autres, mais se protéger, comme je l’ai dit, de ne pas regarder les informations à la télévision, de ne pas être sans arrêt sur les réseaux sociaux, de se recentrer sur les choses qu’on aime, ce dont on a besoin, écouter ses besoins, ce qui serait finalement se préserver, s’écouter. Mais en dehors de ça, je trouve que ce superpouvoir de la haute sensibilité, ce don qu’est cette haute sensibilité, ce trésor, nous permet de nous en sortir finalement plutôt bien dans cette phase de chaos.
Aujourd’hui, il y a une grande inquiétude avec le changement climatique. Est-ce que ça aussi, c’est un impact très fort pour les personnes orchidées puisque c’est en lien avec la nature, c’est en lien avec la vie, avec cette sensibilité qui nous caractérise ?
Oui, justement, nous en tant qu’orchidées, nous avons besoin de préserver notre environnement naturel pour pouvoir fleurir et nous épanouir dans un environnement de qualité. Et je pense que là encore nous sommes des pionnières et des pionniers dans le domaine d’une écologie non pas intellectuelle, abstraite et idéologique, mais d’une écologie pratique. Au jour le jour, quel choix on fait dans ce qu’on mange, ses vêtements, les transports qu’on prend, tous nos choix finalement qui font que nous sommes déjà une force vive de préservation de la planète et d’harmonisation de la planète. Ce qui fait que si les autres parties de la population sont un peu en retard sur nous par rapport à cet engagement en faveur de la nature, nous sommes des gardiennes et des gardiens de la terre, de l’eau, de l’air, etc. Et du vivant sur la terre. Nous sommes la locomotive d’une transformation sociale qui, de toute façon, aura lieu parce que celles et ceux qui ne suivront pas ce chemin d’harmonisation de la nature vont dépérir. C’est la vie dont nous sommes. Finalement, nous sommes des gardiennes et des gardiens de la vie.
Mais ça peut générer beaucoup d’anxiété et de stress ?
Dans les moments où nous sommes face à des informations angoissantes, et il y en a régulièrement, mais c’est tout. Sinon, le reste du temps, je crois que quand on est dans une démarche active, engagée en faveur de la nature, on voit bien tous les fruits que ça porte pour soi, pour ses enfants, pour ses proches, pour ses amis. Ça fait tâche d’huile. Et la façon dont on vit mieux dans nos appartements ou nos maisons quand on fait certaines choses, les voisins aussi se rendent compte que… Ou quand on prend soin de soi. Donc, il y a tellement de preuves probantes que prendre soin de la nature et de soi et de ses proches, ça porte ses fruits que je pense que c’est plus fort que nos moments d’angoisse quand il y a des mauvaises nouvelles.
On n’a pas trop parlé de cet aspect là, mais dans notre environnement, dans notre chez nous, est-ce que la sursaturation, le fait qu’il y a du bazar, le fait qu’il y a trop de choses, ça a un impact sur notre bien-être ?
Oui, oui. Et quand on est très sensible, on y est justement sensible. Donc c’est important que dans une famille, chacune, chacun puisse ranger ses affaires à sa façon, parce qu’on n’a pas forcément la même façon de ranger les affaires ou de les utiliser. C’est un peu compliqué mais bon c’est de laisser chacune et chacun avoir son rangement parce que dans le rangement il y a des repères et dans les repères il y a mon esprit est tranquille de ce côté là pour pouvoir se consacrer à l’essentiel. Donc il y a ça. Après il y a avoir des plantes vertes chez soi, si on veut des animaux, des fleurs, les couleurs qu’on aime. On sait que les couleurs ça fait beaucoup de bien.
On a trop longtemps été dans la mode du gris et du noir, bon pourquoi pas, mais il y a aussi toutes les autres couleurs qui font du bien. Ça peut être la musique, l’environnement sonore, ça peut être toutes sortes de choses qui font la qualité de l’air qu’on respire, le type de chauffage qu’on choisit, est-ce que je filtre l’eau ou pas, enfin toutes sortes de petites choses qui vont faire que notre environnement à la maison peut être finalement de très bonne qualité.
C’est vrai que tout ce dont vous parlez, je le fais chez moi, je suis bordélique, mais faire attention à la qualité de l’eau, le goût de l’eau, j’ai vraiment du mal, même des marques de bouteilles d’eau, je sais qu’aujourd’hui on évite le plus possible les plastiques, mais c’est vrai, il y a des eaux que je n’aime pas, alors qu’il y en a pour qui ça n’a aucun… Ça ne change rien, peu importe d’où elle vient, c’est de l’eau. On fait tout ça, sans s’en rendre compte, on a adapté au final. On fait son choix, on fait son tri. C’est marrant, je ne me voyais pas comme ça, de faire ça chez moi. La lumière aussi, la luminosité.
Et dernièrement, j’entendais à quel point certaines personnes hautement sensibles ont besoin, petit à petit, le soir, de baisser l’intensité de la lumière pour pouvoir se préparer à dormir. Des adultes… Je pense que, en fait, notre sensibilité est tellement merveilleuse qu’elle nous donne toutes les informations dont nous avons besoin pour bien vivre. Et plus nous sommes à l’écoute de notre sensibilité, plus nous allons pouvoir ajuster au quotidien ce qui est bon pour nous, ce qui nous correspond, ce qui nous fait du bien, ce qui nous aide, ce qui nous supporte, ce qui nous soutient.
On a aussi comment on peut ressentir la température extérieure aussi. Même à un degré et demi près ou la moitié d’un degré, on ne se sent pas bien. Ça aussi c’est très commun chez les…
Et la variabilité, c’est-à-dire que vous pouvez sentir le chaud à un moment, vous enlevez une couche, puis après vous allez sentir le froid, c’est-à-dire que ce n’est pas si facile que ça de trouver la bonne température dans laquelle on sent pleinement détendu. Et plutôt que de se dire, oh là là, je suis compliqué ou alors pourquoi je ne suis pas comme les autres, c’est je suis comme ça, je suis un baromètre extrêmement sensible. Marie-France de Palacio, c’est la première à m’avoir fait remarquer en 2016 qu’elle sentait venir les changements de saison très, très à l’avance. Elle sent quelque chose dans l’air. Et depuis qu’elle me l’a dit, je me rends compte que moi aussi et que probablement vous qui m’écoutez, vous allez vous dire ben oui, c’est vrai, je sens que tel changement de temps à tel moment, ça indique que la saison prochaine est en train d’arriver. Or, il se trouve que les Asiatiques et notamment les Chinois, ils fêtent la saison six semaines avant nous. Ils fêtent le début de la saison et non pas l’apogée de la saison. Donc, par exemple, l’hiver pour les Asiatiques a commencé le 12 novembre. Et si vous faites attention, on y est exactement. Et pour eux, le début du printemps, ce sera en février.
Ben ouais, moi, le début du printemps, c’est début mars, quoi. C’est ça, c’est quand on rentre dans les oiseaux et les bourgeons qu’il y a…
Même mi-février, vous avez déjà des fleurs.
Oui, en fonction d’où on vit, clairement, il y a déjà ça. Même chez nous, à Bordeaux, en janvier, on a déjà les fleurs jaunes, j’ai oublié…
Le mimosa.
Le mimosa, tout à fait, on en a partout. C’est vrai, c’est vrai. C’est marrant parce qu’en parlant avec vous pendant une heure, je crois qu’on peut ne pas remarquer qu’on est hautement sensible. Moi j’ai eu la sensation que je ne l’étais pas jusqu’à ce que je fasse des tests et que je m’intéresse à tout ça. Je disais mais non je suis pas et c’est ma psychologue qui disait moi je pense que vous êtes hyper sensible. Et j’avais même lu des livres, certains que vous avez écrits, d’autres, ou des BD. Je me disais non, c’est pas moi, je ne me reconnais pas. J’étais dans un petit peu un déni. Et puis là, en parlant, je me rends compte que je le savais. Pourquoi est-ce qu’on peut avoir ce rapport-là, à se dire non, je ne suis pas comme ça au final ?
Alors déjà, je veux simplement signaler que dans la BD qui s’appelle Ultra Sensible, parue chez Hubert, parce que c’est grâce à Hubert que nous sommes rencontrés, il y a un test à la fin qui permet, qui est un des derniers tests qui a été fait par l’Observatoire de la sensibilité et qui permet d’évaluer sa sensibilité et de trouver si on est hautement sensible ou pas. Donc ça, c’est pour les personnes qui auraient besoin d’un test. La BD s’appelle Ultra Sensible. Mais sinon, moi je crois que j’ai été longtemps comme vous, parce que je ne voulais pas d’une dénomination. Je voulais vivre ma sensibilité, que je sentais très forte, je voulais vivre ma sensibilité à ma façon, sans être dans une catégorie. Et donc j’ai beaucoup résisté. À me dire je suis hautement sensible.
Et puis un jour j’ai dit finalement oui je suis hautement sensible. Donc c’est un chemin possible où ce qui me semble être le plus important c’est quelle est ma sensibilité. Parce que nous sommes tous singuliers et singuliers. Même si nous avons une haute sensibilité nous sommes différents et différents.
Votre BD, c’est drôle, elle se déroule au Québec. L’image que j’ai de cette BD, c’est les magnifiques couleurs de l’automne, c’est cette nature qui est partout. C’est aussi des Québécois qui sont plus ouverts que nous sur ces questions-là, qui ont moins de réticence à parler des émotions. Et on suit ce duo de mère-fille qui se révèle à elle-même, au final, en miroir. Et je trouve que c’est intéressant. J’aime bien le choix d’avoir écrit ça avec une artiste qui est québécoise du coup.
Non, elle l’est en Savoie.
Oui, mais vous avez choisi quand même la place du Québec.
Moi, j’adore le Québec, j’adore les Canadiens et pour toutes les raisons que vous avez évoquées.
Oui, mais c’est vrai qu’on le ressent dans la BD de le lire. Et ces couleurs de l’automne, moi, c’est quelque chose qui m’a toujours fascinée, qui je trouve incroyable. C’est pour ça que j’ai beaucoup aimé la BD, parce qu’on les voit bien. Et ça me fait simplement penser dans cette BD que Souvent, on peut découvrir qu’on est hautement sensible parce qu’on a vu quelqu’un d’autre en parler, c’est ça ? On entre par cette porte-là.
Oui, je pense que c’est la porte par laquelle c’est le plus facile d’y entrer parce que c’est humain, parce que c’est vécu, parce que c’est de l’ordre de l’expérience. Sinon, pour beaucoup de personnes, ça va rester abstrait. Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ? Alors que là, c’est la mère et la fille, mais ça pourrait être une collègue avec une autre collègue ou deux amis ou peu importe. Et en plus, elles n’ont pas la même façon de vivre leur haute sensibilité. L’une est introvertie, la mère, et l’autre est extravertie, la fille. C’est pour ça que ça explose entre elles, parce qu’elles sont très différentes dans leur façon de vivre leur haute sensibilité. Et pourtant, c’est ensemble qu’elles vont découvrir, et surtout la fille qui va aider sa mère, à accepter, connaître et accepter leur haute sensibilité. Je pense qu’on passe beaucoup par les autres. On en a besoin. Nous sommes des êtres de relation avant tout.
Je trouve que c’est une très belle conclusion. C’est vrai et je pense qu’il y en a qui vont écouter en se disant je suis curieuse ou curieux pour mon enfant et au final se dire c’était peut-être moi.
Exactement. Souvent quand on se dit mon enfant est hautement sensible, c’est qu’on l’est soi-même. C’est une façon de le découvrir.
Plus douce.
Plus douce, exactement.
Merci beaucoup Saverio.
Merci Clémentine, c’était un très bon moment.
Merci.